Quels sont les caractères de la règle de droit?

 LES CARACTÈRES DE LA RÈGLE DE DROIT  

Les caractères de la règle de droit selon Portalis*

Dans la pensée juridique de Portalis, la règle de droit repose sur plusieurs caractéristiques qui lui permettent de jouer son rôle régulateur au sein de la société. Ces caractères contribuent à l’universalité et à l’objectivité du droit, tout en assurant une cohérence sociale et une protection des individus.

  • 1. Impersonnalité et abstraction : La règle de droit est impersonnelle et abstraite. Cela signifie qu’elle ne vise aucune personne ou situation en particulier, mais s’applique à tous sans distinction. Elle ne s’adresse pas à un individu précis, mais bien à toute la collectivité. Cette abstraction permet au droit de rester impartial et de garantir l’égalité de traitement pour l’ensemble des citoyens.
  • 2. Généralité : La règle de droit possède un caractère général : elle est conçue pour s’appliquer à des catégories de personnes et de situations de manière large. Des principes comme « Qui fait l’enfant le nourrit » ou « Tout enfant a pour père le mari de sa mère » illustrent cette vocation générale. La règle de droit ne doit pas viser une personne ou une situation unique, mais établir des normes applicables à des cas similaires dans des conditions analogues.
  • 3. Uniformité d’application : La règle de droit s’applique uniformément à toutes les personnes concernées par son champ d’action. Cela signifie que, quel que soit le statut ou la situation sociale des individus, la loi garantit un traitement identique. Par exemple, la règle « Chacun a droit à sa vie privée » est appliquée de manière égale, indépendamment de la condition sociale des personnes concernées. L’uniformité d’application reflète la notion de justice égale pour tous et renforce la confiance dans le système juridique.
  • 4. Respect du principe d’égalité : La règle de droit se fonde sur le principe d’égalité, qui assure que tous les individus sont soumis aux mêmes normes et disposent des mêmes droits. Portalis insiste sur l’indépendance de la règle de droit par rapport aux distinctions sociales, économiques ou personnelles. Cet idéal d’égalité vise à éviter tout traitement discriminatoire et à renforcer la justice sociale.
  • 5. Sécurité juridique : La règle de droit vise à instaurer un impératif de sécurité juridique, en établissant des normes claires et stables qui encadrent les comportements individuels et sociaux. En imposant des responsabilités pour les fautes et en dissuadant les comportements déraisonnables, la règle de droit préserve l’ordre social et permet à chacun d’agir en sachant les conséquences de ses actes.

*Portalis, né en 1746 et décédé en 1807, est un juriste et homme politique français renommé, principalement connu comme l’un des principaux rédacteurs du Code civil français, sous Napoléon Bonaparte. Son travail sur le Code civil, souvent appelé le Code Napoléon, a jeté les bases du droit civil moderne en France, influençant également les systèmes juridiques de nombreux pays.

 

I) Les caractères généraux de la règle de droit.

C’est une disposition obligatoire et générale comme n’importe qu’elle règle.

A) Un caractère obligatoire.

La règle de droit est obligatoire et s’impose à tous les membres de la société. Cela signifie que chacun doit s’y conformer, sous peine de sanctions. Cette obligation peut être positive (par exemple, porter secours aux personnes en danger) ou négative (comme ne pas porter atteinte aux biens d’autrui).

B) Un caractère général.

La règle de droit s’applique à l’ensemble de la société ou à un groupe de personnes sans distinction individuelle. Elle est une norme impersonnelle qui s’applique aux cas généraux et non aux situations individuelles. La loi n’est pas conçue pour régler les cas spécifiques mais pour encadrer les comportements de manière globale et durable. Cela lui confère une certaine objectivité, évitant les décisions particulières ou favorisant des intérêts spécifiques.

Autrement dit, la règle de droit est générale et s’adresse à un ensemble indéfini de personnes plutôt qu’à un individu en particulier.

  • Norme impersonnelle : La règle s’applique à toute personne entrant dans une situation donnée, indépendamment de son statut ou de son identité.
  • Application à tous (erga omnes) : Elle s’applique uniformément à l’ensemble de la société ou, le cas échéant, à des catégories de personnes ou d’activités déterminées (propriétaires, salariés, etc.).
  • Vocation de permanence : La règle de droit est censée s’appliquer dès son entrée en vigueur et jusqu’à son abrogation, assurant ainsi une continuité et une prévisibilité pour tous.

 

II) Les caractères spécifiques de la règle de droit

La règle de droit se distingue par plusieurs caractéristiques spécifiques qui lui confèrent son autorité, sa stabilité et son rôle dans l’organisation sociale. Ces caractères permettent de comprendre pourquoi et comment elle s’impose et s’applique.

A) LE CARACTÈRE COERCITIF DE LA RÈGLE DE DROIT

La spécificité principale de la règle de droit est son caractère contraignant. Contrairement aux règles morales ou religieuses, dont la transgression entraîne des sanctions internes (culpabilité) ou des sanctions externes sans autorité publique (excommunication religieuse, par exemple), le droit est assuré par l’État. Ce caractère contraignant se manifeste de plusieurs manières :

  • Monopole étatique : La règle de droit repose sur la contrainte exercée par l’État, garant de l’ordre social. Il est interdit aux individus de se faire justice eux-mêmes, et les litiges doivent être résolus par les tribunaux.
  • Sanctions étatiques : Les sanctions en cas de non-respect de la règle de droit sont multiples et émanent directement de l’État. Elles peuvent être :
    • Civiles : visant la réparation ou l’exécution forcée, telles que les dommages-intérêts en cas de préjudice ou l’annulation rétroactive de contrats irréguliers.
    • Pénales : visant la punition et la dissuasion, avec des peines telles que l’amende, la privation de liberté (prison) ou le travail d’intérêt général.
    • Administratives : par exemple, les amendes pour non-respect de la réglementation administrative (construction illégale, infractions routières).

B) LA RÈGLE DE DROIT EST OBLIGATOIRE

La règle de droit est impérative et impose le respect de certains comportements. Cette obligation se distingue en fonction de sa portée :

  • Les lois impératives :

    • Obligatoires : Elles dictent un comportement que les citoyens doivent suivre, comme les devoirs des parents envers leurs enfants.
    • D’ordre public : Ces règles sont inaliénables et nul ne peut y déroger, même par accord mutuel. Par exemple, en France, les règles sur le mariage ne permettent pas les mariages incestueux.
    • Prohibitives : Elles empêchent un acte, comme le fait de se remarier avant la dissolution d’un précédent mariage.
  • Les lois supplétives : Ce sont des règles qui laissent aux citoyens le choix de s’y conformer ou non. Elles ne s’appliquent que si les individus n’ont pas convenu d’autres dispositions dans leurs contrats, comme certaines clauses des contrats de vente.

C) LA PERMANENCE DE LA RÈGLE DE DROIT

La permanence confère à la règle de droit une stabilité nécessaire pour la sécurité juridique et judiciaire, éléments fondamentaux pour la confiance sociale et économique :

  • Stabilité et sécurité juridique : En garantissant que la règle de droit reste stable, les individus et les entreprises peuvent anticiper les conséquences juridiques de leurs actes.
  • Principe de publicité des lois : La loi entre en vigueur à la date fixée ou à celle de sa publication au Journal Officiel. Le principe de “nul n’est censé ignorer la loi” permet de s’assurer que la règle de droit est connue de tous.
  • Application erga omnes : La règle s’applique à toutes les personnes concernées, sans distinction.

Bien qu’une loi puisse tomber en désuétude si elle n’est plus appliquée, elle conserve sa validité juridique tant qu’elle n’a pas été expressément abrogée par le législateur. C’est par l’intervention de la jurisprudence que l’application des lois évolue pour tenir compte de la transformation des normes sociales, dans la limite des textes en vigueur.

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