Que sont les physiocrates et les mercantilistes?

Les grands courants de la pensée économique pré-classique : les mercantilistes et les physiocrates

Les écrits à résonance économique sont quasiment aussi anciens que l’écriture, mais les analyses, c’est-à-dire l’effort de théorisation d’une manière autonome de la morale sont beaucoup plus récentes. La Bible puis les philosophes grecs, quelques auteurs romains, les pères de l’Eglise et les scolastiques, les mercantilistes et enfin les physiocrates constituent cependant pour les Occidentaux le mouvement précurseur de la science économique moderne.

Nous allons dans un premier temps, nous intéresser aux deux théories qui ont précédé la théorie classique : la théorie mercantiliste et la physiocratie.

De la Renaissance au XVIIIème siècle, la réflexion économique va devenir plus systématique et plus autonome par rapport à la philosophie et la morale.
Les mercantilistes, à l’encontre des idées antérieures, valorisent le commerce et l’accumulation de richesses. L’or est le « nerf de la guerre », la puissance des Etats suppose donc que les Rois accumulent le plus d’or possible. Les moyens pour obtenir ce résultat varient d’un auteur à l’autre(1). En France, J. Bodin estime qu’il faut exporter des produits élaborés pour accroître les réserves d’or mais interdire l’exportation des produits de première nécessité et limiter les importations. Colbert favorise la constitution de manufactures royales dynamiques en vue de stimuler les exportations.
Les physiocrates : F. Quesnay est le représentant le plus connu du courant physiocratique (1694-1774). Son ouvrage Tableau économique (1758) donne une analyse globale du fonctionnement de l’économie sous forme d’un circuit économique qui préfigure la logique de nos actuelles comptabilités nationales, mais en donnant une place très particulière à l’agriculture qui seule serait créatrice de richesses. Turgot tenta, quand il fut Contrôleur des finances, d’appliquer les idées des physiocrates (liberté du commerce du grain, suppression des corporations…)

1) Les mercantilistes

Les premiers économistes paraissent avec les différents courants mercantilistes, à partir du XVI ème siècle, qui prônent l’intervention de l’Etat et le développement de l’industrie et du commerce, tandis que certains auteurs regardent du côté de PLATON et envisagent des systèmes socialistes . En plus de ces éléments qui font des mercantilismes une troisième voie entre le marché et le socialisme, leurs caractères communs sont : la pratique de taux d’intérêt bas pour faciliter les investissements et ne pas encourager l’épargne nuisible aux débouchés pour les produit, l’instauration des droits de douane sur les produits manufacturés étrangers. Les différences entre les mercantilismes tiennent principalement aux spécificités nationales.

– Le mercantilisme ibérique.

On peut définir cette forme de mercantilisme par le fait que le rôle de l’Etat est d’obtenir les plus grandes réserves d’or possible. On parle de bullionisme également dans le cas présent. On peut citer les noms d’ORTIZ et de SIERRA comme chefs de file de ce courant.

– le mercantilisme français.

Ce mercantilisme français a connu deux versions : l’une, l’agrarianisme considère que l’agriculture est le moyen de se procurer les richesses ( SULLY, OLIVIER DE SERRE), l’autre, l’industrialisme colbertisme s’appuie sur les manufactures et le commerce ( BODIN, DE MONTCHRESTIEN, DE LAFFEMAS,RICHELIEU et COLBERT).

Il convient dans le cas présent d’expliciter un peu plus ce que l’on appelle le « Colbertisme ». Il implique de faciliter la circulation des matières premières notamment en favorisant les importations. Avec les matières premières, les manufactures vont les transformer en marchandises qu’il conviendra d’en favoriser ultérieurement les exportations. L’Etat se doit de développer les manufactures royales, par exemple, celle des Gobelins.

– Le mercantilisme anglais et hollandais.

Dans le cas présent, on accorde une attention particulière au commerce, il insiste beaucoup plus que tous les autres sur l’abondance de monnaie comme facteur de la croissance des activités et le rôle des manipulations de la parité de la monnaie pour équilibrer la balance commerciale et réduire l’endettement externe.

Parmi un grand nombre d’auteurs dont les contributions méritent un vif intérêt, PETTY et CANTILLON occupent une place à part . Le premier expose de manière moderne la théorie de la valeur-travail, établit un système de comptabilité nationale qui en fait un précurseur de l’économétrie. L’un des titres de gloire est la mise en évidence de l’effet multiplicateur.

Le second s’inscrit dans un néo-mercantilisme inauguré par BOISGUILBERT qui commence à critiquer l’intervention de l’Etat. CANTILLON valorise le rôle de l’entrepreneur dont le mot est utilisé pour la première fois. Il précède de la sorte de SAY et SCHUMPETER. Il définit également pour la première fois la vitesse de circulation de la monnaie : nombre de transactions que permet de réaliser une unité monétaire au cours d’une période.

– Le caméralisme

En Allemagne, de manière plus tardive, le mercantilisme a pour fondement la science camérale, c’est-à-dire la science des finances publiques. La caméralisme s’intéresse à la fiscalité comme moyen d’incitation et d’orientation de l’activité économique. Ce courant, illustré par VON JUSTI et plus tard LIST.

– Le fiduciarisme

LAW, à la suite de l’invention du billet de banque par le Suédois PALMSTRUCK, préconise de développer le financement de l’économie par la création monétaire, sans que celle-ci soit fondée sur un dépôt d’or préalable. Le système de LAW a été appliqué en France. Les émissions inconsidérées de papier monnaie ont entraîné la faillite de la banque de LAW.

2) Les physiocrates

Ce courant se développe essentiellement en France, avec comme chef de file QUESNAY, auteur en 1758 du célèbre Tableau économique. Les autres auteurs importants furent notamment TURGOT et MIRABEAU.

Par rapport aux concepts analysés plus haut, les physiocrates se reconnaissent dans les points suivants.

a ) L’existence de lois naturelles

Etymologiquement « physiocratie » signifie « gouvernement de la nature ». Cet ordre naturel repose sur le sacro-saint principe de la propriété privée ( foncière) source majeure de la prospérité du monde.

b ) L’existence de classes sociales

Trois classes sont à distinguer :

– La classe productive : celle des agriculteurs car seule l’agriculture est considérée comme productive; elle seule peut fournir un surplus, un produit net;

– La classe des propriétaires fonciers chargés d’effectuer les avances qu’ils récupèrent au terme du processus de création des richesses ;

– La classe stérile comprend toutes les autres catégories sociales (artisans, commerçants, magistrats, policiers, militaires…) qui ne font que transformer des produits existants.

c ) Une approche macro-économique de l’activité économique

QUESNAY dans son tableau cherche à mettre en évidence les inter-relations économiques existant entre les 3 classes sociales. Il s’agit de la première analyse en termes de circuit économique.

d ) La nécessité de la liberté

C’est le corollaire de la propriété privée. En cela les physiocrates s’opposent à la pensée mercantiliste et annoncent l’école classique. L’aspiration à la liberté s’explique d’ailleurs par l’évolution économique et sociale : les réglementations économiques et sociales, nombreuses sous l’Ancien Régime, sont de plus en plus ressenties comme des entraves insupportables par la bourgeoisie marchande et industrielle qui juge désormais gênantes les interventions de l’Etat et le système des corporations.