La responsabilité du fait des produits défectueux

Régime spécial de la responsabilité du fait des produits défectueux 

Ce régime a son origine dans une directive communautaire du 25 juillet 1985. C’était une directive sur la responsabilité du fait des produits défectueux. Elle devait être transposée avant le 25 juillet 1988. En France les choses ont trainées. La nouvelle directive laissait sur certains points l’appréciation aux Etats membres. Elle a été condamnée plusieurs fois pour manquement. Les directives ont un effet direct : il faut qu’elles soient suffisamment précis, non conditionnées. Effet direct vertical et non pas horizontale. Arrêt Marchal.

On a fini par transposer cette directive par une loi du 19 mai 1998 et ce régime a été transposé dans le code civil. La nouvelle loi a été codifiée et on a ajouté les articles 1386-1 à 1386-18 du code civil.

Article 1386-1 : le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu’il soit ou non lié par un contrat avec la victime. ca veut dire que le nouveau régime de la responsabilité transcende la distinction délictuelle et contractuelle. La personne responsable est le producteur et donc ca a posé des difficultés dans la transposition.

Article 1386-2 : explique les dommages qui sont réparés par le nouveau régime. La responsabilité du fait des produits défectueux est ce qu’on appelle l’obligation de sécurité entendue au sens que quelque chose va cause des dommages soit à la personne soit aux biens, par le produit défectueux. Ce n’est pas les dommages résultant de ce que le produit est défectueux lui-même, qui rentre dans l’action en garantie du vendeur ou de résolution du contrat. C’est le dommage que le produit cause à d’autres biens ou à des personnes, c’est uniquement la sécurité. Les dispositions du présent titre s’appliquent à la réparation du dommage suite à l’atteinte à la personne. Elle s’applique aussi à la réparation du dommage supérieur à un montant déterminé par un décret qui résulte à une atteinte à bien autre que le produit défectueux lui-même. L’obligation de sécurité pour la responsabilité contractuelle c’est uniquement corporel. Ici c’est à la fois les atteintes aux biens et à la personne. Pour le décret c’est la loi de 2004 car au départ la loi qui avait transposé avait appliqué le régime même en deçà de 500€. La CJUE nous a condamnés en 2002 en disant que la directive prévoyait un forfait et donc il ne fallait pas modifier le forfait. Le décret du 11 février 2005 a fixé comme par hasard 500€.

Qu’est ce qu’une atteinte à un bien ? On a vu atteinte aux biens et atteintes à la personne. Il y avait atteinte à un bien stricto sensu mais on peut aussi y mettre un préjudice purement économique. Par exemple l’entreprise a un manque à gagner. Il faut savoir si ca rentre dans le domaine de la directive. La réponse est non, il faut entendre atteinte à un bien comme un dommage purement matériel, comme un bien endommagé. Les dommages purement économiques seraient réparés uniquement pour le cocontractant qui a un manque à gagner, responsabilité contractuelle.

On s’est demandé si le nouveau régime s’applique uniquement dans un rapport professionnel-consommateur. La directive avait visé les produits de consommation privée. Et là encore il y a eu une controverse en France car il fallait savoir où on allait transposer cette directive. Certains étaient partisans de codifier cette directive dans le code de la consommation et donc seulement entre professionnels et consommateur. Sinon c’était dans le code civil pour tout le monde. La doctrine a tranché pour le code civil. On n’a pas été condamné pour l’instant et donc le régime a priori est applicable à toutes les relations.

Arrêt du 24 juin 2008 : la chambre commerciale a posé une question préjudicielle à la CJUE pour savoir si on peut appliquer le nouveau régime pour des biens destinés à l’usage professionnel. La CJUE a laissé cette possibilité.

Article 1386-3 : explique les produits qui sont couvert par ce régime de responsabilité. Le code civil adopte une définition très large de la notion de produit : est un produit tout bien meuble même s’il est incorporé dans un immeuble. Les immeubles ne sont pas des produits. Y compris les produits du sol, de l’élevage, de la chasse et de la pêche et l’électricité. On l’a appliqué aux médicaments, aux cigarettes.

Article 1386-4 : il explique ce qu’est un produit défectueux. C’est le cœur du nouveau régime. La définition a été reprise d’une loi adoptée en France depuis 1983. Ca ne doit pas s’entendre au sens courant du terme, à savoir une voiture présente un défaut. Ca c’est un vice selon le droit des contrats, ou un vice caché au sens du droit de l’amende. Ici c’est : un produit est défectueux lorsqu’il n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre.

Sécurité est à rapprocher de l’article 1386-2 : un bien qui ne cause pas de dommage à une personne ou à un autre bien. Il faut compte tenu du contexte, de vente, de production, présentation du produit, ca créé une attente auprès du consommateur du bien. L’alinéa 2 précise : il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l’usage qu’il peut en être attendu, et du moment de sa mise en circulation. On tient compte de l’information qui est donnée autour du produit. Cet article indique bien en réalité aussi les conditions de cette mise en œuvre de la responsabilité des produits défectueux. Pour mettre en œuvre le nouveau régime il va falloir uniquement démontrer le défaut. Il faut un défaut, un dommage causé par le produit et un lien de causalité. Mais c’est donc un régime de responsabilité sans faute ! il n’est pas nécessaire de prouver la faute, c’est un régime de responsabilité objective ! L’aliéna 3 précise qu’un produit ne peut être considéré comme défectueux par le seul fait qu’un autre a été mis sur le marché et est plus perfectionné.

Article 1386-5 : précise la notion de mise en circulation du produit. Pour qu’un produit puisse être soumis au régime il faut qu’il ait été mis en circulation. Un produit est mis en circulation lorsque le producteur s’en est dessaisi volontairement. En réalité ce qu’on chercher c’est quand est ce que le produit a été mis sur le marché, quand est ce qu’il est sorti du processus de fabrication. La CJUE a précisé ce point : il y a mise en circulation au sens de cet article lorsque le producteur l’a fait volontairement sortir du processus de fabrication. Ca peut être un peu en amont de la mise sur le marché.

Article 1386-6 : il indique qui est responsable au sens de la directive. On nous dit que est producteur, assimilé à un producteur et qui ne peut pas être assimilé à un producteur. Ca sous entend que le responsable est le producteur mais ca ne le dit pas. Est producteur lorsqu’il agit à titre professionnel le fabriquant d’un produit fini, le producteur d’une matière première ou le fabriquant d’une partie composante. Fabriquant c’est objet artificiel. Sur ce point il y avait eu une grande controverse puisque la directive prévoyait cette responsabilité du producteur.

La responsabilité est canalisée sur le producteur : même s’il y a d’autres personnes qui interviennent dans le processus de production, c’est seulement le producteur qui est responsable. On avait appliqué le régime de la directive aussi à toute personne qui importe le produit par exemple ou à toute personne qui impose sa marque. On avait mis que le loueur, le vendeur, le fournisseur pouvaient être responsable. On a été condamnés par la CJUE dans l’arrêt d’avril 2002 en disant qu’on devait canaliser la responsabilité sur le producteur et donc seul le producteur était responsable. On avait une action récursoire et donc in fine on avait la même chose. La CJUE veut faire en sorte que la responsabilité soit le plus léger possible, elle veut harmoniser par le bas ( : harmonisation maximale). On impose le même régime à tout le monde, et en général le même régime c’est le régime le plus bas. Le droit de la consommation est perçu comme une entrave à la concurrence. Maintenant la seule personne responsable est le producteur. On prend celui qui a mis en circulation, on prend le premier seulement. Est assimilé à un producteur : toute personne agissant à titre professionnel

  • soit qui se présente comme producteur en apposant sur le produit sa marque, son nom ou un autre signe distinctif
  • soit celui qui importe un produit dans l’UE

Le dernier alinéa on mélange avec le droit de la construction : quand il est applicable on applique le droit de la construction et non pas la directive.

Article 1386-7 : hypothèse où le producteur ne peut pas être identifié : il peut y avoir une responsabilité subsidiaire du vendeur, loueur ou tout fournisseur professionnel. Tous les vendeurs intermédiaires ou même les loueurs peuvent être responsables. Mais ils peuvent être exonérés de leur responsabilité s’ils désignent leur propre fournisseur ou le producteur dans un délai de 3 mois.

Article 1386-8 : on précise : en cas d’un dommage causé par le défaut d’un produit incorporé dans un autre… le producteur de la partie composante et le producteur du produit en entier sont responsables solidairement. Ensuite le producteur de la partie principale pourra faire une action récursoire.

Article 1386-9 : le demandeur (précise la charge de la preuve qui pèse sur la victime, droit commun) doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage.

Ensuite on précise le régime de responsabilité : régime de responsabilité de plein droit, sans faute, objective. Le producteur ne peut pas s’exonérer en démontrant qu’il n’a pas commis de faute. Ceci dit, on précise certaines façons par lesquelles le producteur peut s’exonérer de sa responsabilité.

Article 1386-10 : le producteur peut être responsable du défaut alors même que le produit a été fabriqué dans le respect des règles de l’art ou des normes existantes ou qu’il a fait l’objet d’une autorisation administrative. Le producteur a fait comme on fait d’habitude, il a respecté les règles de l’art. Il a aussi respecté les normes existantes, par exemple il fabrique une TV, il y a des normes AFNOR, le produit rempli la norme qui a été mise pour la fabrication de tel produit. Pour fabriquer un médicament il faut une autorisation administrative. Le producteur peut tout de même être responsable. Si en revanche on a un décret ou un arrêté qui dit qu’il faut absolument faire comme ceci pour produire tel produit. Et si ensuite le défaut est du précisément à ce qu’on a ajouté parce que le décret disait qu’il fallait l’ajouter, là c’est une cause d’exonération. Le premier cas ce n’est pas la norme qui est à l’origine du produit défectueux.

Article 1386-11 : principal article sur les causes d’exonération pour le producteur. Le producteur est responsable de plein droit à moins qu’il ne prouve (présomption de responsabilité, c’est le producteur qui doit prouver pour s’exonérer) :

  •      il peut prouver qu’il n’avait pas mis le produit en circulation : attention l’absence de mise en circulation n’est pas une cause d’exonération de responsabilité.
  •       il peut prouver que compte tenu des circonstances il y a lieu que le défaut ayant causé le dommage n’existait pas au moment de mise en circulation ou qu’il a été causé postérieurement.
  •      Il peut prouver que le produit n’a pas été destiné à la vente ou à toute autre forme de distribution. Ca rejoint un peu l’absence de mise en circulation.
  •      La directive laissait une option aux Etats membres pour « les risques de développement » pour savoir s’ils étaient ou non une cause d’exonération pour le producteur. C’est un défaut qui au moment où le produit a été mis sur le marché était indécelable car au moment de l’évolution scientifique et technique on ne pouvait pas savoir que le produit était défectueux. On l’état de la science on ne pouvait pas le connaitre. Arrêt de 1886 : a l’époque on ne pouvait pas savoir que l’association de deux molécules pouvait présenter un risque pour la santé avec un médicament. Avant la directive les producteurs et les vendeurs ne pouvaient pas s’exonérer en montrant que c’était un risque de développement. La directive nous a laissé libre. La France ne voulait pas que ce soit une cause d’exonération. Il y a eu une négociation. On était dans les années 1980 et à l’époque il y avait l’affaire du sang contaminé qui avait été un traumatisme. L’article dit : il peut prouver que l’état des connaissances scientifiques et technique au moment où le produit été mis en circulation n’a pas permis de déceler l’existence du défaut.
  •      Il peut prouver que le défaut est du à la conformité du produit avec des règles impératives d’ordre législative ou réglementaire.

On rajoute dans cet article que le producteur de la partie composante n’est pas non plus responsable s’il établit (il était responsable in solidum avec celui qui avait fait la partie principale) que le défaut est imputable à la conception du produit dans lequel il a été incorporé ou aux instructions données par le producteur de ce produit».

La charge de la preuve de la cause d’exonération pèse sur le producteur.

1° : En toute rigueur, une cause d’exonération est lorsque la responsabilité est d’ores et déjà engagée. Donc il faut distinguer les conditions de mise en œuvre de la responsabilité, si l’une fait défaut il n’y a pas de responsabilité, mais si elles sont toutes réunies il y a responsabilité mais on peut s’en exonérer. Donc l’absence de mise en circulation du produit ne devrait pas être une cause d’exonération car cette absence de mise en circulation empêche la mise en œuvre de la responsabilité puisque c’est une des conditions de la mise en œuvre de la responsabilité. Mais ce n’est pas grave c’est la rédaction qui est un peu mauvaise.

2° : On réintroduit l’idée de causalité. Par exemple si le produit est consommé après la date de péremption. Il faut que ce soit un défaut qui n’existait pas du tout au moment de la mise sur le marché, c’est-à-dire pas qu’il était latent, il faut qu’il n’existe pas du tout à ce moment là.

3° : Cela rejoint un peu l’absence de mise en circulation. Ce serait par exemple si par mégarde un produit s’est retrouvé dans un processus commercial alors que le producteur ne destinait pas à la vente. Cela rejoindra souvent l’absence de mise en circulation.

4° : Ceci est le point qui a été le plus controversé. On peut dire que c’est en grande partie à cause de ceci que la transposition de la directive a été retardée. La directive laissait une option aux Etats membres pour ce que l’on appelle les risques de développement. Elle laissait une marge d’appréciation quant au point de savoir si ce que l’on appelle les risques de développement étaient ou non une cause d’exonération pour le producteur. Un risque de développement est un défaut qui, au moment où le produit a été mis sur le marché, était indécelable parce qu’en l’état des connaissances scientifiques et techniques au moment de la mise en circulation, on ne pouvait pas savoir que le produit était dangereux, défectueux. C’est un risque, puisque personne ne peut savoir, une potentialité de danger. La grande question était de savoir qui supporte ce risque. Il y a eu énormément de lobbys des producteurs.

Arrêt de 1986: une personne avait pris un médicament et, quelques temps après, en association avec le premier médicament, elle en avait pris un second. Elle a eu des dommages graves et a fait un procès contre le fabricant de l’un et l’autre médicament et il a été démontré qu’à l’époque, on ne pouvait pas savoir que l’association des deux molécules pouvait présenter un risque pour la santé. Ceci était typiquement un risque de développement. Les producteurs ont dit qu’ils ne savaient pas. La Cour de cassation a dit que c’était les producteurs qui devaient supporter le risque de développement. Donc en droit français, avant la directive, les producteurs ne pouvaient pas s’exonérer en démontrant que c’était un risque de développement.

Il y a eu un compromis fait en deux temps. Le 4° est la première partie du compromis. Le risque de développement pèse sur le consommateur. Mais 2e temps du compromis, article 1386-12.

Article 1386-12 : « le producteur ne peut invoquer la cause d’exonération prévue au 4èmement de l’article 1386-11 lorsque le dommage a été causé par un élément du corps humain ou par les produits de celui-ci ». C’est mal rédigé car on pense toujours que quand il y a quelque chose qui arrive d’un endroit ca arrivera toujours de cet endroit. C’était pour couvrir les affaires sang contaminé. Mais le vrai problème est dans les cas où il faut une garantie d’indemnisation, c’est-à-dire pour les cas les plus graves pour la santé humaine. Mais ca ne rentrera pas toujours dans cet article. Si un poulet cause beaucoup de dommage à beaucoup de personnes, on ne pourra pas appliquer cet article.

Cet article est très mal rédigé. On pense toujours que quand quelque chose arrive d’un endroit cela arrivera toujours du même endroit. On a voulu dire à l’opinion publique que bien sûr s’il y a une nouvelle affaire comme le sang contaminé, les producteurs seront responsables. Cet article 1386-12 était pour couvrir les affaires type sang contaminé, le sang est bien un produit issu du corps humain. Mais dans quel cas il ne faudrait vraiment pas que le producteur puisse s’exonérer ? Dans les cas où il faut une garantie d’indemnisation, c’est-à-dire cas les plus graves pour la santé humaine. Or ce ne sera pas toujours des cas où c’est un élément ou un produit du corps humain. Par exemple, la vache folle. L’article 1386-12 n’est pas applicable. Selon la prof, on aurait dû parler de «dangers de masse pour la santé humaine».

Donc le risque de développement est une cause d’exonération, sauf quand le dommage a été causé par un élément du corps humain ou par les produits issus de celui-ci.

5° : Le producteur a respecté des règles, et ce sont ces règles là qui ont conduit au défaut. Il y a un défaut parce que l’on a respecté ces règles.

Alinéa 2 : Il y a deux hypothèses. Soit le défaut est dû au mode de fabrication imposé par le producteur du produit total, soit c’est le produit dans son ensemble qui est défectueux. Dans ces deux cas, le responsable est le producteur du produit total.

ARTICLE 1386-13 :  

«La responsabilité du producteur peut être réduite ou supprimée, compte tenu de toutes les circonstances, lorsque le dommage est causé conjointement par un défaut du produit et par la faute de la victime ou d’une personne dont la victime est responsable».

La faute de la victime ou d’une personne dont la victime est responsable. Faute de quelqu’un qui aurait contribué à la réalisation du dommage pour la victime. Pas beaucoup de jurisprudence sur cet article.

ARTICLE 1386-14 :  

«La responsabilité du producteur envers la victime n’est pas réduite par le fait d’un tiers ayant concouru à la réalisation du dommage».

ARTICLE 1386-15 :  

Clauses limitatives de responsabilité. Peut-on stipuler des clauses exclusives ou limitatives en matières de fait des produits défectueux ? Non.

Alinéa 1er : «Les clauses qui visent à écarter ou à limiter la responsabilité du fait des produits défectueux sont interdites et réputées non écrites».

Ce n’est pas l’entier contrat qui est annulé mais uniquement la clause, qui est réputé non écrite.

Alinéa 2 : «Toutefois, pour les dommages causés aux biens qui ne sont pas utilisés par la victime principalement pour son usage ou sa consommation privée, les clauses stipulées entre professionnels sont valables».

Cet alinéa prévoit un cas où par exception, la clause limitative de responsabilité serait valable uniquement à deux conditions : que la clause soit stipulée entre professionnels et que le dommage ait été causé à un bien qui n’est pas utilisé par la victime principalement à son usage privé.

Donc a contrario, la clause n’est jamais valable si c’est un dommage à la personne. Et même si c’est entre deux professionnels, si l’un des professionnels utilise le bien à titre privé, la clause n’est pas valable. Il faut que le dommage soit causé à un bien qui n’est pas utilisé à titre privé.

ARTICLE 1386-16 :  

Cet article de même que 1386-17 prévoit le délai de prescription.

Article 1386-16 : «Sauf faute du producteur, la responsabilité de celui-ci, fondée sur les dispositions du présent titre, est éteinte dix ans après la mise en circulation du produit même qui a causé le dommage à moins que, durant cette période, la victime n’ait engagé une action en justice».

La prescription est de dix ans après la mise en circulation. C’est-à-dire que le régime des produits défectueux joue pendant les dix années après la mise en circulation. Mais si un dommage survient après, cela ne signifie pas que le producteur ne sera pas responsable, mais il ne le sera pas sur le régime de la directive mais sur un autre régime. Cependant quand il y a faute on peut continuer d’utiliser la directive. Ceci étant dit c’est inutile car s’il y a une faute, c’est que l’on peut utiliser 1382 aussi.

Aussi l’action en justice interrompt la prescription de dix ans.

On voit bien que le texte dit dix ans après la mise en circulation du produit. On s’est donc demandé ce qu’est la mise en circulation du produit : est-ce la même définition que celle que l’on a vue étant une condition de la responsabilité ? Car là c’est un point de départ de la prescription.

La CJUE a donné une définition un peu différente de la mise en circulation. Il faudra donc parler de la mise en circulation au sens du point de départ du délai de 10 ans. Produit doit être entré dans un processus de commercialisation. On a voulu être favorable au consommateur. Plus on reporte le point de départ, plus cela lui est favorable.

ARTICLE 1386-17 :  

Prévoit la prescription de l’action en réparation. Donc action intentée par la victime.

«L’action en réparation fondée sur les dispositions du présent titre se prescrit dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l’identité du producteur».

Donc il faut qu’il connaisse le dommage, le défaut et l’identité du producteur. Le délai ne court pas tant que le demandeur ne connaît pas les trois. On assimile à la connaissance l’ignorance illégitime : le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage. C’est-à-dire il ne le connait pas mais il a été négligent, dans ce cas le point de départ n’est pas reporté.

ARTICLE 1386-18 :  

A priori, cet article précise quel est le domaine de la directive, au sens quels sont les autres régimes qui demeurent possibles en plus de celui de la directive. C’est-à-dire que la directive dit qu’elle fait un régime de responsabilité sans faute pour les produits défectueux, mais elle vient s’insérer dans un droit où il y a plein d’autres régimes (ex: action en résolution…)

Est-on obligé de se fonder sur la directive, ou peut-on préférer d’autres régimes ? Car la France est très protectrice et il y a en France des régimes plus favorables que les produits défectueux.

Ex: association de deux médicaments dont on ne savait pas qu’elle pouvait avoir un défaut de sécurité. Si c’est un médicament, en utilisant la directive cela rentre dans le risque des développements et le producteur peut s’exonérer. Alors que sur le droit français, ce n’est pas une cause d’exonération.

Donc est-ce que la directive efface tous les autres régimes ?

La directive semblait a priori tout à fait conciliante sur ce point car l’article 13 de la directive utilisait une formule qui a été reprise textuellement à l’article 1386-18 du Code civil. La directive disait à peu près pareil que cet article.

«Les dispositions du présent titre ne portent pas atteinte aux droits dont la victime d’un dommage peut se prévaloir au titre du droit de la responsabilité contractuelle ou extra contractuelle ou au titre d’un régime spécial de responsabilité».

On a recopié l’article de la directive.

En lisant cet article, on a bien l’impression que l’on peut utiliser tout ce qu’on veut. Ceci serait l’interprétation évidemment favorable au consommateur et à la victime, elle n’utiliserait la directive que quand elle lui serait favorable. Mais la France a été condamnée sur une jurisprudence qu’elle avait, dans laquelle elle continuait d’appliquer tous les régimes. Toujours dans l’arrêt du 25 avril 2002, la CJUE a jugé que la directive ne saurait être interprétée (ne peut pas être interprétée) comme laissant aux Etats membres la possibilité de maintenir un régime général de responsabilité du fait des produits défectueux différent de celui de la directive.

En clair, on ne peut pas maintenir un régime général de responsabilité du fait des produits défectueux différent de celui de la directive. Cela signifie qu’un régime de responsabilité sans faute comme celui des produits défectueux. Si c’est un régime de responsabilité sans faute, on doit utiliser le nouveau régime.

La cour ajoute qu’une place est simplement maintenue (alors que la précision n’était pas prévue dans le texte) simplement pour les régimes de responsabilité contractuelle ou extra contractuelle reposant sur des fondements différents. Donc on ne peut maintenir que des régimes reposant sur des fondements différents tels que la garantie des vices cachés ou la faute.

Donc on ne peut maintenir de régime sans faute du type des produits défectueux.

On s’est demandé ce que ceci signifie et on se le demande encore. En effet il faut passer en revue toutes les autres actions qui existaient.  A priori, tout ce qui est responsabilité sans faute est supprimée pour les produits défectueux :

  •      Article 1384 alinéa 1er responsabilité sans faute
  •     Article 1147 obligation de résultat responsabilité contractuelle qui est une responsabilité sans faute
  •     A priori obligation de sécurité de résultat

Donc la CJUE nous dit qu’on peut quand même utiliser 1382. Mais là il faut prouver la faute donc c’est un régime évidemment beaucoup moins favorable. Du coup, cela a posé des questions. Arrêt récent du conseil d‘Etat.

Conseil d’Etat, 4 octobre 2010 : cet arrêt est très intéressant car il pose à la CJUE des questions préjudicielles.

Il y a la loi du 4 mars 2002 qui pose une responsabilité médicale applicable autant dans les cliniques publiques que privées. Mais le Conseil d’Etat a par ailleurs une jurisprudence sur la responsabilité médicale qui est assez favorable à la victime dans les hôpitaux publics car responsabilité sans faute des dommages causés par la défaillance des produits et appareils utilisés.

Du côté du droit privé, la responsabilité médicale est une responsabilité pour faute, sauf pour les produits et matériels utilisés par les médecins. Dans ce cas c’est de l’obligation de sécurité de résultat donc responsabilité sans faute.

Le Conseil d’Etat demande : est-ce qu’on peut dire qu’il y a une spécificité de la responsabilité publique et maintenir la directive :  

La directive de 1985 permet-elle la mise en œuvre d’un régime de responsabilité fondée sur la situation particulière des patients des établissements publics de santé en tant qu’il leur reconnaît notamment le droit d’obtenir de ces établissements, en l’absence même de faute de ceux ci la réparation des dommages causés par la défaillance des produits et appareils qu’ils utilisent, sans préjudice de la possibilité pour l’établissement d’exercer un recours en garantie contre le producteur ?

Peut-on maintenir un régime de responsabilité différent et prévoir une responsabilité particulière ?

 

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