Le « Parlementarisme absolu » sous la IIIe République, Grévy
Après l’effondrement du Second Empire en 1870, la IIIe République est proclamée dans un climat d’instabilité et de divisions politiques. Initialement conçue comme un régime parlementaire équilibré par les lois constitutionnelles de 1875, la République évolue rapidement après la crise de 1877 et l’abandon du droit de dissolution par Jules Grévy en 1879. Cette évolution conduit à un déséquilibre en faveur du Parlement, caractérisé par un parlementarisme absolu, terme popularisé par Carré de Malberg.
Le parlement bascule et devient majoritairement Républicain contre un président qui abandonne les droits de dissolution.
Sous la IIIe République, le Parlement s’impose comme l’organe central du pouvoir, reléguant l’exécutif à un rôle subordonné.
La renonciation au droit de dissolution : Jules Grévy, dès son élection en 1879, s’engage à ne jamais dissoudre la Chambre des députés, ce qui prive le président de la République de tout levier face à un Parlement hostile. Cette renonciation devient une convention constitutionnelle et affaiblit durablement la présidence.
La dépendance totale de l’exécutif :
L’ingérence dans la présidence : Bien que la Constitution n’établisse pas de responsabilité politique du président devant le Parlement, celui-ci réussit à forcer la démission de plusieurs chefs de l’État :
Le régime évolue vers un parlementarisme moniste, où le pouvoir exécutif est entièrement subordonné au législatif. Cette dynamique s’accompagne de phénomènes caractéristiques :
L’abandon du droit de dissolution : La fin de cet outil constitutionnel empêche le président de la République de s’opposer à une Chambre des députés hostile. En conséquence, le Parlement concentre les pouvoirs sans risque de dissolution.
La marginalisation de la présidence : Dès la « Constitution Grévy », le président devient une figure symbolique, réduite à un rôle protocolaire. Toute tentative de reprendre un rôle actif (comme celle de Millerand) est fermement rejetée par le Parlement.
Le Parlement utilise des moyens souples pour renverser les gouvernements, sans contrainte procédurale rigoureuse :
La multiplication des partis politiques au sein du Parlement amplifie les divisions et renforce l’instabilité :
L’exécutif, privé de leviers, devient un simple instrument du Parlement. La dépendance des ministres face aux députés, illustrée par la célèbre formule de J. Barthélemy, montre l’ampleur du déséquilibre :
« Il est plus facile à la Chambre de renverser un ministère qu’au gouvernement de déplacer un instituteur ou un postier. »
Les renversements fréquents des gouvernements empêchent toute continuité dans les politiques publiques, fragilisant l’État. Cette instabilité affaiblit la crédibilité du régime aux yeux des citoyens et des élites.
Le parlementarisme absolu entrave l’efficacité de la République et alimente une critique croissante du régime :
Conclusion : un modèle vulnérable. Le parlementarisme absolu de la IIIe République consacre la suprématie du Parlement mais au prix de l’efficacité de l’État. Si ce modèle garantit un contrôle démocratique sur l’exécutif, il engendre une instabilité qui affaiblira le régime face aux crises majeures du XXe siècle, jusqu’à sa chute en 1940.
Dès le début du XXe siècle, des tentatives émergent pour réformer l’État afin de rééquilibrer les rapports entre le pouvoir exécutif et le Parlement. Ces propositions visent à remédier à l’instabilité chronique de la IIIe République et à répondre aux défis politiques et économiques de l’époque.
Propositions réformatrices :
Obstacles à la réforme : Ces propositions sont systématiquement rejetées par un Parlement soucieux de préserver sa prépondérance. L’absence de majorité réformatrice empêche leur mise en œuvre, malgré l’urgence de stabiliser les institutions.
Entre les deux guerres, la France connaît une polarisation politique croissante :
Ces tensions révèlent l’incapacité du régime parlementaire à répondre aux attentes d’une société en crise.
Pour pallier l’immobilisme parlementaire, une solution d’urgence est trouvée dans la technique des décrets-lois, instaurée dans des circonstances exceptionnelles, mais de plus en plus utilisée.
Origine et cadre des décrets-lois :
Fonctionnement des décrets-lois :
Les raisons de leur adoption :
Multiplication et généralisation :
À partir de 1934, l’usage des décrets-lois s’accélère et se banalise :
Illégalité constitutionnelle :
Les décrets-lois contreviennent aux lois constitutionnelles de 1875, qui prohibent toute délégation du pouvoir législatif. Cependant, leur adoption reflète une reconnaissance tacite de la nécessité de renforcer l’exécutif pour répondre aux défis du moment.
Un symptôme de l’échec institutionnel :
Cette dépendance aux décrets-lois illustre l’incapacité du régime parlementaire à gérer efficacement les crises. Les institutions de la IIIe République, conçues pour éviter les dérives autoritaires, apparaissent inadaptées aux bouleversements du XXe siècle.
La montée des tensions internationales et la débâcle militaire de juin 1940 précipitent la chute du régime :
Pendant la guerre, Charles de Gaulle, chef de la France libre, ne se limite pas à la lutte contre l’occupation. Il réfléchit activement à une refondation des institutions françaises :
Conclusion : Les tentatives de renforcement de l’exécutif sous la IIIe République traduisent une prise de conscience des limites du régime parlementaire. Cependant, ces initiatives, qu’il s’agisse de réformes structurelles ou de mesures comme les décrets-lois, échouent à résoudre durablement les problèmes institutionnels. Ce déséquilibre persistant entre exécutif et législatif contribue à l’effondrement de la IIIe République, ouvrant la voie à une refondation profonde de l’État après la guerre.
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