QUELS SONT LES MOYENS D’INVESTIGATION DU JUGE ?
Le juge dispose d’un pouvoir inquisitorial, c’est lui qui dirige la requête. C’est lui qui va examiner les échanges de mémoire et le contenu des mémoires. C’est lui qui va aussi lors de l’instruction être conduit à demander des choses aux parties. Un arrêt du 1er mai 1936, arrêt Couespel du Mesnil à propos d’une mise à la retraite, et on y trouve les différents moyens d’investigation. En effet, dans le procès administratif, la preuve incombe au requérant, même si dans certains contentieux, le requérant bénéficie d’une présomption. Les parties parfois sont démunies et le juge peut être conduit à leur demande ou de son propre chef à ordonner des mesures d’investigation ou des mesures d’instructions. Il y en a qui sont inquisitoriales, le juge y procède sans le support d’un texte, le Code de justice administratif mentionne à l’article R626-1 du Code de justice Administrative, « toutes mesures d’instruction ». Ce silence autorise le juge à avoir de nombreuses mesures d’instruction.
- &1 : Les mesures d’instruction dite inquisitoriales
Le juge par l’arrêt de 1936 a rappelé que le juge peut prononcer des injonctions de production. Il peut dire à une des parties, je vous enjoins de produire ce document. D’ailleurs, cet arrêt qui est révélateur des injonctions de procédure, on enjoint l’administration à faire quelque chose pour éclairer le magistrat. Cette procédure a été tout de suite utilisée par le juge dans un arrêt de 1954, dans l’arrêt Barel, le Conseil d’Etat a demandé à l’administration de fournir les éléments et devant le refus de l’administration, le juge a cru le requérant car le juge ne pouvait pas vérifier. On peut aussi demander le dépôt d’une pièce, demander des éclaircissements, des précisions sur les motifs d’une décision. On peut lui demander par simple lettre.
La mesure la plus fréquente est de demander le versement de pièces, la lettre indiquant la pièce demandée par simple courrier, où le juge prend une décision avant-dire droit, pour intimer de produire. Un arrêt du 1er avril 1994, établissement Richard Ducros, on demande la précision des critères dans un marché public. On peut demander des informations à une personne qui n’est pas partie au litige. Le juge administratif, en ce qu’il autrefois vient de l’administration, se préoccupe de l’intérêt général, donc avant de changer une jurisprudence, il peut adresser des demandes à des tiers, comme une affaire d’indemnisation, où le Conseil d’Etat demande le nombre de cas pour préserver les deniers de l’Etat.
Le juge a pu se faire projeter des films ou écouter des enregistrements sonores. Les conséquences de ces mesures sont simples, si l’administration fournit des explications non contestables pour le requérant, elles sont tenues pour exactes, si elles sont contestées, le requérant doit établir la preuve. Si elle refuse, on est dans le cas Barel, la partie qui s’oppose à la manifestation de la vérité est considérée comme coupable, sauf, si le dossier prouve que le requérant a tort.
- &2 : Les mesures d’instructions prévues par le Code de justice Administrative
Il appartient au rapporteur de rechercher s’il y a lieu d’ordonner ces mesures. Un tribunal n’est jamais tenu de recourir à des mesures d’instruction. Il lui appartient s’il le souhaite d’y recourir. Très rapidement, il y a une multitude de mesures d’instruction réglementée par le Code de justice Administrative, la première, c’est l’expertise.
A) L’expertise
L’expertise, il y a d’abord une demande d’expertise, elle est facultative, article R621-1 du Code de justice Administrative, elle n’est jamais obligatoire. Le juge peut ne pas l’ordonner. Il peut de lui-même décider de l’expertise. Cela peut être préalablement, ou il le décidera par un jugement avant-dire droit, ou un jugement qui tranchera partiellement un point et ordonnera l’expertise. Elle peut être ordonnée d’office par le juge, mais ce sont souvent les parties qui font une demande d’expertise. Désormais, le président de la juridiction a la possibilité de désigner en son sein un magistrat chargé des questions d’expertise, c’est à lui que l’on va adresser des demandes notamment pour le suivi, article R621-2, R621-4 et R626-5 du Code de justice Administrative, il va suivre les expertises.
Les experts peuvent être seuls, ou travaillent en commission. Le choix dépend de la difficulté du dossier. L’expert est nommé par le jugement qui ordonne l’expertise, sur la liste des experts. L’expert doit être impartial. L’expert qui estime avoir un empêchement, il doit le faire savoir au président de la juridiction, c’est ce que l’on appelle le déport. On peut aussi faire récuser les experts, article R621-6 du Code de justice Administrative, en indiquant les motifs.
L’expert doit éviter de faire toute opération avant qu’on ait statué sur la sanction. L’expert réagit, il peut acquiescer et il sera remplacé. Soit il estime qu’il n’y a pas de motif à la récusation et la juridiction se prononcera dans une audience publique. L’expert peut être épaulé par d’autres personnes, article R621-2 du Code de justice Administrative, il faut qu’il soit nommé par le président. Un expert peut enfin refuser d’accomplir sa mission et il sera remplacé.
Les opérations d’expertise se déroulent sous la responsabilité de l’expert qui a une mission fixée par le jugement, ne peut pas porter sur un point de droit, mais que sur des faits. Il va rechercher la cause des dommages, on ne lui dit pas de dire que c’est une faute au sens du droit de la responsabilité, mais il va le sous-entendre. L’expertise doit être contradictoire, il y a une convocation aux opérations. Parfois, on peut donner l’accord pour qu’une opération matérielle se fasse. Les documents sont communiqués aux parties, en cas de carence, le président ordonne la communication des documents. Il faut respecter le contradictoire tout au long de l’expertise. Il peut y avoir plusieurs expertises.
À la fin de l’expertise, on produit un rapport d’expertise, on envoie les copies du rapport aux parties. Il y a souvent un pré-rapport, où l’on trouve la trame du rapport, l’expert demande aux parties de produire des dires pour faire le point, puis il fait son rapport. Les experts peuvent aller devant le juge, article R621-10 du Code de justice Administrative pour présenter son rapport. Il y a une reprise de l’instruction après l’expertise.
Une expertise annulée peut être utilisée dans ses éléments de fait. Les frais d’expertise sont taxés normalement par le président, donc le demandeur, mais il peut y avoir un partage, R621-11 du Code de justice Administrative, avec une allocation provisionnelle du demandeur. Ensuite le président met les frais à la charge d’une des parties par une ordonnance de taxe. Pour les honoraires, on regarde la difficulté du travail fourni, l’ordonnance est susceptible de recours devant la juridiction concernée.
B) L’enquête
Ce sont les articles R623-1 à R623-8 du Code de justice Administrative. Elle n’est pas obligatoire, le juge peut rejeter la demande. Il faut qu’elle soit utile, article R623-1 du Code de justice Administrative. Elle doit être utile. On ne va pas conduire une enquête alors qu’on a les éléments. Article R623-2 du Code de justice Administrative prévoit les différentes enquêtes. Il y a l’enquête à la barre et l’enquête sur place. L’enquête à la barre à lieu devant la juridiction dans une salle d’audience, donc les parties peuvent présenter des témoins, il y aura un procès-verbal d’audition.
Il y a une enquête sur place, conduite par un membre de la juridiction qui va entendre des témoins. C’est un magistrat qui se rend sur les lieux et entend les personnes présentes. Généralement, c’est le rapporteur. Un procès-verbal d’enquête sera dressé, notifié aux parties, et versé au dossier. L’arrêt Poncin de 1963, une enquête était utilisée pour déterminer l’exactitude du procès-verbal du jury. Le 7 septembre 2009, affaire Dassault, le Conseil d’Etat fait une enquête sur les dons d’argent à des personnes privées avant les élections d’un conseil municipal.
C) La visite des lieux
Il s’agit de l’article R622-1 du Code de justice Administrative. La visite des lieux est un moyen de vérifier la réalité, l’affirmation de l’autre partie. Le juge ne peut pas procéder à une enquête officieuse. Il faut une mesure d’instruction, une décision. Cela peut être une ordonnance du président de la juridiction, soit même un jugement avant-dire droit qui pourra décider que le juge se propose d’effectuer une visite, en précisant les constatations et les vérifications. Le juge va pouvoir entendre sur place toutes les personnes qui peuvent fournir les renseignements. La décision doit être notifiée aux parties, elle doit être contradictoire, les parties peuvent être présentes. On rédige un procès-verbal qui est ensuite notifié aux parties, les frais sont pris en charge par l’Etat. Le Conseil d’Etat en a ordonné, le 19 janvier 1996, syndicat mixte pour le tunnel de Genèvre, la 6ème sous-section du Conseil d’Etat et le commissaire du gouvernement se sont déplacés sur les lieux pour constater sur les lieux si le site était pittoresque.
D) La vérification
Il y en a deux types, la vérification d’écritures, qui est rare, ce n’est pas la même chose que l’inscription de faux. On demande à un expert de dire si un document est bien celui de son auteur. Cette vérification peut être ordonnée ou pas. Un arrêt du Conseil, une partie le demande, et un graphologue a fait la vérification, et il a donné son point de vue sur les émargements d’une liste électorale.
Il y a aussi la vérification administrative. On vérifie les documents administratifs, mais aussi vérifier une situation, article R626-1 du CODE DE JUSTICE ADMINISTRATIVE. Le juge peut enjoindre à l’administration de verser un document s’il n’y est pas procédé, on peut faire cette vérification, par un jugement avant-dire droit. On nomme un magistrat. Elle se fait en respect du contradictoire. Un arrêt du 19 juin 1990, Madame Courtey. Les résultats sont portés à la connaissance des parties. L’article R626-3 prévoit la possibilité de donner à un autre juge une commission rogatoire, presque comme au pénal, arrêt du Tribunal Administratif de Papeete, Foradosco. Le Tribunal Administratif de Lyon est commis par le Tribunal Administratif de Papeete. Le Tribunal Administratif peut aussi décider d’un enregistrement sonore, R626-2 du Code de justice Administrative.
E) La consultation et la procédure amicus curiae
Depuis février 2010, le CODE DE JUSTICE ADMINISTRATIVE s’est enrichi du recours au consultant et la procédure amicus curiae. Lorsqu’une petite question technique apparaît, on peut demander à une personne de donner un avis sur les points qu’elles déterminent. Le consultant à qui on ne remet pas le dossier d’instance, son avis est consigné par écrit et notifié aux parties. Arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Marseille, 8 juillet 2010, société Sora où on utilise cette procédure. Le R625-3, l’amicus curiae, on invite toute personne dont la connaissance ou les compétences peuvent éclairer la juridiction pour trancher le litige, à fournir des observations d’ordre général. L’avis est consigné par écrit et il est communiqué aux parties.