L’octroi du crédit : droits et obligations du banquier
C’est la liberté contractuelle qui dicte l’octroi d’un crédit. De plus en plus, la liberté recule au profit de la contrainte. La liberté, normalement, se conjugue avec la responsabilité.
I – Droits du banquier : La liberté dans l’octroie du crédit
A) La liberté contractuelle
Elle implique la liberté d’accorder ou de ne pas accorder le crédit, ainsi que la liberté de choisir son cocontractant. Il n’existe pas de droit au crédit.
A ce principe général, il existe une exception, c’est le crédit légal que fournissent les banques pour le paiement des chèques d’un montant inférieur ou égal à 15 euros.
Cette liberté est menacée à plusieurs points de vue. D’un point de vue général, un certain nombre de règles d’ordre public s’imposent en matière d’octroi de crédit et réduisent par conséquent la liberté (crédit à la consommation).
Pour le client sa marge de négociation est pour la plupart du temps inexistante puisque les contrats sont standardisés, on a à faire à des contrats d’adhésion.
Pour la banque, depuis une loi du 19 octobre 2009 relative à l’accès au crédit des PME, le banquier est tenu de motiver certaines de ses décisions. Il reste libre mais il doit se justifier. Exemple, lorsqu’il va rompre un crédit, au stade de l’ouverture, le banquier doit expliquer à son client son système de notation.
B) L’intuitu personnae.
Les contrats de crédit ne sont pas cessibles sans l’accord des parties. Les banques ont des obligations spécifique au regard de la relation personnelle qu’elles ont avec leur client.
II – Les obligations du banquier dans l’octroi du crédit.
La banque qui finance imprudemment un projet peut être tenue responsable dès lors qu’on prouve qu’elle a commis une faute (consistant a avoir octroyé un crédit).
La banque est un établissement commercial qui est là pour faire du profit et on ne voie pas en quoi la banque serait coupable d’exercer son métier principal.
N’est ce pas la banque qui assure le risque en cas de défaut du remboursement du crédit?
De plus, c’est l’emprunteur qui sollicite le crédit. Il devrait par conséquent être le seul à assumer les risques du mauvais crédit.
Cette vision libérale du crédit ne résiste pas à une époque où l’on cherche à responsabiliser les acteurs économiques.
Il y a d’un coté l’établissement de crédit qui est un professionnel et de l’autre coté un emprunteur dont ce n’est pas le métier qui est donc un consommateur de crédit. Cela justifie donc une protection de cette partie faible. L’autre raison plus technique de la protection de l’emprunteur est qu’il n’a, bien souvent, pas les moyens de comprendre la complexité de l’opération de crédit, ce qui justifie de la part de la banque qu’elle le guide dans ce type de contrats. Le mauvais crédit est également nuisible sur un plan macroéconomique parce qu’il conduit à 2 phénomènes :
- Il donne une apparence de solvabilité à des entreprises en difficulté ce qui trompe les partenaires de l’entreprise.
- Il précipite la chute des entreprises et entraine des faillites en chaine. Exemple, une banque qui prête à une entreprise qui est déjà en difficulté ne va faire qu’accroitre son passif, ce qui va accélérer sa chute.
Il y a donc un ensemble de mesures pour éviter le mauvais crédit. La banque peut être tenue responsable par 2 types de personnes :
- – L’emprunteur,
- – Le créancier de l’emprunteur.
Le créancier de l’emprunteur va expliquer que la banque a commis une faute en octroyant le crédit, faute ayant occasionnée, avec les difficultés de l’emprunteur, un préjudice dans le patrimoine du créancier de l’emprunteur. L’assemblée plénière de la Cour de Cassation considère que la faute contractuelle entraine une faute délictuelle qui, si elle cause un préjudice pour les tiers, justifie leur indemnisation. Ici, il va reprocher une faute délictuelle puisqu’il n’y a pas de lien contractuel avec le créancier de l’emprunteur et le préteur. En pratique, une entreprise qui ne peut pas rembourser ces crédits, elle est placée sous sauvegarde ou redressement judicaire et les créanciers de l’entreprise en difficulté, par l’intermédiaire du liquidateur, cherchent à engager la responsabilité de la banque. La jurisprudence reconnaissait ce type de responsabilité bancaire sur le fondement du soutient abusif. Cette solution prévalait jusqu’à l’adoption de la loi du 26 juillet 2005, loi relative à la réforme des procédures collectives. Cette loi a introduit dans le code de commerce un nouvel article L650-1 qui vient poser un principe d’irresponsabilité bancaire pour les concours qu’elles ont consenties à une entreprise se retrouvant en difficulté. En vertu de ce texte, les créanciers de l’emprunteur ne peuvent plus rechercher la responsabilité de celui qui a délivré le crédit. Même si les banques ont commis une faute, elles ne seront pas responsable. Le conseil constitutionnel a été interrogé, il a répondu que cela était conforme à la constitution. L’idée est qu’il ne faut pas décourager les banques, au moment où les entreprises sont en difficultés, d’aider les entreprises. C’est un problème économique. La loi prévoie 3 situations où les banques demeurent responsables :
- En cas de fraude,
C’est une faute particulièrement caractérisée qui engage la responsabilité de la banque
- En cas d’immixtion de la banque dans les affaires du débiteur
- En cas de suretés ou de garanties disproportionnées.
L’ordonnance du 18 décembre 2008 qui a réformé les procédures collectives a légèrement retouchée le texte en la précisant, article L750-1. D’abord, il faut que cette immunité ne joue que si l’entreprise fait réellement l’objet d’une procédure collective. De plus, pour les suretés disproportionnées, le juge a la faculté de les réduire (autrefois, le juge devait annuler la suretés, il n’avait pas de marge de manœuvre). Il faut appliquer cette loi dans le temps.
L’emprunteur lui même recherche la responsabilité de la banque. Le débiteur peut il reprocher à la banque sa propre turpitude? La jurisprudence a fini par l’admettre sur un fondement précis qui est le devoir de la banque « d’informer » son client sur les conditions du contrat conclue. De l’autre coté, la jurisprudence interdit que la banque s’immisce dans les affaires de son client, c’est la limite du devoir d’information. La jurisprudence a distingué 4 types d’obligation d’information :
– L’obligation générale d’information,
Elle est objective, elle porte sur l’objet du contrat. En pratique, elle va prendre la forme de publicité ou de notice d’information. C’est une information standardisée.
– Le devoir de mise en garde,
Elle est plus personnalisée, elle consiste à alerter un client sur les dangers du crédit souscrit.
– Le devoir d’éclairer le client,
Cela se retrouve dans l’hypothèse de la souscription d’une assurance en même temps que le crédit. Pour ce type de contrat, la jurisprudence a imposer le devoir d’éclairer le client c’est-à-dire de lui préciser si cela est adapté à ses besoins personnels.
– Le devoir de conseil,
Cette consécration est négative dans le sens où la Cour de Cassation refuse que les banquiers soient tenus d’un devoir de conseil. Il n’y a donc pas de devoir de conseil à l’égard du banquier. Le devoir de conseil est assimilé à une immixtion dans les affaires du client.
Les emprunteurs agissent donc le plus souvent sur l’obligation générale d’information et le devoir de mise en garde.
Même si l’obligation d’information précède le contrat, on va appliquer le régime contractuel. Le devoir de mise en garde est en germe dans la jurisprudence depuis 1995. Il faisait l’objet d’une divergence entre les différentes chambres de la Cour de Cassation. La jurisprudence ne s’est unifiée qu’à partir de 2005 où 1ère chambre civile et chambre commerciale ont retenu une même position, à savoir que l’établissement de crédit doit mettre en garde son client lorsque ce client est profane. La chambre mixte, le 29 juin 2007, a retenue une solution commune.
Le domaine de l’obligation de mise en garde : La jurisprudence précise que la mise en garde n’est due qu’à l’emprunteur où à la caution non avertie. Le domaine rationae personnae de la mise en garde concerne l’emprunteur et la caution non avertie. Au contraire, si l’emprunteur est avertie, la mise en garde ne lui est pas due. L’emprunteur averti, ou la caution avertie peut engager la responsabilité de la banque s’il prouve que la banque avait des informations qui lui même n’avait pas, c’est la dissymétrie d’information.
Qui est l’emprunteur non averti?
Le régime est autonome du droit de la consommation. La qualité d’emprunteur averti est appréciée in concreto. C’est au juge de vérifier que telle ou telle personne avait les connaissances techniques pour comprendre les enjeux du crédit, peu importe la qualité de professionnel ou de consommateur de la personne. Si c’est un banquier qui va demander un crédit, entend que consommateur il sera considéré comme averti ou comme un professeur d’économie. En revanche, un professionnel qui n’est pas compétent en matière de crédit sera non averti, comme l’agriculteur qui sollicite un crédit. Un arrêt récent du 18 janvier 2011 a considéré qu’une société en formation composée de futurs associés novices n’était pas un emprunteur averti.
Est ce que l’emprunteur ou la caution non averti mais accompagné devient averti?
La Cour de Cassation, selon les chambres, ne donne pas la même solution.
La chambre commerciale considère que la caution accompagnée devient avertie.
La 1ère chambre civile considère qu’un client profane, même bien accompagné, ne devient pas averti.
La mise en garde, le domaine rationae materiae :
La jurisprudence limite la mise en garde au crédit faisant naitre un risque d’endettement. cela exclu 2 cas :
– L’emprunteur est relativement fortuné et le crédit faible,
– Les suretés réelles pour autrui qu’on appelait le cautionnement réel. C’est un tiers au crédit qui donne en garantie du remboursement de ce crédit un bien particulier. Ici, le patrimoine n’est pas engagé, il y a juste un seul bien qui est engagé, il ne sera donc pas endetté.
Le contenu de la mise en garde :
Les juges retiennent 3 éléments de la mise en garde :
– La banque doit vérifier les capacités financières de l’emprunteur,
– La banque doit alerter le client sur les dangers potentiels du crédit,
– La banque ne doit pas octroyer un crédit qui est ruineux.
Remarques sur les capacités financières de l’emprunteur : la banque s’intéressera aux revenus de l’emprunteur, mais aussi à son patrimoine, mais ce patrimoine n’est pas un élément décisif car il n’est pas toujours composé de liquidité et il ne peut pas toujours servir à rembourser un crédit. Il faut relativiser l’importance du patrimoine. Puis, concernant les charges qui pèsent déjà sur l’emprunteur, ils seront pris en compte par la banque, ainsi que les encours d’autres éventuels crédits.
La charge de la preuve et le mode de preuve :
Qui doit prouver l’exécution de l’obligation?
Est-ce à la banque ou à l’emprunteur de prouver qu’elle a correctement rempli son obligation. En vertu du droit commun des contrats, c’est celui qui se prétend libérée de l’obligation de prouver qu’il l’a exécute. Ce principe est déduit de l’article 1315 du Code Civil. Concernant la mise en garde, c’est à la banque de prouver qu’elle a bien mis en garde son client. La charge de la preuve pèse sur la banque. Ce principe ne vaut que si le client n’a pas caché des choses à la banque.
Comment prouver?
Souvent, le mode de preuve passe par la preuve écrite, le banquier doit se préconstitué la preuve qu’il a mis en garde. Le banquier va devoir faire signer un document comme quoi le client reconnait avoir été mis en garde. Ainsi, la banque est libérée de son obligation. Le contentieux traité date d’une époque où les banquiers devaient mettre en garde mais sans le savoir puisque cela n’avait pas été dégagé par la jurisprudence, cela explique que beaucoup de banques sont aujourd’hui condamnées. Aujourd’hui, les banques qui sont mise en garde de mettre en garde respectent cette obligation.
Il y a un seul domaine où la jurisprudence refuse que le simple document permette de prouver l’exécution de l’obligation, c’est pour le devoir d’éclairer en matière d’assurance groupe. Un arrêt de la Cour de Cassation du 2 octobre 2008 affirme que la simple remise d’une notice au client ne suffit pas à l’éclairer sur l’adéquation du contrat d’assurance à sa situation personnelle, le banquier doit alerter le client sur la pertinence du contrat d’assurance souscrit. La question qui se pose est de savoir ce qu’est la notice? Il n’y a pas de réponse.