L’infraction consomée ou la tentative de violence en droit pénal

L’élément materiel de la violence : L’élément objectif du résultat

Si on s’en tient à l’élément objectif du résultat, c’est-à-dire l’atteinte : l’atteinte à l’intégrité physique ou psychologique ; les violences sont des infractions matérielles ce qui signifie que dans leur constitution ces infractions supposent de caractériser une atteinte soit au corps, soit à l’esprit.

Toutefois, on peut se demander d’abord en quoi consiste l’atteinte, et on peut ensuite essayer de voir si l’atteinte n’a pas été caractérisée.

  • → Sur l’infraction consommée

Il faut distinguer au sein de cette notion d’atteinte entre une approche abstraite et concrète. Une personne a pris un coup, on constate qu’il y a atteinte à son intégrité physique. C’est ce qu’en responsabilité civile on appelle le dommage, qui est l’atteinte à l’intérêt protégé par la loi (simple atteinte, pas mesuré dans son quantum).

Au minimum, les violences supposent une atteinte. C’est toujours vrai alors même que dans certains cas on pourrait avoir des hésitations, il y a deux cas :

1° Les violences dites légères : qui sont des violences contraventionnelles à l’article R624-1. Elles sont constituées alors même que la victime ne va avancer aucune incapacité de travail

  • Finalement on pourrait croire qu’il n’y a pas de dommage, mais il y a un dommage parce qu’il y a atteinte, en revanche il y a un préjudice.
  • Il y a bien une atteinte à l’intégrité physique, mais il n’y a pas de préjudice quantifiable si ce n’est un préjudice moral suite à cette atteinte.
  • 2° Les violences dites psychologiques. Dans le cadre des violences psychologiques, la Cour de cassation emploie la formule suivante depuis les années 50 « la violence est caractérisée
  • suffisamment par un geste ou une attitude de nature à impressionner une personne raisonnable ». Cette formule peut poser question car on a l’impression que par la même la
  • Cour de cassation transforme les violences en infractions formelles.
  • Cette façon de raisonner n’est pas tout à fait exact, en fait ce que fait la Cour de cassation c’est qu’elle pose une sorte de présomption : elle présume qu’un acte qui est de nature à
  • impressionner une personne raisonnable a donc dû impressionner la victime en l’espèce.
  • C’est une présomption fondée sur la nature de l’acte et qui peut tout à fait être renversée par les évènements en cause et la qualité de la victime. 27 octobre 1999 : la Cour de cassation a
  • admis à propos d’une victime qui était un préfet que les violences psychologiques n’étaient pas caractérisées. Une personne avait fait
  • paraître une fausse annonce de décès du préfet
  • en lui souhaitant un repos éternel. La Cour de cassation a constaté que la parution de cette annonce n’a pu impressionner la victime et provoquer un
  • choc ou un trouble psychologique. La
  • Cour de cassation demandait de vérifier à la CA que le préfet avait bien eu connaissance de l’annonce et s’il avait bel et bien été atteint dans son
  • intégrité psychologique.

Ce dommage est tel qu’il est objectivement constaté par les juges du fond. La quantification du préjudice est un élément de qualification de l’infraction. Il faut quantifier le préjudice pour qualifier l’infraction. C’est pour ça que l’on parle des violences en tant qu’infraction de résultat. Le Code pénal distingue trois grandes catégories de violences :

La loi distingue entre plusieurs degrés de préjudice :

  • soit la victime n’a pas subi de préjudice corporel, il n’y a pas d’incapacité temporaire de travail
  • soit la victime avance une ITT < 8 jours : violences contraventionnelles, partie réglementaire du Code : articles R.624-1 et R.625-1 du Code Pénal.
  • soit la victime avance une ITT > 8 jours : violences délictuelles. Prévues dans la partie législative du Code Pénal : article 222-11 du Code Pénal.
  • Les violences criminelles : c’est un résultat mortel (article 222-7 du Code Pénal) ou une infirmité ou une mutilation permanente commise sur une victime particulière (article 222-10 du Code Pénal). Attention : la mutilation ou l’infirmité permanente commise sur une personne non visée par le législateur dans l’article 222-10 du Code pénal n’est qu’un délit.

Les juges du fond sont obligés de quantifier le préjudice pour appliquer le texte. Ils vont le faire sur la base de certificats médicaux. Il faut d’ailleurs ici ne pas confondre l’arrêt de travail et l’incapacité de travail.

L’incapacité de travail est le temps nécessaire à la consolidation des blessures. Pour que les coups se résorbent complètement, il va falloir tant de jours. Ce que dit le Code Pénal est que l’on va qualifier le préjudice et donc l’infraction en fonction de l’ITT.

Ce préjudice va être constaté dans le jugement et c’est un préjudice qui est constaté de manière définitive avec cependant une question qui est celle de l’évolution possible du préjudice pendant la procédure pénale. Un individu victime de violence, la procédure pénale se déclenche, mais durant ce temps le préjudice s’aggrave.

C’est le préjudice définitif qui va fixer la qualification.

Dans les violences, il y a au minimum une atteinte à l’intégrité physique, mais après il faut quantifier le préjudice pour qualifier l’infraction.

Au delà de cette constatation, deux difficultés peuvent se poser en pratique :

  • L’impossibilité de constater le préjudice définitif parce qu’un fait extérieur, une cause étrangère, modifie la situation juridique de la victime. Ex : une victime a été agressée, quelques temps après son agression, et avant que les médecins n’aient pus terminer leur expertise (deux temps : voir les blessures puis voir le temps de consolidation), la victime a subit un accident de la circulation dans lequel elle a été soit tuée soit gravement blessée, en sorte que les blessures de l’agression soient absorbées dans l’accident. Il y a impossibilité de qualifier le préjudice de la victime, ce qui pose la difficulté de qualifier l’infraction applicable à l’auteur. Dans ce cas, la Cour de cassation a admis parfois que l’on raisonne de manière prospective, en admettant que les médecins se prononcent sur la base de ce qu’aurait pu être l’incapacité au regard des coups portés. Ex : Crim., 4 février 1965 : une victime est décédée moins de 8 jours après les violences pour des raisons extérieures. La Cour de cassation admet que les juges du fond peuvent malgré tout condamner l’auteur des violences au titre des violences ayant entrainé une ITT de plus de 8 jours, parce que les médecins avaient conclus, au titre de la première expertise, que les blessures supposaient un repos de 3 semaines. Ca a permis de qualifier l’infraction.
  • Particularité physique de la victime. Pour constater le préjudice, il faut tenir compte des particularités de la victime. Faut-il, pour qualifier l’infraction, tenir compte de la vulnérabilité de la victime, ou au contraire de sa supériorité physique ? La réponse est positive. Ce qui compte, c’est le préjudice concrètement subis par la victime, indépendamment de la nature de l’acte de violence. Le juge ne raisonne pas par rapport à la nature de l’acte mais par rapport à l’importance du préjudice. Un petit acte peut produire de grandes conséquences si la victime est vulnérable.

Les violences sont donc des infractions de résultat, le résultat permet la qualification, ce résultat est le résultat en tant que préjudice constaté par expertises médicales.

  • → Sur l’infraction tentée

Ici il n’y a pas eu d’atteinte. Il y a une première qu’il faut écarter qui est celle de la tentative de violence. Le Code Pénal ne prévoit pas la tentative de violence et on est devant une impasse conceptuelle, parce que si le Code ne prévoit pas d’incriminer la tentative, cela veut dire que la tentative ne peut être concevable qu’en matière de crime (il faut que le législateur prévoit expressément la tentative en matière de délits).

Pour qualifier une violence de crime, il faut qualifier un préjudice. Il n’y a que deux cas où la violence devient criminelle :

  • lorsque les violences entrainent la mort sans volonté de la donner, article 222-7
  • lorsque les violences ont entrainé une mutilation ou une infirmité permanente, lorsque commis sur certaines victimes énoncées par le Code.

Donc pour qualifier de crime, il faut qualifier le résultat. On ne peut donc pas envisager de tentatives de violences.

Cela étant, est-ce que malgré tout on ne peut pas envisager une forme de punition de ceux qui préparent ou commencent à exécuter des violences sans recourir à la théorie de la tentative ?

La première est de raisonner sur une tentative de meurtre. Il se peut que la personne ait commis volontairement des violences pour commettre un meurtre. Il se peut que cette personne soit arrêté : on n’est pas sur une période de tentative de violences criminelles, mais sur une tentative de meurtre. Il y a une ressemblance des actes, mais l’acte d’homicide embrasse différents types d’actes, y compris les violences.

La deuxième situation est l’incrimination directe d’un acte préparatoire de violence. C’est une des évolutions récentes du droit positif, dont on peut ou non se féliciter. Il y a un clivage politique incontestable. Dans cette logique on a instauré une disposition dans le Code Pénal à l’article 222-14-2 de la L2010 : incrimination de bandes violentes. Cela incrimine l’acte préparatoire de violences. Est incriminé le fait pour une personne de participer sciemment à un groupement, même formé de façon temporaire en vue de la préparation caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, de destruction ou de dégradation de biens. Ce fait est puni d’un an d’emprisonnement et de 15k euros d’amende. C’est un texte qui a passé le cap du contrôle de constitutionnalité, d’une manière discutable.

Ce qui est intéressant dans la rédaction de ce texte c’est que d’abord le législateur vise un groupement (au moins deux personnes) et ce qu’il incrimine c’est la participation à ce groupement. Ensuite, il vise des faits matériels mais des faits matériels qui caractérisent la préparation d’actes de violences. C’est le fait de participer à l’acte préparatoire qui est incriminé. Il n’y a aucune jurisprudence sur ce texte depuis 3 ans (du moins qui soit remontée jusqu’à la Cour de Cassation).

Il faut donc un fait matériel qui caractérise la préparation d’actes de violences ou de dégradation de biens. Il y a des faits matériels facilement identifiables comme le fait de détenir une arme, si le texte était absent il n’y aurait pas de GAV.

C’est un texte qui permet aux agents de police judiciaire de placer en GAV des personnes dont ils pressentent qu’ils vont commettre des actes de violences. Ici il n’y a pas besoin de qualifier ces actes.

  1. Le lien de causalité s’agissant des violences

S’agissant du lien de causalité, le principe en droit pénal est que la causalité doit être certaine, sans qu’elle soit selon la jurisprudence classique immédiate ou directe.

Il est possible que dans une affaire, plusieurs causes de préjudices soient identifiables mais dès lors que l’acte de violence accompli par l’auteur est une des causes de ce préjudice définitivement constaté, alors l’auteur répond de l’entier préjudice et non de la qualification.

Le coup et la particularité de la victime peuvent être deux causes. Malgré tout, il faudra répondre de la qualification qui va découler de la quantification du préjudice. On ne prend pas en compte la prédisposition de la victime.

On applique la théorie d’équivalence des conditions : sans le coup le dommage ne serait pas intervenu. Il faut répondre de l’entier dommage, sans diviser la causalité avec d’autres éléments.

Cela ne veut pas dire que la question de la causalité ne se pose jamais : s’il y a une cause étrangère qui absorbe la totalité de la causalité, on peut imaginer une exonération pénale.

Un coup à une personne mais cette personne décède ensuite à la suite d’une erreur médicale grossière. Cela risque d’absorber la causalité, et c’est le médecin qui sera poursuivi.

On peut appliquer ici la théorie de la scène unique de violence : plusieurs personnes ont porté des coups à un individu, il n’y a pas à découper entre chaque participant. Chacun répond du préjudice total résultant des coups.

C’est important car cela veut dire que lorsqu’on participe à des violences de groupe, on ne pourra pas se défendre en avançant un coup unique. Tout le monde répond des préjudices qui vont définir la qualification pénale.