Le transitaire : statut, définition, responsabilité, obligations

Le transitaire : statut, définition, responsabilité, obligations du transitaire

Le transitaire est un intervenant éventuel au transport qui dispose d’un statut particulier dont va dépendre sa responsabilité.

Section 1: Le statut du transitaire

1) La définition du transitaire

Le déplacement des marchandises suppose assez souvent, surtout à l’international, des modes de transport différent et toujours des formalités administratives et douanières qui vont nécessiter l’intervention d’un intermédiaire spécialisé: le transitaire. La mission essentielle du transitaire est d’assurer la continuité entre deux transports distincts dans le cadre strict des instructions reçues. Le terme de transitaire est souvent employé à tort. Le transitaire ne fait pas matériellement passer une frontière. De surcroit, une enquête du ministère des transports a révélé que 60 % des entreprises de transport déclarent confier le transport à leur transitaire habituel (ils n’utilisent donc pas les bonnes qualités). Pour cette raison, la fédération française des commissionnaires de transport a modifié ses contrats-types en 1994 car l’ancienne version utilisait le terme de transitaire de manière générique, ce qui ajoutait à la confusion, les contrats types mentionnent maintenant l’organisateur de transport. Une grande partie du contentieux concerne d’ailleurs la qualification de l’intervenant et les juges doivent rappeler que juridiquement, le transitaire n’est pas plus un voiturier qu’un commissionnaire, il est un mandataire et à ce titre, il est soumis au droit commun du mandat et n’a de lien contractuel qu’avec celui qui a requis ses services. Cour de cassation 1998 a ajouté que le fait que le transitaire ait été amené à payer le transporteur pour le compte de son mandant n’est pas de nature à entraîner une modification de sa qualité juridique.

2) La distinction du transitaire avec le commissionnaire

  • – Différence de fonction : La différence essentielle entre le transitaire et le commissionnaire tient au fait que le commissionnaire se charge complètement du transport alors que le transitaire intervient seulement à l’occasion de la rupture de charge ou de la rédaction d’un document administratif ou douanier. Les juges vont surtout apprécier ces deux éléments même si la qualification peut varier en cours de transport.
  • – Différence de règlementation : la profession de commissionnaire est réglementée (inscription sur un registre) alors que le transitaire n’a besoin d’aucune autorisation.
  • – Différence de responsabilité: le commissionnaire est tenu d’une obligation de résultat et est responsable de son fait personnel et du fait d’autrui. Le transitaire est ignoré par les codes mais la jurisprudence lui a adapté les règles du mandat, il est donc uniquement responsable de ses fautes personnelles prouvées.
  • – Différence de rémunération: le commissionnaire est rémunéré par le prix du transport (généralement forfaitaire) convenu avec son client. Le transitaire se fait rembourser les avances qu’il a faites pour le compte de son mandant, il ne peut donc être rémunéré forfaitairement. Le transitaire non payé n’a aucune garantie sauf droit de rétention s’il a toujours les marchandises alors que le commissionnaire bénéficie d’un privilège spécial.
  • – Différence de prescription: agir contre le commissionnaire délai d’1 an, alors que pour le transitaire s’applique la prescription de droit commun (10 ans).

3) La rémunération du transitaire

Il n’existe pas de tarif réglementaire pour les opérations de transit mais les tribunaux estiment que la facture d’un transitaire se caractérise par son détail et sa ventilation alors que celle des autres intervenants en principe ne fait apparaître qu’un prix global. A défaut d’accord préalable, la rémunération intervient selon les usages en considération des services rendus. Cour de cassation 1999 a rejeté un pourvoi contre un arrêt qui avait admis un abattement du montant de la facture pour insuffisance de prestation, ainsi, les juges ont la possibilité de vérifier poste par poste, le transitaire doit donc avoir une facture détaillée.

Lorsque le transitaire est agréé en douane et qu’il effectue les formalités douanières, il est en droit de percevoir une rémunération distincte pour cette mission.

C’est le donneur d’ordre qui paye le transitaire, il arrive parfois qu’un transitaire soit substitué à un autre qui a fait l’objet d’une liquidation judiciaire. La question s’est posée de savoir qui devait payer le transitaire: ce dernier a-t-il une action contre le client donneur d’ordres ou doit-il déclarer sa créance à la procédure de faillite ? Les tribunaux sont partagés, certains estiment que le donneur d’ordres doit payer même s’il a déjà payé l’autre et éventuellement déclarer sa créance. D’autres tribunaux estiment que l’origine de son intervention étant la faillite de son confrère, il doit déclarer lui-même directement sa créance. En pratique, on estime qu’il s’agit de contrat en cours et on se fait garantir en demandant l’autorisation de poursuivre les contrats au juge commissaire. La situation pourrait aujourd’hui se régler facilement au stade de la conciliation.

Sur cette facture va d’abord apparaitre le remboursement des frais avancés. Le transitaire est un mandataire, il a donc droit au remboursement des avances et frais (Code civil Article1999). Le transitaire est aussi tenu de préserver les intérêts et les recours de son mandant or cela peut entraîner des frais dont il pourra demander paiement (ex: en cas d’avarie, frais d’entreposage de la marchandise en attente de l’expertise). Néanmoins, le transitaire peut se trouver privé de son droit à remboursement en cas de faute personnelle. Ainsi, un transitaire a été débouté de sa demande de remboursement de frais de stationnement de conteneurs à l’étranger au motif qu’il avait tardé à transmettre les documents nécessaires à leur déplacement. De même lorsque l’oubli d’un document par le transitaire a entrainé le gel de la marchandise dans le camion bloqué au tunnel du Mont blanc.

Lorsque le transitaire accomplit des formalités en douane, il devient commissionnaire en douane (le transitaire accomplissait des formalités en douane est appelé commissionnaire en douane) et en assume toute la responsabilité, il va donc devoir payer les droits et taxes ainsi que toutes les amendes.

Si le mandant n’a pas remis à temps les documents exigés par le transitaire, le transitaire n’est pas responsable.

Le privilège et le droit de rétention

Le transitaire ne peut pas revendiquer le privilège de Code de commerce Article L132-2 puisque ce privilège a été institué au profit du seul commissionnaire.

En revanche, pour les frais qu’il expose pour la conservation des marchandises, le transitaire bénéficie du privilège général du code civil, ce privilège n’est pas subordonné à la détention de la chose.

Par ailleurs, la jurisprudence reconnaît au mandataire de droit commun (et donc au transitaire) un droit de rétention sur les marchandises qu’il détient en vue de forcer son cocontractant à exécuter ses obligations. Les transitaires ont intérêt à introduire dans leurs conditions générales ou contrats une clause de constitution de gage conventionnel ce qui va leur permettre de bénéficier d’une garantie équivalente à celle prévue par le Code de commerce pour les commissionnaires. Grâce à une telle clause, le transitaire aura la possibilité de demander l’attribution judiciaire des marchandises ou faire procéder à leur vente. D’ailleurs, la fédération française des commissionnaires envisage cette possibilité pour les transitaires.

Section 2: Les obligations et la responsabilité du transitaire

1) Les principes de responsabilité du transitaire

Simple mandataire, le transitaire n’est pas garant de la bonne fin du transport, sa responsabilité n’est engagée que s’il commet une faute personnelle dans l’accomplissement de son mandat. Cette faute peut résider dans la violation des obligations générales ou particulières qui sont mises à sa charge.

Contrairement au commissionnaire, aucune présomption de responsabilité ne pèse sur le transitaire. Ainsi, sa responsabilité n’est engagée que pour faute prouvée. De même, conformément au droit commun, la faute retenue à son encontre ne peut entraîner sa condamnation que si elle est en relation directe de cause à effet avec le dommage.

C’est au demandeur de rapporter la preuve de la faute personnelle du transitaire et du lien de causalité entre cette faute et le préjudice qu’il invoque.

Simple mandataire, le transitaire n’est pas garant des transporteurs car il ne les a pas choisi (il serait alors commissionnaire). En revanche, le transitaire peut répondre de ses propres substitués et il répondra de leurs fautes s’il n’a pas été autorisé, même tacitement, à effectuer cette substitution. Les tribunaux en déduisent aussi que si la substitution a été autorisée, il n’est plus responsable sauf s’il a choisi une personne notoirement incapable ou insolvable.

2) Les obligations du transitaire

Etant un mandataire, le transitaire a pour obligation principale l’exécution de la mission qui lui a été confiée mais il s’agit d’un professionnel du transport donc il est également tenu par un devoir de conseil.

  1. A) L’exécution fidèle des instructions

Le transitaire doit accomplir les actes juridiques et matériels que commande le passage d’un mode de transport à un autre. Il doit le faire conformément aux instructions de son mandant. L’exécution doit être fidèle. Ainsi, a été déclaré coupable d’une faute lourde le transitaire qui avait remis les marchandises à une compagnie aérienne autre que celle imposée par le client. La faute lourde a aussi été retenue contre un transitaire ayant tardé à transmettre un document relatif au contrôle sanitaire, le document était arrivé avec une journée de retard, les juges ont estimé qu’il y avait eu dépréciation de la marchandise.

Dans certains cas, le transitaire refuse d’exécuter les instructions. Lorsqu’il estime que l’exécution des instructions est impossible, le transitaire doit en rendre compte à son mandant car il commet une faute lourde s’il expédie la marchandise selon « sa propre inspiration ».

Les tribunaux estiment que le transitaire doit exécuter purement et simplement car il n’a pas qualité pour apprécier le bien-fondé ou l’opportunité de la demande.

  1. B) Le devoir de conseil

Le transitaire est un professionnel, il est ainsi tenu d’un devoir de conseil envers son client pour les opérations relevant de sa compétence (Cour de cassation, chambre Com 8 déc. 1969 confirmé par Cour de cassation 4 fév. 1986). Le transitaire engage sa responsabilité notamment s’il connaissait le caractère dangereux de la marchandise et n’a pas attiré l’attention de son mandant sur la règlementation du transport de matières dangereuses par mer. Un transitaire doit aussi formuler toute observation utile pour déterminer le véhicule adapté

Les tribunaux précisent que l’art du transitaire s’exerce dans le transport et non dans le négoce international ou dans le conseil juridique, le transitaire n’a donc pas à informer son client sur la législation étrangère voire douanière car cela fait partie de la commission du commissionnaire. En pratique, le transitaire le fait car il ne sait pas s’il y a ou non un commissionnaire. Il est impossible de lui reprocher de ne pas avoir attiré l’attention sur le fait que le délai pour agir contre le transporteur est d’un an et non 10 (il s’agit de conseil juridique, ce n’est donc pas dans sa mission).

  1. C) L’obligation de réserver le recours de son mandant

Réserver le recours signifie sauvegarder les conditions à remplir pour l’exercice du recours, cela ne signifie pas exercer le recours. Cour de cassation 1991 a ainsi estimé que l’exercice du recours sauvegardé appartient au client et à lui seul.

En revanche, étant donné qu’il est un mandataire salarié et spécialisé, la jurisprudence sanctionne sévèrement toute faute ou négligence entraînant la perte du recours contre le transporteur, CA Lyon 2002 a ainsi condamné le transitaire à la place du transporteur.

Si les dommages sont apparents, le transitaire doit réserver les recours à l’arrivée de la marchandise en formulant des réserves. Il engagera sa responsabilité si les réserves sont imprécises, tardives ou irrégulières. L’absence de réserve est sans conséquence car elle ne va pas priver l’expéditeur d’une action mais sa procédure risque d’être vouée à l’échec, dans ce cas, l’expéditeur engagera la responsabilité du transitaire.

Si les dommages sont non apparents : lorsque le transitaire n’a pas eu la possibilité matérielle de déceler les dommages ou lorsqu’il y avait vice caché, l’absence de réserve ne constitue pas une faute. Le transitaire peut donc accepter sans réserve des conteneurs normalement plombés et d’ailleurs le plombage est normalement réalisé pour souligner la qualité et la protection de la marchandise. En revanche, si le transitaire relève une température anormale du conteneur ou même à l’intérieur du véhicule où ils sont entreposés, il commet une faute s’il ne signale pas le problème.

Le transitaire est également chargé de conclure les documents de transport en vue de la réexpédition de la marchandise. C’est le cas aussi lorsque la marchandise est défectueuse. Mais s’il le fait sans l’autorisation de son mandant, il n’est plus transitaire mais devient expéditeur. Le transitaire doit aussi faire procéder dans les meilleurs délais à la rupture de charge pour que la marchandise soit rapidement réexpédiée grâce au nouveau moyen de locomotion et il doit procéder à la vérification de l’état du véhicule. La encore, il doit réserver les droits de son mandant.

Enfin, lors des opérations de transbordement, le transitaire doit opérer comme si les marchandises lui appartenaient en propre, il va donc vérifier que ce sont bien les marchandises qui lui étaient destinées et doit vérifier leur nature, quantité, poids et qualité, au besoin, il doit tout entreprendre pour la conservation de ces marchandises. A défaut, le transitaire commettra une faute lourde entraînant l’allocation de dommage et intérêts.