Le droit à un tribunal, un principe fondamental

Le droit à un tribunal

Sur le plan théorique, on considère que tout état de droit doit assurer la réalisation de la justice dans la société et à cette fin, chaque état de droit doit mettre en place un service public de la justice auquel tout justiciable doit pouvoir accéder pour être jugé équitablement. Cet objectif passe par l’affirmation de deux principes : le droit à un tribunal et le droit à une justice de qualité (étudié dans un autre chapitre).

A) La reconnaissance d’un droit d’accès au juge :

Sur le plan interne, l’accès à la justice n’est reconnu expressément par aucun texte constitutionnel. Néanmoins, le conseil constitutionnel a rendu plusieurs décisions dans lesquelles on a qualifié le droit de recourir à un juge de droit fondamental consacré par un principe de valeur constitutionnelle. Cet avis est partagé par le Conseil d’Etat qui considère le droit d’accès à un juge comme une liberté fondamentale, de son coté, la Cour de Cassation a également admis le caractère fondamental de ce droit au juge dans le fameux arrêt du 30 juin 1995 dans lequel elle a affirmé que l’exécution effective de la défense exige que soit assuré l’accès de chacun avec l’assistance d’un défenseur au juge chargé de statuer sur sa prétention. Sur le plan international, ce droit d’accès à un juge a été reconnu de manière allusive dans la convention européenne des droits de l’homme à l’article 13, on affirme que toute personne dont les droits reconnus par la convention et ont été violés a droit a l’octroi à un recours effectif devant une instance nationale. L’article 5 § 4 énonce beaucoup plus précisément le droit à un recours mais sur la privation de liberté et la détention arbitraire mais c’est sur le fameux article 6 § 1 que la cour a reconnu le droit à un recours juridictionnel dans un premier arrêt (Golder du 21 février 1975). Pour la cour européenne des droits de l’homme, le droit d’accès à un tribunal est un élément inhérent au droit à ce que sa cause soit entendue équitablement qui est un droit expressément reconnu par l’article 6 § 2 concernant ce droit d’accès à un juge, il faut tenir compte de ce que ce droit se dédouble. C’est non seulement le droit à ce que sa cause soit entendue par un premier juge mais on devrait aller plus loin en considérant qu’il englobe aussi le droit à un recours contre la décision juridictionnelle. A ce sujet, les choses sont incertaines, la cour européenne des droits de l’homme s’est montré très exigeante a l’égard des états membres en ce qui concerne le droit d’accès a un premier juge, en revanche, elle ne s’est pas prononcé sur le droit à un second degré ou a un pourvoi en cassation. Au contraire, la cour considère que ce droit à un recours peut être librement aménagé par les parties. Cependant, la cour considère que ce recours doit respecter toutes les exigences de l’article 6 § 1 et elle considère que ce droit à un recours doit être proportionné. La cour de justice des communautés européennes a elle aussi reconnu le droit à un recours, il faut simplement attendre son interprétation de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne qui affirme le droit à un recours effectif devant un tribunal.

A) L’effectivité du droit d’accès à un juge:

La cour a imposé aux états l’adoption de mesures d’ordre matériel et d’ordre normatif.

Sur le plan matériel, la mesure consiste tout simplement dans l’aide juridique.

1° L’aide juridique :

C’est un bénéfice accordé aux personnes qui en raison de l’insuffisance de leurs ressources sont pratiquement dans l’impossibilité d’exercer leurs droits en justice. En effet, le justiciable doit faire face à diverses charges financières, ne serait-ce que les honoraires d’avocat, les frais de greffe, les frais d’actes d’huissier et le coût d’une exécution forcée. Or tous ces frais peuvent constituer un obstacle financier à la saisine des juridictions. L’aide juridique vise ainsi à briser cette entrave pécuniaire et assure de la même manière l’égalité entre les justiciables et à ce titre l’aide juridique participe pleinement à rendre effectif l’accès à la justice. Cette aide juridique n’est pas nouvelle, précédemment, on parlait d’aide judiciaire et si on remonte dans le temps d’assistance judiciaire. Aujourd’hui, l’aide juridique est régie par la loi du 10 juillet 1991 et a été profondément réformée par la loi du 18 décembre 1998, loi qui réunissait deux objectifs contradictoires : réduire les dépenses incombant à l’Etat et étendre son champ d’application et le nombre de bénéficiaires. C’est une matière mouvante et le prochain changement proviendra sans doute de la prise en compte de la directive du 25 janvier 2003 consacrée à la justice au sujet des litiges transfrontaliers au sein de l’Union Européenne. Cette directive cherche à harmoniser les droits nationaux en matière d’aide juridique. Cette aide juridique est en effet fondamentale et consacrée comme tel par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux qui la qualifie d’essentielle pour assurer l’effectivité de l’accès à la justice. En France, cette aide juridique comporte deux aspects. Le premier est l’aide juridictionnelle, c’est un droit destiné à faciliter l’accès de tous à toutes les juridictions pour tous les contentieux que ce soit en demande ou en défense. Quel est le champ d’application de cette aide juridique ? Elle peut être accordée totalement ou partiellement à des personnes physiques et exceptionnellement à des personnes morales à but non lucratif. Cette aide fonctionne auprès de toutes les juridictions en matière civile, en matière administrative et même devant le tribunal des conflits. Elle est aussi accordée lorsqu’on est partie civile devant les juridictions répressives. Elle fonctionne aussi pour toutes les procédures, les procédures contentieuses, les procédures gracieuses. Elle est même accordée aux actes d’exécution d’un jugement ou d’un acte. Elle est même accordée en vue de parvenir à une transaction avant l’introduction de l’instance. Pour finir, cette aide concerne aussi les voies de recours, plus précisément une personne admise à l’aide juridictionnelle en conserve de plein droit le bénéfice pour se défendre en cas d’exercice contre elle d’une voie de recours. Par contre, si c’est le bénéficiaire de l’aide qui forme un recours, on considère qu’il engage une nouvelle instance. Par conséquent, il doit à nouveau solliciter l’aide juridictionnelle. Quant aux conditions à remplir pour obtenir cette aide juridictionnelle, il faut tout d’abord la demander au bureau d’aide juridictionnelle, sachant qu’il y en a un au siège de chaque TGI et auprès de la Cour de Cassation et du Conseil d’Etat et on peut la demander en tout état de cause au cours de l’instance. La deuxième condition est bien sûr la justification d’une insuffisance de ressources. Ce sont les articles 3 et 4 du décret du 19 décembre 1991 qui indique comment doivent se calculer les ressources et quelle aide totale ou partielle doit être accordée. La dernière condition concerne le demandeur à l’action, il ne faut pas que l’action du demandeur apparaisse manifestement irrecevable ou dénuée de fondement conformément à l’article 7 alinéa 1° du décret du 19 décembre 1991. En outre, dans son alinéa 3, cet article 7 ajoute que l’aide doit être refusée si aucun moyen de cassation sérieux ne peut être relevé. On a eu l’occasion de se poser la question de savoir si cet article ne considérait pas une entrave à l’accès au droit et donc à l’article 661 de la convention européenne des droits de l’homme. Dans un arrêt du 16 mars 2000, la cour européenne des droits de l’homme a considéré que cette exigence s’inspirait d’un souci légitime d’allouer l’aide au demandeur ayant une chance de succès et la cour européenne des droits de l’homme a considéré que le requérant ne pouvait se plaindre de ce refus dans la mesure où la procédure était sans représentation obligatoire. De toutes les manières, il existe quand même une soupape de sécurité en cas d’erreur d’appréciation. Imaginons que votre action soit déclarée infondée ou irrecevable et que le juge lui fasse droit à votre action alors que l’aide contre a été refusé sur ce motif, alors tous les frais vont pouvoir être remboursé au demandeur à concurrence de l’aide juridictionnelle dont il aurait pu bénéficier. Cette aide juridictionnelle produit deux effets principaux, elle offre le concours d’avocats d’officiers ministériels et de notaire que le justiciable peut d’ailleurs choisir librement. L’état dispense le bénéficiaire de l’aide du paiement des frais de l’instance ; le trésor, en effet, fait l’avance de certains frais et les dépositaires publics délivrent gratuitement les actes nécessaires.

L’aide à l’accès au droit : la loi de 1991 a voulu faciliter l’accès au droit en dehors de toute phase contentieuse. Cette forme secondaire d’aide comprend premièrement l’information générale des personnes sur leurs droits et obligations ainsi que leur orientation vers les organismes chargés de la mise en œuvre de ces droits. Elle comprend aussi l’aide dans l’accomplissement de toute démarche en vue de l’exercice d’un droit ou de l’exécution d’une obligation juridique. Elle comprend aussi la consultation en matière juridique et enfin l’assistance au cours de procédures non juridictionnelles.

Toute cette aide provient en fait de structures juridiques différentes, les principales étant les comités départementaux de l’accès au droit qui sont issus de la loi du 18 décembre 1998 et qui viennent remplacer les conseils départementaux de l’aide juridique. Il y a aussi les maisons de justice et de droit dont l’article 7-12-1 du code l’organisation judiciaire prévoit l’institution facultative sous l’autorité des chefs des tribunaux de grande instance.

2° La mise en œuvre de moyens appropriés :

Le législateur a effectué une modification des modes de saisine en simplifiant le formalisme, on a incité les justiciables à agir plus facilement. Ensuite, cette effectivité du droit d’accès à un tribunal a non seulement consisté à permettre aux justiciables de recourir à un premier juge mais a aussi consisté à instaurer un recours juridictionnel offrant un véritable contrôle. En France, on a reconnu en matière civile la possibilité dans la majorité des cas d’avoir un deuxième ou troisième examen de sa cause, pour autant, il existe tout de même des obstacles et surtout le droit d’appel comme le pourvoi en cassation sont quand même aménagés. Mais la cour européenne des droits de l’homme sur cette question des droits de recours n’est pas très regardante puisqu’elle n’oblige pas les états à instituer des recours et des juridictions supérieures et elle admet que des limitations soient accordées lorsque ces recours sont instaurés.