Qu’est ce que le syllogisme juridique ?

L’application de la règle de droit par le syllogisme juridique et l’interprétation de la règle de droit

Les juristes, pour résoudre un problème de droit, ont constamment recours au raisonnement syllogistique.
Aristote a été le premier à formaliser ce raisonnement logique comportant deux propositions et aboutissant à une conclusion.
QU’EST-CE QU’UN SYLLOGISME JURIDIQUE? Le syllogisme juridique est une opération permettant d’appliquer à une situation de fait la solution prévue par une règle de droit
  • I) Le syllogisme juridique

A/ Description

Un jugement représente classiquement ce syllogisme :

  • 1) la majeure = la règle de droit
  • 2) la mineure = les faits
  • 3) la solution du litige

Le syllogisme est un mode de raisonnement hérité d’Aristote. Il est utilisé
par les juristes. Ainsi pour régler un litige, le juge dit le droit applicable à une situation de fait. De même l’avocat doit, pour conseiller ses clients, observer les règles de droit applicables à l’espèce.

De manière générale, le syllogisme peut être défini comme une opération intellectuelle par laquelle, du rapport de deux termes avec un même troisième appelé moyen terme, on conclut à leur rapport mutuel.
Schématiquement :
Si A = B et que B = C, alors A = C

De nombreux exemples peuvent illustrer ce mode de raisonnement et
notamment :
Les hommes sont mortels. Or Socrate est un homme. Donc Socrate est mortel.

B/ La relativité du syllogisme

La rigueur du syllogisme n’est souvent que relative : le choix de la mineure et de la majeure est d’abord subordonné à l’intuition du juriste.

1) Le choix de la mineure

Il s’agit de qualifier les faits et de les prouver. C’est au juge d’apprécier les faits qui lui sont rapportés.

2) Le choix de la majeure

Certaines latitudes du juge (texte obscur ou complexe qui lui laissent une faculté d’interprétation) l’obligent à opérer à un choix entre plusieurs textes.

  • II) L’interprétation de la règle de droit

A/ Nécessité de l’interprétation

La règle de droit est par nature abstraite, et elle vieillit : les textes anciens ne sont parfois plus adaptés. Ceci oblige le juge à interpréter les textes pour les rendre applicables à une situation concrète et unique donnée.

B/ Les interprètes de la règle de droit

Le premier interprète est l’auteur de la règle : il s’agit du pouvoir législatif ou exécutif. La loi de 1790 du « référé législatif » imposait au juge de demander au législateur d’interpréter la loi lorsqu’il y avait des difficultés. Ce système de référé a été abandonné en 1828 car impossible à mettre en œuvre. Mais le pouvoir législatif a toujours le pouvoir de faire publier une règle interprétative.

Un autre interprète est le juge : il doit dégager au cas par cas une interprétation de la règle de droit, sous le contrôle de la plus haute juridiction : la cour de cassation. L’interprétation par les juges est appelée la jurisprudence. Le juge a l’obligation d’interpréter la règle de droit, surtout si nécessaire, pour dégager une solution à un litige. Article 4 du code civil : « le juge qui refusera de juger sous prétexte du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice ».

Un autre interprète est l’administration : par le biais de circulaires administratives, l’administration donne des instructions sur la manière d’interpréter les règles par les fonctionnaires. Il existe aussi des réponses ministérielles aux questions écrites des administrateurs : réponse écrite au journal officiel, qui s’impose à l’administration mais pas aux juges.

C/ Les méthodes d’interprétation

On trouve deux grands courants doctrinaux : l’un ne veut s’appuyer que sur les textes, l’autre prend en compte d’autres éléments.

1) la méthode exégétique

Selon cette méthode l’interprète doit rechercher quelle a été la volonté de l’auteur de la règle. L’idée générale est que le code civil fournit explicitement ou implicitement l’ensemble des règles de droit et toutes les solutions se trouvent dans le code. La loi est considérée comme un acte de volonté de l’autorité publique. En conséquence l’autorité doit se calquer sur l’intention du législateur.

Les travaux parlementaires sont de précieux outils pour les exégètes : il s’agit de documents retraçant les différentes étapes de l’élaboration de la loi. Ces documents présentent les motifs de la loi, et des explications du législateur…

2) les méthodes modernes

La libre recherche scientifique : on ne peut pas interpréter un texte à l’infini et dans certaines hypothèses il faut admettre qu’il n’y a pas de loi. Dans cette hypothèse le juge devient créateur de loi. On prend donc en considération l’insuffisance de la loi. Le risque est la diversité de règles et l’insécurité juridique.

La méthode évolutive : l’interprète peut être libre aux évolutions sociales de son époque : on ne cherche pas l’intention de l’auteur mais l’intention du législateur s’il avait à légiférer aujourd’hui.

Méthode téléologique : interprétation qui convient le mieux aux besoins de la société. On cherche le but social recherché lorsque le texte a été adopté. L’élément mobile est le but social : il évolue selon l’époque.

En pratique, toutes ces méthodes sont combinées en fonction du texte. Dans tous les cas le juge doit fonder sa décision sur la loi, même s’il a un large pouvoir d’interprétation.

D/ Les moyens d’interprétation

1) Les arguments d’interprétation

L’argument a pari : c’est un argument par analogie : règle d’égalité : une même situation de faits doit être réglée toujours pareil, par les mêmes règles de droit. Mêmes causes doivent conduire aux mêmes effets. Cet argument permet d’étendre le champ d’application d’un texte. Exemple : contrat : certaines règles de contrat de vente sont applicables pour l’échange. L’argument a pari ne peut pas être utilisé en matière pénale : il n’y a pas de peine pénale sans texte.

L’argument a fortiori : « à plus forte raison ». Exemple : la loi interdit à un mineur de vendre ses biens. A plus forte raison ce mineur ne sera pas autorisé à donner ces mêmes biens.

L’argument à contrario : solution à un cas précis ? on en déduit que le contraire de cette solution est applicable à une situation exactement contraire.

2) Les maximes d’interprétation

    • 1ère : « l’exception est d’interprétation stricte » : il faut respecter les limites strictes qui délimitent les cas particuliers où on peut écarter le droit commun
    • 2ème : « pas de privilège sans texte » : pas de faveur particulière sauf de manière restrictive à une certaine catégorie d’individus déterminée par le législateur.
    • 3ème : « là où la loi ne distingue pas, il ne faut pas distinguer »
    • 4ème : « ce qui est surabondant ne nuit pas » : dès lors que les exigences posées par le texte sont remplies, s’il y a d’autres éléments qui s’ajoutent ils n’ont pas d’incidence sur le texte en question. Exemple : article 148 : impose le consentement des parents en cas de mariage d’un mineur : le consentement des parents pour le mariage d’un adulte n’a aucune incidence.
    • 5ème : « ce qui est spécial déroge à ce qui est général »
    • 6ème : « les peines sont d’interprétation stricte ». Préservation des libertés individuelles.
    • 7ème : « le doute profite à l’accusé » : on retient, dans le doute, l’interprétation favorable à l’accusé.

E/ Les sources d’interprétation

L’interprète principal est le juge. Il a trouvé des éléments d’interprétation (de réflexion) dans la doctrine, c’est à dire l’ensemble des travaux de recherche rédigés par les universitaires : thèses, commentaires, etc.