Les facteurs d’impuissance de l’UE
Il existe 3 grands facteurs qui conduisent à relativiser la portée de l’UE en tant que puissance.
– Le 1er est lié au fait que l’UE ne dispose pas directement du pouvoir d’exécuter les décisions qu’elle prend. Elle doit s’appuyer sur les administrations des Etats membres (principe d’administration indirect). Ce principe présente le risque de créer une dilution de l’action Européenne.
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– Le 2ème facteur correspond à la possibilité qu’un Etat membre de l’UE sorte de l’organisation Européenne. La sortie d’un Etat membre affaiblirait l’emprise de l’UE sur un continent, déstabiliserait l’UE au niveau de ses structures, affecterait se crédibilité et pourrait occasionner une réaction en chaîne. Il y a là un risque d’éclatement de l’UE.
– Le 3ème facteur est à mettre en rapport avec le nombre d’Etats membres. L’élargissement de l’UE à la majeure partie des pays du continent Européen est incontestablement la marque de son succès. Mais cet élargissement contient dans le même temps le risque d’un enlisement.
Section 1 : Le risque de dilution
I) Les origines du principe
- A) Les origines structurelles
– Les Etats membres disposent tous d’un appareil administratif plus ou moins conséquent. Il serait donc couteux pour l’UE de monter son propre appareil administratif alors même qu’elle peut saisir cette opportunité.
Par ailleurs, les administrations nationales connaissent mieux le terrain.
– Le mode de détermination des compétences de l’UE.
Au moment où il s’agit d’exécuter les décisions prises dans ces domaines, il est difficile de dire qu’elles tâches incombent à l’UE et lesquelles relèvent de la responsabilité des Etats membres.
– L’UE n’a pas vocation à supprimer la souveraineté des Etats
Ces derniers ont transférés des compétences mais ils entendent conservés un droit de regard sur les politiques Européennes mis en œuvre sur le territoire. C’est notamment par le biais des politiques de l’UE que les Etats membres parviennent à reprendre la main.
- B) L’origine textuelle
Le principe d’administration indirecte trouve sa source dans un autre principe : celui de la coopération royale définit par l’article 4 du TUE.
Cet article dispose que les « Etats membres prennent toute mesure générale ou particulière propre à assurer leur obligation découlant des traités ou résultant des actes des institutions de l’UE ».
Il s’impose donc à eux une obligation de résultat, mais aussi une obligation de moyen puisque selon cet article, « les Etats membres facilitent l’accomplissement par l’UE de sa mission ». Cette obligation d’exécution est plus ou moins forte selon les cas.
Il y a en effet, des directives ou règlement qui n’appellent pas vraiment de mesure d’exécution.
Ex : l’interdiction d’un produit pharmaceutique sur le marché ne mobilisera l’administration que pour modifier la suppression du produit.
II) La portée du principe d’administration indirecte
- A) Les manifestations du principe
Cela suppose que les Etats soient libres de s’organiser comme ils l’entendent dans l’exécution des politiques de l’UE. Cette liberté se retrouve effectivement au niveau des organes politiques et juridictionnels.
1) Les conséquences sur les organes politiques
Les Etats membres ont le choix dans l’attribution du pouvoir de transposition des directives.
En France, c’est le Parlement qui est compétent, mais le gouvernement a pu lui aussi procéder à la transposition de directives par la voir des ordonnances prévues à l’article 38 de la constitution.
Par ailleurs, dans les ministères, il s’est progressivement instauré des postes de conseiller technique ou de chargés de missions spécialisés dans les questions Européennes. Cela n’empêche pas l’existence de ministère en charge des affaires Européennes mais ceux-ci n’exercent pas à proprement parlé des compétences d’exécution.
2) Les conséquences sur les organes juridictionnelles
En matière contentieuse, c’est le juge national qui représente la juridiction de droit commun en matière communautaire même s’il lui faut dans certaines situations suspendre l’instance afin de renvoyer le litige à la juridiction communautaire.
Le reste du temps, le juge national bénéficie du principe d’autonomie procédural.
La Cour de Justice veille à ce les justiciables bénéficie d’une protection juridictionnelle effective.
Ainsi, dans leur pays de résidence les particuliers doivent pouvoir trouver une voir de droit pour défendre leur intérêt pour défendre leur intérêt dans les domaines qui relèvent de la compétence de l’UE.
De même, la Cour de Justice a considéré que la procédure ne devait pas obliger un particulier à fournir des preuves au-delà du raisonnable.
En France, le rôle des juridictions administratives est particulièrement décisif car ils peuvent annuler des actes pris par l’administration (dans le cadre du REP).
B) Les limites au principe
Il y a des cas assez rares dans lesquels la Commission donne des instructions à des organismes nationaux. Il s’agit alors de compétences très intégrées (ex : gestion des marchés agricoles).
La Commission peut aussi agir de façon indirecte par la voie de communications, de codes de conduites, ou encore de lignes directrices.
Ce phénomène d’agissement indirect se rencontre particulièrement dans le cadre des aides d’Etats.
La Commission peut aussi contrôler l’action des Etats membres et dispose d’un droit à l’information. Ce droit oblige les services nationaux à transmettre toute information relative à leur fonctionnement.
Ex : La Commission doit être informée de l’identité des organismes nationaux qui attribue et contrôle les certifications Européennes (agriculture biologique…).
Ce droit à l’information serait en partie inutile si la Commission n’avait de pouvoir de contrôle. La commission peut ainsi exercer des contrôles sur pièce et sur place dans les locaux des organismes nationaux, chargés de la mise en œuvre des politiques de l’UE.
Les inspecteurs habilités par la Commission peuvent avoir accès à tout document commercial ou fiscal, ainsi qu’aux livres de comptes.
Section 2 : La sortie d’un Etat membre : Le risque d’éclatement.
Le problème qui se pose est de savoir si un Etat membre peut librement quitter l’UE.
Le Traité de Lisbonne a apporté une solution.
I) Les données du problème
A priori, les Etats conservant leur souveraineté devraient pouvoir quitter l’UE librement. Ils ne sont liés à l’UE que par des « traités ». Ce n’est pas comme dans un Etat fédéral où la Constitution garantit l’unité et où l’idée de sortie d’un Etat fédéré est exclue.
En même temps, les Etats membres ont atteints un tel niveau d’intégration que le retrait de l’un d’eux pourrait saper les fondations mêmes de l’UE.
A ce propos, il faut noter qu’il n’y a pas de limitation de la durée des Traités (sauf CECA expiré en 2002). Le Traité Rome et le Traité de l’UE précisaient même qu’ils étaient conclus pour une « durée illimitée ».
Cependant, l’UE n’a aucun intérêt à garder en son sein un Etat qui ne souhaite plus participer à la construction communautaire.
Celui-ci fausserait les débats au Conseil, bloquerait les décisions prises à l’unanimité, refuserait les sanctions prononcées à son encontre, remettrait en place des mesures protectionnistes…
II) La solution au problème
Les textes à l’origine ne prévoyaient aucune procédure de sortie. Il existe bien une procédure de suspension des droits mais d’une part il n’y a pas de volonté unilatérale de l’Etat de se retirer. Ce sont les autres Etats qui prononcent la suspension.
D’autre part, la suspension ne doit pas être confondue avec l’exclusion ou le retrait.
On aurait pu imaginer l’application du principe du « parallélisme des formes ». C’est à dire qu’un Etat aurait pu sortir de l’UE suivant la même procédure de celle par laquelle il y est entré.
Cela obligerait chaque membre de l’UE à se prononcer pour ou contre le maintien d’un Etat membre.
Le Traité de Lisbonne a accordé aux Etats un droit de retrait. Il est prévu à l’article 50 du TUE que l’Etat doit en 1er lieu doit notifier son intention au Conseil Européen, une négociation s’ouvre alors avec le Conseil dans la perspective d’un accord régissant les modalités du retrait.
Le Conseil se prononce à la majorité qualifié après que l’accord ait eu l’approbation du parlement Européen.
L’Etat candidat à la sortie, il doit prendre les dispositions nécessaires à la suppression dans la constitution de toute référence à son engagement communautaire. Or les procédures de révision constitutionnelles sont en général exigeantes (majorité qualifié ou référendum), ce qui oblige l’Etat à asseoir sa décision sur un consensus minimal au sein du pays.
Section 3 : Le nombre d’Etat membres : le risque d’enlisement
Dans la mesure où le nombre de domaines concernés par l’unanimité tend à diminuer, le nombre d’Etat membre est moins qu’auparavant un obstacle au fonctionnement normal de l’UE.
A partir du moment où la construction Européenne est un processus continu, le perfectionnement de l’armature institutionnelle de l’UE est une question qui se pose régulièrement.
Or, la révision des traités constitutifs repose sur des procédures à l’unanimité.
Le nombre d’Etat membres peut être un frein à la constitution Européenne. L’UE n’aurait pas les moyens de rivaliser avec des pays puissants comme la Chine ou les USA.
I) La procédure de révision ordinaire
L’article 48 du TUE institue la procédure de révision ordinaire. Elle permet d’opérer une modification des traités quel que soit la disposition en cause. Elle peut ainsi conduire à des changements au niveau de l’organisation des institutions de l’UE.
L’initiative de la révision appartient au gouvernement de tout Etat membre, à la Commission, et au parlement Européen.
Le Conseil Européen est alors saisi du projet de révision, il doit ainsi consulter la Commission et le Parlement Européen, puis il décide à la majorité simple de convoquer une convention.
– La phase préparatoire :
La convention est composée de représentants des parlements nationaux, de la Commission, et de chaque Etats ou gouvernements.
Le rôle de la convention est de préparer un projet de révision plus complet.
Elle adopte alors une recommandation par consensus.
Il s’ensuit une phase interétatique qui se déroule en 2 temps :
– Une conférence des gouvernements des Etats membres (CIG) est chargée d’arrêter les modifications à apporter aux traités. Elle statue à l’unanimité.
– Le projet de traité doit être ratifié par tous les Etats membres. Ils statuent selon leurs procédures constitutionnelles.
Ce sont donc soit les parlements nationaux (congrès), soit les peuples européens (référendum) se retrouvant en position d’adopter ou non le projet de révision.
L’adoption définitive est donc régie par le principe d’unanimité.
II) Les solutions éventuelles
Le projet « Penelope » avait pour but de détourner cet écueil de l’unanimité. Il prévoyait qu’au terme d’un certain nombre d’années, si 5/6ème des Etats membres avaient procédés à la ratification, alors les Etats minoritaires pouvaient être considérés comme exclus de l’UE.
Le but était de mettre la pression sur les Etats récalcitrants. Cependant, il n’a jamais vu le jour car il était rattaché au « Traité établissant une Constitution pour l’Europe ».
En droit positif, il existe des procédures simplifiées. La 1ère continue de reposer sur le principe de l’unanimité, elle ne fait que supprimer l’établissement de la CIG et la convocation de la convention.
La 2ème procédure dite « clause de passerelle » permet au Conseil Européen de décider dans un domaine soumis en principe à la règle de l’unanimité que le Conseil statuera à l’avenir à la majorité qualifiée.
La « clause de passerelle » ne permet pas de mener des mesures d’ampleur. Elle ne vise que le mode de décision au sein du conseil. Le constat d’une difficile révision des Traités constitutifs doit être nuancé.
Les mécanismes de coopération renforcées permettent à des Etats d’approfondir les compétences de l’UE quand d’autres Etats y font obstacle.
En cas de succès, cet approfondissement peut avoir un effet d’entrainement et convaincre ainsi les Etats récalcitrants de se lancer dans des réformes plus larges.
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