La responsabilité parentale

LA RESPONSABILITÉ PARENTALE

Comme à chaque fois, il faut se référer aux textes:

Code Civil, article 1384:

al 4 le père et la mère, en tant qu’ils exercent le droit de garde, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux.

Al 7 la responsabilité ci-dessus a lieu, à moins que les pères et mères et les artisans ne prouvent qu’ils n’ont pu empêcher le faut qui donne lieu à cette responsabilité.

On observe le passage de la responsabilité pour faute présumée vers une responsabilité de plein droit (i.e. présomption de responsabilité J). C’est dans le courant de la prise en compte croissante de la victime, mais également de la mise en œuvre d’un principe général de responsabilité du fait d’autrui, le régime de ce dernier étant d’être une responsabilité de plein droit.

a) La conception traditionnelle de cette responsabilité

Si on lit attentivement l’article 1384al4 du Code Civil, on remarque qu’il faut différentes conditions et qu’à ce sujet, la jurisprudence a commencé par se montrer très stricte.

(i)               Une responsabilité pour faute présumée

Code Civil, article 1384:

al 4 le père et la mère, en tant qu’ils exercent le droit de garde, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux.

Trois éléments doivent être réunis:

  •      le droit de garde: mais on peut se poser la question: que faut-il entendre par le droit de garde? Est-ce transposer la notion de garde de la chose aux êtres humains? Il semble qu’il s’agisse plutôt de l’autorité parentale
  •     les enfants doivent être mineurs, ce qui paraît logique, on ne parle pas d’un principe général de responsabilité du fait d’autrui ici mais des pères et mères vis à vis de leurs enfants mineurs.
  •     Il doit y avoir cohabitation et ce au moment même de la réalisation du dommage. En ce sens, on estime qu’un enfant en vacances pour une semaine chez sa tante et qui brûle la maison voisine ne cohabite plus avec ses parents. Leur responsabilité ne peut donc être engagée sur ce fondement, on peut toutefois recourir au droit commun i.e. à l’article 1382 du Code Civil et tenter de montrer qu’ils ont commis une faute, par exemple en n’enfermant pas une arme… En fait, au delà de deux à trois jours, on considère qu’il y a rupture de la cohabitation.

Il me faut rappeler, car la répétition c’est pédagogique (J!!!J), qu’il s’agit d’un régime de responsabilité pour faute présumée. Mais cette présomption est simple: les parents peuvent s’exonérer en montrant qu’ils n’ont pas commis de faute dans la surveillance ni dans l’éducation de leurs enfants.  Citons à ce sujet un arrêt de la Cour de Cassation, 2° chambre civile, 04/03/1987, dans lequel le juge relève que l’enfant est un élève studieux, brillant et discipliné, qu’en conséquence la responsabilité des parents ne saurait être engagée pour une équerre jetée en l’air et qui a crevé l’œil d’un camarade. Par contre, dans un arrêt de la Cour de Cassation du 28/10/1987, le juge relève que l’enfant qui a mis le feu à l’atelier du menuisier chez lequel il effectuait une formation n’avait pas bénéficier d’une bonne éducation, avait déjà fait l’objet d’un grand nombre de reproches… qu’il y a donc une faute dans l’éducation de l’enfant.

(ii)             Le fait du mineur

Le fait du mineur doit être une faute au départ. Ce qui est étonnant, c’est que la cour de cassation, jusqu’en 1984, ne connaît pas la notion de faute objective(i.e. sans discernement J)et pourtant, dans ce domaine précis, elle admet qu’un enfant mineur puisse commettre une faute! Bravo pour la cohérence!!! J

Puis la jurisprudence va commencer à engager la responsabilité des parents sur un simple fait fautif avant finalement de modifier totalement ce régime de responsabilité…

b) Les modifications successives de la responsabilité parentale

Comme souvent en matière de responsabilité, les événements vont venir influencer le droit. On observe quoi: les enfants ont une éducation de plus en plus libérale, ils causent de plus en plus de dommages, les parents se désintéressent de leur éducation. Les juges vont tenter de jouer un rôle dans un vaste mouvement de responsabilisation des parents en faisant en sorte d’engager de façon quasi systématique leur responsabilité. 

(i)               Les parents répondent du simple fait causal de leur enfant

C’est par un des 4 fameux arrêts du 09/04/1984 que la jurisprudence ne va désormais plus exiger qu’un simple fait causal de leur enfant avec le dommage. C’est l’arrêt Fullenwarth. Dans cette affaire, un enfant en blesse un autre avec une flèche. La cour de cassation considère qu’il est suffisant que le fait de l’enfant ait un lien causal avec le dommage. On peut se surprendre de cette position: d’un certain point de vue, elle consacre la faute objective, mais si l’on réfléchit à la formulation, la Cour de Cassation indique par là même qu’un fait licite peut permettre d’engager la responsabilité des parents!!! Autrement dit, un enfant qui joue tout à fait normalement, dans des conditions optimum de sécurité peut tout de même engager la responsabilité de ses parents s’il vient à blesser quelqu’un! Les juges n’ont qu’à constater un lien de causalité!!!

(ii)             Les parents ne peuvent plus s’exonérer en prouvant l’absence de faute

C’est le pas! On passe ainsi d’un régime de responsabilité pour faute présumée à un régime de responsabilité de plein droit. On limite les moyens d’exonération à la cause étrangère

Cause étrangère: terme générique dont le cas fortuit et la force majeure sont des espèces désignant tout fait ou événement (guerre, blocus, cataclysme ou même fait d’un tiers) qui, intervenant dans la réalisation d’un dommage avec le triple caractère d’imprévisibilité, d’irrésistibilité et d’extériorité(accent mis sur ce dernier), constitue une cause d’exonération de la responsabilité délictuelle ou contractuelle.

L’arrêt de principe à ce sujet est l’arrêt Bertrand du 19/02/1997. Dans cet arrêt, un enfant traverse la route à vélo et génère un accident avec une moto. La loi de 1985 sur les accidents de la circulation ne s’appliquant qu’aux véhicules terrestres à moteur, le motard doit engager la responsabilité des parents. Les parents font valoir qu’ils n’ont commis aucune faute dans l’éducation ni dans la surveillance de leur enfant. La cour de cassation réplique que seule la cause étrangère permet d’exonérer.

Si on s’intéresse au fondement de cette théorie, on remarque qu’une lecture exégétique de l’article 1384al7 s’y prêtait:

Code Civil, article 1384:

Al 7 la responsabilité ci-dessus a lieu, à moins que les pères et mères et les artisans ne prouvent qu’ils n’ont pu empêcher le faut qui donne lieu à cette responsablilité.

Ce qu’on a pu empêché, c’est nécessairement la cause étrangère… 

On remarque qu’en principe cette responsabilité est fondée sur la garantie: les parents doivent garantir les dommages que leurs enfants sont susceptibles de causer. Toutefois, il est clair qu’il est très improbable de voir les parents exercer une action récursoire, ce qui fait dire à certains qu’il s’agirait de facto d’une théorie fondée sur le risque. Mais avoir des enfants constitue-t-il un risque?? 

(iii)            La notion de cohabitation est étendue

Jadis nous l’avons dit, la cour de cassation considérait aisément qu’il y ait rupture de la cohabitation. Aujourd’hui, comme le montre d’ailleurs l’arrêt Bertrand, la notion de cohabitation est entendue de façon large, ce qui a bien sûr pour objectif d’engager le plus possible la responsabilité des parents et donc d’indemniser la victime. Dans notre arrêt Bertrand, on a considéré que l’enfant, confié à son père (son père et sa mère étant divorcés et l’enfant ayant pour résidence principale celle de sa mère) cohabitait toujours avec sa mère! Un arrêt de la Cour d’Appel de Besançon de 1998 va d’ailleurs dans ce sens (vacances de 15J me semble-t-il). Toutefois, il ne s’agit que d’un arrêt de Cour d’Appel.

(iv)            Effets de cette objectivisation

Il faut tout d’abord rappeler que si la responsabilité des parents, dans l’ancien système, n’était pas engagée sur le fondement de l’article 1384al4, leur responsabilité pouvait l’être sur 1382. Cette option reste ouverte même si elle risque d’être de moins en moins pratiquée, le régime de responsabilité objective étant tout à fait favorable.

Autre effet: des interrogations nombreuses de la doctrine: est-ce un risque que d’avoir des enfants? Est-ce réellement une action en garantie? Tout le débat est là.

(v)             Problèmes de cette jurisprudence

C’est essentiellement sur les moyens d’exonération que se pose le problème, ou plus exactement sur leur appréciation. Qui dit responsabilité de plein droit, dit exonération par la cause étrangère. Mais comment apprécier la condition d’extériorité? doit on apprécier l’extériorité uniquement par rapport à l’enfant, par rapport aux parents, aux deux? La question est importante. Si un enfant viole un autre, (exemple un peu triste mais je me souviens de cet arrêt sans avoir les référencesJ), il n’y a absolument pas extériorité pour lui. Par contre, pour ses parents, oui, d’où exonération. Si on considère qu’il faut prendre en compte un fait extérieur aux parents et à l’enfant, cela veut dire qu’il s’agira ou uniquement du fait d’un tiers, ou du fait de la victime ou d’un fait de la nature. Nous pensons que la jurisprudence optera pour cette dernière solution.

L’autre problème posé par cette jurisprudence est qu’elle ne s’applique pas à des situations pourtant proches: un majeur protégé qui brûle une maison alors qu’il était confié à un centre, mineurs confiés pendant longtemps à un centre de réinsertion…

 

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