Les condition de réparation du dommage réparable
Comment définir le dommage? Un dommage (ou préjudice) est une atteinte portée à autrui dans sa personne ou ses biens.
À quelles conditions le dommage est-il réparable ? Un dommage est réparable s’il présente plusieurs caractères. Le dommage est une atteinte à un intérêt légitime, il est certain, personnel et direct.
- Caractère légitime. La victime d’un dommage doit se trouver dans une situation conforme à la loi pour demander réparation. (exemple, une personne qui effectue un travail non déclaré ne peut pas en réclamer le paiement s’il n’a pas été versé).
- Caractère certain. Le dommage doit être déjà subi et prouvé.
- Caractère personnel. Seule la personne (ou son représentant, les parents d’un enfant par exemple) qui a subi le dommage peut en demander la réparation
- Caractère direct. Le dommage se présente comme une suite du fait générateur qui l’a produit. (exemple, une automobile est endommagée du fait de la chute du mur d’un immeuble en ruine).
I – la notion de dommage réparable
C’est le préjudice réparable en matière de responsabilité civile. On le voit en matière de responsabilité du fait personnel, mais ça marche aussi avec les autres types de responsabilité.
Sur ce point le droit français est assez différent des autres droits européens et du monde. Le droit allemand et le droit italien, partent de l’idée qu’il y a des intérêts que le droit protège. Le droit protège certains intérêts et donc qu’il y a des intérêts légitimes juridiquement protégés, et lorsqu’il y a atteinte à l’un de ces intérêts, il y a réparation. La santé et la propriété sont des intérêts légitimes juridiquement protégés, et donc quand on porte atteinte à ces droits, il y a une réparation. Dans tous ces droits il y a une liste des intérêts protégés et cette liste n’est pas tout à fait exhaustive et donc on peut en ajouter de nouveaux. Mais la liste fixe les intérêts qui à un moment donné sont protégés.
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Le droit français à cet égard est totalement à part. La clause générale de 1382 : il faut un dommage. En droit français, le dommage est une catégorie entièrement ouverte. Dès lors qu’il y a un dommage il est réparable. Ceci signifie qu’il n’y a pas de limite en droit français sur les types de dommages réparables !
Qu’est ce qu’un dommage ? Pendant très longtemps on n’a pas distingué un dommage d’un préjudice. Une partie de la doctrine essaye de dire que ce n’est pas tout à fait la même chose : le dommage serait l’atteinte à la personne ou à ses biens et le préjudice serait ce que le droit répare. La prof ne fait pas de distinction. L’atteinte en droit français est réparable selon 1382 et donc il n’y aura pas de décalage entre dommage et préjudice. La doctrine prend exemple d’une maison avec un petit mur qu’on veut détruire. Un camion a un accident et le détruit. Il y a atteinte à notre droit de propriété. Cependant, selon la prof, il serait souhaitable de limiter la liste des dommages.
Il faut distinguer entre dommage et préjudice d’une part et entre dommage réparable et préjudice réparable d’autre part ! Mais si on dit que le préjudice est réparable, le préjudice réparable n’a plus aucun sens, c’est une tautologie. La cour de cassation ne distingue pas encore, sauf avec des petites conditions. En droit français, tous les types de dommage sont a priori réparables.
Un dommage est une atteinte à un bien, à la propriété ou une souffrance, mais toute atteinte est a priori réparable. Les conditions ne portent pas sur les types d’atteinte. C’est une pente très glissante.
Qui peut demander réparation du préjudice ? Uniquement la victime du dommage. C’est celle qui a subit l’atteinte dans sa personne ou dans ses biens. On distingue couramment les victimes directes des victimes indirectes. Victimes indirectes ou victimes par ricochets. La victime directe est celle qui a subit le préjudice dans sa personne ou dans ses biens. La victime indirecte est celle qui n’a souffert d’un préjudice que parce qu’une première personne avec qui elle avait des liens, avait déjà subit un préjudice. Ce n’est que par ricochets qu’elle subit un préjudice. Ce n’est pas le fait dommageable qui a porté atteinte à sa personne ou à ses biens.
On distingue le préjudice matériel ou patrimonial par ricochet (par exemple des parents victimes d’un accident qui fait qu’il ne peut plus travailler et le salaire participait à l’entretien du ménage et du coup les enfants et le conjoint ont un préjudice patrimonial par ricochet) et le dommage ou préjudice moral par ricochet (c’est ce qu’on appelle aussi le préjudice d’affection, c’est quand un personne souffre de voir une personne chère avoir eu un dommage direct). Il faut un certain lien entre la victime directe et la victime par ricochet. Pour matériel il faut des moyens de subsistance par la victime directe. Pour moral il faut un lien particulier. Il n’est pas nécessaire qu’il y ait un lien de droit entre la victime directe et la victime par ricochet.
Pendant longtemps les juges avaient requis, notamment dans un couple, qu’il y ait un lien de droit. Pendant longtemps on a refusé à la concubine l’indemnisation en disant que le lien entre le concubin et la concubine n’était pas un lien de droit et donc il n’y avait pas de réparation possible.
Arrêt de 1970 Dangereux : elle a décidé pour la première fois, revirement de jurisprudence, il n’est pas nécessaire qu’il y ait un lien de droit pour qu’il y ait préjudice par ricochet.
La victime est donc directe ou par ricochet.
Pour être considéré comme victime il faut avoir la personnalité juridique, c’est-à-dire il faut être né vivant et viable. Pour les cadavres il peut y avoir atteinte à la mémoire des morts, ce sont les héritiers qui exercent l’action. Si on prend un embryon conçu, non encore né mais vivant et viable, on peut avoir un préjudice. Quand l’enfant sera né vivant et viable, les enfants pourront attaquer le médecin en responsabilité.
Adage : infans conceptus pro nato habetur quoties de ejus commodis hagitur : l’enfant simplement conçu est considéré comme né à chaque fois qu’il y va de son intérêt.
Pour certains dommages, il ne suffit pas d’avoir la personnalité juridique, c’est-à-dire d’être né vivant et viable. Pour certains types de préjudice, il faut avoir un corps ( : personnalité physique). La souffrance physique ne peut pas exister pour une personne morale. L’atteinte à la vie privée d’une personne morale ? Certains considèrent que oui mais en fait on peut trouver l’équivalent : elle a des secrets de fabrique, professionnels.
II – Les conditions de réparation du dommage (qui ne sont pas une limitation des types de préjudice) ou les caractères du dommage réparable
Sur les types de dommage il n’y a pas de typologie de conditions. Mais il y a des conditions pour que le dommage soit réparé. Il y en a trois.
- Le dommage doit être certain
- Le dommage doit être direct
- L’intérêt lésé doit être légitime
Le dommage doit être certain : un dommage certain s’oppose à un dommage éventuel, un dommage dont on n’est pas encore certain qu’il va survenir. Ca n’empêche pas de réparer les préjudices futurs dès lors qu’on est certain qu’ils vont survenir. Par exemple si une personne est handicapée à vie, elle peut obtenir une somme pour l’assistance d’une personne dans le futur. Ca n’empêche pas non plus la réparation de la « perte d’une chance » qui est même assez fréquemment demandé devant les tribunaux. L’hypothèse classique est qu’on a un étudiant qui s’apprête à passer un examen ou un concours, et il a un accident et il ne peut pas se présenter à l’examen ou au concours. On peut aussi avoir un avocat qui ne présente pas le dossier à temps et l’action est prescrite. Il y a une incertitude mais on est certain d’un dommage que la chance n’a pas pu être tentée. Pour réparer ce dommage réparable, les juges font un calcule de probabilité, c’est-à-dire qu’ils n’indemnisent pas à hauteur de tout le gain qu’on aurait eu si on avait réussi. On pondère le gain espéré par la probabilité de gain. On a beaucoup utilisé la perte de chance en matière médicale : un médecin qui ne donne pas le bon médicament, on va le condamner à indemniser la perte de chance de survie.
Le dommage doit être direct : il y a deux hypothèses principales. Premièrement, c’est ce qu’on appelle la question des préjudices en cascade. Un éleveur qui achète une vache qui est malade qui contamine tout le troupeau. On a un fait générateur initial d’où découle un premier, deuxième, troisième dommage etc. Au bout d’un moment le juge va dire stop. Un homme handicapé par son accident, ne pouvait plus quitter son lit, il y a eu un incendie et il est mort. Deuxièmement, les prédispositions de la victime. L’exemple classique du droit français est le borne à qui on crève l’autre œil, il devient aveugle. Les anglais ont la formule de l’homme qui a un crâne comme une coquille d’œuf : on lui donne un tout petit coup et les conséquences sont démesurées. En droit français les prédispositions de la victime ne sont pas une cause d’exonération pour l’auteur. Même s’il y avait des prédispositions de la victime, tout le dommage est considéré comme direct.
La nécessité que l’intérêt lésé soit légitime : ce n’est pas le dommage qui doit être légitime. On va vérifier quand même que l’intérêt lésé est protégé par le droit. Avant 70 le préjudice de la concubine n’était pas juridiquement protégé. C’est redevenu une condition au sens où parfois, la cour de cassation et le législateur ont décidé que certains préjudices n’étaient pas réparables. La question s’est surtout posée en droit français à propos de la naissance d’un enfant.
Arrêt de 1991 : femme qui voulait avorter et va voir le médecin. Mais l’enfant est toujours là, il est normal et donc on peut plus avorter. Elle demande réparation de son préjudice. L’existence d’un enfant ne peut constituer un préjudice préalable.
Arrêt 17 novembre 2000 Perruche : une mère qui avait une petite fille de 5 ans qui était enceinte. La mère a eu la rubéole. Elle fait une analyse et suite à une faute médicale (le premier résultat a dit qu’elle l’avait, le deuxième non, et le troisième on lui a dit qu’elle ne l’avait pas). L’enfant est né avec un handicap très lourd. Les parents ont fait un procès pour demander réparation de leur propre préjudice : moral et matériel.
La cour de cassation l’a admis. Les parents ont aussi demandé réparation du préjudice au nom de leur enfant. Là la cour d’appel et la cour de cassation a admis que les parents pouvaient demander réparation au nom de l’enfant : il y a un lien de causalité avec la faute du médecin. Et la cour de cassation l’a admis, ce qui a été très critiqué par une partie de la doctrine. La doctrine a dit que finalement on répare le préjudice d’être né. Puisque l’enfant, si la mère avait su elle aurait avorté. Mais on répare le préjudice résultant du handicap. Le parlement a adopté une loi du 4 mars 2002 : nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de la naissance. Mais c’était pas du tout le problème de l’espèce.
Le préjudice réparable est celui qui sera réparable quelque soit le fondement de la demande en responsabilité.
Résumé : est réparable tout type de préjudice en droit français. toute souffrance est audible devant les tribunaux. La doctrine a fait une typologie qui est reprise par les juges. Depuis la loi de 2006 le recours des tiers payeurs se fait poste par poste ce qui oblige les juges à motiver d’avantage.
Atteinte aux biens (préjudice matériel ou préjudice économique pur) et atteinte à la personne (soit un dommage corporel soit une souffrance psychologique pur ; aspect patrimonial (perte de revenu, invalidité) et moral ( pretium doloris, préjudice esthétique, préjudice d’agrément qui n’est plus qu’une perte de capacité de loisir ou de sport, préjudice de contamination qui est une enveloppe globale, préjudice d’établissement et le déficit fonctionnel qui est une atteinte aux conditions de vie normale). Déficit fonctionnel et préjudice fonctionnel c’est pareil.
Depuis 2009 le recours des tiers payeurs sur les préjudices d’agrément n’est plus susceptible de recours. Donc tiers payeurs que pour le préjudice fonctionnel. Le préjudice d’agrément est réservé exclusivement à la victime.
Avant consolidation c’est tout ce qui est temporaire, après c’est devenu définitif.
En droit français c’est très rare qu’on dise qu’un préjudice ne soit pas réparable en soi. Le seul exemple qu’on connaisse est l’arrêt Perruche. ça parait très souhaitable que le fait d’être né ne soit pas réparable.
Autre cas où la cour de cassation décide quand même que le préjudice n’est pas réparable en soi : la perte des avantages illicites. On a un atelier clandestin où on les emploie et notre atelier brule, il était pas déclaré. Le préjudice n’est pas réparable. Une victime ne peut obtenir la réparation de la perte de ses rémunérations que si celles-ci sont licites.