La démocratie semi-directe : référendum et véto populaire

La démocratie semi-directe

La démocratie semi-directe est un modèle hybride combinant les éléments de la démocratie représentative et de la démocratie directe. Bien que les citoyens délèguent généralement leur pouvoir à des représentants élus, des mécanismes sont mis en place pour permettre une intervention directe du peuple dans certaines décisions, afin d’éviter des dérives du pouvoir représentatif. Les principaux outils de la démocratie semi-directe incluent :

  • L’initiative populaire : Les citoyens peuvent proposer une loi ou une réforme à soumettre au débat ou à un vote.
  • Le veto populaire : Les citoyens peuvent s’opposer à une loi adoptée par les représentants avant qu’elle ne prenne effet.
  • Le référendum : L’outil le plus répandu, permettant aux citoyens de se prononcer directement sur une question spécifique.

Ce système repose sur une complémentarité entre la délégation du pouvoir aux représentants et l’intervention ponctuelle du peuple souverain. Les mécanismes directs permettent de :

  1. Corriger les excès éventuels d’un régime représentatif en garantissant un contrôle populaire.
  2. Renforcer la légitimité démocratique des décisions sur des questions cruciales.

Cependant, certains pays restent hostiles à ce système pour des raisons historiques ou structurelles.

 

I – Initiative et véto populaire

Les mécanismes d’initiative populaire et de veto populaire permettent aux citoyens de participer directement à la vie démocratique en influençant l’élaboration ou l’application des lois. Bien que ces outils soient au cœur de la démocratie semi-directe dans certains pays, ils restent absents du système français, où la participation populaire se limite principalement à des consultations ponctuelles comme le référendum.

Dans les États où l’initiative et le veto populaires sont absents ou limités, le référendum joue un rôle clé pour associer les citoyens à la décision politique. En France, le référendum est utilisé de manière ponctuelle pour des questions constitutionnelles ou législatives, mais il reste encadré par des autorités politiques.

A- L’initiative populaire

L’initiative populaire consiste à permettre aux citoyens de lancer un débat ou une procédure législative sur un sujet donné, selon des conditions prédéfinies. Cette démarche peut conduire à :

  • Une demande de débat parlementaire sur un texte spécifique.
  • Une proposition législative ou constitutionnelle, souvent suivie d’un référendum pour adoption.

1) Conditions nécessaires :

Pour qu’une initiative soit recevable, il est généralement requis :

  • Un seuil minimum de signatures : Les citoyens doivent rassembler un certain nombre de soutiens pour légitimer la procédure. Ce seuil doit être ajusté en fonction de la taille de l’État :
    • Dans de petits États comme la Suisse, le seuil est relativement bas (100 000 signatures pour une initiative fédérale).
    • Dans de grands États, un seuil trop élevé risque de rendre l’initiative impraticable, tandis qu’un seuil trop bas pourrait multiplier les demandes et paralyser le système.
  • Un délai pour collecter les signatures : En Suisse, par exemple, les citoyens disposent de 18 mois pour réunir les signatures nécessaires. Ce délai doit être raisonnable pour éviter des projets trop longs, qui pourraient devenir obsolètes avant même leur aboutissement.

2) Exemples d’application :

  • En Suisse : Les citoyens peuvent proposer une modification de la Constitution ou une loi fédérale en réunissant le nombre requis de signatures.
  • Au sein de l’Union européenne : L’initiative citoyenne européenne (ICE) permet aux citoyens de demander à la Commission européenne de proposer un texte législatif. Elle exige un minimum de 1 million de signatures provenant d’au moins 7 États membres, un seuil qui reste accessible mais logistique complexe.

2) Défis et limites :

  • Authenticité : Il est parfois difficile de garantir que l’initiative provient réellement des citoyens et non d’acteurs influents (partis, lobbies).
  • Déséquilibres démographiques : Dans des États vastes ou fortement peuplés, les citoyens des régions les plus peuplées peuvent dominer le processus, suscitant des critiques sur l’équité territoriale.
  • Application en France : Depuis la révision constitutionnelle de 2008, la France a introduit l’idée d’un référendum d’initiative partagée (RIP), un mécanisme hybride nécessitant le soutien d’au moins 1/5 des parlementaires et 10 % du corps électoral. Cependant, son usage reste extrêmement limité et contraignant.

 

B- En France, l’initiative populaire est le référendum d’initiative partagée (RIP)

La réforme constitutionnelle de 2008 a introduit une nouvelle modalité de référendum dans le cadre de l’article 11 de la Constitution : le référendum d’initiative partagée (RIP). Ce dispositif, précisé par la loi organique du 6 décembre 2013, vise à associer les parlementaires et les citoyens à l’organisation d’un référendum, tout en encadrant strictement ses modalités.

1) Les caractéristiques du RIP

Le référendum d’initiative partagée repose sur une double condition :

  • Une initiative parlementaire : La proposition de loi doit être déposée par au moins un cinquième des membres du Parlement (soit 185 parlementaires sur 925).
  • Un soutien populaire : Cette initiative doit être appuyée par un dixième des électeurs inscrits, soit environ 4,8 millions de citoyens.

Ces critères visent à garantir que le RIP repose sur un soutien significatif des deux principales composantes de la souveraineté : le Parlement et le peuple.

2) Les domaines de compétence du RIP

L’article 11 de la Constitution limite les référendums à des domaines spécifiques :

  1. L’organisation des pouvoirs publics.
  2. Les réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale, ainsi qu’aux services publics qui y concourent.

Ces restrictions excluent les questions sociétales ou internationales qui pourraient susciter des clivages importants, comme les réformes sur le mariage ou la peine de mort, souvent évoquées par les partisans d’un élargissement du RIP.

3) Les étapes du processus du RIP

La mise en œuvre d’un référendum d’initiative partagée comporte plusieurs étapes, rendant la procédure longue et complexe :

1. Dépôt de la proposition de loi

  • La proposition doit être signée par au moins 185 parlementaires.
  • Une fois déposée, elle est transmise au Conseil constitutionnel, qui dispose d’un mois pour en vérifier la conformité avec la Constitution et les critères définis par l’article 11.

2. Collecte des soutiens citoyens

  • Si le texte est validé par le Conseil constitutionnel, une période de neuf mois s’ouvre pour recueillir les soutiens d’au moins 4,8 millions d’électeurs inscrits sur les listes électorales.
  • Les soutiens peuvent être déposés :
    • Sur une plateforme numérique dédiée, mise en place par le gouvernement.
    • Dans des points d’accès physiques, situés au moins dans la commune la plus peuplée de chaque canton, pour les électeurs ne pouvant pas s’identifier en ligne.
  • La procédure est strictement encadrée, notamment pour éviter les fraudes.

3. Vérification des signatures

  • À l’issue des neuf mois, le Conseil constitutionnel procède à la vérification du nombre et de la validité des signatures recueillies.

4. Intervention du Parlement

  • Si la proposition obtient le soutien requis, elle est transmise au Parlement, qui dispose de six mois pour l’examiner.
  • Si le Parlement n’adopte pas la proposition dans ce délai, le président de la République est tenu de convoquer un référendum.

4) Contraintes et limites du RIP

Le référendum d’initiative partagée est soumis à plusieurs contraintes, destinées à limiter les abus ou les répétitions :

  • Périodes d’exclusion :
    • Une proposition ne peut pas porter sur l’abrogation d’une loi promulguée depuis moins d’un an.
    • Elle ne peut pas concerner un sujet rejeté par référendum dans un délai de deux ans.
  • Encadrement du processus : Les étapes, notamment la collecte des soutiens et la validation des signatures, nécessitent des délais et des moyens importants, rendant le processus particulièrement lourd.
  • Faible accessibilité : Les modalités de collecte des soutiens (notamment via une plateforme numérique) excluent certains citoyens qui ne disposent pas des outils nécessaires pour participer facilement.

5) Critiques et usage limité du RIP

Depuis sa création, le RIP a été largement critiqué pour sa complexité et son inaccessibilité. Aucun référendum d’initiative partagée n’a été organisé à ce jour, bien que des tentatives aient eu lieu :

  • 2019 : Une initiative pour protéger les aéroports de Paris (ADP) de la privatisation avait été déposée par des parlementaires et soutenue par environ 1,1 million de citoyens. Cependant, elle n’a pas atteint le seuil des 4,8 millions de signatures nécessaires.

Les principales critiques portent sur :

  • La longueur du processus, qui dissuade les initiatives.
  • Le seuil élevé de soutiens, difficile à atteindre dans un contexte de faible participation politique.
  • Le rôle central du Conseil constitutionnel, qui peut rejeter des propositions avant même leur soumission au public.

 

Conclusion : Face aux limites actuelles, plusieurs propositions visent à simplifier et rendre plus accessible le référendum d’initiative partagée :

  1. Abaisser le seuil des soutiens requis : Certains plaident pour réduire le nombre de signatures nécessaires à un pourcentage plus faible du corps électoral.
  2. Étendre les domaines d’application : Intégrer des questions sociétales ou environnementales.
  3. Simplifier la collecte des signatures : Améliorer l’accessibilité des plateformes numériques et développer des campagnes d’information pour encourager la participation.

 

C- Véto populaire

Le veto populaire offre aux citoyens la possibilité de s’opposer à une loi adoptée, empêchant ainsi son entrée en vigueur. Ce mécanisme est une forme de contrôle populaire a posteriori, souvent qualifié de démocratie de surveillance.

  • Une fois qu’un texte législatif est voté, une période est ouverte (généralement de quelques mois) pendant laquelle les citoyens peuvent lancer une pétition pour organiser un référendum visant à abroger la loi.
  • Si un nombre suffisant de signatures est recueilli, un référendum est organisé pour trancher.

Exemples d’application du véto populaire :

  • En Suisse : Les citoyens disposent de 90 jours après l’adoption d’une loi pour réunir 50 000 signatures et déclencher un référendum abrogatif.
  • En Italie : Le système de veto populaire est similaire, bien qu’il soit également source de tensions politiques.
  • Aux États-Unis : Plusieurs États fédérés, comme la Californie, permettent aux citoyens de contester une loi via un référendum.
  • En France ; Le veto populaire est exclu du système français. Les critiques soulignent que permettre une telle procédure pourrait :
    • Entraver la continuité législative en facilitant l’abrogation des lois adoptées.
    • Fragiliser le rôle du Parlement et créer des conflits permanents entre citoyens et institutions représentatives.

Avantages et risques du véto populaire :

  • Avantages :
    • Permet de corriger des décisions impopulaires ou mal perçues par la population.
    • Renforce la légitimité des lois adoptées, car celles-ci peuvent être validées ou invalidées directement par les citoyens.
  • Risques :
    • Peut créer un vide législatif, en particulier si une loi importante est abrogée sans alternative prête à être mise en œuvre.
    • Génère des conflits entre citoyens et représentants, fragilisant parfois la stabilité institutionnelle.
    • Favorise des campagnes de désinformation ou de manipulation pour influencer l’opinion publique.

 

II – Le référendum

Le référendum, outil de démocratie directe ou semi-directe, permet de consulter les citoyens sur des sujets spécifiques. Sa pratique varie considérablement d’un pays à l’autre, en fonction des traditions juridiques, politiques et culturelles. Ce mécanisme se décline sous différentes formes et est soumis à des usages plus ou moins répandus selon les États.

A- Le référendum à l’étranger

a- Les formes de référendum

Les référendums peuvent être classés selon leur objectif, leur objet, et leur caractère obligatoire ou facultatif.

  1. Objectif du référendum
    Selon l’objectif poursuivi, on distingue principalement deux types de référendums :

    • Référendum consultatif : Il s’agit d’obtenir l’avis des citoyens sans que ce dernier ait une incidence directe sur la décision. Bien que le résultat ne soit pas juridiquement contraignant, il devient politiquement difficile de ne pas en tenir compte. Exemple : en 2016, le référendum au Royaume-Uni sur le Brexit était consultatif, mais son résultat a entraîné la sortie effective du pays de l’Union européenne.
    • Référendum de ratification : Ce type de référendum est destiné à adopter ou rejeter un texte de manière définitive et contraignante. Il s’agit de la forme la plus courante dans les États pratiquant le référendum.
    • Référendum d’arbitrage : Organisé pour résoudre une situation de blocage politique, il permet de demander au peuple de trancher une question qui divise les institutions ou les représentants.
  2. Objet du référendum

    • Référendum constituant : Utilisé pour l’adoption ou la révision d’une Constitution. C’est le type de référendum le plus fréquent, car il engage des décisions fondamentales concernant l’organisation des pouvoirs publics. Exemple : le référendum français de 1958 qui a approuvé la Constitution de la Cinquième République.
    • Référendum législatif : Portant sur l’adoption ou la modification de lois ordinaires. Moins fréquent que le référendum constituant, il est courant dans des États où la démocratie directe est institutionnalisée, comme en Suisse ou dans certains États fédérés des États-Unis.
  3. Caractère obligatoire ou facultatif

    • Référendum obligatoire : Certains actes ou décisions politiques ne peuvent être adoptés sans un référendum. Ce mécanisme est rare, mais on peut citer la Norvège, où tout changement de l’âge de la retraite nécessite un référendum, ou encore l’Irlande, qui impose un référendum pour toute modification constitutionnelle.
    • Référendum facultatif : Ici, le référendum est organisé à la discrétion des autorités. En France, par exemple, il est utilisé pour des raisons politiques ou stratégiques, comme le référendum de 2005 sur le traité établissant une Constitution pour l’Europe. Trois acteurs peuvent décider de recourir au référendum :
      • L’exécutif, qui en a souvent l’initiative.
      • Les parlementaires, qui, bien qu’hésitants à déléguer leur pouvoir, peuvent exceptionnellement demander un référendum.
      • Les citoyens, dans le cadre d’un référendum d’initiative populaire, bien que cette pratique reste limitée en France.

 

b- Pratique du référendum à l’étranger

La pratique du référendum varie largement selon les pays, certains l’adoptant comme un outil central de leur démocratie, tandis que d’autres s’en méfient.

  1. États hostiles au référendum

    • Allemagne : Après l’échec de la République de Weimar et la montée d’Hitler, facilitée par des référendums manipulés, la Constitution allemande actuelle interdit tout référendum au niveau fédéral, considérant qu’il peut être dangereux dans un contexte politique instable.
    • Royaume-Uni : En l’absence de Constitution écrite, le Royaume-Uni ne prévoit pas formellement de référendum dans son système représentatif. Cependant, des référendums exceptionnels ont été organisés, notamment sur des sujets majeurs tels que le maintien dans la CEE (1975) et le Brexit (2016). Les référendums ont également été utilisés pour des questions régionales, comme l’autonomie de l’Écosse ou du Pays de Galles.
    • Belgique : La Belgique reste résolument opposée au référendum en raison de la crainte qu’il ne ravive les tensions communautaires entre Flamands et Wallons. Cette opposition est renforcée par les divisions politiques et linguistiques du pays.
  2. États favorables au référendum

    • Suisse : La Suisse est le modèle de référence en matière de démocratie directe, avec des référendums fréquents au niveau fédéral et cantonal. Les citoyens peuvent aussi initier des propositions législatives ou constitutionnelles, et contester les lois adoptées par les autorités.
    • Italie : L’Italie pratique régulièrement des référendums, notamment pour abroger des lois existantes.
    • États fédérés des États-Unis : Dans des États comme la Californie, le référendum est un outil courant pour valider ou abroger des lois. Cependant, cette pratique peut conduire à des abus ou à des blocages institutionnels, notamment lorsque des initiatives populaires contredisent les priorités des gouvernements locaux.

Critiques. Le référendum, bien qu’étant un outil puissant de participation démocratique, reste un mécanisme controversé. Si certains États comme la Suisse en ont fait un pilier de leur système politique, d’autres, comme l’Allemagne et la Belgique, préfèrent s’en passer en raison des risques associés.

Le référendum est souvent critiqué pour son potentiel de dérive plébiscitaire. En effet, il peut être détourné par les gouvernants pour obtenir un soutien populaire, réduisant ainsi la consultation à un vote de confiance pour le chef de l’État. Cette pratique était fréquente sous le Premier et le Second Empire en France, où Napoléon Ier et Napoléon III l’utilisaient pour asseoir leur pouvoir. Le référendum de 2005 sur le traité constitutionnel européen est également perçu comme une tentative, par Jacques Chirac, de consolider son image politique.

 

B- Le référendum en France

Le référendum, mécanisme permettant aux citoyens de se prononcer directement sur des questions importantes, a une histoire mouvementée en France. Longtemps mal perçu en raison d’expériences historiques controversées, il est néanmoins devenu un outil constitutionnel central sous la Cinquième République, en grande partie grâce à Charles de Gaulle. Il incarne à la fois une expression de la souveraineté populaire et un instrument au service de la stabilité institutionnelle.

1) Le référendum dans l’histoire constitutionnelle française

Historiquement, la France a entretenu une relation complexe et parfois hostile avec le référendum, pour plusieurs raisons :

1° Tensions entre souveraineté populaire et nationale : Bien que la France ait connu des régimes basés sur la souveraineté populaire, le référendum a souvent été rejeté par les défenseurs de la souveraineté nationale. Dans ce dernier cadre, le pouvoir appartient à la nation dans son ensemble et s’exerce par l’intermédiaire de représentants élus, rendant le référendum incompatible avec cette vision.

2° Opposition des partis politiques : Les partis politiques sont historiquement hostiles au référendum, car :

  • Ce mécanisme contourne le rôle des représentants et leur pouvoir décisionnel.
  • La réponse binaire (oui ou non) masque la complexité des enjeux politiques et échappe aux dynamiques partisanes.

3° Expériences négatives du passé : Le référendum en France est marqué par des épisodes controversés :

  • 1793 : La Constitution montagnarde, adoptée par référendum, a conduit à la Terreur, ternissant l’image du référendum démocratique.
  • Sous Napoléon Ier et Napoléon III : Les référendums ont été utilisés pour légitimer des régimes autoritaires, assimilant cet outil à un plébiscite.

4° Caractère dichotomique du référendum : Le référendum repose sur un choix simple, sans possibilité de nuance ou d’amendement. Cette absence d’alternative peut provoquer des blocages institutionnels, surtout en cas de rejet populaire.

5° Crainte du blocage institutionnel :  Une réponse négative lors d’un référendum peut paralyser les institutions. Ce risque a longtemps été avancé comme un argument pour limiter le recours à cet outil, notamment jusqu’aux années 1980.

Cependant, la Cinquième République, instaurée en 1958 sous l’impulsion de Charles de Gaulle, a réhabilité le référendum, en le consacrant comme un élément constitutif du régime.

 

2) La Constitution de 1958

La Cinquième République a intégré le référendum comme un outil central, notamment pour renforcer la stabilité institutionnelle et créer un lien direct entre le peuple et le pouvoir exécutif.

Adoptée par référendum en octobre 1958, la Constitution établit, dans son article 3, que :  « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. »

Trois types de référendums sont prévus par la Constitution :

  • Le référendum consultatif.
  • Le référendum constituant.
  • Le référendum législatif (article 11).

 

a. Référendum consultatif

Le référendum consultatif permet de recueillir l’avis des citoyens sur une question déterminée, sans que cet avis soit juridiquement contraignant.

Usage historique :
Ce type de référendum a été principalement utilisé durant la période de décolonisation, pour décider du statut de certains territoires :

  • 1962, Algérie : Le peuple a voté en faveur de l’indépendance, mettant fin à la guerre d’Algérie.
  • Mayotte : Les habitants ont choisi de rester dans la République française, conduisant à la départementalisation de l’île.

Un cas spécifique :
L’article 77 de la Constitution prévoit des référendums consultatifs pour la Nouvelle-Calédonie, organisés dans le cadre des accords de Nouméa.

b. Référendum législatif

Le référendum législatif, prévu à l’article 11 de la Constitution, permet au peuple de se prononcer directement sur l’adoption d’une loi ordinaire. Il constitue une voie alternative à la procédure parlementaire classique, répondant à une volonté de rapprocher les citoyens des décisions politiques majeures. Initialement voulu par le général De Gaulle, cet outil incarne sa vision d’un lien direct entre le chef de l’État et le peuple, contournant parfois les institutions parlementaires.

Les objets du référendum législatif

L’article 11, révisé en 1995 et 2008, précise les domaines dans lesquels un référendum législatif peut être organisé. Les objets initiaux ont évolué, mais les grands axes sont les suivants :

  1. Organisation des pouvoirs publics : Réformes touchant aux institutions de l’État.
  2. Approbation d’un accord de communautés (abrogé par la révision de 1995) : Cette disposition s’inspirait du modèle du Commonwealth, mais n’a jamais été utilisée.
  3. Ratification de traités internationaux : Le référendum peut être organisé pour approuver des traités ayant des impacts significatifs sur les institutions nationales.
  4. Réformes économiques, sociales ou environnementales : Ajouté en 1995, cet élargissement permet de consulter les citoyens sur des questions de politique publique.

Limite notable : L’article 11 est distinct de l’article 89, qui régit les révisions constitutionnelles. Toutefois, le général De Gaulle a controversé l’usage de l’article 11 en 1962 pour introduire l’élection du président de la République au suffrage universel direct, une réforme constitutionnelle de nature constituante.

Exemples d’usage sous la Cinquième République

1. Référendum de 1962 : Suffrage universel direct

En contournant l’article 89, De Gaulle a utilisé l’article 11 pour soumettre au référendum l’élection présidentielle au suffrage universel direct. Malgré l’opposition du Parlement, la réforme a été adoptée. Cet épisode a marqué un tournant en consolidant le rôle du référendum comme outil de souveraineté populaire.

2. Référendum de 1969 : Réforme du Sénat

Le projet de fusionner le Sénat avec le Conseil économique et social a été rejeté. Ce refus a conduit à la démission de De Gaulle, soulignant l’importance du référendum dans son exercice du pouvoir.

3. Ratifications de traités internationaux

Le référendum peut être utilisé pour autoriser la ratification de traités internationaux majeurs. Par exemple :

  • 1992 : Traité de Maastricht.
  • 2005 : Traité constitutionnel européen (rejeté par les Français).

Les réformes post-1995 : Élargissement des champs d’application

La révision de 1995, sous la présidence de Jacques Chirac, a élargi le champ d’application de l’article 11 à des questions économiques, sociales et environnementales, en réponse aux évolutions sociétales. Cette modification visait à rendre l’outil référendaire plus pertinent dans un contexte démocratique élargi.

Le processus d’organisation d’un référendum législatif

L’organisation d’un référendum repose sur des étapes précises, encadrées par la Constitution et les pratiques institutionnelles :

  1. Initiative présidentielle :

    • Le président de la République peut proposer un référendum sur recommandation du gouvernement.
    • Cette initiative doit être validée en Conseil des ministres et organisée pendant une session parlementaire pour permettre aux représentants d’exprimer leur position.
  2. Approbation gouvernementale :

    • En pratique, le président demande au gouvernement de lui soumettre une proposition de référendum. Si le gouvernement et le président partagent la même majorité, cette étape est facilitée.
    • En revanche, en période de cohabitation, l’organisation d’un référendum peut devenir conflictuelle.
  3. Contrôle du Conseil constitutionnel :

    • Avant d’être soumis au vote populaire, le projet doit être validé par le Conseil constitutionnel, qui vérifie sa conformité avec la Constitution.
  4. Déroulement du référendum :

    • Le référendum repose sur une réponse binaire (oui/non). Une majorité simple suffit pour valider le projet, sans condition de quorum, contrairement à des pays comme l’Italie où une participation minimale est requise.

Critiques et controverses

  • 1. Détournement de l’article 11 :  L’usage de l’article 11 pour des révisions constitutionnelles, comme en 1962, a été vivement critiqué. Cette pratique est perçue comme un moyen de contournement des procédures parlementaires prévues par l’article 89.
  • 2. Faible utilisation : Malgré son potentiel, le référendum législatif reste rare en France. Les gouvernements privilégient souvent la voie parlementaire, perçue comme plus contrôlable et moins risquée.
  • 3. Risque de plébiscite : Le référendum est parfois utilisé pour légitimer un chef de l’État ou un gouvernement plutôt que pour répondre à une question précise. Ce phénomène a été particulièrement visible sous De Gaulle, pour qui le référendum représentait un outil plébiscitaire.
  • 4. Réactions hostiles aux questions sociétales : Certains sujets, comme l’abolition de la peine de mort ou le mariage homosexuel, n’ont pas été soumis à référendum par crainte d’une réponse influencée par des émotions ou des clivages idéologiques.

Initiatives récentes : un référendum d’initiative partagée (RIP)

La révision constitutionnelle de 2008 a introduit une nouvelle possibilité : le référendum d’initiative partagée. Cette procédure combine une initiative parlementaire (1/5 des membres du Parlement) avec un soutien populaire (1/10 des électeurs inscrits, soit environ 4,8 millions de signatures).

Cependant, le RIP reste limité par sa complexité :

  • Nécessité d’une loi organique pour encadrer sa mise en œuvre.
  • Collecte des signatures lourde et peu accessible.
  • Limitation aux objets prévus par l’article 11.

Un exemple marquant est la tentative de 2019 concernant la privatisation des Aéroports de Paris, qui n’a pas atteint le seuil requis pour organiser un référendum.

 

Depuis 1958, la France a organisé dix référendums nationaux :

  1. 28 septembre 1958 : Adoption de la Constitution de la Cinquième République. Le « oui » l’emporte avec une large majorité, instaurant le nouveau régime.
  2. 8 janvier 1961 : Consultation sur l’autodétermination de l’Algérie. Les électeurs approuvent massivement la proposition, marquant une étape clé vers l’indépendance.
  3. 8 avril 1962 : Approbation des accords d’Évian relatifs à l’indépendance de l’Algérie. Le « oui » confirme l’accord, mettant fin à la guerre.
  4. 28 octobre 1962 : Introduction de l’élection du président de la République au suffrage universel direct. Cette réforme, bien que critiquée pour son utilisation de l’article 11, est adoptée par le peuple.
  5. 27 avril 1969 : Réforme du Sénat et régionalisation. Le rejet par le « non » entraîne la démission du général De Gaulle.
  6. 23 avril 1972 : Approbation de l’élargissement de la Communauté économique européenne, incluant notamment le Royaume-Uni et le Danemark. Le « oui » l’emporte.
  7. 6 novembre 1988 : Consultation sur le statut de la Nouvelle-Calédonie. Le « oui » valide les accords prévoyant une autonomie accrue pour le territoire.
  8. 20 septembre 1992 : Ratification du traité de Maastricht sur l’Union européenne. Le « oui » passe de justesse, confirmant l’engagement de la France dans l’Union.
  9. 24 septembre 2000 : Passage du septennat au quinquennat. Bien que largement approuvé par le « oui », l’abstention record remet en question la légitimité de la consultation.
  10. 29 mai 2005 : Ratification du traité établissant une Constitution pour l’Europe. Le « non » l’emporte, marquant un refus du texte proposé et un coup d’arrêt à l’ambition européenne.

 

b. Le référendum constituant

Le référendum constituant est prévu par l’article 89 pour soumettre une révision de la Constitution au peuple. Cette procédure est toutefois rarement utilisée.

Exemples marquants :

  1. 1958 : Adoption de la Constitution elle-même, dans un contexte de crise politique.
  2. 1962 : Passage à l’élection du président de la République au suffrage universel direct. Bien que ce référendum relève de l’article 89, De Gaulle a utilisé l’article 11 pour l’organiser, ce qui a été critiqué comme une entorse à la Constitution.
  3. 2000 : Passage du septennat au quinquennat. Ce référendum a été marqué par une forte abstention (70 %), remettant en question la pertinence d’une telle consultation.

Particularités en France :

  • Absence de quorum : Contrairement à l’Italie, la France ne prévoit pas de seuil minimal de participation pour valider un référendum, ce qui pose des questions de légitimité en cas de faible mobilisation.
  • Préférence pour le Congrès : La majorité des révisions constitutionnelles (22 sur 24) ont été adoptées par le Congrès (réunion des deux Chambres à Versailles), en raison de la complexité technique des révisions.

 

 

3) Les critiques et défis du référendum en France

  1. Risque plébiscitaire : Le référendum est souvent perçu comme un vote de confiance envers le chef de l’État plutôt qu’une réponse à la question posée. Ce risque a été particulièrement visible sous De Gaulle.
  2. Faible participation : L’absence de quorum et la complexité des sujets peuvent entraîner une mobilisation insuffisante, comme en 2000 pour le passage au quinquennat.
  3. Blocage institutionnel : Une réponse négative peut paralyser les institutions, rendant le processus de décision plus complexe.
  4. Coût et lourdeur organisationnelle : Organiser un référendum mobilise des ressources importantes, ce qui dissuade souvent les gouvernements d’y recourir.
Isa Germain

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