La vie politique (1981-1995) : alternance et cohabitation

1981-1995. « Alternances » : le retour de l’instabilité ? 

  • 1981-1995. « Alternances » : le retour de l’instabilité ?
  • 1981-1995 : les apories de la « grande alternance ».
  • 1981-1983 : « un homme, une rose à la main ».
  • 1983-1988 : le tournant de la rigueur et l’expérience de la cohabitation.
  • 1988-1995 : le deuxième septennat Mitterrand, « la France unie » ?
 

Il est difficile de poser un regard froid sur une période qu’on a vécu et qui est proche. 

La socialisation politique impose d’établir des repères. 

3 éléments à retenir : 

  •     Les élections de 1981 présidentielles et législatives qui permettent à la gauche d’arriver au pouvoir et de réaliser le fait majoritaire à son avantage. On rompt avec 20 ans de pouvoir de la droite. La gauche devra démontrer que l’habit de la 5ème république n’est pas mal taillé pour elle.
  •     Il y a une opposition peu structurée à la 5ème république.
  •     On constate une forte rotation des majorités.

o   Cela démontre la difficulté à se maintenir longtemps au pouvoir, qui peut s’expliquer par les crises et la modification des systèmes partisans nationaux 

o   Cela démontre que le régime de la 5ème république est un régime en évolution du fait de l’apprentissage de nouveaux usages des institutions qui s’explique par l’enjeu de la décentralisation. 

o   Cela démontre comment la 5ème république est devenu un régime très participatif malgré l’abstention, du fait de l’augmentation du rythme électoral, car on a beaucoup utilisé le référendum dans un usage non plébiscitaire (1988 N-Calédonie, 1992 Maastricht, 2000 quinquennat, 2005 traité portant constitution européenne), et du fait de nouvelles élections en 1979 (élections des parlementaires européens au suffrage universel), en 1986 (élections régionales). Entre 1988 et 89 les électeurs seront appelés 7 fois aux urnes. 

Ici apparait le phénomène d’alternance qui s’installe à partir de 1981, et la mise en pratique de la cohabitation qui n’avait pas été prévue. 

Ces 2 phénomènes concernent la  distribution du pouvoir et affectent les instances parlementaires, comme la manière dont les citoyens perçoivent la politique. 

Derrière une instabilité apparente, il y a des évolutions compréhensibles sur lesquelles on peut poser un regard analytique. 

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  • 1981-1995 : les apories de la « grande alternance ».

Le terme alternance n’a jamais été définit, c’est un concept mou. 

Pour la 1ère fois il y a une expérience gouvernementale de gauche garantie par les élections donc constitutionnellement. La gauche va donc pouvoir gouverner au moins 5 ans. C’est la double victoire de Mitterrand aux présidentielles et du PS aux législatives. 

Les acteurs vont sciemment dramatiser cet évènement. 3 éléments y participent : 

  •    Mitterrand a choisi un programme qui s’intitule « changer la vie ». Cela fait réponse au travail du programme commun des années 1970.
  •    Valéry Giscard d’Estaing, pour annoncer sa défaite, va être filmé en caméra fixe à son bureau et laissera une chaise vide en disant « au revoir ».  Cela fait écho au chaos annoncé régulièrement par de Gaulle lorsqu’il évoquait son départ éventuel.
  •     On a annoncé la ruine de la France du fait d’une fuite des capitaux et de l’annonce de l’arrivée des chars russes en France.

Cette victoire de la gauche sera un immense espoir pour les électeurs. C’est déjà une revanche aux législatives de 1978. 

La gauche va entrer dans une culture de gouvernement et sera obliger de confronter sa copie politique ce qui débouchera sur un pragmatisme obligé. 

Le recentrage du jeu partisan va déboucher sur la résurgence des extrêmes qui combleront le vide laissé. 

Le programme commun est rompu depuis 1978, tandis que Mitterrand apparit comme usé par ses échecs successifs, il est de plus contesté par Rocard. Il le laminera en le nommant 1er ministre plus tard. 

A droite, à la suite du départ de Chirac du poste de 1er Ministre et la création du RPR, chacun aura son poulain pour les présidentielles de 1981. Il y aura 10 candidats à cette élection, qui devient donc très importante et révèle que pour exister chaque parti doit désormais présenter son candidat. 3 autres candidats potentiels n’ont pu se présenter faute de parrainage, il s’agit de Le Pen, Krivine et Coluche. 

Le programme de Coluche sera une remise en cause de la classe politique considérée repliée sur elle-même. Il se retirera en avril 1981, un mois avant l’élection, alors que certains sondages lui conféraient 10% des intentions de vote. 

Derrière cette forte concurrence, Mitterrand l’emportera et un nouvel acteur, l’abstention va alors s’inviter pour longtemps. Cet acteur semble mettre en évidence la distance des citoyens avec l’acte de vote. 

  • 1981-1983 : « un homme, une rose à la main ».

En fait il y a plusieurs roses. 85,7% des électeurs participent à l’élection. Mitterrand second au premier tour l’emportera haut la main au second tour grâce aux reports de voix. 

L’enthousiasme sera mis en scène le 23 mai par une manifestation de la rue Souffleau, remontée par Mitterrand jusqu’au Panthéon, des roses à la main, qu’il déposera sur les tombes de Victor Scloecher, de Jean Moulin et de Jean Jaurès. 

Cela associe celui qui a fait disparaitre l’esclavage en France avec le résistant et le grand militant que fut Jaurès. 

Le RPR bénéficiera de la défaite de Giscard, car il se positionne en pôle principal d’opposition à la gauche ; il enregistrera de nombreuses adhésions, le RPR se présentant comme la seule opposition au communisme. 

Mitterrand dissout l’assemblée nationales et nomme Mauroy 1er ministre. Les législatives verront le triomphe des socialistes qui a eux seuls seront majoritaires (288 sièges contre 117 en 1978 ; le PCF 44 sièges). Le rapport de force entre 1978 et 1981 est inversé avec un PS qui assume la place de parti hégémonique. Ceci a été conforté par une forte abstention à droite, qui malgré tout permet au RPR de dépasser l’UDF. 

La victoire de la gauche va donc marquer un renouvellement du personnel parlementaire, comme un renouvellement sociodémographique, avec l’arrivée de fonctionnaires au parlement (enseignants notamment). A la suite des élections un nouveau gouvernement Mauroy 2 sera constitué et verra l’entrée des communistes. C’est une stratégie de Mitterrand pour neutraliser au final les communistes. 

Sur le paln des institutions, Mitterrand va se convertir rapidement à la constitution de la 5ème, il dira « je suis le 1er responsable de la politique française ». Il va cependant laisser un peu plus de marge de manœuvre à son 1er ministre que ne l’avait fait Giscard. 

Malgré la majorité parlementaire, on mettra en place un gouvernement par ordonnance, pour favoriser un rythme de réforme accru. 

La période est aussi marquée par un renouvellement du personnel de l’état, 44 préfets sont mutés, 13 recteurs d’académies sont changé et les directeurs de chaines de TV sont remplacés. 

Mitterrand veut aller vite. 

Des réformes importantes, avec les lois Deferre de décentralisation, vont marquer l’organisation de la France. Les réformes sur les libertés seront aussi marquantes. On note le développement de la politique culturelle, l’abrogation du délit d’homosexualité instauré sous Vichy, l’abrogation de la peine de mort par Robert Badinter. Il ya aussi les réformes économiques marquées par la volonté d’une plus grande implication de l’état, cela passera par les nationalisations. Thomson, Usinor, Paribas, le CIC, la Banque Rothschild. En 1988 1 salarié sur 4 travaille désormais dans le secteur public. 

Ces réformes passeront aussi par une relance du pouvoir d’achat des français. 

Le temps de travail sera abaissé, l’impôt sur les grandes fortunes sera instauré, on abaisse l’âge de la retraite à 60 ans. Ces réformes répondent à des revendications et au programme annoncé. 

Mais ces réformes sont lourdes et provoquent l’inflation. De plus la baisse du temps de travail se révèle incapable à faire baisser le chômage. Cette politique de relance  tend donc à mettre l’économie en surchauffe. Delors annoncera une suspension de ces réformes, en 1982 un premier plan de rigueur appelé « parenthèse » est mis en place par le gouvernement. On va alors bloquer les salaires et les prix et désindexer les salaires des prix. Cela créera des remous au sein du PCF. 

En 1983 lors des élections municipales qui sont une défaite pour la gauche, la rigueur va s’installer et la contestation va monter. 

  • 1983-1988 : le tournant de la rigueur et l’expérience de la cohabitation.

En 1983 la France s’engage dans une politique de réforme structurelle pour moderniser le pays. Ce sera la remise en cause de la lune de miel entre ouvrier et PS. 

On va sacrifier de veilles industries condamnées par la concurrence internationale. On ferme les usines de charbon, de sidérurgie et les usines Talbot. L’état s’engage dans des mesures drastiques de restructuration de l’économie et le chômage va continuer sa progression. 

Le projet de loi d’Alain Savary de 1984 visant à la mise en place d’un grand service public de l’enseignement (opposé au privé) provoquera un grand mouvement contestataire de droite, c’est l’entrée de la droite dans les grandes manifestations populaire. On assistera à la reculade de la gauche. 

En 1984 les élections européennes marqueront la défaite de la gauche. C’est la montée en puissance du RPR et l’apparition du FN. 

Mitterrand va nommer Fabius à la place de Mauroy et il va poursuivre la politique de rigueur. Mais cela ne répond pas aux demandes des ministres communistes qui décideront de quitter le gouvernement. 

Le chômage frappe désormais 2,4 millions d’individus et à l’approche des législatives le gouvernement est de plus en plus impopulaire. 

On va alors jouer sur les règles électorales et le découpage des circonscriptions pour limiter l’échec de la gauche. En 1986 on s’engage alors dans la représentation proportionnelle organisée au niveau du département. Les élections législatures a un tour verront la modification du nombre de sièges (de 491 à 577), et la droite obtiendra 291 sièges, le FN 35 sièges (autant que le PCF). 

On va alors entrer dans une période inconnu, celle de la cohabitation. 

Mitterrand va nommer Chirac 1er ministre. On se dirige vers une épreuve de force entre les têtes de l’exécutif. La cohabitation sera agitée. Pour éviter de trop nombreux conflits, le 1er minsitre aura la main sur la politique intérieure et le président sur la politique extérieure. 

On voit une modification importante des référentiels. Avant la gauche était historiquement le défenseur du parlementarisme, et la droite du césarisme. Or avec l’arrivée de Chirac c’est la droite qui devient le défenseur du parlementarisme. 

Chirac veut gouverner par ordonnance pour accélérer son programme de privatisation. Or soumis à contreseing Chirac va se heurter au président. 

On constate que les conflits sociaux n’ont pas été éliminés. Dès l’automne 1987 une grande grève de la SNCF et des étudiants contre le projet Devaquet  en 1986 vont être marquants. 

Mitterrand va se poser comme le défenseur des français face à une droite liberticide et sa popularité va remonter. 

En 1988, Chirac va se déclarer candidat aux présidentielles, alors que Mitterrand fera planer le suspens. Mitterrand va développer un programme sur le rassemblement et la défense des libertés. 

  • 1988-1995 : le deuxième septennat Mitterrand, « la France unie » ?

1988 est un 2èeme tournant. Des observateurs expliqueront que 1988 c’est la fin des idéologies, car la fin de l’opposition frontale entre la gauche et la droite. Le volontarisme de la gauche a montré ses limites et le libéralisme de droite aussi sous le 1er septennat Mitterrand. 

Les lignes de clivages semblent s’être déplacés vers des questions de société (droits des étrangers et leur accession au vote). Il y aura aussi une réflexion sur la politique internationale, marquée par l’effondrement du bloc de l’Est, qu’on envisage comme « la fin de l’histoire » (société plus égalitaire naissante ?). 

L’élection de 1988 apparait favorable au PS car Mitterrand est en position de force avec les conflits de 1986-1987 et a le soutien du PS. Il construit sa campagne sous le slogan « la France unie ». 

La campagne s’ouvre sur une logique émotionnelle. Mitterrand qui tente de représenter la France Unie, débute sa campagne avec des affiches représentant le bon père de famille « tonton ». Le PS doit s’ouvrir au centre car Mitterrand a compris que le PS était en crise. 

La victoire de Mitterrand avec 54% des voies ouvre les voies à une nouvelle dissolution, mais cette fois ci il n’obtiendra qu’une majorité relative, du fait du retour du scrutin majoritaire à 2 tours. La gauche est contrainte à des alliances. On constitue un programme gouvernemental dit du « ni ni ». Le PS a renoncé à changer la vie des français. 

Mitterrand va nommer Rocard comme 1er ministre. On va prendre des mesures phares qui marquent l’action de l’état dans le soutien aux plus démunis. On met en place le RMI (en 2009 il devient RSA), des contrats emploi solidarité (CES). 

Des bouleversements internationaux marquent aussi la période. Le PCF va se trouver sans allié avec l’effondrement de l’URSS. 

La première guerre du golfe également. La référence c’est les USA qui deviennent le leader mondial. 

En 1991 Mitterrand décide de démissionner Rocard devenu trop envahissant et nomme Edith Cresson. Ce choix assure à Mitterrand une présidence proche de la monarchie républicaine. C’est aussi le moment d’envisager la succession de Mitterrand. Le Congrès de Renne sera très agité et démontera les fractures internes. Le congrès de la Défense de 1991 est révélateur, le PS déclare que la poursuite de lutte des classes est révolue. 

En 1992 Pierre Bérégovoy devient 1er ministre, il doit engager la France dans le Traité de Maastricht qui est contraignant sur le plan budgétaire, il doit aussi préparer les législatives de 1993. Ces élections seront une défaite historique pour la gauche. La droite aura la plus forte majorité depuis 1958. Le PS ne conserve que 67 sièges sur les 577 (PCF 24 sièges ; écologistes en montée). 

Mitterrand va alors demander à Chirac d’être 1er ministre, mais ce dernier refuse préférant laisser la place à Balladur, en espérant qu’il sera gagné par l’usure du pouvoir qui gagne les 1ers ministres de Mitterrand. Cette nouvelle cohabitation sera qualifiée de « velour ». Elle se construit sur la pacification sur l’accord de domaines partagés. Cela  tient aussi à la personnalité des 2 protagonistes, et Mitterrand est usé et fatigué par la maladie. Balladur va choisir une stratégie de discrétion et de refus d’opposition frontale. Cela va le faire apparaitre comme un candidat crédible pour la présidentielle de 1995. Il apparait comme un candidat d’union et de rassemblement. 

Les visions politiques de Chirac et de Balladur apparaissent de plus en plus comme divergentes. Balladur est europhile contrairement à Chirac. A partir de 1994 Chirac prend des dispenses d’avec ses anciennes positions libérales, il s’attache à des préoccupations plus sociales, révélatrice du thème de la « fracture sociale » qu’il développera. 

A l’approche des élections, l’affaire Tapie (Valencienne/OM) et la forte concurrence au sein du PS (dont Jospin sort vainqueur), contribueront à un contexte annoncé, par les observateurs, comme un deuxième tour particulier. 

Ce sera l’affrontement entre Balladur et Chirac qui sera annoncé à tort. 

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