Le département : circonscription de la déconcentration
Le département est une circonscription administrative de l’État et une collectivité territoriale dotée de la personnalité juridique. Sa gestion est confiée au conseil départemental, anciennement appelé conseil général, conformément à la loi de décentralisation du 17 mai 2013.
Le département, bien que subordonné à l’État à travers l’action du préfet, bénéficie d’une large autonomie en matière de gestion locale, avec un focus particulier sur le développement social et la proximité avec les citoyens.
Depuis plus de 10 ans, plusieurs réformes ont considérablement modifié les compétences, le financement et le fonctionnement des départements en France. Voici un aperçu des évolutions législatives :
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Loi NOTRe (Nouvelle Organisation Territoriale de la République) : Adoptée en 2015, cette loi a redéfini les compétences des départements en faveur des régions. Les départements ont ainsi perdu la gestion économique, qui a été transférée aux régions, mais ont conservé des responsabilités clés dans les domaines de l’action sociale, des infrastructures routières et des collèges. Cette loi a également renforcé le rôle des intercommunalités en augmentant leur seuil de population à 15 000 habitants, impliquant des regroupements significatifs.
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Loi Engagement et Proximité (2019) : Cette loi a été conçue pour redonner aux collectivités locales, dont les départements, plus de liberté d’action et de proximité avec les citoyens. Elle a permis de clarifier les responsabilités partagées et renforcé la participation des départements dans des domaines comme l’aménagement du territoire et la protection de l’environnement.
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Réforme de la fiscalité locale : L’abolition progressive de la taxe d’habitation sur les résidences principales entre 2018 et 2023 a bouleversé le financement des collectivités, y compris les départements. Pour compenser cette perte, les départements ont vu leurs parts de fiscalité évoluer, notamment avec le remplacement de la Cotisation sur la Valeur Ajoutée des Entreprises (CVAE) par une fraction de la TVA, bien que cela suscite des inquiétudes concernant la stabilité de cette ressource.
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Soutien social et prise en charge des Mineurs Non Accompagnés (MNA) : Ces dernières années, les départements ont dû répondre à des besoins accrus en termes d’accueil des MNA. La législation et les aides financières de l’État ont été adaptées pour accompagner ces évolutions, même si les départements estiment que les subventions actuelles ne couvrent pas suffisamment les dépenses engagées.
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Transition écologique et numérique : Les départements ont aussi été sollicités pour participer activement à la transition écologique. Des crédits d’impôt et des subventions leur ont été octroyés pour des projets de rénovation énergétique des bâtiments et l’amélioration des infrastructures de transport. La loi de finances 2024 prévoit également des soutiens pour des initiatives écologiques départementales, bien que leur financement reste une préoccupation.
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Autres ajustements récents : En matière de santé et de solidarités, les départements sont désormais responsables de nouvelles missions. Par exemple, la gestion des politiques pour les personnes âgées et en situation de handicap a été élargie et renforcée, de même que les dispositifs de santé de proximité. En éducation, certains départements ont reçu des moyens accrus pour l’accueil des élèves en situation de handicap, avec des fonds destinés à l’équipement numérique des collèges.
Organisation du département
Élection du Conseil départemental
Les conseillers départementaux sont élus au scrutin binominal paritaire dans chaque canton, pour un mandat de six ans. Cette réforme, introduite en 2013, vise à garantir la parité hommes-femmes au sein des conseils départementaux en exigeant que chaque binôme se compose d’un homme et d’une femme. Une fois élus, les conseillers départementaux désignent parmi eux un président, qui assume la direction de l’assemblée et supervise l’exécutif départemental.
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Attributions du Conseil départemental
Le conseil départemental détient un rôle délibératif et de gestion dans des domaines variés :
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Budget et décisions locales : Le conseil départemental vote le budget, définit les orientations financières, et prend des décisions relatives aux compétences qui lui sont dévolues par la loi. Depuis 2024, les départements sont encouragés à rationaliser leurs dépenses pour faire face à de nouvelles contraintes budgétaires et répondre aux besoins accrus en matière de transition écologique et d’inclusion sociale.
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Compétences sociales : Le conseil départemental joue un rôle central dans les politiques sociales. Il gère des dispositifs comme le Revenu de Solidarité Active (RSA), l’aide sociale à l’enfance et le soutien aux personnes âgées et handicapées. De plus, il est responsable de l’entretien des collèges et des services publics de proximité. Avec la revalorisation du RSA prévue en 2024, les départements doivent adapter leurs budgets pour répondre à ces nouvelles dépenses, souvent sans compensation supplémentaire de l’État.
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Développement économique : Bien que la loi NOTRe de 2015 ait transféré la plupart des compétences économiques aux régions, les départements conservent des capacités d’intervention dans le développement local, notamment en matière d’infrastructures. Les départements continuent de soutenir les territoires ruraux et de participer activement aux initiatives de transition énergétique, encouragées par les récentes politiques de soutien à l’économie verte.
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Gestion des biens publics : Le conseil départemental est responsable de l’entretien et de la gestion des biens immobiliers départementaux, y compris les routes et les bâtiments publics. En 2024, une nouvelle taxe sur les infrastructures de transport de longue distance a été introduite pour financer en partie l’entretien des réseaux routiers, un point de préoccupation pour de nombreux départements qui doivent faire face à la dégradation des infrastructures.
Président du Conseil départemental : rôle et pouvoirs exécutifs
Le président du conseil départemental exerce les fonctions exécutives à l’échelle départementale :
- Exécution des décisions : Le président est responsable de la préparation et de la mise en œuvre des décisions du conseil, en supervisant les politiques adoptées.
- Gestion des finances : Il gère les recettes et les dépenses départementales, assurant ainsi l’équilibre budgétaire et la bonne utilisation des ressources.
- Direction des services départementaux : Le président coordonne les services administratifs du département, veillant à leur bon fonctionnement et à leur alignement sur les objectifs des politiques publiques locales.
Le Préfet : Représentant de l’État et contrôle administratif
Nommé par le gouvernement, le préfet représente l’État dans le département et assure la mise en œuvre des politiques nationales :
- Mise en œuvre des politiques nationales : Le préfet applique les directives gouvernementales dans les domaines de l’économie, du logement, et de l’emploi. Il est également chargé de garantir l’application des lois nationales au niveau local.
- Pouvoir de police administrative : Il veille à la sécurité publique, coordonne les mesures de sécurité civile, et intervient en cas de crise.
- Contrôle des actes locaux : Dans le cadre de la loi de transformation de la fonction publique de 2019, le préfet exerce un contrôle sur les actes des collectivités territoriales, y compris les décisions départementales, pour assurer leur conformité avec les lois et règlements. Ce contrôle a récemment été renforcé pour garantir que les actes locaux respectent les priorités nationales en matière d’inclusion et d’environnement.
Histoire du Département : Un Héritage Révolutionnaire
La création des départements français découle des lois révolutionnaires du 22 décembre 1789 et du 15 janvier 1790, qui ont profondément réorganisé la géographie administrative du pays. Ces lois, adoptées par l’Assemblée constituante, ont divisé le territoire en 83 départements afin d’harmoniser et de rationaliser l’administration à travers des divisions géographiques équilibrées. Depuis leur création, les départements n’ont cessé d’évoluer tout en restant un pilier de l’administration territoriale.
Motivations Révolutionnaires : Égalité et Uniformité
L’instauration des départements a été motivée par deux préoccupations majeures des révolutionnaires de 1789 :
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Égalité : Le nouveau découpage territorial visait à instaurer une égalité d’accès aux services publics pour tous les citoyens, indépendamment de leur localisation.
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Uniformité : La volonté d’unifier les pratiques administratives et de supprimer les particularismes locaux pour renforcer l’unité nationale.
Simplicité administrative :
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Sous l’Ancien Régime, l’organisation territoriale était complexe et désordonnée, avec des circonscriptions multiples, créant des entités souvent redondantes.
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Les intendants, agents de l’État royal, étaient les figures centrales de cette administration éclatée, comme le souligne Tocqueville.
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La Révolution française a rompu avec cet héritage en créant des départements, conçus comme des unités territoriales cohérentes pour gérer l’administration locale, les élections et les services publics de manière homogène.
Conceptions et Débats Révolutionnaires
Le découpage des départements a fait l’objet de débats au sein de l’Assemblée constituante :
- L’abbé Sieyès prônait un découpage géométrique et uniforme, avec des frontières tracées sans prendre en compte les traditions locales.
- Mirabeau, en revanche, voulait respecter les spécificités des anciennes provinces pour préserver leurs identités culturelles et historiques.
- Le découpage final a permis aux résidents de chaque département de rejoindre le chef-lieu en une journée à cheval, illustrant le souci de proximité et d’accessibilité.
Évolution et Réorganisation des Départements
Depuis leur création, les départements ont évolué pour s’adapter aux transformations sociales et économiques de la France. Aujourd’hui, on compte 101 départements :
- 96 départements métropolitains et 5 départements d’outre-mer (Guadeloupe, Guyane, Martinique, Mayotte et La Réunion).
- La loi du 8 juillet 1964 a réorganisé l’Île-de-France, augmentant le nombre de départements autour de Paris de 3 à 8 pour faire face à la croissance démographique et aux besoins d’une gestion urbaine plus efficace.
- En 1975, la Corse a été scindée en deux départements distincts (Corse-du-Sud et Haute-Corse) afin de mieux répondre aux spécificités régionales.
- En 2021, la création des collectivités uniques en Martinique et en Guyane montre une adaptation aux besoins modernes, en fusionnant les compétences départementales et régionales dans une entité unique pour plus de cohérence.
Rôle et pouvoirs législatifs actuels
Les départements et leurs limites relèvent toujours de la compétence du législateur, avec des règles spécifiques :
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Toute modification des frontières départementales nécessite une consultation préalable des assemblées locales concernées.
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La révision constitutionnelle de 2008 a renforcé la participation citoyenne, permettant désormais aux électeurs d’être consultés sur des projets de redécoupage.
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Pour les communes, c’est le représentant de l’État qui peut décider de modifications territoriales, mais une enquête publique est obligatoire, assurant ainsi la transparence et la consultation des citoyens.
Régimes similaires pour les régions :
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Les régions, comme les départements, sont soumises à des règles strictes : toute modification de leurs limites ou toute fusion nécessite une loi.
La Loi NOTRe et ses Conséquences sur les Départements
La Loi NOTRe (Nouvelle Organisation Territoriale de la République), promulguée le 7 août 2015, a profondément transformé l’organisation et la répartition des compétences entre les différentes collectivités territoriales en France.
- Objectifs de la loi NOTRe
La loi NOTRe visait principalement à :
- Renforcer le rôle des régions, notamment en matière de développement économique, de formation professionnelle, de transports et de gestion des fonds européens.
- Clarifier les compétences des départements et des intercommunalités, avec l’intention de supprimer certaines redondances entre ces différents échelons.
- Favoriser la coopération intercommunale en augmentant le seuil minimum de population des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à 15 000 habitants (avec quelques exceptions dans les zones peu peuplées).
- Améliorer l’efficacité des services publics locaux, en regroupant les compétences au sein d’un nombre réduit d’acteurs, et en réduisant les chevauchements de responsabilités.
- Conséquences pour les départements
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Transfert de compétences économiques aux régions :
- La loi NOTRe a confié aux régions la compétence exclusive en matière de développement économique, privant les départements de leur rôle d’acteurs principaux dans ce domaine. En conséquence, les départements ont perdu la possibilité d’intervenir directement dans l’aide aux entreprises, le soutien à l’innovation, ou l’aménagement économique.
- Cependant, les départements conservent un rôle indirect par le soutien aux infrastructures locales (routes, collèges, etc.) et par des actions de développement rural et de solidarité territoriale.
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Redéfinition des compétences sociales :
- Les départements restent des acteurs majeurs dans les politiques sociales. Ils conservent la gestion du Revenu de Solidarité Active (RSA), de l’aide sociale à l’enfance, ainsi que des politiques d’aide aux personnes âgées et aux personnes handicapées.
- Le maintien de ces responsabilités, en particulier dans un contexte de financement souvent tendu, a mis les départements face à des défis budgétaires importants. En effet, avec la hausse des bénéficiaires du RSA et des aides sociales, les départements ont dû trouver des ressources supplémentaires, souvent sans compensation directe de l’État.
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Réorganisation des compétences en matière de transport :
- La loi a transféré aux régions la gestion des transports interurbains et des transports scolaires, sauf dans les départements d’Île-de-France et les DOM. Les départements ne gèrent donc plus que les transports locaux, ce qui a permis de clarifier les responsabilités et d’améliorer la cohérence des politiques de transport au niveau régional.
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Élargissement du champ de la coopération intercommunale :
- Avec la loi NOTRe, les intercommunalités ont vu leurs compétences renforcées, notamment dans les domaines de la gestion de l’eau, des déchets, et de la promotion du tourisme.
- Cette évolution a poussé les départements à redéfinir leur rôle vis-à-vis des EPCI. Ils doivent maintenant concentrer leurs efforts sur les compétences de solidarité et de soutien aux territoires ruraux ou en difficulté, tout en déléguant de plus en plus de responsabilités aux communautés de communes et aux autres intercommunalités.
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Impact sur les finances des départements :
- Le retrait de certaines compétences économiques a été compensé par une réorganisation budgétaire. Cependant, les départements continuent de subir une pression financière, notamment en raison des besoins accrus en matière d’aide sociale et du coût de l’entretien des infrastructures, surtout dans les zones rurales où les recettes fiscales sont souvent plus limitées.
L’implantation des services déconcentrés de l’État : Organisation et Réforme
Les services déconcentrés de l’État, présents dans chaque département, rassemblent les principaux moyens humains et ressources nécessaires pour administrer localement les politiques publiques. Cette organisation a connu des réformes majeures pour améliorer son efficacité et réduire les coûts.
Contexte et Réorganisation de 2010
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Jusqu’à janvier 2010, chaque département comptait environ 18 directions administratives, organisées par secteur. Cette complexité, lourde et coûteuse, a conduit à une réorganisation visant à rationaliser la gestion.
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La Révision générale des politiques publiques (RGPP), initiée sous le gouvernement Sarkozy, a cherché à rendre l’administration plus efficace et moins onéreuse.
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La réforme a donné naissance aux Directions Départementales Interministérielles (DDI) :
- Mise en place par le décret du 3 décembre 2009, les DDI regroupent plusieurs services existants pour former 3 directions départementales sous l’autorité des préfets.
- Les DDI sont placées sous la responsabilité du Premier ministre et visent une meilleure intégration des missions et ressources de l’État au niveau local.
Les 3 Directions Départementales Interministérielles (DDI)
À partir de 2010, les départements ont été dotés de trois principales directions interministérielles :
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Direction Départementale des Territoires (DDT) ou DDTM dans les départements côtiers :
- Elle regroupe les services de l’équipement, de l’agriculture, et des affaires maritimes (dans les régions littorales).
- Responsable de la mise en œuvre des politiques de développement territorial, d’aménagement, et de transition écologique.
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Direction Départementale de la Cohésion Sociale (DDCS) :
- Intègre les missions de jeunesse et sports ainsi que les affaires sanitaires et sociales.
- Assure la gestion des politiques de solidarité et de cohésion sociale, en fusionnant plusieurs missions auparavant assurées par des services distincts.
- Dans les départements les plus petits, cette direction est souvent fusionnée avec la Direction Départementale de la Protection des Populations.
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Direction Départementale de la Protection des Populations (DDPP) :
- Regroupe les services de protection sanitaire, vétérinaires, et de contrôle économique (concurrence, consommation, répression des fraudes).
- Garantit la sécurité des consommateurs et veille au respect des réglementations économiques.
Certaines directions spécifiques demeurent autonomes :
- Inspection académique (gestion de l’Éducation nationale au niveau départemental),
- Services de sécurité publique,
- Direction Départementale des Finances Publiques (DDFIP), issue du rapprochement des services fiscaux et de la trésorerie.
Exclusions et Spécificités Régionales
La réforme de 2010 a laissé certains territoires en dehors de ce modèle unifié :
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Île-de-France : Les départements de cette région conservent une organisation adaptée à leur complexité et à leurs besoins spécifiques.
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Départements d’outre-mer : En raison de particularités géographiques et administratives, les DOM ont une organisation distincte, adaptée à leurs contextes locaux.