Vème République : fin du Président effacé et du Parlement inefficace

La Vème République, la volonté de tirer les leçons de l’histoire constitutionnelle

Les objectifs poursuivis sont le refus de voir un Président de la République effacé et éviter un Parlement divisé et donc inefficace dans la gestion de l’Etat.

Section 1 : la Vème République ou le refus du Président de la République effacé

C’est ce qui s’est produit sous les IIIème et IVème République —> le Président de la République a perdu ses fonctions essentielles quant au choix du chef du gouvernement et quant au pouvoir de dissolution.

Le contexte est un facteur d’explication important —> c’est l’opposition entre monarchistes et républicains qui existe dès le début de la IIIème République qui font évoluer en ce sens le régime parlementaire.

Lors de l’élaboration des lois constitutionnelles de 1875, l’Assemblée constituante était divisée entre monarchistes et républicains.

Ces lois constitutionnelles seront un compromis entre les 2 blocs.

—> Les monarchistes donnent du pouvoir au Président de la République mais il y a une évolution des forces politiques —> victoire des républicains qui se retournent contre l’autorité du chef de l’Etat —> les républicains parviennent à ce que le Président de la République ne puisse plus choisir librement le chef du gouvernement et qu’il renonce au pouvoir de dissolution.

  1. la perte du pouvoir de choisir le chef du gouvernement par le Président de la République sous la IIIème République

La perte du pouvoir prend appui sur la crise du 16 mai 1877 —> conflit entre le chef de l’Etat et le Parlement au sujet du choix du chef du gouvernement.

  1. le contexte politique de la crise

Le chef de l’Etat est un monarchiste conservateur, le Maréchal Mac Mahon —> élu président par l’Assemblée en 1873. On vote à cette époque le principe du septennat. Il se retrouve confronté à une chambre des députés qui à partir de 1876 devient largement républicaine —> cohabitation.

  1. les dérapages de la cohabitation

Le conflit se focalise sur le choix du chef du gouvernement. Mac Mahon veut comme Premier Ministre un homme politique qui est proche de lui, capable de pouvoir s’opposer à la volonté républicaine des parlementaires. Il choisit dans la logique du régime parlementaire, un homme politique (Jules Dufort) qui est dans la minorité conservatrice et donc mal accepté par la majorité —> Dufort est obligé de démissionner.

Il accepte alors Jules Simon, un républicain modéré, qui peut faire le lien. Mais Mac Mahon désavoue Simon, estimant qu’il ne défend pas suffisamment les vues de l’exécutif devant la Chambre des députés. Mais Simon a toujours la confiance des députés. Mac Mahon choisit alors un conservateur, le Duc de Broglie —> protestations des parlementaires qui estiment que le chef de l’Etat n’a pas le pouvoir de congédier un chef du gouvernement qui a toujours la confiance du Parlement —> les parlementaires ne donnent pas leur confiance au nouveau chef du gouvernement —> conflit ouvert.

Mac Mahon, avec l’accord du Sénat qui est encore conservateur, ajourne pendant 1 mois la chambre des députés. Suite à ce délai, les députés sont toujours en conflit avec le Président de la République qui prononce la dissolution de la chambre des députés et fait du peuple l’arbitre du conflit —> campagne électorale pour désigner les nouveaux députés.

« En cas de victoire républicaine, le chef de l’Etat devra se soumettre ou se démettre » (Gambetta). En octobre, les élections font venir les républicains à la chambre des députés. Le Duc de Broglie est obligé de démissionner mais Mac Mahon va pendant un bref moment refuser la victoire républicaine et nomme encore un conservateur —> nouvelle opposition —> la chambre des députés l’ignore —> blocage des institutions. Le chef du gouvernement se démet lui-même de ses fonctions pour que Mac Mahon se soumette enfin.

Il y a alors un message de Mac Mahon :« j’ai cru devoir user de ce droit et je me conforme à la réponse du pays » —> le gouvernement est donc indépendant du chef de l’Etat.

  1. la perte du droit de dissolution ou « la Constitution Grévy »

Le contexte politique est encore déterminant puisque les républicains renforcent encore leurs pouvoirs dans le pays au sein des institutions., en 1879 sont organisées des élections au Sénat qui mène à une majorité républicaine au sein du Sénat qui était jusque là conservateur.

Mac Mahon se retrouve alors isolé —> le 30 janvier 1879, il démissionne. C’est un Républicain qui lui succède et qui marque le passage d’un régime parlementaire dualiste à un régime moniste.

Avec Grévy, c’est le renoncement à une fonction essentielle du Président de la République : le droit de dissolution. C’est une nouvelle empreinte qui est donnée à la IIIème République d’où la formule de Marcel Prélot qui qualifie l’arrivée de Grévy comme « une nouvelle Constitution qui apparaît en pratique » —> c’est une revanche républicaine qui favorise l’institution parlementaire.

—> Affaiblissement de la fonction présidentielle.

Grévy adresse un message aux Chambres le 6 février 1879 « soumis avec sincérité à la grande loi du régime parlementaire, je n’entrerai jamais en lutte contre la volonté nationale exprimée par ses organes constitutionnels » —> il ne sera mettra jamais dans une situation de conflit par rapport au Parlement.

Le gouvernement n’est responsable plus que devant le Parlement —> régime moniste.

Durant la IIIème République, le Président de la République qui aura des velléité pour retrouver ses compétences sera contraint de démissionner alors même que dans le régime parlementaire, le Président de la République est une institution irresponsable politiquement et assurée de rester au pouvoir pendant le mandat de 7 ans —> stabilité de la fonction présidentielle (ex : en 1920 —> Paul Deschanel , 1924 —> Alexandre Millerand qui a conscience du fait que le Parlement occupe une place trop prépondérante dans les institutions sachant qu’à la fin de la GM, le Parlement est divisé et inefficace (à approfondir!!!)).

—> Hégémonie parlementaire : situation de parlementarisme absolu car il n’a plus de contre-pouvoir —> le vide est occupé par l’institution parlementaire. Pour certains auteurs, sous la IIIème République, le régime parlementaire s’est transformé en un régime d’Assemblée. Le gouvernement devient une institution choisie par la majorité parlementaire sans que le Président de la République ait une capacité de contestation.

Jusqu’à la 1ère Guerre Mondiale, le Parlement s’attache à adopter des grands textes de lois sur les libertés fondamentales (ex : 1884 —> la forme républicaine de l’Etat est intangible). Il modifie les modalités d’élection des sénateurs qui étaient jusqu’alors inamovibles.

Mais ce Parlement, faute de partis majoritaires, se transforme en une institutions omniprésente inefficace et divisée.

Section 2 : la Vème République ou le refus d’un Parlement inefficace

Après la 1ere Guerre Mondiale —> dégénérescence du Parlement. Continuité d’un Parlement défaillant sous la IVème République, parce qu’à partir de 1946, la rationalisation opérée par la Constitution est un échec en pratique.

  1. un Parlement inefficace au lendemain de la 1ère GM

Revanche des républicains mais recul de l’institution parlementaire républicaine faute de phénomène majoritaire dans l’Etat qui permet à un parti politique, ou à une coalition durable, de se maintenir au pouvoir —> difficulté pour le Parlement de prendre des décisions rapides et efficaces.

La 1ère Guerre Mondiale va être révélatrice de l’inefficacité du Parlement. Les compétences en matière de défense, de relations internationales sont transférées au profit du président du Conseil —> le Chef du gouvernement même si cette institution n’est pas prévue par la Constitution.

En 1917, c’est Clémenceau, le chef du conseil, qui mène à la victoire. L’économie, les finances, les questions sociales sont des domaines que le Parlement ne traite plus au profit du gouvernement qui, grâce à des lois de plein-pouvoir, peut adopter des actes juridiques à la place du Parlement —> les décrets-lois.

Entre 1924 et 1939, il y aura 12 lois de plein-pouvoir en seulement 15 ans.

Le Parlement se décharge de ses fonctions essentielles mais maintient sa pression politique sur le gouvernement —> les parlementaires vont perpétuellement remettre en cause la responsabilité du gouvernement qui est donc régulièrement désavoué —> instabilité gouvernementale.

Il y a toutefois une certaine permanence du personnel politique —> même s’il y a des changements de gouvernements, on retrouve toujours les mêmes grandes figures (ex : Aristide Briand —> 12 fois président du Conseil).

Paradoxalement, le gouvernement ressort conforté de cette situation —> il s’impose en pratique face à un Parlement qui est déliquescent politiquement. La présidence du Conseil, qui est ignoré par les textes constitutionnels, s’organise désormais efficacement —> en 1934, dans la loi de finance, est reconnue pour la première fois l’existence d’un ministre chargé de la présidence du conseil des ministres et qui bénéficie de services administratifs propres, situé à Matignon.

  1. continuité d’un Parlement défaillant malgré la rationalisation en 1946

La rationalisation est en effet un échec qui avait pour but d’éviter l’instabilité gouvernementale, de permettre au Parlement d’assurer des fonctions. La IVème République est un ratage —> les moyens pour valoriser le Parlement ne seront pas durablement appliqués.

l’échec des moyens pour limiter l’instabilité gouvernementale

La Constitution de 1946 est conçue pour que les parlementaires ne puissent pas facilement censurer le gouvernement :

création d’un contrat de législature entre le Président du conseil et la Chambre des députés : le Président du Conseil qui était pressenti par le Président de la République devait personnellement être investi par la Chambre des députés à la majorité absolue;

le président du Conseil constitue l’équipe gouvernementale —> plus de marchandage entre le Président du conseil et la chambre des députés. Mais dès 1947: le principe de l’investiture personnelle disparaît —> le Parlement récupère la compétence de désigner l’équipe gouvernementale ;

la majorité absolue requise pour désigner le Président du conseil disparaît —> la majorité simple suffit ;

la limitation de la responsabilité du gouvernement à une seule chambre —> sous la IVème République, seule la chambre basse (l’Assemblée nationale) pourra censurer le gouvernement ;

le gouvernement ne démissionne qu’à l’occasion d’une question de confiance qui est refusée ou une motion de censure adoptée à la majorité absolue —> évite que le gouvernement ne démissionne que sur un simple vote négatif —> rendre la démission officielle. En pratique, le dispositif constitutionnel n’est pas appliqué —> les gouvernements démissionneront en dehors des règles constitutionnelles.

La Constitution de 1946 prévoit des règles constitutionnelles pour pouvoir mettre en œuvre une dissolution de l’Assemblée nationale —> elle prévoit que l’Assemblée peut encourir une dissolution suite à 2 crises ministérielles manifestées en la forme constitutionnelle —> avec respect de la majorité absolue —> si 2 gouvernements sont censurés sur une période de 18 mois dans les conditions constitutionnelles requises, la Constitution prévoit que le président du Conseil peut prononcer la dissolution de la chambre.

A pour but d’éviter que le Parlement censure trop le gouvernement.

Mais cela n’est pas appliqué puisque les censures ne sont pas adopté à la majorité absolue mais à la majorité simple —> l’astuce des parlementaires était le vote calibré(assez de voix pour la majorité simple mais pas assez pour la majorité absolue).

—> ce système ne fonctionne pas et est dégénéré —> le parti majoritaire est obligé de demander à ses partisans de le censurer pour pouvoir dissoudre l’Assemblée.

Les parlementaires n’arrivent pas à dégager de majorité pour pouvoir prendre des décisions —> inerties législatives —> le Parlement délègue aussi sous la IVème République la compétence normative au profit du gouvernement alors que la Constitution inscrit que « l’assemblée nationale vote seule la loi et ne peut déléguer ce pouvoir ».

—> incapacité à se mettre d’accord pour déterminer un ordre du jour: en 1952 —> journée où le Parlement n’arrive pas à se mettre d’accord sur un ordre du jour sur la situation de la Tunisie —> le débat parlementaire est totalement inefficace —> terme de «tunisification» : incapacité du Parlement à parvenir à un accord.

Les extrêmes s’allient pour voter contre mais jamais les extrêmes n’arrivent à se rejoindre pour proposer un projet commun.

Le Parlement a été totalement défaillant dans son fonctionnement.