Le régime de l’usufruit.
L’usufruit est un droit réel temporaire, qui confère à son titulaire le droit d’user d’un bien (usus) et d’en percevoir les fruits (fructus), tout en conservant la substance du bien. Ce démembrement du droit de propriété laisse au nu-propriétaire la seule faculté de disposer du bien (abusus), c’est-à-dire de le vendre, le modifier ou l’hypothéquer.
L’usufruit peut être constitué volontairement (par contrat ou testament) ou résulter de la loi (usufruit du conjoint survivant, des parents, prestation compensatoire en divorce).. Son exercice implique des droits étendus mais aussi des obligations, notamment en matière d’entretien et de conservation du bien.
I) Définition et principes de l’usufruit
L’usufruit est un droit réel temporaire, permettant à son titulaire d’utiliser un bien et d’en percevoir les fruits, tout en en conservant la substance.
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A) Définition légale de l’usufruit
L’article 578 du Code civil définit l’usufruit comme :
« L’usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d’en conserver la substance. »
L’usufruit permet donc à son titulaire de :
- Utiliser le bien (droit d’usage – usus).
- En percevoir les fruits et revenus (fructus).
- Sans pouvoir le céder définitivement (abusus réservé au nu-propriétaire).
B) Distinction entre usufruit et pleine propriété
L’usufruit est un démembrement de propriété, car il divise les attributs du droit de propriété :
Titulaires | Usus (Usage) | Fructus (Revenus, loyers, récoltes) | Abusus (Disposition, vente, destruction) |
---|---|---|---|
Usufruitier | ✔️ Oui | ✔️ Oui | ❌ Non (ne peut pas vendre le bien) |
Nu-propriétaire | ❌ Non | ❌ Non | ✔️ Oui (peut vendre la nue-propriété) |
II) La constitution de l’usufruit.
L’article 579 du Code civil dispose que l’usufruit peut être établi par la loi ou par la volonté de l’homme.
A) L’usufruit volontaire (Conventionnel)
L’usufruit peut résulter d’un contrat ou d’un testament.
-
Usufruit à titre gratuit (donation avec réserve d’usufruit, testament)
- Un propriétaire peut donner la nue-propriété d’un bien tout en se réservant l’usufruit jusqu’à son décès.
- Cet outil est souvent utilisé pour anticiper une succession tout en réduisant les droits de donation.
-
Usufruit à titre onéreux
- Un propriétaire peut vendre la nue-propriété d’un bien et se réserver l’usufruit.
- Exemple : Une vente avec clause de réserve d’usufruit permet au vendeur de continuer à vivre dans son logement tout en percevant des fonds de l’acheteur.
B) L’usufruit légal (Imposé par la loi)
Dans certains cas, la loi accorde un usufruit à certaines personnes sans qu’un contrat soit nécessaire.
-
L’usufruit du conjoint survivant (article 757 du Code civil)
- Depuis la loi du 3 décembre 2001, le conjoint survivant a le choix entre :
- L’usufruit sur la totalité des biens du défunt (si les enfants sont communs).
- Le quart des biens en pleine propriété.
- Cet usufruit peut être aménagé par testament ou donation entre époux.
- Depuis la loi du 3 décembre 2001, le conjoint survivant a le choix entre :
-
L’usufruit des parents sur les biens de leur enfant mineur (articles 382 à 387 du Code civil)
- Principe : Les parents disposent d’un usufruit légal sur les biens de leur enfant mineur, sauf :
- Les biens acquis par l’enfant grâce à son travail.
- Les biens reçus par donation ou succession avec clause d’exclusion.
- Principe : Les parents disposent d’un usufruit légal sur les biens de leur enfant mineur, sauf :
-
L’usufruit dans le cadre du divorce (article 274-2 du Code civil)
- Lors d’un divorce, le juge peut attribuer une prestation compensatoire sous forme d’usufruit à l’un des époux.
- Cet usufruit peut porter sur un bien immobilier et permet à l’ex-conjoint de continuer à l’occuper.
III) La situation de l’usufruitier.
1) A l’ouverture de l’usufruit.
Avant d’entrer en jouissance du bien, l’usufruitier doit respecter certaines obligations destinées à garantir la préservation du bien et à protéger les droits du nu-propriétaire. Ces obligations concernent principalement l’établissement d’un inventaire et la fourniture d’une caution, sauf dispense légale ou contractuelle.
I. L’établissement d’un inventaire (Article 600 du Code civil)
A) Principe et finalité
L’article 600 du Code civil impose à l’usufruitier de dresser un inventaire avant d’entrer en jouissance du bien :
« L’usufruitier prend les choses dans l’état où elles sont, mais il ne peut entrer en jouissance qu’après avoir fait dresser, en présence du propriétaire, ou lui dûment appelé, un inventaire des meubles et un état des immeubles sujets à l’usufruit. »
Cet inventaire a une double finalité :
- Établir la consistance exacte des biens soumis à l’usufruit (meubles, immeubles, valeurs mobilières…).
- Vérifier l’état des biens au moment de l’entrée en jouissance, afin d’éviter tout litige lors de la restitution à la fin de l’usufruit.
💡 Importance de l’inventaire :
- Il constitue une preuve légale de l’état des biens au début de l’usufruit.
- Il protège l’usufruitier contre d’éventuelles accusations de détérioration.
- Il évite les conflits entre usufruitier et nu-propriétaire lors de la restitution.
B) Procédure d’établissement
L’inventaire doit être réalisé en présence du nu-propriétaire ou après l’avoir dûment convoqué. Il doit être :
- Documenté de manière détaillée (description des biens, état des lieux, photos, expertises si nécessaire).
- Réalisé par un huissier ou notaire en cas de litige potentiel.
⚠️ Si l’inventaire n’est pas réalisé, l’usufruitier ne peut pas entrer en jouissance du bien.
C) Dispense de l’inventaire
L’établissement d’un inventaire n’est pas une règle d’ordre public et le nu-propriétaire peut dispenser l’usufruitier de cette obligation, notamment lorsque :
- L’usufruit a un caractère familial (exemple : conjoint survivant, parents et enfants).
- Il existe une relation de confiance entre les parties.
⚠️ Conséquences en cas d’absence d’inventaire sans dispense :
- Le nu-propriétaire peut refuser l’entrée en jouissance à l’usufruitier.
- Si l’usufruitier prend possession sans inventaire, le nu-propriétaire pourra prouver par tout moyen l’état initial des biens pour réclamer une indemnisation en cas de dégradation.
II. La caution de jouir en bon père de famille (Article 601 du Code civil)
A) Principe de la caution
L’article 601 du Code civil impose à l’usufruitier de fournir une caution avant de prendre possession du bien :
« Il donne caution de jouir en bon père de famille, s’il n’en est dispensé par l’acte constitutif de l’usufruit ; cependant les père et mère ayant l’usufruit légal du bien de leurs enfants, le vendeur ou le donateur, sous réserve d’usufruit, ne sont pas tenus de donner caution. »
💡 Rôle de la caution :
- Garantir la bonne gestion du bien par l’usufruitier.
- Indemniser le nu-propriétaire en cas de défaillance (exemple : non-entretien, dégradation grave du bien).
- Servir de sûreté pour couvrir d’éventuelles obligations financières de l’usufruitier.
B) Modalités de la caution
La caution peut être :
- Une personne physique ou morale qui s’engage à payer en cas de problème.
- Une garantie financière sous forme d’un dépôt de garantie ou d’une assurance couvrant les risques liés à l’usufruit.
C) Dispense de caution
L’usufruitier peut être dispensé de cette obligation dans certains cas :
- Usufruit légal des parents sur les biens de leurs enfants mineurs.
- Usufruit du vendeur ou du donateur qui a conservé l’usufruit d’un bien cédé.
- Dispense prévue dans l’acte constitutif de l’usufruit.
⚠️ Sanction en cas de défaut de caution :
- Si l’usufruitier ne fournit pas la caution requise, le nu-propriétaire peut lui refuser l’entrée en jouissance.
- Il est possible de saisir le juge pour contraindre l’usufruitier à donner cette caution ou réduire ses droits en cas de risque avéré pour le bien.
III. Conséquences du non-respect de ces obligations
A) En cas d’absence d’inventaire
- Le nu-propriétaire peut interdire l’entrée en jouissance du bien.
- Si l’usufruitier prend possession sans inventaire, le nu-propriétaire peut prouver par tout moyen l’état du bien et réclamer des indemnités.
B) En cas de non-fourniture de la caution
- L’usufruitier ne peut pas prendre possession du bien.
- En cas de risque de mauvaise gestion, le juge peut ordonner la suppression de l’usufruit ou imposer des mesures conservatoires.
En résumé : Avant d’entrer en jouissance, l’usufruitier doit :
- Faire établir un inventaire détaillé du bien pour éviter tout litige futur.
- Fournir une caution pour garantir le bon usage du bien, sauf dispense expresse.
- Respecter ces obligations sous peine de voir son usufruit suspendu ou contesté par le nu-propriétaire.
Ces obligations permettent de protéger à la fois l’usufruitier et le nu-propriétaire et d’assurer une jouissance sereine du bien.
2) Durant l’usufruit.
a) LES DROITS DE L’USUFRUITIER :
L’usufruitier, en tant que titulaire d’un droit réel temporaire, bénéficie de plusieurs prérogatives sur le bien objet de l’usufruit. Il peut user du bien (usus), en percevoir les fruits (fructus) et accomplir certains actes juridiques liés à son administration. Toutefois, son pouvoir demeure limité, notamment en ce qui concerne les actes de disposition.
I. Le droit d’usage (Usus)
L’usufruitier a le droit d’utiliser le bien soumis à l’usufruit. Ce droit s’exerce en fonction de la nature du bien :
- Si l’usufruit porte sur un bien immobilier : L’usufruitier peut l’occuper personnellement ou le mettre en location.
- Si l’usufruit porte sur des meubles meublants : L’usufruitier peut s’en servir, à condition de les restituer en bon état à la fin de l’usufruit.
- Si l’usufruit porte sur un fonds de commerce : L’usufruitier peut exploiter l’entreprise ou mettre le fonds en location-gérance.
Article 589 du Code civil :
« Si l’usufruit porte sur des choses qui se détériorent par l’usage (linge, meubles meublants), l’usufruitier peut s’en servir et les rendre en l’état à la fin de l’usufruit, sauf s’il y a des détériorations imputables à l’usufruitier. »
⚠️ Exception :
Si l’usufruitier vend des marchandises issues d’un fonds de commerce (ce qui relève normalement de l’abusus), il doit maintenir la valeur du stock jusqu’à la fin de l’usufruit.
II. Le droit de jouissance (Fructus)
L’usufruitier a le droit de percevoir les fruits du bien :
- Fruits naturels et industriels : récoltes agricoles, productions forestières, produits extraits d’un gisement, etc.
- Fruits civils : loyers perçus en cas de mise en location.
💡 L’usufruitier perçoit les loyers d’un bien immobilier qu’il loue, même si le nu-propriétaire en conserve la propriété.
III. Le droit de gestion et d’administration du bien
L’usufruitier peut accomplir tous les actes d’administration et de conservation du bien, sous réserve des limites imposées par le Code civil.
Exemple : Le droit de conclure des baux (Article 595 du Code civil)
L’usufruitier peut donner le bien en location, sous certaines conditions :
-
Baux d’habitation et baux professionnels
- L’usufruitier peut conclure seul ces contrats, sans accord du nu-propriétaire.
- Ces baux sont soumis aux articles 1709 et suivants du Code civil.
-
Baux commerciaux et baux ruraux
- Ces contrats ayant une durée minimale de 9 ans, ils sont considérés comme des actes de disposition.
- L’usufruitier doit obtenir l’accord du nu-propriétaire avant de conclure ou renouveler ces baux.
- En cas de refus injustifié du nu-propriétaire, l’usufruitier peut saisir le juge pour obtenir une autorisation judiciaire.
⚠️ Si l’usufruitier conclut un bail commercial ou rural sans accord du nu-propriétaire :
- Le bail est nul à l’égard du nu-propriétaire, qui peut exiger son annulation.
- Toutefois, le bail reste valable entre l’usufruitier et le locataire.
- Le locataire évincé peut exiger des dommages et intérêts de l’usufruitier, en vertu de l’article 1719 du Code civil.
IV. Le droit de cession de l’usufruit (Article 595, alinéa 1 du Code civil)
L’usufruit étant un droit réel, il peut être cédé :
- À titre gratuit (donation) ou à titre onéreux (vente).
- Cependant, la durée de l’usufruit initial ne change pas :
- Si l’usufruit est viager, il prend fin au décès du premier usufruitier.
- Si l’usufruit est temporaire, il prend fin à la date prévue lors de sa création.
V. Le droit d’hypothéquer son usufruit
L’article 595 du Code civil reconnaît le droit de l’usufruitier d’hypothéquer son usufruit, à condition qu’il porte sur un immeuble. Cela signifie :
- L’usufruitier peut donner son droit en garantie d’un crédit.
- Le créancier peut saisir l’usufruit en cas de non-paiement.
- L’hypothèque disparaît à l’extinction de l’usufruit (ex. au décès de l’usufruitier en cas d’usufruit viager).
VI. Le droit d’ester en justice
L’usufruitier peut agir en justice pour protéger son droit :
- Contre le nu-propriétaire, s’il entrave l’usage ou la jouissance du bien.
- Contre des tiers, en cas d’atteinte au bien (ex. troubles de voisinage, occupation illégale).
- Pour demander des dommages et intérêts, si son droit est violé.
En résumé : L’usufruitier dispose de droits étendus sur le bien, notamment l’usage, la perception des revenus, la gestion du bien et la possibilité de céder ou hypothéquer son usufruit. Toutefois, ces droits sont limités par l’obligation de préserver la substance du bien et de respecter les intérêts du nu-propriétaire. En cas de conflit, l’usufruitier peut agir en justice pour protéger son droit.
b) LES OBLIGATIONS DE L’USUFRUITIER :
L’usufruitier, bien que bénéficiant du droit d’usage (usus) et de jouissance (fructus) du bien, est tenu par plusieurs obligations légales afin d’assurer la préservation du bien et d’en garantir la restitution en bon état à l’extinction de l’usufruit.
I. L’obligation de conservation et d’entretien du bien
A) Le principe du bon père de famille
L’article 601 du Code civil impose à l’usufruitier d’user du bien en bon père de famille, c’est-à-dire avec prudence et diligence :
- Il doit maintenir le bien en bon état et éviter toute détérioration qui ne résulterait pas de l’usure normale.
- Il ne peut pas modifier la destination du bien, sauf si des circonstances économiques ou techniques justifient un changement.
L’article 578 du Code civil précise également que l’usufruitier doit conserver la substance du bien, ce qui signifie :
- Il ne peut pas détruire le bien.
- En cas de perte ou de détérioration du bien, il peut être tenu responsable, sauf en cas de force majeure.
⚠️ Exception jurisprudentielle : La Cour de cassation a admis, dès 1845, que l’usufruitier d’un hôtel pouvait le louer sans obligation de poursuivre l’activité hôtelière, démontrant ainsi une adaptation de la règle aux réalités économiques.
B) L’obligation d’entretien du bien
L’article 605 du Code civil prévoit que l’usufruitier est tenu d’effectuer les réparations d’entretien, tandis que les grosses réparations incombent au nu-propriétaire (article 606 du Code civil).
1. Réparations d’entretien à la charge de l’usufruitier
L’usufruitier doit assurer toutes les réparations nécessaires au maintien en bon état du bien, telles que :
- Peinture et revêtement des murs.
- Remplacement des équipements usés (robinets, fenêtres, volets).
- Entretien des toitures et gouttières (hors réfection complète).
- Réparation des installations électriques ou sanitaires.
⚠️ Si l’usufruitier néglige cet entretien et que cela cause des détériorations majeures, il peut être sanctionné et voir son usufruit révoqué.
2. Grosses réparations à la charge du nu-propriétaire
L’article 606 du Code civil définit limitativement les grosses réparations, qui concernent la structure et la solidité du bien :
- Réparation des gros murs et voûtes.
- Rétablissement des poutres et des couvertures entières.
- Réfection des digues, murs de soutènement et de clôture.
💡 Interprétation jurisprudentielle élargie :
La Cour de cassation considère également que toute réparation touchant au caractère durable du bien (ex. renouvellement des zingueries) est à la charge du nu-propriétaire.
⚠️ À l’inverse, le ravalement de façade, bien qu’affectant des murs porteurs, est considéré comme une simple réparation d’entretien et incombe donc à l’usufruitier.
3. Le problème du refus du nu-propriétaire d’effectuer les grosses réparations
- Le nu-propriétaire ne peut pas être juridiquement contraint d’effectuer ces réparations.
- Si les grosses réparations sont nécessaires et que le nu-propriétaire refuse de les faire, l’usufruitier peut les réaliser à ses frais, mais il pourra en demander le remboursement au moment de l’extinction de l’usufruit.
💡 Dans un usufruit conventionnel, une clause spécifique peut être insérée pour obliger le nu-propriétaire à effectuer les grosses réparations.
II. L’obligation de rebâtir en cas de destruction du bien
L’article 607 du Code civil précise que ni l’usufruitier ni le nu-propriétaire ne sont tenus de reconstruire un bien détruit par vétusté ou cas de force majeure.
📌 Conséquence :
- Si un immeuble soumis à usufruit s’effondre suite à une catastrophe naturelle, l’usufruitier perd son droit, sauf si le bien était assuré, auquel cas l’usufruit peut se reporter sur l’indemnité d’assurance.
- Si l’immeuble est partiellement endommagé mais reste habitable, l’usufruit continue sur ce qui reste.
III. L’obligation de contribuer aux charges et dettes
L’usufruitier est responsable du paiement des charges d’usage et d’exploitation du bien.
A) Les charges usufructuaires (article 608 du Code civil)
L’usufruitier doit régler :
- Les charges annuelles liées à l’utilisation du bien (ex. eau, chauffage, électricité).
- Les impôts et taxes liés à l’usage, notamment :
- La taxe foncière, sauf la part correspondant aux travaux d’amélioration qui incombe au nu-propriétaire.
- La taxe d’habitation, si l’usufruitier occupe personnellement le bien.
- L’impôt sur les revenus fonciers, si le bien est loué par l’usufruitier.
📌 Conséquence en cas de non-paiement :
Le nu-propriétaire pourrait être contraint de régler certaines charges (ex. taxe foncière) mais il pourra demander le remboursement à l’usufruitier.
B) Absence d’obligation sur les dettes du nu-propriétaire
L’usufruitier n’a pas à supporter les dettes du nu-propriétaire qui ne sont pas directement liées à l’usage du bien.
IV. Sanctions en cas de manquement aux obligations
Si l’usufruitier ne respecte pas ses obligations, plusieurs sanctions peuvent être appliquées :
A) Action en justice du nu-propriétaire
Le nu-propriétaire peut :
- Saisir le juge pour contraindre l’usufruitier à entretenir le bien.
- Demander des dommages et intérêts en cas de dégradations.
B) Déchéance de l’usufruit (article 618 du Code civil)
Si l’usufruitier cause un préjudice grave au bien (ex. absence d’entretien majeur, transformation illégale du bien), le nu-propriétaire peut demander la déchéance de l’usufruit en justice.
⚠️ La déchéance est une sanction exceptionnelle, prononcée lorsque le comportement de l’usufruitier met en péril la substance même du bien.
En résumé : L’usufruitier doit entretenir le bien et veiller à sa conservation. Il est tenu :
- D’assurer les réparations d’entretien, tandis que le nu-propriétaire prend en charge les grosses réparations.
- De ne pas modifier la destination du bien, sauf circonstances particulières.
- De payer les charges courantes et certains impôts liés à l’usage du bien.
- De respecter la substance du bien, sous peine de sanctions pouvant aller jusqu’à la déchéance de l’usufruit.
En revanche, ni l’usufruitier ni le nu-propriétaire ne sont tenus de reconstruire un bien détruit par force majeure.
IV) La situation du nu-propriétaire.
Le nu-propriétaire est le titulaire du droit de propriété démembré, mais son pouvoir sur le bien est limité tant que l’usufruit est en vigueur. Il ne peut ni l’utiliser ni en percevoir les fruits, ces prérogatives appartenant à l’usufruitier. Toutefois, il conserve certains droits fondamentaux, notamment le droit d’abusus, ainsi que des obligations, principalement liées à l’entretien du bien.
I. Les droits du nu-propriétaire
A) Le droit aux produits du bien
Bien que le nu-propriétaire ne perçoive pas les fruits générés par le bien (ex. loyers, récoltes), il conserve le droit aux produits, qui se distinguent des fruits :
- Les produits sont des éléments tirés du bien mais qui en altèrent la substance, contrairement aux fruits qui se renouvellent (exemple : exploitation d’une carrière, coupe de bois en forêt, extraction de ressources naturelles).
- En pratique, le nu-propriétaire perçoit ces produits, sauf disposition contraire.
B) Le droit d’abusus (disposition du bien)
Le nu-propriétaire conserve la faculté de disposer du bien, mais cette disposition est limitée :
- Il peut vendre ou céder la nue-propriété, sans avoir besoin de l’accord de l’usufruitier.
- La cession de la nue-propriété n’affecte pas l’usufruit, qui se poursuit normalement jusqu’à son extinction.
- Il ne peut pas détruire ni modifier substantiellement le bien tant que l’usufruit est en cours.
⚠️ L’acheteur d’une nue-propriété récupérera automatiquement la pleine propriété à l’extinction de l’usufruit.
C) Le droit d’hypothèque ou de gage
Le nu-propriétaire peut utiliser son droit comme garantie pour un crédit :
- Sur un bien immeuble, il peut hypothéquer la nue-propriété.
- Sur un bien meuble, il peut mettre en gage son droit d’abusus.
💡 L’intérêt pour le créancier : lorsque l’usufruit prend fin, la pleine propriété est automatiquement reconstituée, ce qui sécurise la valeur de la garantie.
D) Le droit de surveillance de l’usufruitier
Le nu-propriétaire peut contrôler l’usufruitier pour s’assurer que le bien est correctement entretenu :
- S’il constate des dégradations, il peut saisir le juge pour demander des réparations ou la déchéance de l’usufruit.
- Il peut agir en justice si un tiers porte atteinte au bien (ex. occupation illicite, détérioration par un locataire).
- Dans le cadre d’un portefeuille de valeurs mobilières, il a un droit d’information sur les transactions effectuées par l’usufruitier.
II. Les obligations du nu-propriétaire
A) L’obligation des grosses réparations
L’article 606 du Code civil prévoit que les grosses réparations incombent au nu-propriétaire, sauf clause contraire. Ces réparations concernent :
- Les gros murs et voûtes.
- Le rétablissement des poutres et des couvertures entières.
- Les digues et murs de soutènement.
💡 Exception :
- Si les grosses réparations résultent d’un manque d’entretien de l’usufruitier, ce dernier peut être contraint d’y contribuer.
- Le nu-propriétaire ne peut pas être forcé d’effectuer ces réparations, sauf stipulation contraire dans l’acte constitutif de l’usufruit.
B) L’obligation de ne pas nuire aux droits de l’usufruitier
Le nu-propriétaire ne doit pas empêcher l’usufruitier d’exercer ses droits :
- Il ne peut pas gêner la jouissance du bien (exemple : interdiction d’entrer dans un logement donné en usufruit sans autorisation).
- Il ne peut pas s’ingérer dans la gestion quotidienne du bien.
- Il doit respecter les baux conclus par l’usufruitier, sauf exception pour les baux commerciaux et ruraux, qui nécessitent son accord.
En résumé : Le nu-propriétaire conserve certains droits, notamment le droit d’abusus (vente, hypothèque), le droit aux produits du bien et le droit de surveillance de l’usufruitier. Cependant, il ne peut pas jouir du bien ni en percevoir les revenus tant que l’usufruit est en cours.
Il a également des obligations, principalement la prise en charge des grosses réparations et l’interdiction de porter atteinte aux droits de l’usufruitier.