La révision des traités de l’Union Européenne

La révision, modification des traités de l’Union Européenne

Le droit de l’Union européenne provient de plusieurs sources. Au premier rang se trouvent les traités européens (droit primaire). Les traités de l’Union européenne sont des traités ( un traité est un contrat conclu entre plusieurs sujets de droit international) conclus entre des États européens.  Ces textes définissent les principes de l’Union et établissent ses institutions, précisant leurs règles d’organisation, de fonctionnement, de composition…

 Ces traités constituent le droit  primaire de l’UE, par opposition au droit communautaire dérivé qui tire son fondement dans ces traités et qui est créé par les institutions de l’Union.

Parmi ces traités, deux ont une valeur particulièrement importante et sont dits « fondateurs » :

  • le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), anciennement traité instituant la Communauté européenne (TCE) établi par le traité de Rome de 1957.
  • le traité sur l’Union européenne (TUE) mis en place par les accords de Maastricht en 1992.

Ils ont été révisés, amendés, modifiés plusieurs fois, notamment en raison de l’élargissement de l’Union Européenne à de nouveaux États membres .Comment peut-être révisé ou modifié un traité sur l’Union européenne?

 

  1. a) Les procédures de révision

 1) La procédure ordinaire

            Avant le traité de Lisbonne, c’était la même procédure pour tous les traités de base selon l’article 48 du traité UE. La Commission ou tout gouvernement d’un Etat membre peut soumettre au Conseil de l’Union un projet de révision des traités. Le Conseil consulte le Parlement européen et la Commission ou, si elle est concernée, la Banque centrale européenne.

 

Sur la base de ces avis, le Conseil prend sa décision : s’il est d’accord, il convoque une conférence inter-gouvernementale (CIG) chargée d’arrêter les amendements au traité.

 

La révision devait ensuite faire l’objet d’une ratification selon les règles constitutionnelles propres à chaque Etat membre dans chacun d’entre eux.

 

Le traité de Lisbonne apporte quelques modifications :

 

  •   le Parlement européen était mis à l’écart ; désormais, il a le pouvoir de présenter des projets ;
  •   l’article 48 du TUE précise que ces projets de révision peuvent tendre à accroître ou à réduire les compétences de l’Union. Cela porte un coup fatal au dogme européen de l’engrenage, la fuite en avant (on ne cessait jamais les révisions dans le sens de la construction européenne) ; désormais, on peut revenir sur des attributions de compétences qui ont été accordées ;
  •   les parlements nationaux se voient notifiés des projets dont le Conseil est saisi ;
  •   le Conseil européen consulte le Parlement, la Commission et éventuellement la BCE, et s’il se montre favorable au projet de révision, il constitue et convoque une convention chargée d’élaborer plus précisément le texte de la révision.

 

            Malgré l’échec du traité constitutionnel de 2005, basé sur cette procédure, on s’aperçoit que le traité de Lisbonne retient l’idée d’une révision des traités qui ne serait plus uniquement l’affaire des gouvernements des Etats. Mais cela est tempéré par le fait que le Conseil européen peut aussi décider de ne pas recourir à la procédure de la convention, d’en revenir au système classique de la conférence inter-gouvernementale, lorsqu’il estime que l’ampleur des modifications à apporter au traité ne justifie pas le recours à la convention.

 

2) Les procédures simplifiées

 

            Elles existaient déjà dans le cadre du traité CE : le traité de Lisbonne conserve les cas de révision simplifiée existant déjà avant, auxquels il ajoute deux nouvelles procédures.

 

            Elles sont plus ou moins simplifiées par rapport à la révision ordinaire, selon qu’elles permettent ou non de faire l’économie de la phase par laquelle se termine toujours une révision, c’est-à-dire la ratification étatique par les États membres selon leur procédure constitutionnelle propre. Les États conservent le dernier mot, et chacun d’eux a un droit de véto.

 

  • Les procédures simplifiées avec ratification étatique

 

            Ces procédures simplifiées avec ratification étatique existaient avant le traité de Lisbonne qui les a maintenu. Elle permettent de réviser tel ou tel point des traités de base selon une procédure simplifiée.

 

La révision ne donne pas lieu à la rédaction d’un traité en bonne et due forme dans le cadre d’une conférence inter-gouvernementale ou d’une convention, mais à une délibération au sein du Conseil qui adopte à son issue une décision, qui révisera la traité.

 

L’acte dont il est question n’a rien à voir avec les actes de droit dérivé qui prennent le nom de décision car celle-ci ne pourra entrer en vigueur qu’après avoir fait l’objet d’une ratification par chacun des Etats membres.

 

Illustrations :

  •   il était prévu pour la communautarisation partielle du troisième pilier qu’elle aurait pu se poursuivre de façon simplifiée par une décision du Conseil soumise à ratification étatique ;
  •   la même procédure a été prévue et maintenue par le traité de Lisbonne pour compléter les droits attachés à la citoyenneté de l’Union ;
  •   pour la mise en place de ressources propres au budget de l’Union : en 1970, le budget de la Communauté n’a plus été nourri par les contributions des Etats membres, mais par des ressources fiscales propres ;
  •   c’est par une décision du Conseil soumise à ratification que peut être définie une procédure électorale uniforme pour l’élection du Parlement européen au suffrage universel direct ; c’est ainsi qu’en 1976 fut adoptée la réforme du mode d’élection du Parlement, désormais directement élu par les peuples européens.

 

            Le traité de Lisbonne conserve tous ces cas de procédure de révision antérieurs. Il ajoute une nouvelle procédure de révision simplifiée de portée beaucoup plus générale puisqu’elle permettra d’adopter des dispositions nouvelles modifiant les traités relatives aux politiques et actions internes de l’Union.

 

C’est le même genre de procédure qui s’appliquera, mais avec un objet beaucoup plus large. En compensation, le traité de Lisbonne précise qu’elle ne peut conduire à accroître les compétences de l’Union, c’est-à-dire qu’il faut nécessairement en passer par la procédure de révision ordinaire.

 

 

 

  • Les procédures simplifiées sans ratification étatique

             Elles existaient avant le traité de Lisbonne : c’est ainsi que peut être révisé l’essentiel du protocole annexé au traité relatif au statut de la CJCE. La révision du statut de la Cour était opérée par le Conseil statuant à l’unanimité, chaque Etat avait un droit de véto, mais désormais, elle est adoptée par le Conseil statuant à la majorité qualifiée avec le Parlement.

            Mais ce système connaît une véritable consécration dans le traité de Lisbonne : il institue tout d’abord des clauses passerelles de portée générale, ce sont deux dispositions de l’article 48 qui sont mises en oeuvre par le Conseil européen statuant à l’unanimité.

  •   Par ces décisions, il peut décider de remplacer la règle du vote à l’unanimité prévue dans les traités par une règle de vote à la majorité qualifiée au sein du Conseil. Elle peut avoir lieu par simple décision du Conseil européen, sans recourir à la ratification ensuite par les Etats membres.
  •   La même clause passerelle existe pour permettre le passage d’une procédure législative spéciale à la procédure législative ordinaire : le traité prévoit que les institutions peuvent adopter des actes législatifs, actes adoptés en collaboration par le Conseil et le Parlement européen. La procédure est spéciale dès lors qu’elle fait intervenir le Parlement européen pour demander son avis, son approbation ou son amendement. L’acte adopté en co-décision l’est adopté de concert par le Conseil et le Parlement.
  •  Cette clause passerelle permet au Conseil européen à l’unanimité, sans autre formalité, de substituer dans tel ou tel cas les procédures législatives spéciales à la procédure législative ordinaire.

 

Ces deux clauses passerelles requièrent l’accord du Parlement européen, il n’y a pas de procédure de ratification étatique, mais les parlements nationaux sont informés de la décision du Conseil de les mettre en oeuvre, et chacun d’eux dispose du droit propre de s’y opposer.

 

            Le traité de Lisbonne ajoute une clause passerelle spécifique car elle est applicable pour la seule révision des dispositions relatives au droit de la famille, dès lors que ces mesures ont une incidence transfrontalière. Dans ce cas, les traités prévoient en la matière que les institutions statuent en adoptant des actes législatifs selon une procédure législative spéciale de simple consultation du Parlement européen.

En vertu de la clause passerelle spécifique, le Conseil peut décider de remplacer la procédure législative spéciale par la procédure législative ordinaire, qui accroît le rôle du Parlement européen.

Il en va différemment de clauses passerelles sectorielles. 

 

  1. b) La question des limites au pouvoir de révision

 

            Il y a, à tout le moins, une limitation ou un encadrement procédural de la révision : les Etats membres ne sauraient réviser les accords entre eux en dehors des formes prévues. Ces diverses procédures de révision ne sont pas interchangeables, chacune a son champ d’application propre. Cela n’exclut pas le fait que de simples pratiques s’imposent aux traités : c’est l’exemple du compromis du Luxembourg, au terme duquel la règle de vote à l’unanimité du Conseil a été transformée pour un vote à la majorité qualifiée.

 

            N’y a-t-il pas des limites matérielles, des limites de fond ? Tout est-il révisable dans les traités, ou bien y a-t-il des normes intangibles ?

Les traités sont l’oeuvre libre des Etats souverains. Il faut s’intéresser à l’avis 1-91 qui portait sur un projet d’accord international que la Communauté envisageait de conclure pour mettre en place un espace économique européen.

Il prévoyait la mise en place d’une juridiction propre à cet espace, mais la CJCE a émis une objection en faisant valoir que cet accord ne prévoyait pas l’obligation pour cette juridiction nouvelle d’interpréter les clauses de l’accord sur cet espace, comparables par leur objet aux articles du traité CE, dans un sens conforme à l’interprétation retenue par elle-même. Elle y voyait un projet d’accord qui ressemblait à de nombreux égards au traité CE, mais qui serait resté libre d’interpréter les clauses sans tenir compte de sa propre interprétation. La Cour poursuit en affirmant que la révision du traité CE qui serait nécessaire pour surmonter cette incompatibilité ne saurait remédier à cette incompatibilité.

 

Dans une seconde bouture, ce projet d’accord a renoncé à créer une juridiction nouvelle, et c’est ainsi que l’accord a pu être conclu, sans réviser le traité. Il y avait donc dans le traité CE des clauses intangibles, non révisables, qui accordent le monopole de l’interprétation et de l’application du présent traité à la CJCE. Cela a entraîné deux faux sens :

  •   quand la Cour a affirmé qu’elle ne permettrait pas cela, elle ne voulait pas dire que toute révision des traités était interdite, mais que ce projet en question n’était pas adapté ; elle ne voulait donc pas dire qu’il y avait des limites matérielles ;
  •   cinq ans plus tard, dans un avis 2-94 rendu en 1996, il s’agissait d’un projet d’accord international d’adhésion de la Communauté à la CESDH, dotée d’une juridiction propre, la Cour de Strasbourg. La CJCE risquait de se trouver face à une juridiction concurrente, la CEDH. Elle a émis un avis négatif, soulignant que ce projet revêtait une envergure institutionnelle nécessitant une révision des traités, mais à aucun moment, elle n’a laissé entendre que cela était impossible.

 

            On s‘est demandé si l’acquis communautaire était une limite de la révision des traités. Celui-ci veut qu’ils soient par principe non révisables, maintenus et développés. Deux remarques viennent contredire cette interprétation de l’acquis communautaire :

  •   lorsque les traités antérieurs affirmaient la nécessité du maintien et de l’accroissement de l’acquis, ce n’était pas une prescription juridique ;
  •   et même si cela en avait été une, on voit mal sur quel fondement les Etats auraient pu s’interdire à l’avenir de défaire par la révision ce qu’ils avaient fait depuis des années.

La jurisprudence a admis qu’en vertu d’une clause expresse des traités, une compétence attribuée à la Communauté pourrait être restituée aux Etats. Un tel retour en arrière ne peut être implicite, mais il est possible de revenir sur un acquis communautaire.

Le traité de Lisbonne confirme tout à fait cela, puisque la révision des traités peut tendre à l’accroissement ou à la réduction des pouvoirs de l’Union.

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