Les compétences des juridictions en contentieux administratif

 Les principes de la répartition des compétences

   Le principe est qu’il y a une Interdiction pour les juridictions judiciaires de connaitre des litiges concernant les activités administratives. C’était fait pour empêcher que le pouvoir juridictionnel ne se mêle des activités du pouvoir exécutif (Loi des 16 et 24 aout 1790 et décret du 13 fructidor an III).

 

 — La frontière existant entre la compétence des autorités administratives et judiciaires est née peu à peu au gré des espèces. Cette absence d’esprit de système rend difficile le traçage de cette frontière.

 

 — Le Tribunal des conflits a en charge la séparation de ces compétences et a beaucoup œuvré en ce sens.

 

 

Au début du 20ème siècle, les tenants de l’école de service public pensaient que l’arrêt Blanco fournissait la clef de lecture du droit administratif et de la compétence du juge administratif. Ils avaient pensé qu’on pouvait résumer cela en séries d’équivalence : Personne public = service public = droit administratif = compétence du juge administratif. 

Cette série d’équivalence est aujourd’hui dépassée, inexacte. A l’époque de Duguit elle n’était pas adaptée à l’Etat de droit. 

  • Critère matériel : Fondé sur le type d’activités en cause dans chaque litige
  • Critère organique : Fondé sur la nature de la personne

 

De nos jours on combine les critères : Le critère organique sous l’attention porte sur la nature de la personne et le critère matériel qui peut se présenter par l’activité qui est à l’origine du litige. On combine ces 2 critères pour essayer de déterminer le droit applicable et le juge compétent.

 

 

Sous-section 1 : Le contentieux des actes 

 

§1 : Le contentieux des actes administratifs 

 

La compétence de principe appartient au juge administratif mais malgré tout il faut souligner que les juges judiciaires bénéficient de chefs de compétence par le jeu des notions du service public ou des hypothèses par exception, où le juge judiciaire peut connaitre des actes de droit administratif.

 

A)  Le contentieux par voie d’action 

 

Il s’agit des hypothèses dans lesquelles on attaque directement. On agit au principal contre cet acte. De ce point de vue, il faut rappeler le fait que le Conseil Constitutionnel dans sa décision du 23 janvier 1987 a érigé le contentieux d’annulation ou de reformation des décisions prises dans l’exercice de prérogatives de puissance publique par des personnes publiques en PFRLR. On sait que ce sont des principes de valeur constitutionnelle. En 1987, on a érigé un pont de compétence du juge administrative qui concerne le contentieux par voie d’action contre les décisions administratives. Cette décision vise les décisions prises par les personnes publiques. Qui dit décision, vise acte administratif unilatéral. Or, le contentieux des actes administratifs vise tous les actes, qu’ils soient unilatéraux ou bilatéraux. La décision de 1987 ne constitutionnalise la compétence du juge administratif qu’à l’égard des contrats administratifs ; c’est le contentieux d’annulation de contrat. Cette décision de 1987 écarte d’autres types de recours du champ de compétence constitutionnellement garantie du juge administratif : Les recours contre les décisions administratives émanant des personnes privées. Pourquoi cette exclusion ? Elle reconnait le fait qu’il existe des actes administratifs unilatéraux pris par des personnes privées et le juge judiciaire est donc compétent.

Cette même décision de 1987 réserve le cas de ce que la CC a appelle « les matières réservées par nature au juge judiciaire. » Ce qui signifie que lorsque dans cette matière intervient des décisions prises dans l’exercice de prérogative de puissance publique par des personnes publiques, il y a compétence du juge judiciaire. 

Le Conseil Constitutionnel a admis que le législateur pouvait intervenir pour déroger à la compétence constitutionnellement garantie des juridictions administratives. Cela se comprend car l’hypothèse s’applique dans le souci de bonne administration de la justice lorsqu’il  s’agit d’unifier la compétence au profit d’un seul ordre juridiction. Depuis 1987 il y a quelques lois qui sont venues y déroger – la loi de 1989 – à propos de Conseil de concurrence (Autorité de nos jours) – les décisions sont susceptibles de recours devant la cour d’appel de Paris. Pour l’Autorité des marchés financiers, la même chose, tout comme pour la commission de régulation d’énergie. On a eu utilisation par le législateur de la possibilité de déroger à la compétence constitutionnellement garantie car ce sont des matières qui sont plutôt dans le domaine privé. Si depuis 1987 le législateur est intervenu que dans un sens, la décision de 1987 ouvre la possibilité inverse : Le législateur peut retirer des compétences au juge judiciaire, cela ne s’est pas vu mais c’est possible.

 

 

B)  Le contentieux par voie d’exception 

 

C’est une hypothèse plus souple dans laquelle l’acte administratif n’est pas l’objet d’un litige principal. En effet, à l’occasion d’un recours principal, au cours de la discussion entre les parties, est mise en cause la légalité d’un acte administratif : Il y a donc une contestation incidente, par voie d’exception. 

Ce contentieux a une particularité : Il est en principe attribué au juge administratif mais se manifestent d’importantes exceptions de compétence au profit du juge judiciaire. Le contentieux par voie d’exception ne fait pas partie de la compétence constitutionnalisée. Il y a tellement de dérogations à la compétence du juge administratif que le Conseil Constitutionnel n’a pas souhaité la constitutionnaliser.  

Au sein de l’ordre administratif le juge de l’action est juge de l’exception, c’est à dire que le juge administratif qui est saisi d’un litige par voie d’action a le droit de se prononcer sur toutes les exceptions qui sont invoquées devant lui lorsqu’elles mettent en cause la légalité de l’acte administratif.

La compétence pour connaitre de la contestation par voie d’exception est source de difficulté quand elle apparait devant le juge judiciaire. Pour résoudre le litige il faut d’abord se prononcer sur sa légalité. Ici apparait une possible compétence du juge judicaire. Mais il faut distinguer le cas du juge répressif  de celui du juge non répressif.

 

1- L’incompétence du juge judiciaire non répressif 

 

C’est le cas du juge commercial, social… Il est incompétent pour apprécier par voie d’exception la légalité des actes administratifs qu’ils soient unilatéraux ou bilatéraux. Ce serait contre le principe de séparation des pouvoirs. 

Cette incompétence a été posée définitivement par un arrêt du Tribunal des conflits du 16 juin 1923, STEPFONDS. Cette incompétence de juridictions connait deux dérogations et une limite.

  • Le contentieux des impôts indirects : Depuis l’origine, on a donné au juge judiciaire fiscal une plénitude de juridiction qui lui permet de se prononcer sur la légalité de ces actes.
  • Elle se manifeste lorsqu’est en cause devant le juge judiciaire non répressif la conformité d’un acte français au droit communautaire. Le juge judiciaire non répressif considère que cette conformité n’est pas une exception d’illégalité d’un acte administratif. Il se reconnait compétent pour écarter un tel acte. Ce faisant, il viole la séparation des pouvoirs (Ccass 22 décembre 2000).

 

La limite à l’incompétence des juridictions judiciaires à l’égard des questions portant sur les actes administratifs : Le juge judiciaire non répressif peut interpréter les actes administratifs réglementaires, mais pas les actes individuels. L’arrêt STEPFONDS nous donne une explication : Le Tribunal des conflits considère que l’acte réglementaire est identique à la loi en ce que sa portée est générale. Comme le juge judiciaire a le droit d’interpréter la loi, il doit pouvoir interpréter l’acte administratif règlementaire.

 

2- La compétence du juge judiciaire répressif 

 

De nos jours, la compétence du juge judiciaire répressif est pleine et entière à l’égard des actes administratifs. Il peut les interpréter, qu’ils soient invoqués à l’appui de poursuite ou à l’appui de la défense. Il a une plénitude de compétence résultant de l’ARTICLE 111-5 CP. 

Cette dérogation à des bases anciennes, qui remontent à l’époque révolutionnaire. Cet article a écrit ce qui ressortait de la jurisprudence antérieure, tout en l’élargissant. En effet, il y avait avant une opposition entre la jurisprudence du Tribunal des conflits et celle de la chambre criminelle de la Cour de cassation. Le champ de compétence du juge répressif à l’égard des actes administratifs n’est pas conçu de la même façon par le Tribunal des conflits et la Cour de cassation : Vu d’une façon restrictive par le Tribunal des conflits, alors que la Cour de Cassation aune vue plus extensive de sa compétence. L’article précité a combiné les jurisprudences des deux juridictions.

 

§2 : Le contentieux des actes de droit privé 

 

En vertu du principe de séparation des autorités judiciaires et administratives, l’autorité judiciaire connait des actes privés, qu’il s’agisse de contrat privé ou d’acte unilatéral. Elle est compétente pour déterminer leur valeur ou sens. 

Cette compétence se traduit par l’incompétence du juge administratif. Si quelqu’un le saisit contre un acte qui s’avère de droit privé, il se déclare incompétent. Mais la question se pose rarement en ces termes-là : L’interprétation des actes privés peut apparaitre devant le juge administratif par voie d’exception. Dans ce cas, l’interprétation peut être faite par le juge administratif, si l’acte n’est pas sérieux et s’il a été clair. S’il y a une difficulté d’interprétation, il doit saisir le juge judiciaire d’une question préjudicielle.

 

Exemples :

  • Un contentieux sur la situation d’un étranger, si une partie se dit française et qu’elle produit des actes de droit civil, la connaissance de ces derniers relève du droit privé.
  • Question de propriété : Dans un cas de répression pour une infraction de grande voirie, pour savoir s’il y a atteinte au droit public, il faut savoir qui est propriétaire du terrain. Si une partie se déclare propriétaire, le juge administratif doit renvoyer les parties devant le juge judiciaire. 
  • Les conventions collectives de travail pour s’imposer à toutes les branches doivent faire l’objet d’un arrêt par le ministre du travail. On a un acte administratif qui porte sur une convention de droit privé. La légalité de l’arrêté ministériel est subordonnée à la convention collective.

 

Même si le contentieux des actes de droit privé est un contentieux du juge judiciaire, le règlement des entreprises a été examiné par le juge administratif dans un arrêt du CE 12 juin 1987, Société GANTOIS, qui est objet de contestation par la Cour de cassation. 

 

Sous-section 2 : Le contentieux des services publics

 

Le service public est une notion fondamentale en droit administratif. Il n’est plus possible de ramener tout le droit administratif à la notion de service public mais elle se retrouve dans la plupart des grands domaines de ce droit. Cette notion est aussi un des critères de détermination de la compétence du juge administratif. 

Il faut également tenir compte de la personne qui gère le service public en utilisant un critère organique. Le service public ne suffit plus aujourd’hui à expliquer tout le droit administratif pour une raison qui est apparue à l’époque même où Duguit achève sa carrière. Le juge administratif a en effet tenu compte d’un phénomène incontestable dans la vie économique et sociale : Le fait que les personnes publiques en général ont tendu à s’immiscer dans un grand nombre de secteurs de la vie culturelle. Il est donc impossible que le critère de service public définisse le juge administratif. 

De plus, comme le service public est présent partout, le juge administratif serait donc compétent dans beaucoup de domaines. Il fallait donc limiter le champ du droit administratif, pour ce faire, la notion de service public a été scindée en deux :

  • Il y a d’un cote, les services publics administratifs qui par leur objet, les conditions de leur organisation et leur fonctionnement ne ressemblent pas à ce que fait le secteur privé. Exemple : La justice, la défense, l’activité culturelle… Ces services publics administratifs sont plutôt régis par le droit administratif et sont donc plutôt soumis au juge administratif en cas de contentieux. On maintient le critère de Duguit.
  • Les SPIC – services publics industriels et commerciaux – sont bien des services publics mais quand on regarde leur objet et leur fonctionnement, cela ressemble au secteur privé. Exemple : Fournir de l’électricité, assurer un service de transport… Il est impossible de les soumettre au juge administratif car il faut tenir compte de leur ressemblance avec le secteur. Ils sont soumis au droit privé, malgré leur qualité de service public.

C’est donc la nature de l’organe qui importe : Personne publique ou privée, et service public administratif ou industriel et commercial.

 

§1 : Distinction des personnes publiques et privées

 

Traditionnellement le droit public ne connaissait que trois personnes publiques : l’état, les collectivités territoriales,  les établissements publics.

 

L’état et les collectivités territoriales se ressemblent : Ils ont l’un et l’autre une assisse territoriale et ils ont une vocation non spécialisée. On peut les saisir de beaucoup de questions. 

En revanche, les établissements publics sont soumis au principe de spécialité ce qui signifie qu’un tel établissement ne peut agir que dans les matières qui lui ont été attribuées par son acte constitutif. C’est pourquoi on dit souvent que les établissements publics sont des services publics dotés de la personnalité morale c’est-à-dire qu’on a créé une personne morale spéciale pour gérer un service public spécial. Autrefois, EDF, GDF était des établissements publics. Ces établissements publics étaient également des éléments de décentralisation : C’est la décentralisation par service ou  décentralisation fonctionnelle. 

 

De nos jours les choses ont évoluées. Ont été identifiées des personnes publiques qui ne se rattachent pas à cette trilogie : C’est le cas des personnes publiques sui generis c’est-à-dire qu’elles sont « de leur propre genre ». Il s’agit de la Banque de France, des Groupements d’intérêts publics, d’un petit nombre d’AAI qui ont la personnalité juridique. Exemple : Autorité des marchés financiers.

Il reste qu’on a du mal à caractériser une personne morale, et notamment la classer entre de droit public ou de droit privé. Lorsque l’on est en présence d’une personne morale qui gère un service public, il a de fortes chances qu’elle soit une personne publique, un établissement public. Si la personne morale à qualifier ne gère pas de service public, il a de fortes chances qu’elle ne soit pas une personne publique, car c’est un élément qui exclut sa catégorie de personne morale de droit public.

Mais s’il n’y a pas de certitude qu’elle gère un service public,  il faut se référer au texte de création de cette personne. Souvent, les textes qui créent une personne morale se prononcent sur sa qualité.

Cet indice de service public est important mais pas suffisant car il faut savoir que des personnes privées peuvent gérer des services publics. Comment faire dans ce cas ? Le juge administratif a mis au point une technique : Celle du faisceau d’indice. Il va examiner cette personne morale, regarder ce qu’elle fait et va se faire opinion à partir de ces indices. Ce ne sont pas des critères, c’est-à-dire que c’est une appréciation très subjective. Les indices peuvent être dans deux sens, le juge administratif va décider de quel côté l’emporte.

 

Les indices qu’il utilise :

  • L’origine de cette personne : Créée par initiative privée ou par des personnes publiques.
  • L’examen des relations entre cette personne et la puissance publique : Est-elle contrôlée par celle-ci, a-t-elle des représentants de l’Etat, de la collectivité territoriale ? Est-ce qu’il exerce un pouvoir de tutelle sur cet organe ? Si oui, il s’agit d’une personne morale de droit public.
  • Les pouvoirs qu’elle détient : Des pouvoirs classiques de droit privé ou exorbitants de droit commun ? Exemple typique : La détention des prérogatives de puissance publique (PPP) qui se traduit par la prise d’une décision unilatérale. Est-ce que cette personne morale détient un monopole ? Cela n’existe pas en droit privé, coloration publique si elle en détient un. Est-ce que sa clientèle est tenue d’adhérer à elle ? Tendance publique dans ce cas. 

 

Voilà des indices d’après lesquels le juge administratif va se faire une opinion. Dans l’utilisation de cette technique le juge peut aussi prendre en considération l’intérêt qu’il peut y avoir à qualifier la personne morale de droit public car il y a aura un régime juridique plus opportun.

 

§2 : Les services publics gérés par des personnes privées

 

D’après un critère organique, le contentieux des services publics gérés par des personnes privées est soumis au droit privé et à la compétence du juge judicaire. Le SPA (Service public administratif) ou SPIC (Service public industriel et commercial) géré par une personne privée est principalement soumis au droit privé. 

 

Il y a 4 hypothèses dans lesquelles réapparait la compétence du juge administratif. Si le critère organique fait plutôt pencher vers personne privée, le critère matériel fait apparaitre ces hypothèses en faveur du juge administratif :

  • Il est possible que des personnes privées puissent admettre des actes administratifs. Si le litige porte sur la légalité d’un des actes administratifs de la personne privée, le contentieux des actes administratifs reviendra au juge administratif.
  • Pour les travaux publics, une loi abrogée par une ordonnance de 2006, la loi de 28 pluviôse an VIII, contenait un article 4 encore en vigueur en 2006 qui définissait la compétence des conseils de préfecture (Juges d’attribution en premier ressort notamment pour le contentieux de travaux publics). Cette article a été abrogé, ce qui constitue une erreur, mais heureusement la jurisprudence a compensé cela : Le contentieux des travaux publics appartient toujours au juge administratif. Lorsque le dommage de travaux public est causé par une personne privée gérant un service public administratif, la compétence est administrative. Cette compétence administrative est, en principe, générale et absolue si le service public est un SPA. Si le dommage de travaux publics a été causé par une personne privée gérant un SPIC, il faut distinguer selon la personne qui a subi le dommage, c’est-à-dire la qualité de la victime :

o                           Si la victime de se dommage est un tiers par rapport à ce service public industriel et commercial, on maintient la compétence du juge administratif  (CE, 25 avril

1958, DAME VEUVE BARBAZA). 

o                           Si la victime de ce dommage est un usager de ce SPIC, en revanche la compétence est judiciaire. La loi de 28 pluviôse an VIII s’efface parce qu’il y a un bloc de compétence du juge judiciaire pour tout ce qui a trait entre SPIC et ses usagers (TC, DAME VEUVE CANASSE, 10 octobre 1966). 

  • Le contentieux de l’élection des membres des organes de certains ordres professionnels relève de la compétence du juge administratif.
  • En principe les personnes privées n’emploient que des agents privés mais il peut arriver en vertu de textes législatifs que des personnes privées gérant un service public emploient des fonctionnaires, des agents publics titulaires. Comme il s’agit de fonctionnaires, le contentieux revient au juge administratif. Tel est le cas des agents de France Télécom par exemple.

 

§3 : Les services publics gérés par des personnes publiques

 

La compétence du juge administratif relève d’une analyse organique, car nous sommes en présence d’une personne publique. 

Mais l’état du droit n’est plus aussi simple, pour la raison que les personnes publiques avec les guerres, les crises économiques et autres ont, peu à peu, pris en charge des activités économiques, financières, de prestation de services, qui se sont intégrées dans le secteur public. Les personnes publiques sont donc très présentes dans la vie économique et sociale. Pour cette raison, car on ne veut pas étendre trop leur compétence, le juge administratif n’est pas systématiquement compètent dès lors qu’il y a une personne publique. 

On a alors cherché un critère réducteur, qui a été trouvé dans la scission des  services publics entre SPA et SPIC. Cette scission a été opérée par un grand arrêt du Tribunal des conflits 22 janvier 1921, Société commerciale de l’Ouest africain, dit « Bac d’Eloka ». Depuis cet arrêt qui crée les SPIC, on ne peut plus dire qu’un service public géré par une personne publique donne systématiquement compétence au juge administratif. Il faut le combiner ce critère avec le critère matériel : Est- ce que cette personne publique gère un SPIC ou un SPA dans le litige donné ?

 

A) Le contentieux des services publics administratifs

 

Le contentieux des services publics gérés par une personne publique est simple car ici le critère organique est rejoint par le critère matériel pour tendre l’un et l’autre vers la compétence du juge administratif. Cette compétence est administrative si le contentieux concerne un acte administratif. 

Il y a compétence du juge administratif lorsqu’il s’agit de mise en cause de la responsabilité d’une personne publique gérant un SPA. Cela inclut les litiges dont la cause est un agent (TC, 25 mars 1996, BERKANI), lorsque l’action en responsabilité est engagée par un usager (TC, 15 mars 1999,  Madame PRISTUPA) ou lorsque la victime est un tiers (TC, 15 novembre 1997 – COMITE D’EXPANSION DE LA DORDOGNE).

Enfin, si le dommage subi par n’importe laquelle de ces trois personnes est un dommage de travaux publics, la compétence revient automatiquement au juge administratif.  On a trois critères qui se cumulent : Personne publique, service public administratif et travaux publics.

 

 

 

 

B) Le contentieux des services publics industriels et commerciaux gérés par des personnes publiques

 

 — Elément favorable à la compétence des juridictions administratives mais également favorable à la compétence des juridictions judiciaires. La contradiction provoque un émiettement du contentieux. On privilégie soit l’élément organique (Compétence administrative), soit l’élément matériel (Compétence judiciaire). C’est la qualité de la victime, donc de la personne qui agit, qui compte.

 

1- Les relations avec les usagers

  — Pour les relations entre un SPIC et ses usagers, on raisonne comme entre une entreprise privée. On ne retient que le critère matériel. Ces conflits sont toujours soumis aux juridictions judiciaires. Cela a été affirmé clairement par Tribunal des conflits 17 octobre 1966 DAME VEUVE CANASSE.

 

a) Le bloc de compétence judiciaire

  — Ce bloc de compétence ne cède que dans un cas précis qui ne doit pas surprendre : Hypothèse dans laquelle le litige concerne un acte unilatéral de la personne publique qui gère le SPIC, acte qui traduit la mise en œuvre de prérogative de service public. La compétence du juge administrative prime dans ce cas, ça ressort dans Conseil Constitutionnel 23 janvier 1987. En dehors de cette hypothèse, c’est la compétence du juge judiciaire qui prime.

 

 — Cela signifie que deux chefs de compétence des juridictions administratives sont tenus en échec :

  • L’élément tenant à la nature des contrats passés entre cette personne publique et les usages du SPIC qu’elle gère. Normalement, les contrats passés par une personne publique avec une personne privée peuvent être administratifs notamment s’ils contiennent une clause exorbitante du droit commun. Dans le cadre des contrats conclus entre une personne publique gérant un SPIC et ses usagers, cette clause exorbitante ne joue pas et le contrat est de droit privé.
  • L’hypothèse dans laquelle le dommage dont se plaint l’usager est un dommage de travaux publics. Ici jouait la loi du 28 pluviôse an VIII dont l’article 4 donnait compétence aux juridictions administratives pour le contentieux des travaux publics. Si un usager d’un SPIC géré par une personne publique agit contre elle, on devrait avoir une compétence, mais elle cède aussi devant le bloc de compétence judiciaire. Ça a été consacré par Tribunal des conflits 24 juin 1954 DAME GALLAND. On dit que le fait du service l’emporte sur le fait de l’ouvrage. Il faut néanmoins que l’individu ait subi ce dommage en tant qu’usager du service public et non simplement en tant qu’usager de l’ouvrage. Le bloc de compétence judiciaire ne bénéficie qu’à l’usager véritable du SPIC. Ex : Gare dans laquelle avait lieu une cérémonie. Des personnes se blessent, mais elle sont blessées hors du cadre d’usager du SPIC, elles n’utilisaient que l’ouvrage et ne relevaient donc pas de la compétence judiciaire (CE section 24 novembre 1967 DEMOISELLE LABAT)

 

b) La qualité d’usager

  — Excepté ces deux points, il y a une conception extensive de l’usager des SPIC, et donc de la compétence judiciaire. Cela provient de deux raisons :

⁃ La personne qui utilise frauduleusement les services d’un SPIC est un usager. Elle bénéficie donc du bloc de compétence judiciaire.

⁃ Le candidat usager (Qui s’apprête à utiliser le SPIC. Ex : Qui achète ses billets de train), est assimilé à l’usager véritable et bénéficie donc de la compétence judiciaire.

 

 — Il faut vérifier que la contestation à l’origine du litige porte bien sur la fourniture aux usagers du service public. Le litige doit donc se produire au moment de la fourniture du service (Ex : Le titulaire d’un abonnement de train qui passe par la gare pour faire autre chose et est victime d’un accident, n’y était pas dans le cadre du service public et ne bénéficie donc pas de la compétence judiciaire).

 — Si un salarié d’un SPIC subit un dommage, il est un tiers et non un usager, donc il ne bénéficie pas du bloc de compétence. Donc même si la compétence est extensive, elle ne l’est pas sans borne.

 

2- Les relations avec les tiers

 

 — Ici il n’y a pas de bloc de compétence, l’état du droit est plus nuancé. Il y a une coloration prédominante de la compétence des juridictions judicaires, mais elle cède dans beaucoup d’exceptions.

 

La compétence du juge administratif se produit dans plusieurs cas :

  • Lorsque le contentieux se noue autour d’un acte unilatéral pris par la puissance publique propriétaire du SPIC dans le cadre de l’exercice de puissance publique.
  • La loi du 28 pluviôse an VIII entraine la compétence du juge administratif lorsque le dommage est causé par un ouvrage public ou des travaux publics. Le fait de l’ouvrage l’emporte sur le fait du service.

 

3- Les relations avec ses agents

 

 — Les agents des SPIC gérés par des personnes publiques sont des agents publics, et notamment des fonctionnaires (Agents publics titularisés dans un grade) ainsi que d’autres agents publics (Contractuels etc.)

 — Les SPIC emploient fréquemment des agents de droit privé. Il est possible que les personnes publiques gérant des SPIC emploient des fonctionnaires, mais pour les autres, la jurisprudence les qualifie d’agents de droit privé. Toux ceux qui n’ont pas la qualité de fonctionnaires sont des agents de droit privé (CE section 8 mars 1957 JALENQUES DE LABEAU) Il y a néanmoins deux agents qui seraient des agents de droit public alors qu’ils ne sont pas fonctionnaires : La personne qui est chargée de la direction de l’ensemble des services, et le comptable de ce service (A la condition qu’il ait la qualité de comptable public). A part ces exceptions, il y a soumission au Conseil de prud’hommes.

 — Sauf lorsqu’est en cause un acte unilatéral pris dans l’exercice d’une prérogative de personne publique, si c’est un acte règlementaire (A portée générale), cas pour lequel ce sera la compétence du juge administratif : Tribunal des conflits 15 janvier 1968 EPOUX BARBIER.

 

 

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