Vente de fonds de commerce : obligations des parties

Les obligations des parties d’une vente d’un fonds de commerce

Le vendeur est soumis en premier lieu à une obligation de délivrance qui doit permettre à l’acheteur d’entrer en possession du fonds mais rien de particulier à dire. Les principales obligations du vendeur sont des obligations de garantie et l’acheteur, quant à lui, a l’obligation de payer le prix.

A) Les obligations de garantie

Le vendeur du fonds de commerce doit garantir à l’acheteur les garanties que le code civil fait peser sur le vendeur d’appliquent mais une garantie s’ajoute : la garantie des déclarations faites contrats.

  • a) La garantie du fait personnel

C’est une obligation de droit commun s’appliquant à n’importe quel contrat. C’est essentiellement une garantie qui impose au vendeur une abstention, une obligation de ne pas faire. En effet, le vendeur du fonds de commerce doit s’abstenir de tout acte ou de tout fait susceptible de troubler l’acheteur dans l’exercice de ses droits. Le vendeur a concrètement l’obligation de ne pas détourner la clientèle du fonds de commerce qu’il a vendu. Il s’agit d’une obligation contractuelle qui rend illicite toute concurrence faite à l’acheteur. Le principe est ancien puisque posé par la chambre commerciale, 24/05/1976, rendant illicite toute concurrence faite à l’acheteur, peu importe que l’acte de vente soit muet sur ce point, peu importe qu’il n’y ait pas de clauses de non-rétablissement. Le vendeur s’engage à procurer à l’acheteur la jouissance paisible de la chose vendue et il va devoir s’abstenir par conséquent de tout acte détournant la clientèle.

Il n’est pas possible d’interdire au vendeur une activité commerciale. En cas de contentieux, le juge va déterminer au cas par cas l’étendue de l’interdiction pesant sur le vendeur notamment en tenant compte de la nature du commerce et de la clientèle.

Compte tenu de cette relative imprécision de l’obligation légale, très souvent les parties stipulent dans l’acte de vente une clause de non-rétablissement à la charge du vendeur. Cette clause, pour être valable, doit être limitée à un secteur d’activités et limitée dans l’espace et dans le temps.

Par exception au principe de l’effet relatif, la jurisprudence considère que cette clause de non-rétablissement est un accessoire du fonds de commerce se transmettant en même temps que lui aux acquéreurs du fonds de commerce.

  • b) La garantie contre l’éviction

C’est une obligation issue du droit commun de la vente qui n’est pas propre au fonds de commerce et le vendeur doit garantir l’acquéreur contre l’éviction qu’il subirait de la part d’un tiers.

Cette garantie reçoit peu d’application pour la vente du fonds de commerce et il faut supposer qu’un tiers prétende avoir un droit sur le fonds vendu ou sur un élément essentiel du fonds comme, par exemple, sur un droit au bail.

  • c)La garantie contre les vices cachés

C’est une garantie issue du droit commun de la vente mais, attention, cette garantie ne pourrait pas jouer pour un vice qui affecterait un seul élément du fonds de commerce. Il faudrait supposer l’existence d’un vice caché qui serait de nature à diminuer la clientèle. Il y a fort peu d’applications en pratique.

  • d) La garantie des déclarations du vendeur

C’est une garantie propre à la vente du fonds de commerce. L’article L141-3, en effet, déclare que le vendeur est tenu à garantie en raison de l’inexactitude de ses déclarations et l’intermédiaire de la vente est solidairement responsable avec le vendeur s’il a connaissance des inexactitudes avec le vendeur.

L’acquéreur dispose d’une option car il peut demander la résolution de la vente ou une diminution du prix.

L’article L141-4 exige que l’action en garantie soit exercée dans un délai de 1 an à compter de l’entrée en possession de l’acheteur. Le législateur a voulu privilégier la sécurité des transactions et le délai est un délai préfixe qui n’est susceptible ni d’interruption ni de suspension.

Cette garantie concerne toutes les énonciations que le vendeur a pu faire dans l’acte de vente et pas seulement, les énonciations de l’article L141-1. En pratique, l’acquéreur est tenté d’invoquer cette garantie chaque fois que son CA ou ses bénéfices sont inférieures à ceux que le vendeur avaient déclaré mais le plus souvent cette tentative est vouée à l’échec car l’acheteur doit rapporter la preuve que le vendeur ne réalisait pas le CA ou les bénéfices qu’il a déclaré, preuve difficile à rapporter. Cette garantie est souvent invoquée par l’acheteur mais cette action aboutit relativement peu.

B) Le paiement du prix

  • Le versement du prix

Bien sûr, l’acheteur doit s’abstenir de tout paiement anticipé avant l’expiration du délai d’opposition reconnu aux créanciers parce que sinon il s’expose au risque d’un deuxième paiement.

Très souvent l’acheteur verse le prix à un intermédiaire (notaire, avocat, agent d’affaire) qui le conserve jusqu’à l’expiration du délai d’opposition. Cet intermédiaire sera chargé de répartir le prix, le cas échéant, entre les créanciers.

  1. Les garanties du vendeur en cas de défaut de paiement du prix

Le législateur s’est inspiré des règles du code civil sur les ventes d’immeuble pour protéger le vendeur du fonds de commerce, il a reconnu au vendeur du fonds de commerce des droits imaginés pour le vendeur d’immeubles.

  • Le privilège du vendeur

Le privilège est un droit de préférence que la loi reconnait à un créancier. Le privilège du vendeur est un privilège spécial puisqu’il a pour objet uniquement le fonds de commerce et ce privilège est destiné à protéger le vendeur contre les nantissements que l’acquéreur pourrait consentir et contre les aliénations futures du fonds de commerce.

Ce privilège est organisé de façon curieuse dans la mesure où la loi sectionne le prix de vente en trois parties entre les éléments incorporels, le matériel et les marchandises.

Le privilège est reconnu au vendeur à l’article L141-5 du code de commerce et pour en bénéficier, le vendeur doit procéder à l’inscription de ce privilège sur un registre spécial qui est tenu au greffe du tribunal de commerce dans le ressort duquel le fonds est exploité.

Le sectionnement du prix en trois parties est destiné à renforcer les droits du vendeur en imputant la partie du prix payée par l’acquéreur d’abord sur les marchandises puis sur le matériel et enfin sur les éléments incorporels. Le privilège s’exerce séparément sur le prix de revente de chacune des trois catégories.

Le privilège, en outre, doit être inscrit par le vendeur dans les 15 jours de la date de l’acte de vente et il prend rang à la date de son inscription c’est-à-dire que le vendeur va être payé avant tous les créanciers qui procéderont à une inscription postérieure.

En outre, pour renforcer l’efficacité du privilège, l’article L141-6 précise que l’inscription du vendeur prime toutes les inscriptions prises par l’acquéreur dans le délai de 15 jours de la date de l’acte de vente. C’est une faveur que la loi accorde au vendeur en lui donnant une rétroactivité à son privilège sur les inscriptions de l’acheteur. Si l’inscription n’intervient pas dans le délai de 15 jours, le privilège est perdu et le vendeur ne sera qu’un simple créancier chirographaire.

  • L’action résolutoire

Le point de départ du raisonnement se trouve dans le droit commun car l’article 1184 du code civil permet au vendeur n’ayant pas obtenu le prix de vente d’obtenir la résolution de la vente. Cependant, cette action peut présenter un danger pour les créanciers et c’est pour cette raison que la loi a imposé la publicité de l’action résolutoire. La règle est inspirée de la publicité foncière. Plus précisément, l’article L141-6, alinéa 2 précise que l’action résolutoire ne peut être exercée au préjudice des tiers que si le vendeur a déjà publié son privilège. La conservation de l’action résolutoire est liée à la conservation du privilège. Cependant, on est en présence d’un conflit de publicité donc seuls les autres créanciers inscrits peuvent se prévaloir du défaut de publicité. Les créanciers chirographaires ne peuvent pas, eux, s’opposer à l’action.

L’action résolutoire menace le droit des créanciers de l’acheteur puisque le fonds de commerce, le bien, à l’issue de cette action, réintègre le patrimoine du vendeur. Par conséquent, pour pouvoir exercer l’action résolutoire au préjudice des tiers, le vendeur doit avoir au préalable inscrit son privilège c’est-à-dire que les créanciers de l’acheteur, quand ils ont pris leur propre inscription, ont été informés de l’existence du privilège du vendeur, ils ont donc été informés de la menace éventuelle que représente l’action résolutoire. Ils ont pris leur inscription en connaissance de cause et ils ne seront pas surpris si la vente est finalement résolue, ils connaissaient dès l’origine, la menace qui pesait sur le droit de l’acquéreur, ils savaient que le fonds de commerce pouvait réintégrer le patrimoine du vendeur et ils subiront les conséquences de l’action résolutoire.