La preuve des droits subjectifs et son renversement
Lorsqu’un sujet de droit invoque l’existence d’un droit subjectif à son profit, il doit être en mesure de prouver l’existence de ce droit, droit qui résulte nécessairement soit d’un fait juridique, soit d’un acte juridique. Cette preuve sera généralement discutée devant une juridiction, ce sera le cas à chaque fois qu’il y aura une contestation de ce droit par un tiers. Dispositions aux articles 1315 et suivants du code civil qui traite de la preuve des obligations et de celles du paiement. Ce chapitre traite donc des modalités de preuve en matière de droit personnel, mais en réalité ces articles ont une portée beaucoup plus générale et permettre de régler les problèmes de preuve pour tous les droits subjectifs.
Les droits sont faits pour être utilisés, réalisés, et produiront ainsi leurs effets. Cette réalisation, cette mise en œuvre des droits subjectifs sera différente selon que le droit subjectif invoqué est contesté ou non par autrui. On a donc deux situations possibles : ou bien personne ne conteste le droit subjectif, on envisagera alors une réalisation extra-judiciaire du droit subjectif, ou bien ce droit subjectif est contesté par quelqu’un d’autre. Cette contestation va donc entraîner un litige, qui va être résolu par le juge et on parlera donc de réalisation judiciaire du droit subjectif. Exemple : vous estimez être propriétaire d’un objet, vous souhaitez mettre en œuvre votre droit de propriété, mais un tiers conteste votre droit subjectif, ce qui entraîne une recherche du propriétaire véritable (preuves)…
Section 1 : La charge de la preuve :
- Le droit civil
- Qu’est ce que le droit et la science du droit?
- Comment a évolué le droit, de l’ancien régime à la codification?
- Qu’est-ce que la règle de droit ?
- Qu’est ce que le syllogisme juridique ?
- Qu’est ce que la loi? Comment la loi est appliquée?
- Jurisprudence et coutume, une source de droit équivalente à la loi?
Principe selon lequel c’est à celui qui invoque l’existence d’un droit de le prouver
La question est de savoir qui devra prouver l’existence d’un droit subjectif lorsqu’il y a une contestation à propos de ce droit. Le principe en la matière est que c’est à celui qui invoque l’existence d’un droit ou le cas échéant l’absence d’un droit de rapporter la preuve de cette existence ou de cette absence de droit.
La loi prévoit des exceptions : des présomptions qui vont avoir pour effet de renverser la charge de la preuve.
S’il n’y a pas de contestation de l’existence d’un droit on partira du principe que ce droit existe. En d’autres termes le droit va se fonder sur l’apparence et estimer que l’apparence est, en l’absence de contestation, à la réalité. C’est ainsi par exemple que l’apparence, lorsqu’elle se prolonge dans le temps, peut permettre l’acquisition d’un droit. C’est le principe notamment de la prescription acquisitive, selon lequel un possesseur, pendant une certaine durée, peut acquérir le droit de propriété. De la même manière, le créancier qui n’aurait pas réclamé sa créance au débiteur pendant une durée de trente ans, ne pourrait plus ensuite agir. On parle ici de prescription extinctive.
A/ La preuve incombe à celui qui conteste l’apparence
C’est à celui qui conteste l’apparence de prouver que l’apparence n’est pas conforme à la réalité. A l’inverse, celui qui bénéficie de cette situation d’apparence se trouve dans une position d’attente et doit donc attendre que son adversaire engage le procès et conteste ainsi l’apparence en question. En matière de créance par exemple, le débiteur est en position d’attente, puisqu’en apparence il n’y a pas de relation créancier-débiteur. C’est le créancier qui va devoir prouver que l’apparence ne s’applique pas entre lui-même et son débiteur en raison soit d’un contrat qui justifierait la créance, soit en raison d’un fait juridique qui entraîne par exemple l’obligation de réparer un préjudice.
C’est donc à celui qui est à l’initiative du procès, c’est à dire le demandeur, de rapporter la preuve de ce qu’il invoque. On a donc la règle de droit suivante : la preuve incombe au demandeur, qui résulte notamment de l’article 9 du nouveau code de procédure civile.
B/ L’article 1315 du code civil
Cette règle selon laquelle la preuve incombe au demandeur est reprise à l’article 1315 du code civil, alinéa 1er, qui énonce : « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ».
Le défendeur lui aussi devra apporter des éléments de preuve. L’article 1315 alinéa 2 énonce la règle suivante : « réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation ». Il y a un échange de preuve, une réciprocité : le demandeur en premier invoque l’existence d’un droit et doit le prouver, et le défendeur en réponse doit justifier le fait qu’il ne doive plus exécuter l’obligation invoquée par le demandeur, qui lui même pourra encore contester les preuves, etc.
Exemple du contrat médical : contrat conclu entre médecin et patient. Le médecin a notamment l’obligation d’informer le malade sur différents éléments qui portent sur l’état de santé du malade, les traitements qui peuvent être envisagés et sur les risques que peuvent générer ces traitements. Au début des années 50 la cour de cassation estime que la charge de la preuve relative au défaut d’information pèse sur le patient, c’est donc à ce dernier de prouver qu’il n’a pas reçu l’information qu’aurait du lui donner le médecin. Cette cour de cassation ajoute que les informations peuvent être transmises oralement. Le patient est donc dans la situation où il doit justifier d’une chose qui ne s’est pas produite… La cour de cassation a ensuite rédigé un arrêt en 1997 de revirement de jurisprudence : celui qui est légalement ou contractuellement tenu d’une obligation particulière d’information doit rapporter la preuve de l’exécution de cette obligation. Le médecin étant tenu d’informer son patient devra désormais apporter la preuve de ce qu’il a bien informé son patient. On a donc un renversement de la charge de la preuve. Arrêt du 14 octobre 1997 pour compléter ce dernier arrêt : la cour de cassation indique que le médecin peut rapporter cette preuve par tout moyen : il n’est pas tenu de rapporter les informations par écrit.
Section 2 – Le renversement de la charge de la preuve
Ce renversement résulte de présomptions.
A/ La présomption légale
Dans certaines hypothèses la loi a prévu des présomptions (1383 et suivants du code civil). La présomption consiste donc en l’admission d’un fait par la loi à partir d’un autre fait qui rend vraisemblable l’existence du premier. La loi prévoit par exemple (article 312 code civil) que le mari d’une mère est présumé être le père de son enfant).
B/ La dispense de preuve
La conséquence de la présomption légale est de dispenser une partie au procès de rapporter la preuve alors qu’en principe la charge de la preuve pesait sur elle. Si on reprend le cas de l’article 312 du code civil cela veut dire que la père de l’enfant bénéficie d’une présomption légale et n’a donc pas à prouver qu’il est le père de l’enfant. C’est donc à l’homme qui veut prouver sa paternité d’apporter la preuve que le mari de la mère n’est pas le père.
C/ Présomption simple et présomption irréfragable
Les présomptions simples permettent de rapporter une preuve contraire (exemple : présomption de paternité). A l’inverse les présomptions irréfragables ne peuvent être combattues : la situation qui est retenue par la loi sera définitivement admise et nécessairement admise par le juge : il n’y a pas de possibilité de rapporter la preuve contraire. Ces présomptions irréfragables sont relativement rares. Exemple : vente entre un professionnel et un consommateur : le professionnel est présumé connaître les éventuels défauts, vices, de la chose vendue, et il ne peut donc pas combattre cette présomption, et ne pourra pas s’exonérer de sa responsabilité.