L’histoire du droit des affaires au Moyen-Âge

L’émergence historique du droit des affaires / droit commercial

Le droit des affaires est une expression relativement large, plus large que la dénomination classique de droit commercial. Le Droit commercial est une branche du droit traditionnel qui recouvre classiquement l’ensemble des règles qui s’appliquent aux commerçants dans l’exercice de leurs activités professionnelles, le commerce.

En 1961 on a vu apparaitre le premier traité de droit des affaires. Les spécialistes parlent de «l’irrésistible ascension du droit des affaires». Le droit commercial est une discipline croulant sous le poids d’un droit civil hautin et prépondérant.

L’histoire du droit des affaires se mêle à l’histoire du droit civil mais elle comprend un certain nombre de particularités liées au fait que le droit commercial a depuis toujours eu son autonomie. On va voir de quelle manière il a émergé.

C’est au Moyen Age que tout a commencé, par des usages, des coutumes.

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A. Le droit commercial coutumier au Moyen-âge

Voyons ce qui se passait à l’origine. L’Antiquité a connu des échanges commerciaux intenses dans le pourtour de la méditerranée, au sein de l’Europe et il y avait des usages, les marchands qui exerçaient le commerce. Ces usages commerciaux constituaient des pratiques que l’on n’a jamais eu l’envie ou l’opportunité d’écrire et donc on ne les connait pas très bien. Tout ce que l’on peut dire est que le droit romain écrit avait vocation à s’appliquer dès lors qu’on ne disposait pas de règles coutumières, d’usages qui s’imposent.

Après la chute de l’empire romain, des tribus appliquent un système de personnalité des lois. On applique les lois des Wisigoths, des celtes, aux intéressés et pour les anciens citoyens romains on accepte d’appliquer le droit romain. On continue à s’arranger avec les usages pour les questions d’ordre commercial. Les échanges économiques sont peut intenses et on n’a pas besoin de mettre ou remettre au gout du jour des règles concernant ces échanges économiques.

C’est seulement à partir du 10ème – 11ème siècle que ces échanges économiques vont s’intensifier que va se poser la question des règles commerciales. On va voir réapparaitre ces échanges commerciaux à la faveur du développement des villes et aussi parce que les voies de communication vont être remises en service. Les villes se développent avec tout ce que cela suppose d’échange marchand à l’intérieur et entre les villes. On est dans un contexte d’organisation féodale. La féodalité a apporté une circonstance propice au développement des échanges, c’est la paix. On est dans un système de rapport de type personnel. Ce ne sont pas des échanges de nature marchandes entre le seigneur et son vassal. On a des services qui sont des contreparties. On est dans un système de conception personnel des rapports et non pas dans un système d’échange marchand.

Les choses vont évoluer car on a reconstruit les routes de l’Empire romain qui mettaient en relation l’Europe du sud et du nord. Il va y avoir des villes de foire comme par exemple Lyon, un certain nombre de villes d’Italie du Nord comme Florence, Milan. Les marchands s’y retrouvaient pour échanger leur produit et c’est dans ce contexte de foire que vont se développer les premiers effets de commerce (exemple : le chèque). Ces instruments sont inventés à cette époque car quand on est marchand et qu’on sillonne l’Europe on évite de se promener avec de l’or.

A partir du 11ème siècle on voit aussi les échanges maritimes. Les italiens du Nord sont moteurs dans ce développement du commerce maritime : Gène, Venise sont des ports importants. On en trouve aussi en Flandre, Bruges, Amsterdam. C’est à cette occasion que l’on va voir apparaitre les ancêtres d’institutions contemporaines. Il y avait le «prêt à la grande aventure» : un marin était prêt à prendre son bateau pour aller commercer dans les différents ports d’Europe. Il avait besoin de fonds. Il s’arrangeait avec un bailleur de fonds qui lui avançait une somme et quand le marin revient avec des bénéfices il échange, sinon il ne le connait pas. C’est l’ancêtre de la société : quelqu’un qui veut se lancer dans le commerce, qui a besoin d’un bailleur de fonds qui en échange de son investissement va vouloir des bénéfices mais qui limite sa responsabilité à l’apport de fonds.

C’est la pratique qui est donc à l’origine de ces institutions que nous connaissons aujourd’hui. Il est très important de souligner ce caractère déterminant de la pratique. Ce sera le cas pour un très grand nombre d’institution du droit des affaires. Le fonds de commerce est un élément du patrimoine qui a été mis en évidence par la pratique au cours du 19ème siècle. C’est un droit de marchands qui pour des besoins très concrets ont eu besoin de développer des techniques juridiques.

Ces marchands italiens ont été précurseurs, pour le commerce maritime et terrestres, vont être les plus innovants, ils inventent l’activité bancaire durant le Moyen Age. Ce sont eux aussi qui vont recourir à des juridictions spécialisées pour trancher les litiges entre commerçants. Ils vont être les premiers à utiliser les rudiments de la comptabilité.

Dans ce contexte d’intensification, on est quand même face à une organisation féodale très hiérarchisée, plus structurée qu’auparavant mais on est aussi toujours dans un contexte où les coutumes sont locales et varient d’une région à une autre. Or ici on se trouve plus en plus dans un droit commercial pratiquée sur une échelle internationale dans les grandes foires. Ces coutumes féodales locales centrées autour de la propriété foncière, ne sont pas adaptées. La justice féodale n’est pas adaptée aux problèmes des marchands, comme par exemple son système de preuve ( : les ordalies).

Les marchands italiens ne voulaient pas de la justice féodale et sous l’impulsion de ces marchands italiens on a développé des institutions nouvelles, des usages, des coutumes qui progressivement vont être utilisés dans toute l’Europe. Ce droit commercial, ce droit des affaires qui se développe est un droit international.

On va voir apparaitre des corporations. Les marchands se déplacent beaucoup dans toute l’Europe mais en même temps les villes se développent et certains marchands se sédentarisent. On va voir apparaitre un commerce sédentaire. Et bien évidemment ces marchands sédentaires vont s’organiser. Les artisans aussi vont s’organiser et c’est comme cela que se crée des corporations professionnelles dans lesquelles on organise les différents métiers. Ces corporations vont avoir un rôle très important sur les usages, elles vont les règlementer et vont élaborer des «statuts» qui règlementaient par exemple les règles d’accès à la profession, les modalités d’exercice de la profession, la discipline des membres de la corporation. Ces corporations vont devenir très puissantes dans les villes. Ca a été le cas à Paris. Elles vont obtenir des privilèges et donc à la fin de l’Ancien régime on va vouloir s’en débarrasser. Elles vont avoir des influences dans la manière dont on va organiser le règlement des conflits relatifs au négoce.

Le Cours complet de droit des affaires est divisé en plusieurs fiches :

B. L’émergence des notions importantes du droit commercial

Disons quelques mots qui sont apparues à cette période là et qui ont fondé la matière. Il y en a quatre :

  • · Les tribunaux de commerce
  • · Les sociétés
  • · La lettre de change
  • · La faillite

1) Les tribunaux de commerce

Dans les villes de foire il y avait des litiges et au lieu de vouloir soumettre les litiges aux tribunaux locaux, les commerçants étaient jugés par leurs paires dans une procédure accélérée. C’est la pratique qui est à l’origine de la création des tribunaux de commerce. Il a fallu attendre le 16ème siècle, 1563 pour que les véritables tribunaux de commerce soient organisés par un texte. C’est sous Charles 9 en 1563 qu’une ordonnance royale crée les premières juridictions consulaires. L’idée est de consacrer la pratique et de faire juger les litiges entre marchands par leurs paires en suivant une procédure relativement sommaire et sans que puisse être invoqués devant ces tribunaux les lois civiles qui sont appliquées par ailleurs, voir le droit romain. Il y a deux particularités à ces tribunaux de commerce.

Premièrement leur composition :ces Tribunaux de Commerce sont des juridictions composés de commerçants, de marchands élus par d’autres commerçants pour rendre la justice. On n’a pas de juristes professionnels mais des commerçants qu’on appelle les consuls et donc on parle de la juridiction consulaire.

Deuxièmement, la procédure que l’on suit devant lui :c’est une procédure simplifiée très peu formelle car il fallait pouvoir aller rapidement. A l’origine c’était des tribunaux qui se réunissaient de manière temporaire à l’occasion d’une foire. On prévoit que les jugements qu’il rend peuvent être non motivés, ils peuvent par exemple être rendus en équité. En pratique les juges vont utiliser les usages, les coutumes mais ils seront très libres, qui en plus ne sont pas des juristes mais des commerçants. Et c’est un élément non négligeable qui explique la très grande souplesse de la matière. Et il faut aussi souligner que cette très grande liberté va être éliminée au moment de la codification napoléonienne car lorsque l’on adopte en 1806 le code de procédure civile il est prévu que tous les jugements rendus en France doivent être motivés en droit.

Autrement dit, à partir de 1806 les Tribunaux de Commerce vont conserver un certain nombre de caractéristiques traditionnelles mais ils vont devoir rendre des décisions fondées sur le droit et non plus sur l’équité, les usages, les coutumes, ce qui va changer fondamentalement le visage du droit commercial. A partir de ce moment là le droit commercial ne pourra plus demeurer un droit de coutume, mais un droit juridicisé et certains vont dire un droit « civilisé » en entendant que le droit commercial va se construire sur la base du droit civil.

2) La société

Exemple du prêt à la grande aventure. Il faut savoir que tout cela s’est développé dans un contexte qui était celui de la prohibition du prêt à intérêt. L’Eglise l’interdisait, ce qui rendait le financement de l’activité commercial assez difficile, il fallait trouver d’autres solutions et c’est comme cela que l’institution de la société est née. On acceptait l’idée qu’un risque pouvait être pris en commun. Et dès l’époque féodale on voit apparaitre deux types de sociétés : la compagnie et la commandite.

La compagnie :c’est la société familiale, groupement naturel, spontané qui incarne juridiquement l’indivision patrimonial familial. Dans l’Antiquité on parlait de la societas. La particularité de ce groupement est que chaque membre y a une responsabilité indéfinie. Chaque membre engage la totalité du patrimoine familial par ses actes. Aujourd’hui on a tendance à dire que le descendant de la compagnie est la société en nom collectif, qui a pour particularité la responsabilité indéfinie de chacun des associés.

La commandite :c’est la descendante de ce prêt à la grande aventure. On était dans le contexte de la prohibition du prêt à intérêt mais aussi dans celui ou le contexte maritime supposait un fort investissement mais aussi des risques très lourds car il n’était pas rare qu’un navire disparaisse. On a vu proliférer ce type de prêt.

Celui qui fourni les fonds, le commanditaire, n’engageait que la somme qu’il avait prêté au commandité (marin) et donc s’il y avait des pertes elles étaient limitées à l’apport fourni par le commanditaire qui perdait son investissement mais qu’on ne pouvait lui demander de l’argent. Le commanditaire qui avait limité sa responsabilité remportait la plus grande part du profit en tant que bailleur de fonds alors que le marin avait une petite part. ca permettait à ceux qui n’avaient pas beaucoup de fortune de se lancer dans le commerce. Développement du commerce maritime et économique dans le sens large.

3) La lettre de change

C’est aujourd’hui encore un acte de commerce existant dans notre droit positif. C’est un effet de commerce, il s’agit d’un mécanisme qui est très assez analogue à celui du chèque.

4) La faillite

Ce terme de faillite a changé de sens avec le temps. Aujourd’hui, c’est une sanction relativement lourde qui est prononcée à l’encontre d’une personne physique ou morale lorsque cette personne a commis une faute de gestion qui a conduit à une procédure collective et en général à la liquidation de l’entreprise. Dans ces cas là on va parler de faillite pour désigner le fait que cette personne sanctionnée a commis une faute, par exemple elle a maintenu une exploitation déficitaire en utilisant des méthodes illicites, elle a omis de tenir une comptabilité régulière, elle a détourné tous les actifs. La sanction peut affecter tant une personne physique qu’une personne morale. C’est la signification depuis 1967.

En revanche, jusqu’à la réforme de 1967 ce terme de faillite désignait la procédure collective qui s’applique aux commerçants qui sont en état de cessation des paiements. Cela signifie simplement qu’on ne peut plus faire face à ses dettes, on ne peut plus payer son loyer, ses fournisseurs, ses salariés etc. On ne peut faire face au passif exigible avec son actif disponible. Dans ce cas là on fait un dépôt de bilan. Autrement dit, on informe le Tribunal de Commerce qu’on ne peut plus payer.

C’est en Italie du Nord qu’on a vu la faillite s’organiser. Le commerçant qui ne pouvait plus payer était très mal vu. On considérait qu’il manquait à sa parole en se trouvant ainsi en état de défaillance. Et il fallait le sanctionner car ce commerçant défaillant mettait en danger le commerce local. Ses fournisseurs se trouvaient aussi dès lors dans la difficulté et ainsi de suite. Et donc on le sanctionnait très durement. La faillite constituait une sanction patrimoniale personnelle extrêmement rigoureuse. Et cette sanction devait être organisée dans des procédures permettant d’intervenir très sévèrement et aussi très rapidement. On a créé une procédure originale.

Remarque sur les procédures de recouvrement existantes :il y avait la règle selon laquelle le paiement est le prix de la course (adage du droit civil) : c’est le premier créancier qui se présente qui sera payé, peu importe qu’il y ait d’autres créancier. Autrement dit, à l’époque comme aujourd’hui en droit civil, il n’y a pas sur le principe d’organisation ou de hiérarchie sur les paiements. Une deuxième règle qui est toujours d’actualité est le fait que pour chaque contrat on est dans un rapport interindividuel, accord doté d’un effet relatif. Et donc si on se trouve en difficulté on va devoir négocier avec chacun des créanciers des délais de paiement, des délais de dettes. A l’époque on parlait «d’accord d’atermoiement».

Pour palier les difficultés on a imaginé une procédure spécifique que l’on a appelé la faillite. D’abord la faillite consistait à sanctionner car on supposait que c’était quelqu’un de nuisible à l’activité des commerçants. On appelait cette sanction la «banqueroute». Cette sanction de banqueroute : on rompait le banc aux vues et aux sues de tous pour que chacun sache que le commerçant ne tenait pas parole. Quelque fois on parle de mise au banc.

Cette procédure de faillite avait aussi un autre aspect que celui de sanction, un aspect patrimonial : il fallait organiser le règlement des dettes de ce commerçant en difficulté. On a mis en place deux règles permettant de palier l’inadaptation des règles de droit commun qui existent toujours dans notre droit actuel des procédures collectives.

La première règle est celle qui relève du prix de la course. On décide que désormais en droit commercial tous les créanciers seront traités à égalité et pour ce faire on va tous les réunir. Autrement dit, on va regrouper ces créanciers dans une «masse» (on parlera jusqu’en 1985 de la masse des créanciers). On va vendre les biens du commerçant et le prix de vente sera réparti égalitairement entre les différents créanciers. Ce principe d’égalité des créanciers est l’un des piliers de droit des procédures collectives.

La deuxième règle est l’idée que la faillite n’est pas une affaire individuelle entre le débiteur et chacun des créancier mais une affaire collective entre le débiteur et l’ensemble des créanciers. On va pouvoir prendre des décisions collectives, comme la décision d’accorder des délais de paiement au débiteur. Et ces décisions pourront être prises à la majorité. Et donc la minorité des créanciers qui ne veulent pas accorder des délais de paiements se font niquer. On pourra sauver l’activité du commerçant par ce biais.

Ces règles ont émergés au Moyen Age et caractérise le droit des affaires et notamment le droit des procédures collectives. On parle aujourd’hui généralement de droit des entreprises en difficulté. On a un droit réaliste qui s’est mis en place au file du temps en fonction des besoins en se débarrassant si nécessaire des règles de droit commun, fussent elles de véritables principes.

A partir du 17ème siècle on va voir apparaitre en la matière des textes car certes les commerçants se sont débrouillés, la pratique a mis en place un certain nombre de règles mais le pouvoir royal chercher à s’affirmer et il souhaite influer sur l’économie qui jusqu’à présent lui échappe. C’est la raison pour laquelle on va codifier le droit commercial.