Vice de forme et de procédure (recours en excès de pouvoir)

 Le vice de forme et la vice de procédure, cas de recours pour excès de pouvoir 

 Un recours pour excès de pouvoir est un recours juridictionnel dirigé, en vue de les faire annuler pour cause d’illégalité, contre des actes unilatéraux émanant soit d’une autorité administrative, soit d’un organisme privé agissant dans le cadre d’une mission de service public.  

Quels sont les moyens juridiques par lesquels on peut constater la légalité d’un acte administratif? Quels sont les « cas d’ouverture » du recours en excès de pouvoir ?
On distingue 5 modalités de l’illégalité c’est à dire 5 moyens d’ouverture : l’incompétence, le vice de procédure, le vice de forme, la violation de la loi et le détournement de pouvoir. On étudiera le vice de procédure et le vice de forme.

 Le vice de procédure
C’est la méconnaissance de règles organisant la procédure de décision. Le vice de procédure n’est pas régularisable, une réfection correcte est nécessaire (édiction régulière d’une nouvelle décision). Il y a 3 règles fixées par la jurisprudence.
1. Quand une autorité administrative décide volontairement de se soumettre à une procédure particulière, elle est ensuite tenue de respecter cette procédure.
2. La jurisprudence refuse un formalisme excessif. La méconnaissance de « formalités non substantielles » (prescriptions procédurales qui n’ont pas d’incidence sur la décision à prendre et/ou qui ne confèrent pas de garanties à ceux que cette décision concernera) est insusceptible de provoquer l’illégalité de la décision prise. Au contraire, on nomme « formalité substantielle » une disposition destinée à garantir les droits des administrés.
3. Parfois, il s’écoule un certain temps entre l’achèvement du processus d’élaboration des décisions et l’édiction de la décision. Il n’est nécessaire de recommencer la procédure que si les circonstances ont changé.

Le vice de forme
Les règles de forme concernant les actes administratifs sont assez peu nombreux. On peut citer la signature de l’acte par son auteur, la motivation de l’acte, les contreseings des actes du président de la République et du premier ministre.

 

Le vice de forme 

La forme des actes administratifs n’est pas une condition très exigeante. En effet, un acte administratif peut être matériel (fleurir une tombe), verbal (Epoux Bertin) et peut porter n’importe quelle dénomination. Donc la forme des actes n’est pas exigeante. Mais il y a deux règles qui régissent la forme des actes administratifs. 

Une règle ancienne : la règle du parallélisme des formes. C’est une règle qui impose qu’un acte administratif soit abrogé ou retiré par un acte contraire, c’est-à-dire suivant les mêmes formes que celles qui ont présidées à son édiction. Ca impose l’édiction d’un acte contraire pour abroger ou retirer un acte pris par une autorité administrative. Ca suppose pour retirer ou abroger l’acte qu’il faut que ce soit la même autorité administrative qui décide de mettre fin à l’acte et cette même autorité administrative doit suivre les mêmes formes et les mêmes procédures. 

Une règle récente : la motivation des actes administratifs. Il n’y a pas en droit français pour l’instant d’obligation générale de motivation des actes administratifs. La charte des droits fondamentaux de l’UE prévoit la motivation des actes administratifs. Définition : la motivation est l’inscription dans l’acte des motifs de droit et de fait qui justifient que l’autorité administrative ait pris cet acte. C’est une exigence formelle. C’est une règle de forme qui a des répercutions sur le fond. Le juge pourra plus facilement examiner la légalité au fond des motifs de droit et de fait qui ont justifiés l’acte. Donc la motivation des actes administratifs est une règle de forme qui facilite au fond le contrôle du juge. Mais la motivation est une règle de forme. Elle oblige l’administration au moment où elle prend l’acte à donner les véritables motifs de l’acte.  

La motivation ne peut être que contemporaine à l’édiction de l’acte. Si le juge ou la personne destinataire de l’acte demande la motivation d’un acte après son édiction (c’est impossible), a posteriori le juge ou la personne intéressée ne peut demander à l’administration la communication des motifs. Il y a une différence entre motivation et communication des motifs. Après l’édiction de l’acte, s’il n’a pas été motivé, la personne destinataire de l’acte peut demander la communication des motifs. Mais cette demande est postérieure à l’édiction de l’acte et l’administration peut inventer n’importe quel motif après coup. Elle pourra trouver des motifs légaux alors que les motifs initiaux qui auraient du figurer dans l’acte et qui n’ont pas figuré étaient peut être illégaux. La motivation ne peut être que contemporaine à l’édiction de l’acte. Après l’édiction de l’acte, s’il n’a pas été motivé, l’administré ou le juge ne peut obtenir que la communication des motifs, et rien ne prouve que ce sont les motifs initiaux.  

Il y a deux textes généraux et une multitude de textes particuliers. Il faut de toute façon, dans chaque domaine précis examiner à la loupe des textes pour savoir s’ils imposent la motivation des décisions prises par l’administration. Le vice de forme pour défaut de motivation est un vice grave.  

Le Code générale des collectivités territoriales qui impose la motivation des décisions de police : non seulement les décisions individuelles mais aussi les décisions règlementaires.  

La loi du 11 juillet 1979 sur la motivation des actes administratifs. Cette loi s’inscrit dans la lignée des lois qui à partir de 1978 ont tendus à améliorer les rapports entre l’administration et les administrés. Cette loi impose la motivation de deux catégories d’actes et ne sont concernées que les décisions individuelles. Premièrement les décisions individuelles défavorables à leurs destinataires. Deuxièmement les décisions individuelles dérogatoires, qui dérogent aux lois et règlements au profit d’une personne qui justifie de sa situation particulière que soit écartée la règlementation de la législation applicable. Les décisions dérogatoires doivent donc être obligatoirement motivées. La motivation concerne à la fois et toujours les motifs de droit et les motifs de fait. Donc, c’est une motivation en droit et en fait.  

  • En droit : l’auteur de la décision doit viser les textes qui servent de fondement à la décision individuelle.
  • En fait : impose que l’autorité administrative rappelle les circonstances de fait qui justifient en l’espèce la prise de la décision.

La loi prévoit que la motivation peut ne pas être respectée par l’administration en cas d’urgence et là il reviendra au juge administratif d’apprécier si l’urgence existait bien ou pas. 

Question : une décision implicite de rejet peut elle être motivée ? Non ! Mais la loi prévoit qu’une personne qui détient une décision implicite de rejet, acquise au bout d’un silence de 2 mois par l’administration, peut demander à l’administration la communication des motifs a posteriori.  

La communication des motifs des décisions non motivées ne date pas de 1979. La loi le prévoit mais le juge de manière prétorienne s’était reconnu compétent pour demander à l’administration les motifs de ses décisions justement pour en contrôler la légalité. Et donc ca existe depuis l’arrêt du 1er mai 1936 Couespel du Mesnil. Cet arrêt a été constamment réaffirmé, et notamment par l’arrêt du 28 mai 1954 Barel.  

Arrêt du 28 mai 1954 Barel : Il ressort de cet arrêt que lorsque l’administration à la demande du juge, avance des motivations embarrassées ou contradictoires ou vagues (ou vaseuses), le juge administratif considère que les motifs de l’administration sont erronés et annule la décision administrative. Barel s’était vu refuser le droit de concourir au concours de l’ENA et il prétendait que c’était en raison de leurs opinions politiques puisqu’ils appartenaient au PC. L’administration n’a pas voulu donner ses motivations au départ et ensuite c’était pour d’autres motivations embarrassés. Le juge a considéré que la motivation politique des candidats était une motivation illégale en droit. 

Arrêt du 26 janvier 1968 Société Maison Genestal : le Conseil d’Etat a exigé que l’administration fournisse les motifs de droit et de fait qui ont justifié de la part de l’administration le refus d’un agrément fiscal. le Conseil d’Etat a étendu ses demandes de motifs au contentieux économique. Les décisions économiques sont facilement discriminatoires. Les considérations d’opportunité sont très importantes mais aussi les considérations d’égalité de traitement des administrés et donc le juge va pouvoir vérifier la légalité des motifs au regard du principe d’égalité. 

Ces 3 arrêts justifient que l’ont dise que le juge administratif a des pouvoirs inquisitoriaux, c’est-à-dire qu’il recherche les preuves en demandant notamment à l’administration qu’elle communique ses motifs. Par conséquent le juge administratif n’exige pas du requérant qu’il apporte toutes les preuves de ses allégations, c’est le juge qui va aller à la recherche de ces preuves. Alors que devant le juge civil, c’est au demandeur d’apporter les preuves.  

Le vice de procédure :

La forme affecte la présentation de l‘acte et donc l‘acte lui-même alors que la procédure concerne l’édiction de l‘acte, la façon dont il est pris. Les procédures sont prévues par les textes et comme pour les formes il faut se référer aux textes applicables. Les textes applicables prévoient des procédures particulières à respecter. On va voir les 3 principales procédures. 

Premièrement, la consultation d’un organisme ou d’une autorité supérieure. La consultation peut être facultative ou obligatoire. Si la consultation est facultative, la procédure n’est pas obligatoire et donc pas sanctionnée par le juge. La consultation obligatoire doit être respectée. Parfois l’organisme est le Conseil d’Etat et le Conseil d’Etat lorsque son avis est obligatoire, considère que son intervention le rend co-auteur de l’acte et donc le défaut de consultation de l‘acte quand elle est obligatoire est sanctionnée par l’incompétence et pas par le vice de procédure. Par exemple, le maire lorsqu’il est saisi d’une demande de permis de construire dans une zone littorale à constructibilité limité le maire doit recueillir l’avis favorable du préfet. En cas d’avis défavorable le maire ne peut pas délivrer de permis de construire. En cas d’avis favorable le maire pourra ou non délivrer ce permis de construire. On distingue donc l’avis conforme ou non conforme. L’avis conforme est celui que l’autorité administrative qui doit consulter l’organisme ou l’autorité supérieure, doit suivre. 

Deuxièmement, le respect des droits de la défense avant que l’administration prenne une sanction à l’égard d’un administré.  

Le respect des droits de la défense est un PGD posé dès l’arrêt du 5 mai 1944 Dame Trompier Gravier. Plus généralement, la loi du 12 avril 2000 impose que toutes les décisions qui doivent être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979, interviennent après que l’administration aura recueilli les observations de la personne concernée par une décision qui doit être motivée. C’est une façon d’imposer le respect des droits de la défense. Cette obligation de recueillir les observations des personnes s’impose en priorité aux décisions de police qui doivent être motivées, non pas d’ailleurs en vertu de la loi de 1979 mais en application du Code général des collectivités territoriales. 

Troisièmement, avant toute poursuite disciplinaire, l’administration a l’obligation de communiquer aux fonctionnaires son dossier. La communication préalable du dossier est une formalité substantielle de la procédure disciplinaire. Elle a été imposée par l’article 65 de la loi du 22 avril 1905 qui a été voté à la suite du scandale des fiches, fiches établies par le ministère de la défense sur les militaires des bons ou mauvais catholiques.  

Remarque sur le vice de forme et de procédure : toutes les formes et toutes les procédures ne sont pas importantes. Le juge distingue deux catégories de formes et de procédures : les formes et procédures substantielles et celles non substantielles. La décision attaquée ne sera annulée que si elle viole une forme ou une procédure substantielle. De la jurisprudence du Conseil d’Etat on peut tirer deux critères de la substantialité, il n’y a pas de définition : tout d’abord est substantielle une forme ou une procédure qui constitue une garantie pour les administrés (le respect des droits de la défense est du substantiel) et ensuite est une forme ou une procédure substantielle la forme ou la procédure qui si elle avait été respectée aurait pu changer le sens de la décision.  

Arrêt CE du 3 juillet 1998 Association de protection et de défense de l’environnement St Come d’Olt : on a une expropriation et le juge à la demande de l’association constate qu’il y a eu une erreur de date sur l’ouverture de l’enquête, il y a eu aussi une omission des jours et des heures où le commissaire enquêteur pouvait être rencontré à la mairie d’une commune. Le juge considère que ces petites irrégularités n’ont pas entachés la procédure d’irrégularité de l’enquête. L’enquête doit durer au moins 1 mois et l’erreur sur la date d’ouverture de l’enquête n’a pas affecté la durée de l’enquête. Et même si les habitants n’avaient pas été informés des jours et des horaires de la présence du commissaire enquêteur, sur une commune de 1500 habitants il y en avait eu 67 qui étaient allés le voir. Donc cette omission n’a pas affecté la légalité de la procédure d’enquête.  

Donc c’est pas parce qu’il y aura un vice de forme ou de procédure dans une décision administrative que l’annulation de la décision sera assurée, il faudra que ca touche la substantialité de la forme ou de la procédure omise. 

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