LA DÉCENTRALISATION ET LES COLLECTIVITÉS DÉCENTRALISÉES
La décentralisation est un processus de transfert de compétences des pouvoirs de l’état vers les collectivités locales (Régions, départements, communes, etc.) qui bénéficient alors d’une certaine autonomie de décisions et de leur propre budget sous le contrôle d’un représentant de l’État. La décentralisation n’est pas à confondre avec la déconcentration. La déconcentration correspond à un transfert de décision de l’administration centrale vers ses relais locaux ou régionaux (académies, rectorat,préfets).
Introduction : ANALYSE JURIDIQUE DE LA DÉCENTRALISATION ADMINISTRATIVE :
Sous l’Ancien Régime il y a un régime centralisé nécessaire pour venir à bout des féodalités. La Révolution jusqu’en 1792 adopte par réaction un régime décentralisé mais rapidement on revient à un régime centralisé qui se concrétise de la Constitution de l’an 8 qui donne à la France un schéma juridique relativement proche de ce que nous connaissons.
On institue un préfet nommé par le pouvoir central. Ils seront assistés du conseil général mais les conseillers seront nommés par l’Etat central. Même schéma au niveau de la commune, les conseillers municipaux le seront également (rôle virtuel car rôle consultatif. Même schéma au niveau de l’arrondissement puisqu’il y aura un sous-préfet avec un conseil d’arrondissement uniquement consultatif.
- Le droit administratif
- Définition, caractère et objet du droit administratif
- L’autonomie du droit administratif
- La légalité administrative et les sources du droit administratif
- Les exceptions au principe de légalité
- La portée du principe de légalité administrative
- Les autorités administratives centrales en France
Ce schéma va se modifier lentement au XIX avec la substitution de l’élection à la nomination des conseillers municipaux (L. 1831). Même phénomène en 1833 pour le conseil général. Ce n’est qu’en en 1882 que le maire sera élu.
Ces réformes vont se poursuivre sous la IIIème République après une période de recentralisation sous le IInd Empire, 2 lois importantes ;
– L 10 août 1871 sur l’organisation départementale
– Le 5 avril 1884 qui va organiser la commune, loi qui ne sera pas sensiblement modifiée jusqu’en 1982.
La décentralisation communale et départementale est acquise avec la loi de 1871 pour le département et 1884 pour la commune. Et pas en 1982. Cette loi augmentera les pouvoirs.
La Constitution de 1946 vient inscrire la décentralisation dans ces dispositions mais en réalité le régime politique n’est pas allé jusqu’au bout de la volonté décentralisatrice puisque l’exécutif départemental est toujours détenu par un agent de l’Etat : le préfet.
La Constitution de 1958 reprend les affirmations décentralisatrices de celle de 1946, en précisant notamment (article 72) que les Collectivités Locales s’administrent par des conseils élus. Par ailleurs, l’article 34 de la Constitution., les principes fondamentaux relatifs à la libre administration des Collectivités Locales relèvent de la compétence du législateur. C’est dans ce contexte que sont intervenus la loi du 2 mars 1982 relançant le processus décentralisateur, ainsi que la L 7 janvier 1983 relative aux compétences nouvelles attribuées aux communes, départements et régions.
Ce processus a été renouvelé récemment : la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 et la Loi 13 août 2004 qui vient remanier les compétences des collectivités pour les adapter à l’évolution de la décentralisation.
Section I : La définition de la décentralisation et le contrôle en régime décentralisé
- 1 Les conditions nécessaires à la décentralisation
– Existence de besoins locaux distincts des besoins nationaux.
– Il faut que les Collectivités Locales disposent de la personnalité morale de droit publique. Elle permettra aux collectivités d’être dotées d’organes propres distincts de ceux de l’Etat, de moyens propres et de compétences qui leur seront attribuées soit par la Constitution mais le plus souvent par la loi.
– Les organes dirigeants des Collectivités Locales procèdent de l’élection et non pas de la nomination par l’Etat. Tout le processus décentralisateur a abouti à cette élection : marque de respect par rapport au citoyen.
Il y a donc décentralisation lorsque la loi accorde à des organes élus par une collectivité disposant de la personnalité morale un pouvoir de décision sur toute ou partie des affaires locales.
Dans la déconcentration la décision est prise au nom de l’Etat par un de ces agents.
La décentralisation comporte cependant des limites puisque dans le cadre français, elle se situe dans un Etat unitaire et non pas dans le cadre du fédéralisme.
Si les nouveaux textes étendent les pouvoirs des CL, ces modifications ne sont possibles que par ce que la loi vient les encadrer.
Dans le système fédéral, les collectivités sont associées à l’exercice du pouvoir central notamment par le biais du Sénat (EU) où les Etats sont représentés de façon égalitaire. Dans l’Etat décentralisé, les collectivités n’ont pas de représentation au niveau central.
Dans la décentralisation les collectivités décentralisées restent placées sous le contrôle de l’Etat alors que ce sus n’existe pas dans le cadre fédéral (juridiction suprême vient arbitrer les conflits).
Lorsqu’on pense à la décentralisation on parle souvent de la décentralisation territoriale. Mais elle peut prendre une autre forme : la décentralisation par services : consiste pour l’Etat ou les collectivités à constituer des entités administratives dotées de la personnalité morale, c’est-à-dire d’organes propres, de moyens propres et de pouvoirs propres afin de donner à certains de ces services une autonomie administrative et de gestion plus importante. Ce processus est celui de l’établissement public. La collectivité exerce quand même un pouvoir de contrôle. Ex : les universités sont des établissements publics à caractère scientifique et de recherche. Elles ont la personnalité morale et ont un Conseil d’Aministration. Cet établissement aura un exécutif élu par le Conseil d’Administration et des pouvoirs d’administration propre avec un budget. Ce budget est constitué de subventions de l’Etat mais aussi de ressources propres que les universités peuvent acquérir en passant des contrats de recherche avec le secteur industriel ou commercial.
La SNCF est un EPIC (étabissement public) : autonomie de gestion et d’administration plus grande que si il s’agissait d’un simple service de l’Etat.
Il y a aussi les établissements crées par les collectivités elle-même : les communautés de commune.
- 2 : le contrôle en régime décentralisé
Il est hors de question d’appliquer le contrôle hiérarchique qui est propre à la déconcentration. Le contrôle de l’état sur les collectivités décentralisées sera certes exercé par un représentant de l’état, qui est le préfet de département et sur les communes de département. Ce sera le préfet de région qui exercera le contrôle administratif sur la région collectivité locale, mais aussi sur le département puisque le préfet de région est aussi le préfet du département, chef-lieu de la région. Ce contrôle n’a rien à voir avec les composantes du contrôle hiérarchique, c’est-à-dire pouvoir d’instruction, pouvoir d’annulation et pouvoir de réformation. En effet, c’est la loi qui va réglementer la nature et l’étendue du contrôle administratif, dans un esprit totalement différent de celui de la déconcentration. Lorsqu’il existait avant 1982 le contrôle de tutelle, qui était le contrôle de l’état sur les communes et départements, on appliquait un adage : pas de tutelle sans texte, pas de tutelle au-delà des textes. Ce qui signifie qu’en ce qui concerne le contrôle en régime décentralisé la liberté est la règle et le contrôle l’exception.
Avant 1982, l’ancien contrôle de tutelle était un contrôle de légalité, mais aussi d’opportunité sur certains actes pris par les collectivités locales. Il était relativement lourd, puisque les collectivités locales devaient adresser au préfet les actes qu’elles prenaient, et le préfet pouvait les annuler s’il estimait ces actes illégaux, mais il pouvait aussi les annuler s’il les jugeait inopportun, car le contrôle limitait l’autonomie des collectivités.
Ce contrôle a suscité de grosses protestations des élus, ce qui a abouti à la réforme de la loi du 2 mars 1982, loi qui va désormais substituer un contrôle juridictionnel au pouvoir d’annulation dont disposait antérieurement le préfet. En effet, les collectivités doivent adresser au préfet certains actes énumérés dans la loi, et si le préfet y décèle une illégalité, son seul pouvoir sera de saisir le juge administratif d’un recours en annulation si la collectivité préalablement contactée par le préfet refuse de rapporter l’acte illégal.
Le contrôle administratif mis en place par cette loi est un contrôle de légalité, la loi ayant supprimé tout contrôle d’opportunité sur les actes des collectivités locales. Le contrôle peut également porter sur les organes des collectivités locales. Les collectivités locales ont pour mission de travailler dans l’intérêt général, et ce travail est accompli par les organes de ces collectivités, dont le bon fonctionnement est essentiel. Aussi bien avant 1982 qu’après, la loi reconnaissait au profit de l’état un contrôle sur les organes, qui était un double contrôle, un contrôle sur les assemblées locales, et un sur les exécutifs locaux.
Pour les assemblées locales, les lois de décentralisation reconnaissent au gouvernement la possibilité de prononcer la dissolution d’une assemblée locale, dès lors que le fonctionnement normal de cette assemblée n’est plus assuré. Cette dissolution doit intervenir sous forme solennelle (par décret pris en conseil des ministres). Le décret de dissolution devra naturellement être suivi nouvelles élections qui permettront aux citoyens de la collectivité d’arbitrer la difficulté.
L’état exerce un contrôle sur les exécutifs locaux, et notamment sur les maires et les adjoints. En effet, s’il survient en cours de mandat, d’un maire ou d’un adjoint, une cause légale ne permettant plus à l’élu d’assumer ses obligations, le gouvernement dispose tout d’abord d’un pouvoir de suspension du maire ou de l’adjoint, suivi le plus souvent d’un pouvoir de révocation, qui nécessitera une nouvelle élection du maire.
Quand un maire est pénalement sanctionné, et que cette sanction affecte la crédibilité de son mandat, ou rend impossible l’exécution de son mandat,
Le contrôle administratif exercé sur les collectivités locales, est avant comme après 1982 à la fois un contrôle sur les actes des collectivités, mais aussi sur les assemblées, sur les organes des collectivités et sur la personne de certains élus, notamment les maires et adjoints.
Section 2 : Les nouvelles orientations en matière de décentralisation et les principes généraux du fonctionnement des collectivités locales.
Des lois récentes sont venues redonner à la décentralisation. Ce sont essentiellement la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la république, et la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, qui augmentent sensiblement les compétences transférées aux collectivités.
- 1 : les nouvelles réformes décentralisatrices
La loi du 28 mars 2003 inscrit dans la constitution le principe même de la décentralisation puisque l’article 1 de la loi précise que la république qui demeure indivisible est décentralisée. Cette affirmation doit être complétée par un principe nouvellement introduit à l’article 72 de la Constitution, qui est le principe de subsidiarité, puisque l’article 72 précise que « les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon… »
Cela signifie qu’une compétence est mieux assurée par l’échelon local que le national, il faudra opter pour le local si la loi le permet. L’article 72 indique également que les collectivités disposent « d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences » mais cet article vient relever que ce pouvoir réglementaire ne peut évidemment s’exercer qu’en application de loi qui en fixe les limites et les champs d’application.
L’article 72-2 de la Constitution énonce 2 principes importants visés dans le nouveau texte concernant l’autonomie financière des collectivités locales. Il indique tout d’abord que tout transfert de compétence entre l’Etat et les collectivités territoriales doit s’accompagner de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice en rajoutant par ailleurs que toute création ou extension de compétences provoquant une augmentation des dépenses devait être suivie de ressources déterminées par la loi. En somme, la loi précise que les transferts nouveaux de compétences ne doivent pas entraîner de difficultés financières supplémentaires pour les collectivités. Le Conseil constitutionnel a eu l’occasion de préciser dans une décision du 18/11/2003 cette de notion de compensation en relevant que le principe de compensation ne pouvait s’appliquer qu’aux dépenses obligatoires des collectivités et qu’il ne comportait aucune obligation d’actualisation après le transfert.
L’art 72-2 précise que les collectivités doivent bénéficier d’une part déterminante de recettes fiscales et des ressources propres dans l’ensemble de leurs ressources. Les collectivités devront assurer dans la mesure du possible l’autofinancement de leurs charges, les dotations de l’Etat ne pouvant être la ressource majeure.
La Loi de décentralisation du 28 mars 2003 vient également innover en permettant dans l’art 72 Constitution des expérimentations au profit des collectivités : « dans les conditions prévues par la loi organique et sauf lorsque sont en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti, le collectivités […] peuvent déroger à titre expérimental pour un objet et une durée limitée aux dispositions législatives ou règlementaires qui régissent leurs compétences. Cette disposition constitutionnelle a été complétée par la L 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. Elle fixe 8 domaines de compétences pouvant faire l’objet d’une expérimentation. Un bilan est dressé au bout de 5 ans.
La nouvelle loi du 28 mars 2003 innove enfin dans les procédures de démocratie locale en instituant un véritable référendum local, puisque l’art 75 1° permet aux collectivités de soumettre par référendum un projet relevant de sa compétence à la décision de ses électeurs. Le texte va plus loin que les anciennes dispositions qui permettaient des consultations locales, puisque le référendum aboutit à un véritable pouvoir décisionnel.
- 2. Les principes généraux du fonctionnement dans collectivités territoriales
Par collectivités il faut entendre les communes, les départements, les régions. Il faut y ajouter les collectivités à statut particulier (Paris, Lyon, Marseille) ainsi que les collectivités d’outre-mer.
L’augmentation des compétences de ces collectivités dans les nouveaux textes n’a pas modifié fondamentalement les principes directeurs qui sont à la base de la gouvernance des collectivités territoriales. En effet l’art 72 Constitution rappelle que les collectivités s’administrent par des conseils élus. L’élection apparaît alors comme un trait caractéristique auquel s’ajoute des procédures de démocratie directe tel que le référendum ou la consultation local. Mais les collectivités s’inscrivent dans le cadre d’un Etat unitaire, ce qui justifie un contrôle de l’Etat sur ces collectivités contrôle administratif).