L’ACCESSION PAR PRODUCTION
Le principe fondamental de l’accession par production repose sur l’idée que le propriétaire d’un bien, quelle que soit sa nature, est en droit de bénéficier de tout ce que ce bien engendre. Autrement dit, chaque élément produit par la chose appartient, en principe, à son titulaire. Ce droit s’applique aussi bien aux productions répétitives qu’à celles qui épuisent la substance du bien. Toutefois, une distinction essentielle est opérée entre ce que l’on appelle les fruits et les produits, cette différenciation étant déterminante lors de la revendication de la propriété.
Plan du cours :
ToggleDéfinition de l’accession par production et exemples
L’accession par production est un principe essentiel du droit de propriété selon lequel tout ce qu’un bien engendre appartient à son propriétaire. Ce mécanisme garantit que le titulaire d’un bien, qu’il soit meuble ou immeuble, puisse bénéficier des richesses qu’il génère, qu’il s’agisse de revenus périodiques ou de ressources extraites. Toutefois, il convient de distinguer les fruits – qui permettent une exploitation durable sans altérer le bien – et les produits, dont l’extraction entraîne un appauvrissement progressif de la ressource. Cette distinction est capitale pour déterminer les droits du propriétaire et du possesseur en cas de contestation.
Exemples concrets pour mieux comprendre
- Fruits naturels : Un agriculteur récolte des pommes d’un verger lui appartenant → Les pommes sont des fruits et peuvent être exploitées chaque année sans détériorer le pommier.
- Fruits civils : Un propriétaire loue un appartement et perçoit des loyers → Ces loyers sont considérés comme des fruits et n’affectent pas l’intégrité du bien.
- Produits épuisables : Une entreprise exploite une carrière pour extraire du granit → Le sol s’appauvrit progressivement, et la ressource finit par disparaître.
- Conflit de propriété : Un fermier occupe un terrain en pensant être propriétaire et récolte du blé pendant plusieurs années. Si son titre de propriété est annulé, il pourra conserver les revenus des récoltes passées (fruits), mais devra indemniser le véritable propriétaire pour l’exploitation du sol (produits).
Les fruits
Les fruits se définissent comme l’ensemble des éléments que la chose génère de façon régulière et périodique, sans que cette production n’entraîne une modification ou une détérioration de la substance initiale. La doctrine distingue généralement trois catégories de fruits :
- La prescription acquisitive en matière immobilière
- La possession en droit des biens
- L’usucapion : l’acquisition par la prescription
- L’accession par incorporation
- L’accession par production
- La copropriété, l’organisation collective de la propriété
- Les droits et les obligations des copropriétaires
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Les fruits naturels
Ces fruits résultent d’un processus purement naturel, sans intervention humaine. Par exemple, la production spontanée des fruits d’un arbre ou la formation des graines relève de ce type de fruit. -
Les fruits industriels
Ici, la production est induite par l’activité humaine. Elle concerne, par exemple, les récoltes issues d’activités agricoles ou l’élevage qui permet d’obtenir divers produits sans altérer la substance fondamentale de l’ouvrage. La présence de l’homme permet d’amplifier la production, tout en préservant l’intégrité du bien de base. -
Les fruits civils
Cette catégorie englobe les revenus ou avantages périodiques qu’un propriétaire perçoit lorsqu’il concède à un tiers un droit sur sa chose. Les loyers perçus dans le cadre d’un bail en sont un exemple typique, car ils permettent au propriétaire de jouir d’un revenu sans que la chose en question ne soit modifiée.
Les produits
À l’inverse des fruits, les produits se caractérisent par le fait qu’ils épuisent progressivement la substance même de la chose pour en provoquer la disparition. Ce mécanisme est notamment observé dans les situations suivantes :
- Pour des biens inertes, comme une carrière, l’extraction de matériaux (pierres, graviers, etc.) conduit à un appauvrissement progressif de la ressource.
- Pour des biens vivants, tels que des animaux, l’abattage aboutit à la production de carcasses, entraînant ainsi la destruction totale de la substance originelle.
Le caractère épuisant des produits justifie la nécessité de les distinguer des fruits, lesquels, en ne modifiant pas la substance du bien, permettent une jouissance différée pour le véritable propriétaire.
Accession et revendication en droit de propriété
En droit de propriété, une situation conflictuelle peut survenir entre le possesseur, qui exerce de facto un contrôle sur le bien, et le revendiquant, qui détient le titre légal de propriété. Dans ce contexte, la question centrale porte sur l’obligation du possesseur de restituer non seulement le bien, mais aussi les éléments qu’il a produits, c’est-à-dire les fruits et les produits.
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En cas de mauvaise foi
Si le possesseur est conscient de ne pas être le véritable propriétaire, il doit restituer intégralement au revendiquant le bien ainsi que l’ensemble des fruits et produits qu’il a accumulés. La mauvaise foi implique qu’aucun bénéfice tiré de la production ne peut légitimement lui être conservé, afin de garantir une restitution complète de la valeur du bien. -
En cas de bonne foi
Lorsque le possesseur agit en toute légitimité, fondé sur un titre qu’il estime valable alors qu’il ne l’est pas, une nuance s’impose. En effet, bien qu’il soit tenu de rendre le bien et de restituer les produits qui ont entraîné l’épuisement de la substance, il peut en général conserver les fruits. Cette disposition reconnaît le droit à celui qui, de bonne foi, a pu concevoir et consommer les fruits générés par le bien sans en compromettre l’intégrité fondamentale. La logique derrière cette distinction est que les produits, en détruisant la substance, empêchent au propriétaire de retrouver l’entièreté de la chose, alors que les fruits n’altèrent pas son existence.
Le mécanisme de l’accession par production
L’accession par production constitue ainsi un mécanisme juridique visant à attribuer au propriétaire l’ensemble des avantages générés par son bien. Ce système garantit que :
- Tout ce que le bien produit, qu’il s’agisse de fruits ou de produits, est réputé appartenir au propriétaire.
- La restitution intégrale est modulée en fonction de l’état d’esprit du possesseur : la mauvaise foi conduit à la restitution totale, tandis que la bonne foi permet une conservation partielle des bénéfices perçus (les fruits).
Ce principe, bien que relativement simple dans sa formulation, s’appuie sur une analyse juridique fine qui vise à préserver à la fois le droit de propriété et la protection des droits du possesseur de bonne foi. L’enjeu principal est de s’assurer que la restitution du bien ne se fasse pas de manière à priver le propriétaire de l’intégralité de la valeur de son bien, notamment lorsque l’épuisement de la substance par les produits est en jeu.
Résumé du principe de l’accession par production
L’accession par production repose sur une différence majeure entre fruits et produits :
- Les fruits sont les éléments issus du bien de manière régulière et renouvelable, sans que celui-ci ne soit altéré. On distingue :
- Les fruits naturels (ex. : fruits d’un arbre, graines produites spontanément).
- Les fruits industriels (ex. : récoltes agricoles obtenues grâce à l’intervention humaine).
- Les fruits civils (ex. : loyers perçus d’un bien immobilier).
- Les produits, quant à eux, épuisent la substance du bien et entraînent une perte irréversible, comme :
- L’extraction de ressources (ex. : pierres extraites d’une carrière).
- L’exploitation animale (ex. : abattage d’un bétail).
Lorsqu’un bien est détenu par un possesseur qui n’en est pas le propriétaire légitime, la question de la restitution des fruits et produits dépend de sa bonne ou mauvaise foi.
- Possesseur de mauvaise foi : Il doit restituer le bien ainsi que tous les fruits et produits perçus, car il savait qu’il n’était pas propriétaire.
- Possesseur de bonne foi : Il peut conserver les fruits, mais doit restituer le bien et les produits, car leur exploitation a appauvri la ressource du véritable propriétaire.