Qu’est-ce que l’usus, le fructus et l’abus?

Le contenu du droit de propriété. 

Le contenu du droit de propriété renvoie à trois prérogatives dont seule la réunion forme le droit de propriété : l’usus, le fructus et l’abusus

Section I. L’usus (droit d’utiliser le bien). 

Paragraphe 1 : La notion d’usus 

Liberté de choisir l’affectation et la destination d’un bien qui en principe n’est exercé que par le propriétaire.  

Celui-ci ne cesse pas d’exercer son usus lorsqu’il consent à ce qu’autrui se serve de son bien (louer, prêter). En droit, le propriétaire est libre de ne pas se servir de son bien. Dire que l’usus est une liberté est une qualification juridique car elle est en droit une prérogative qui peut ne pas être exercée sans aucune conséquence. 

Paragraphe 2 : Les limites de l’usus 

Les limites de l’usus ne sont pas une remise en cause de la notion. C’est surtout pour dire que l’usus ne couvre pas tout les comportements possibles d’un propriétaire. La principale limite n’est pas dans le Code civil. 

  1. L’abus du droit de propriété : l’abus de l’usus

Cette première limite est une création prétorienne et qui se fait tout au long du 19ème s . 

Un propriétaire peut être responsable au sens juridique d’avoir exercé son droit ? De cet exercice résulte un préjudice pour un tiers. Le tiers victime des conséquences de l’exercice du droit de propriété est-il juridiquement fondé à recevoir réparation ? Que vaudrait un droit dont le seul exercice conduirait son titulaire à être responsable ? 

Rien ! Nul n’est laissé par l’exercice d’un droit, il est donc impossible théoriquement de concevoir l’abus de propriété et ce droit a longtemps été présenté comme 1 droit discrétionnaire c’est-à-dire un droit qui n’est pas susceptible d’abus et qui vaut reconnaissance pleine et entière de la liberté d’exercice de son titulaire. Ce droit assure à son titulaire de ne jamais exposer ses motivations.  

Exemple de droit discrétionnaire : avant 2006 père et mère avait le droit d’opposition au mariage, il n’y avait donc pas la crainte de devoir s’expliquer devant un juge.  

Néanmoins, est ce que le droit de propriété peut-il être la source de responsabilité ? Non, mais le faite qu’un propriétaire échappe toujours à ses responsabilités n’a plus de sens aujourd’hui.  

L’abus du droit objectif de propriété ne se conçoit pas mais d’un droit de propriété est tout à fait concevable. L’abus du droit de propriété aurait pour critère l’intention de nuire, aucun droit n’est reconnu pour uniquement nuire à autrui, tout propriétaire exerçant son droit uniquement pour nuire à autrui en abuserait et ne serait donc plus protégé car il serait plus conforme au but même de la propriété. Aveu : la reconnaissance spontanée d’un fait défavorable.  

Pour Ripert le critère de l’abus est le détournement de la finalité sociale d’un bien. En la forme, sur le papier, les arrêts de cassation lorsqu’il est question de retenir un abus du droit de propriété, ils retiennent le critère de l’intention de nuire. La cour de cassation admet ou non en fonction de l’intention de nuire. Il en va différemment en réalité.  

Ils existent 3 arrêts fondateurs permettant de comprendre en droit positif ce qu’est l’abus de droit de propriété : 

  • Arrêt de la cour d’appel de Colmar Alsacien de 1855: l’affaire des fausses cheminées. 

La situation : sur sa parcelle (fonds de terre) un propriétaire avait édifié un bâtiment et ultérieurement il a fait ériger sur le dit bâtiment des cheminées dont la conséquence avait été de quasi plonger dans l’obscurité la parcelle voisine qui ne lui appartenait pas. Le voisin agit en justice et demande sanction à quoi le défendeur répond qu’il est chez lui. Or les juges du fond, vont néanmoins, malgré le droit de propriété (ou il ne fait qu’appliquer l’usus), le condamner.  

Dans leur motif, voici ce qu’ils retiennent :  

–      Les cheminées étaient fausses → cad qu’elles ne correspondaient à aucun foyer, ni à aucun conduit, autrement dit ça ne chauffait pas plus. 

–      Les cheminées ne se voyaient pas depuis la voie publique → signe extérieur de richesse à l’époque 

  • Arrêt rendu par la cour de cassation, chambre des requêtes, 1902, l’affaire des sources saint Galimier

La situation : sur sa parcelle un propriétaire avait foré un puits jusqu’à atteindre une source. Un voisin lui même propriétaire s’est vu privé d’eau. Il agit donc en justice.  

Les motifs de la condamnation : 

–      avant que le forage eu lieu, la parcelle sur laquelle se trouve le nouveau puits disposait déjà d’une adduction d’eau, la parcelle du défendeur n’était donc pas privée du service d’eau 

–      le nombre d’habitants se trouvant sur la parcelle n’avait pas augmenté.  

–      De l’extérieur, le puits ne se voyait pas.  

Les juges ont eu raison de condamner le défendeur. 

  • Arrêt de la cour de cassation Cour de 1920 dit des dirigeables Clément-de Bayart

La situation : sur la parcelle qui lui appartenait, un propriétaire avait planté des pics et des haies jusqu’à plusieurs mètres de hauteur. Sur une parcelle voisine, Clément ne pouvait plus faire décoller ou atterrir ses planeurs.  

Les motifs : 

–      les pics n’avaient aucun apport esthétique 

–      ils n’y en avaient pas avant 

Au-delà des points communs et du critère formel d’intention de nuire peut-on définir autrement l’abus de propriété ? 

-> Est abusif le comportement n’ayant pas d’utilité objective. La seule raison est l’intention de nuire à autrui. 

Au travers de ces décisions fondatrices, il apparaît que l’abus de droit de ppté est démontré par tout exercice de ce droit pour aucune raison objective (cad compris de tous). 

C’est donc l’absence totale de raison objective qui démontre l’abus, non pas directement mais qui révèle indirectement qu’une seule raison a pu présider cet acte : l’intention de nuire.  

Le raisonnement des juges ici se comprend et est fondamentalement logique. Le droit de propriété est un droit égoïste, le plus individualiste qui soit, mais c’est un droit octroyé par la société, et elle n’en octroie jamais pour un seul but de nuire à autrui.  

Une fois que l’abus à été compris, il correspond bien à une limite de l’usus. 

2) Inconvénients ou troubles anormaux du voisinage

https://cours-de-droit.net/troubles-anormaux-voisinage/

Section II : Le fructus 

Paragraphe 1 : Définition 

Le fructus se définie comme le droit de tirer profit du bien.  

Si le bien peut être à l’origine de profits spontanés (fruit & produit), ou si ce même bien est susceptible de profit par l’activité (individuelle, commerciales…) par principe, seul le propriétaire du fonds peut prétendre au profit du bien.  

Les profits qui s’attachent à la propriété s’attachent exclusivement au propriétaire.  

Si on n’a pas cela, on n’a pas de propriété. La question du fructus a trouvé dans les dernières années des actualités inattendues : l’image est une création de l’esprit.  

Ex : la structure est un bien et une œuvre 

Prenons un immeuble d’architecte, œuvre de l’esprit mais bien.  

On ne parle pas de la propriété intellectuelle mais de l’image concrète des biens. 

De 1804 à 1999, la question de la propriété de l’image banale.  

Paragraphe 2 : Question de la propriété de l’image 

  • Arret Gondret, 10 mars 1999 : affaire du Café Gondret

Le café Gondret est une bâtisse affligeante, bâtiment de mémoire et de pèlerinage, seulement il fut le premier à être libéré en 1945. 

Le propriétaire vendait des cartes postales représentant les lieux. Une partie de son profit provenait de son bâtiment. Cependant un autre propriétaire d’un café se met à photographier le bâtiment et à revendre les cartes postales alors qu’il n’en n’était pas propriétaire. Celui-ci perdant de l’argent, agit en justice avec les propos suivant :  

l’image du bâtiment est un fruit, un revenu. L’image j’y accède car je suis propriétaire du bâtiment. Parmi les fruits de ma propriété il y a les fruits de l’image. Ce n’est pas la bâtisse qui a de la valeur mais le son fait historique. 

Le propriétaire du bâtiment peut du seul fait de son droit de propriété prétendre avoir seul la possibilité d’usage de l’image de sa propriété? 

La décision fut :  

« Le propriétaire a seul le droit d’exploiter son bien. » Conséquence immédiate personne d’autre que lui ne peut tirer profit sans son consentement.  

Dans son rapport de 1999 la cour de cassation dit « l’arrêt Gondret n’a jamais consacré un droit à l’image des biens » Les juges du fond vont être saisit de demande, un jugement, un arrêt vont être cité ici. 

  • Jugement de Clermont-Ferrand en 2001

Ce jugement porte sur l’image du puits de dôme sur la bouteille Volvic.  

« Les biens litigieux n’étant pas clairement identifiables, les propriétaires demandeurs ne peuvent être reçus et suivis dans leur demande » 

  • Arrêt de Paris de 1999

Une photographie prise de la Seine avec une péniche pour les touristes, celui ayant pris la photo n’est pas propriétaire de la péniche.  

« L’exploitation ayant eu lieu dans un cadre plutôt culturel et le bien n’étant pas central (c’est dans le décor) le propriétaire ne doit pas être accueillit » 

La cour de cassation aurait peut de temps après fait marche arrière. 

  • Arrêt du 25 janvier 2000

Pour que le propriétaire dont le bien a vu son image exploitée par autrui sans son consentement obtienne une condamnation en sa faveur, il doit prouver un trouble manifestement illicite à sa propriété. 

  • Arrêt 2 mai 2001, 1ere chambre civile

Subordonne la protection du propriétaire d’un bien dont l’image est exploitée par autrui à la preuve d’un trouble certain dans l’usage de ce bien.  

Quelles seraient les raisons de cette volte-face? 

Si le propriétaire a seul le droit d’exploiter son bien, ça en est finit des films, de la photographie sauf un studio clos. Cela rend impossible l’information illustrée dans une société d’information. La solution était socialement déplacée et en opposition avec le droit fondamental à l’information.  

Cette solution de 1999 est donc mauvaise car elle nie le droit à la propriété intellectuelle. Voilà ce qui aurait ramené à un revirement. 

  • Assemblée plénière, arrêt du 7 mai 2004

La cour de cassation aurait abandonné son principe de 1999.  

Le propriétaire ne dispose pas d’un droit exclusif sur l’image de son bien, néanmoins il peut s’opposer à l’utilisation de cette image par autrui si elle lui cause un trouble anormal.  

L’image n’est pas incluse dans la propriété. 

Revirement? Protection?  

Remarque 1 : Encore il aurait fallu que l’arrêt de 1999 parle de l’image des biens pour que celui de 2004 soit un revirement. Ce n’est donc pas une proposition contraire.  

Remarque 2 : dans le rapport de 1999, il y a un droit à l’image des personnes mais pas un droit à l’image des biens. 

En 1999, la cour de cassation protège la propriété. Cet arrêt n’a jamais exclut que toutes personnes puissent reproduire l’image d’un bien mais si à l’occasion de la captation ou de l’utilisation de l’image du bien d’autrui c’est à la propriété qu’il est porté atteinte. Je protège à l’occasion de l’image, la propriété. Quand elle exige cette condition de trouble anormal, il faut la preuve d’une atteinte à l’usus ou au fructus.  

CE QUI EST PROTEGE CE N’EST PAS L’IMAGE MAIS DES ATTRIBUTS DE LA PROPRIETE. 

Section III. L’abusus. 

C’est le droit de disposer matériellement ou juridiquement de l’objet approprié. Le droit de disposer, par définition seule le propriétaire peut vendre, donner, louer etc. Le propriétaire est le seul à pouvoir faire des actes matériels, cad que juridiquement il est le seul à pouvoir décider de détruire son bien, de le laisser à l’abandon. Le fait de ne pas utiliser matériellement correspond en droit à l’exercice de prérogatives de son droit 

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