L’accession par incorporation

L’accession par incorporation relative aux choses immobilières et mobilières

L’accession par incorporation est une autre manière d’acquérir et d’étendre son droit de propriété à tout ce qui s’incorpore à la chose ou s’y dépose.
Le Code civil distingue l’accession par incorporation relativement aux choses immobilières et choses mobilières.

A) Le droit d’accession relativement aux choses immobilières

Deux dispositions : articles 555 et 556, la première hypothèse concerne les constructions et les plantations qui sont réalisées sur le sol d’autrui. A cette hypothèse, on a l’hypothèse des terrains qui sont recouverts, découverts ou emportés par les eaux.


1) Les constructions et les plantations sur le sol d’autrui

Toutes les constructions et toutes les plantations qui sont faites sur le sol appartiennent au propriétaire du sol. C’est l’application d’un adage latin : superficies solo sedit => le sol est toujours le principal. L’article 553 présume ainsi que toutes les plantations et usages du terrain sont les faits du propriétaire. C’est une présomption simple qui va tomber devant la preuve contraire ce qui génère 2 situations :


a) Le propriétaire du sol n’est pas le propriétaire des matériaux ou des plans

Par définition, il ne les a pas acquis régulièrement. La situation est entièrement régie par l’article 554, le propriétaire du sol conserve les constructions et les plantations sans que le propriétaire des matériaux ou des plans ne puisse exiger d’enlèvement et leur restitution et cela quelque soit la bonne foi ou la mauvaise foi du constructeur ou du planteur. Le propriétaire du sol devient propriétaire des matériaux et des plans par leur seul effet de l’incorporation par le sol.


L’article 554 a fait l’objet d’une modification en 1960 et l’indemnisation se calcule en fonction de la valeur des matériaux ou des plans au jour du paiement de l’indemnité et non au jour de leur usage par le propriétaire du sol. Cette situation est assez simple à appréhender.


b) Un tiers a édifié et planté sur un sol des constructions alors que le sol ne lui appartenait pas

C’est l’article 555. C’est réglé par le jeu de l’accession. Le propriétaire du terrain devient propriétaire des constructions et des plantations mais il peut aussi obtenir la démolition de la construction ou l’arrachage des plans. Cette option n’est pas absolue parce que l’article 555 va faire une distinction selon que le constructeur ou le planteur est de bonne ou mauvaise foi. Avant d’envisager cet aspect qui touche au régime, il faut d’abord préciser d’avantage le domaine de l’article 555.


– Le domaine de l’article 555


Il faut se référer au texte et à l’alinéa 1er. L’option du propriétaire n’existe que si on est en présence d’une construction, un ouvrage, une plantation. La Cour de cassation a été amenée, dans un arrêt de 1970, à préciser cette notion de construction, plantation ou ouvrage. L’article 555 ne s’applique pas aux améliorations qui ne constituent pas une chose nouvelle pouvant être l’objet d’une accession au profit du propriétaire du fonds.
L’importance ici est « améliorations », la construction est ce qui sort du néant sans se rattacher à autre chose que le sol. Ce qui revient à une restriction de la notion. N’est pas une construction l’injonction d’un étage sur un immeuble bâti.


Pour les plantations, il n’y a pas de difficulté, la plantation est celle qui s’effectue dans le sol ce qui va exclure les cultures hors sol ou les simples plantations en pot ne serait-ce parce qu’il s’agira toujours de simples meubles.
Il ne suffit pas d’être en présence d’une construction pour avoir l’article 555 qui s’applique. Il faut savoir qui peut prétendre à bénéficier de ce texte. Le propriétaire du fonds c’est sûr mais également les titulaires de droit réel comme le simple usufruitier.


Du côté du constructeur, les situations sont plus variées car l’article 555 vise : la situation de l’usurpateur (le squatter) et les possesseurs légitimes (propriétaires précaires), exemple : le propriétaire d’un bien sous condition résolutoire. Si la condition défaille, le droit de l’acquéreur sera lui-même anéanti car l’acte de vente sera rétroactivement anéanti. Si la condition arrive, ses droits seront consolidés. Dans l’hypothèse où la situation défaille, il est dans la situation d’un constructeur.
L’article 555 vise aussi les POC (Plantation Ouvrage Construction) opposables à un tiers. L’existence d’un contrat pourrait être de nature à faire obstacle à l’article 555 alors même que le constructeur ne serait pas propriétaire. Exemple : le contrat de bail. Le locataire édifie sur le sol une construction.


Soit le contrat permettait l’édification d’une telle construction, alors c’est hors du champ de l’article 555 (le sort serait réglé par référence au contrat). Soit on est dans l’hypothèse d’un tiers non autorisé à construire. Si le locataire ne bénéficiait d’aucun droit à construire, dans ce cas, on se trouve dans le champ de l’article 555.


On se demande alors à quel moment l’article 555 devait s’appliquer.

– A partir de 1964, la Cour de cassation a décidé que le propriétaire bailleur ne pouvait se prévaloir de l’article 555 du Code civil qu’au jour du terme du bail et non pendant l’exécution du bail de sorte que pendant le cours du bail, ces locataires sont propriétaires de construction des locations. C’est lui qui doit assumer toutes les charges inhérentes à la propriété de la location. C’est le locataire qui devra payer la taxe foncière afférente à la construction qui doit l’édifier. Le propriétaire devra se prévaloir de l’article 555. Au terme du bail, le locataire a une obligation : celle de restituer le bien dans l’état dans lequel il l’a reçu. Le locataire peut, au terme du bail, supprimer la construction qu’il a lui-même édifiée parce qu’il en est le propriétaire. De cette manière, il va satisfaire à son obligation de restitution.


– L’article 555 s’applique par défaut ce qui présente l’avantage de permettre au locataire d’avoir l’usage qu’il souhaite.


– L’article 555 s’applique enfin dans les rapports des régimes des mariés sous la séparation de bien. L’un des époux est propriétaire d’un terrain, l’autre construit sur le terrain. Les rapports s’enveniment et l’époux peut envisager la suppression de la construction.
L’article 555 a un domaine à la fois réduit mais en même temps un domaine assez large puisqu’il embrasse une situation variée comme celle de l’usurpateur. Encore faudra-t-il apprécier la bonne ou mauvaise foi de la personne.


– L’influence de la bonne foi ou de la mauvaise fois du législateur
Par définition, le constructeur n’a pas été autorisé par le propriétaire du terrain à construire. Il est donc légitime que le propriétaire du sol soit autorisé à détruire la construction ou à arracher les plans qui encombrent sa propriété. Il peut aussi préférer, par l’application de l’adage, conserver lesdites constructions. Ces options qui s’offrent à lui sont discrétionnaires. On est dans une rare hypothèse d’un droit purement potestatif. Cette option n’existe que si le constructeur est de mauvaise foi.
S’il est de bonne foi, les règles seront différentes  555 al 4 : « si les plantations constructions et ouvrages ont été faits par un tiers évincé, qui n’aurait pas été condamné, en raison de sa bonne foi, à la restitution des fruits, le propriétaire ne pourra exiger la suppression desdits POC, mais il aura le choix de rembourser au tiers l’une ou l’autre des sommes visées à l’alinéa précédent. »
Si le constructeur ou le planteur est de mauvaise foi, le propriétaire du sol n’a pas le choix, il doit conserver et inversement. Il doit également indemniser le constructeur mais selon l’une ou l’autre des modalités prévues par l’alinéa 555 al 3.


Est de bonne foi celui qui a cru être légitimement le propriétaire. Pour se croire légitimement propriétaire, encore faut-il se fonder sur un titre qu’on croit efficace. La simple conviction d’être le propriétaire du bien ne suffit pas, cette conviction doit être fondée sur un titre qui a toutes les apparences de la régularité et qui, s’il avait été valable, doit être de nature à conférer les biens. La bonne foi, est toujours présumée, règle de droit absolue. C’est au propriétaire du sol de rapporter la preuve que le constructeur était de mauvaise foi. Il peut d’abord démontrer la mauvaise foi par la simple démonstration qu’il n’existait pas de titre. S’il existe un titre, il doit démontrer que le défendeur ne pouvait pas ne pas savoir que le titre était nul ou inefficace.


Aucune autre circonstance n’est susceptible d’établir la bonne foi. 2 exemples jurisprudence :


– Un exemple de famille : un père offre un terrain à sa fille. La fille devient propriétaire du terrain et le père y construit une maison. La fille agit en justice pour obtenir la démolition de la construction. Elle est propriétaire du terrain et agit donc en démolition. Le père invoque sa bonne foi, il est tout de même condamné à détruire la construction.

– Un Tanguy profite du gîte et du couvert de ses parents. Il construit sur le terrain de ses parents pour procéder à l’élargissement de la construction familiale. Les parents assignent le fils en démolition lequel invoque la bonne foi. Ça ne fonctionne pas. Il est condamné à détruire la construction.


Ces deux exemples montrent que la seule façon d’établir la bonne foi est le titre.


Lorsque le constructeur est de bonne foi, le propriétaire du sol doit conserver la construction et l’indemniser. L’article 555 al 3 offre une option au propriétaire du sol. Si le propriétaire du fonds préfère conserver la propriété des POC, il doit rembourser au tiers la valeur des POC (soit l’indemniser de la plus value qu’il a apporté au fonds, soit l’indemniser du prix des matériaux estimés au jour de l’indemnité mais en tenant compte de l’état du bâtiment c’est-à-dire la convention de vétusté). C’est une sorte de compensation à l’obligation qui est faite au propriétaire du sol de conserver la construction. Le droit est purement discrétionnaire, c’est un droit potestatif. Il n’a pas à s’en justifier, le constructeur ne peut s’en prévaloir aux règles de l’enrichissement sans cause.


2) Les terrains découverts, recouverts, ou emportés par les eaux


C’est une accession naturelle car la main de l’homme n’intervient pas.

4 hypothèses :
– Atterrissement
– L’avulsion
– Les îles, îlots et atterrissements qui se forment dans le cours d’eau
– La découverte totale du lit d’un cours d’eau

a) Les atterrissements

Ils sont constitués par des alluvions et des relais. Les alluvions se forment au fond riverain d’un cours d’eau, ce sont des matériaux qui se déposent au fur et à mesure au fond de l’eau. La question est celle de la propriété des matériaux naturels au fond de l’eau. Les relais sont les portions de terrain qui sont découverts ou recouverts par le cours d’eau en se déportant d’une rive à l’autre. Le cours d’eau, pour poursuivre son chemin, va se déporter et va modifier son assiette de sorte qu’une partie va être découverte alors qu’une autre partie pas découverte va se trouver recouverte par le changement d’orientation du cours d’eau.


Article 556 al 2: l’alluvion profite au propriétaire riverain qu’il s’agisse d’un cours d’eau domanial ou non domanial. Les relais aboutissent à une modification de la consistance des terrains. Un propriétaire se voit imputé d’une partie de son sol. L’autre propriétaire va bénéficier d’une forme d’accroissement de sa propriété par une découverte du cours d’eau. La règle ici est que le propriétaire qui se trouve partiellement inondé ne peut réclamer à l’autre propriétaire la portion de terrain qu’il a perdue.


L’article 557 : dit que le propriétaire de la rive découverte profite de l’alluvion sans que le terrain du côté opposé ne puisse y réclamer un terrain.

b) L’avulsion

Article 559. On est dans une hypothèse de mini catastrophe naturelle. Il y a une crue subite épouvantable qui aboutit à déstabiliser le terrain. Par l’effet de cette crue, une partie d’un champ est déportée d’une rive sur un autre. Dans ce cas, il n’y a pas d’accession naturelle, le propriétaire du champ, si le champ est reconnaissable peut le réclamer. Il y a une revendication possible qui doit s’exercer dans une condition de délai assez brève : un an après le moment de l’avulsion.

Après ce délai d’un an, l’action en revendication n’est plus possible sauf si personne n’a pris possession du terrain. Ce n’est que l’expression de la règle selon laquelle la propriété ne se perd pas par non usage. Ici, il y a une prescription acquisitive très courte au profit du propriétaire voisin car si il occupe le champ.


c) Les îles, îlots et atterrissement qui se forment dans les cours d’eau

C’est aussi la conséquence d’un phénomène naturel. Article 561 : « les îles et atterrissements qui se forment dans les « cours d’eau non domaniaux », appartiennent à la personne publique propriétaire du domaine concerné, en l’absence de titre ou de prescription contraire ».


d) Le cours d’eau abandonne son ancien lit

Le cas d’un tremblement de terre. Cela bouleverse la configuration des terrains de sorte que les cours d’eau abandonnent leurs lits et s’installent ailleurs.

Article 563 : pour les cours d’eau, le lit abandonné appartient à la personne qui était propriétaire du cours d’eau. Mais chaque propriétaire riverain dispose d’un droit de préférence pour acquérir le lit du cours d’eau abandonné. C’est un droit de préférence => pas une obligation. Dans ce cas, le lit du cours d’eau préalable appartient toujours à la personne publique propriétaire du cours d’eau, celle-ci va être tenue de se défaire de la propriété du lit.
Le prix provenant de la vente est distribué au propriétaire du fonds qui a le nouveau cours d’eau. Que se passe-t-il quand il n’y a pas d’acquéreur ? Il n’y a pas d’indemnité.


B) Le droit d’accession relativement aux choses mobilières

L’accession mobilière est l’incorporation d’un meuble dans un autre meuble. La question de l’accession mobilière ne se pose que si les deux meubles appartiennent à deux propriétaires différents. Qui est le propriétaire de la chose devenue unique ?


Le Code civil a repris dans les articles 565 à 577 le droit romain mais ce n’est pas du droit objectif car il n’y a que des exemples pour le juge. En pratique, ces règles ne s’appliquent pas car il faut tenir compte d’une disposition essentielle du droit des biens. L’article 2276, qui est le nouvel article de la disposition incorporée dans l’article 2279, pose la règle à son al 1 : « en fait de meuble, la possession vaut titre ». Le possesseur d’un objet mobilier est irréfragablement présumé propriétaire. Exemple d’une bague : la pierre est incorporée dans l’anneau alors qu’elle appartient qu’à une personne. C’est la personne qui a la bague autour du doigt qui sera présumée propriétaire si de bonne foi.


Les règles de l’accession immobilière ne jouent pas lorsqu’il est possible de dissocier sans dommage les deux objets immobiliers. Lorsqu’à titre exceptionnel, il y a lieu de faire application des règles de l’accession immobilière, ces règles se réduisent à l’accessoire suit le principal. Il suffit de déterminer lequel des deux objets mobiliers est accessoire.


Toutes ces règles ne suscitent aucun contentieux dans l’idée qu’on applique l’article 2279.