Les recours du porteur impayé (sans provision)
Il convient d’envisager les recours et les sanctions pour défaut de paiement.
1°)- Les recours cambiaires :
Pour pouvoir faire valoir ses droits, le porteur doit faire constater le refus de paiement. L131-47
a)- La constatation du refus de paiement :
- Cours de Droit des instruments de paiement
- Le chèque : émission, transmission, paiement
- La monnaie scripturale
- L’ordre de virement : condition de validité, preuve, effet
- L’opération de virement
- Les différentes formes de virement
- Le droit de la carte de paiement
Obligation pour le porteur de faire constater officiellement le non-paiement.
– le protêt :
C’est le mode le plus efficace
L131-41 : acte authentique établi par notaire ou huissier, au domicile du tireur au plus tard au lendemain de l’expiration du délai de présentation.
Si le porteur ne fait pas dresser le protêt, il est un porteur négligent, dans la même situation que le porteur qui n’a pas présenté le chèque en temps utile.
Il est déchu de ses droits cambiaires, mais sous les réserves énoncées précédemment, cela ne l’empêche pas d’agir contre le tireur qui n’a pas constitué provision et contre les endosseurs qui se sont enrichis injustement.
L131-59.
– Le certificat de non paiement :
Le plus usuel.
La loi du 11/01/1985, pour pallier la lourdeur et au coût du protêt, a créé le certificat de non paiement.
Il est délivré par le tiré à tout porteur impayé qui en fait la demande.
Il doit automatiquement être délivré au porteur impayé, après une nouvelle présentation du chèque, restée infructueuse.
Ce certificat ne préserve pas les recours cambiaires du porteur, seul le protêt le permet.
Mais il est intéressant, puisque la signification par huissier de ce certificat vaut commandement de payer et si dans les 15 jours le porteur n’a pas été payé, le certificat devient de plein droit, titre exécutoire.
Les frais de toute nature qu’occasionne le rejet d’un chèque sans provision sont à la charge du tireur. L’huissier qui n’a pas reçu justification du paiement du montant du chèque et des frais dans un délai de 15 jours à compter de la réception de la notification ou de la signification délivre, sans autre acte de procédure ni frais, un titre exécutoire.
Pour obtenir plus rapidement la preuve du défaut de paiement, le banquier tiré doit délivrer dès le refus de paiement, une attestation de rejet.
CODE MONÉTAIRE ET FINANCIER : présomption d’affectation, de tout versement effectué par le tireur sur le compte duquel a été émis le chèque impayé, en priorité à la constitution d’une provision pour le paiement intégral de celui-ci.
Encore faut-il que le porteur du chèque impayé ait connaissance des remises ultérieures, et cas où plusieurs chèques seraient rejetés simultanément ?
Le porteur qui a obtenu le certificat de non-paiement le fera signer par un huissier, qui dans le cas où les paiement n’a pas été effectué dans les 15 jours de la signification du certification, délivrera un titre exécutoire, permettant toutes les formes de saisies.
Mais le porteur doit malgré tout faire dresser protêt sous peine d’être considéré comme porteur négligent et donc de perdre les recours cambiaires, ne pouvant donc exercer un recours contre le tireur, les endosseurs et les autres obligés (tous les autres signataires du chèque).
Mais en pratique, la situation du porteur négligent n’est pas grave : il conserve son recours contre le tireur s’il démontre que la provision n’existait pas au moment de l’émission du chèque, ou qu’une opposition a été faite illégalement.
Ou encore d’une action à l’encontre des autres personnes obligées en vertu du titre, si elles se sont enrichies injustement.
b)- Les actions :
– actions principales :
Qui peut agir et contre qui ?
- Le porteur diligent contre tous les signataires :
Le porteur diligent (présentation et protêt dans les délais), généralement le banquier présentateur, peut agir contre tous les signataires (tireur et endosseur).
Les débiteurs cambiaires sont tenus solidairement, le porteur peut agir indifféremment contre l’un ou l’autre ou les deux. CODE MONÉTAIRE ET FINANCIER ; L131-59.
Si le banquier du bénéficiaire agit cambiairement contre le tireur, inopposabilité des exceptions.
Le porteur négligent peut agir contre le tireur qui n’a pas fait provision ou les endosseurs s’ils se sont enrichis injustement.
Montant :
L131-52.
Par le recours cambiaire, le porteur peut réclamer le montant du chèque, les intérêts au taux légal et tous les frais engagés, notamment de protêt.
Forme du recours :
- recours amiable :
Le recours est généralement amiable.
Le porteur avise l’endosseur du rejet du chèque, l’endosseur paye le montant du chèque au porteur et le porteur remet à l’endosseur, le chèque et le protêt.
- recours judiciaire
Il peut aussi être judiciaire, lorsque le recours amiable n’aboutit pas.
- La contrepassation.
Lorsque le porteur, banquier présentateur agit cambiairement contre son client endosseur, son recours prend la forme d’une contrepassation, c’est à dire d’une écriture au débit du compte de son client.
Délai d’action :
L131-59
L’action cambiaire se prescrit par 6 mois à compter de l’expiration du délai de présentation, pour le porteur diligent, qui agit contre l’un des signataires.
→ Prescription très coutre, d’où intérêt à garder l’action fondamentale.
Cette prescription n’est pas applicable à l’action contre le tireur qui n’a pas fait provision ou contre les endosseurs qui se sont enrichis injustement : droit commun.
– action récursoire du débiteur cambiaire ayant payé (bénéficiaire):
L131-51 al 3 ouvre à tout signataire ayant payé le chèque, le même recours que celui qui est ouvert au porteur impayé.
Plus précisément, le débiteur cambiaire qui a payé le porteur, est remis dans la qualité de porteur légitime.
Le porteur impayé lui a remis le titre (chèque), et le protêt. Il peut alors à son tour exercé une action cambiaire contre le tireur.
Lorsque le chèque n’a été exercé qu’une seule fois (quasi-totalité des cas), le bénéficiaire a une action cambiaire contre le tireur.
Si le chèque a été endossé plusieurs fois, l’endosseur qui a payé a une action récursoire contre les endosseurs antérieurs et contre le tireur (banque bénéficiaire a endossé elle-même le chèque au profit d’une autre banque).
Montant :
Pour le montant total de ce qu’il a versé, les intérêts de ce montant au taux légal, les frais qu’il a engagé.
Forme d’action :
Le recours peut être :
- amiable
- lorsque recours entre un banquier et son client, il peut prendre la forme d’une contrepassation.
- judiciaire, si le recours amiable n’aboutit pas.
Délai d’action :
Même délai que pour l’action principale, prescription par 6 mois.
Mais le délai court du jour où la personne a remboursé le chèque ou du jour où elle a été poursuivie en paiement, lorsque l’action principale était une action judiciaire.
2°)- Les actions fondamentales :
CODE MONÉTAIRE ET FINANCIER ; L131-67 : la remise d’un chèque en paiement n’emporte pas novation.
La créance originaire subsiste avec toutes les garanties qui y sont attachées jusqu’au paiement du chèque.
Ce sont des actions de droit commun, et non cambiaires, soumises au droit commun des contrats.
a)- L’action née de la provision :
C’est l’action du porteur contre le tiré.
C’est une action fragile, dans la mesure où le tiré peut toujours opposer au porteur, les exceptions qu’il aurait pu opposer au tireur (défaut de provision).
b)- Les actions nées de la valeur fournie :
Elles sont de deux sortes :
– action du porteur (le banquier présentateur) contre son endosseur (bénéficiaire) :
Si l’endossement est de procuration, le banquier, en créditant immédiatement le compte de son client endosseur, lui a consenti une avance, une ouverture de crédit.
L’action fondamentale est une action en remboursement de l’avance ainsi consentie.
En pratique, ce recours prend la forme d’une contrepassation, c’est à dire d’une écriture au débit du compte du client endosseur, qui vient annuler l’écriture au crédit qui avait été faite au moment de l’endossement.
Si l’endossement est translatif, il est réalisé alors dans le cadre d’une convention d’escompte.
Le recours fondamental est donc un recours fondé sur la convention d’escompte.
D’où l’importance de l’analyse juridique de la convention d’escompte :
– si elle s’analyse en une vente pure et simple d’un titre, l’acquéreur ne dispose pas de recours à l’encontre du vendeur.
En effet, dans une cession de créance de droit commun, le cédant ne garantit pas l’existence de la créance ou la solvabilité du débiteur (la garantit qu’au jour de la cession).
– si l’opération d’escompte s’analyse en une opération de crédit, qui s’appuie sur la remise d’un titre en pleine propriété, le banquier escompteur dispose d’un recours fondamental, comme dans toute opération de crédit.
C’est un recours en remboursement de l’avance consentie. (CCass).
– action du bénéficiaire contre le tireur :
C’est l’action qui naît du contrat de base, qui a causé l’émission du chèque.
Le plus souvent c’est une action en paiement du prix d’un bien vendu ou d’un service rendu.
Si les obligations cambiaires sont solidaires et que le porteur peut agir indifféremment contre tous les débiteurs cambiaire, les obligations fondamentales ne sont pas solidaires. Le porteur ne peut agir que contre son endosseur, le bénéficiaire ne peut agir que contre le tireur.
NB : Actions fondamentales intéressantes lorsque prescription action cambiaire.
3°)- Les actions en dommages et intérêts en cas de sanction pénale :
L131-69 : en cas de sanction pénale du tireur ; le porteur peut en plus du paiement du chèque obtenir des dommages et intérêts lorsqu’il s’est constitué partie civile, ou même à défaut lorsque le juge pénal le décide.
4°)- La forme particulière des recours du banquier : la contrepassation :
Lorsque le banquier rejette le chèque (en refuse le paiement), le banquier porteur dispose de recours cambiaires et fondamentaux. Dans la plupart des cas, ces recours prendront la forme d’une écriture en compte : c’est ce que l’on appelle la contrepassation.
a)- le droit de contrepasser :
Le banquier qui dispose d’un recours à l’encontre de son client, peut-il exercé ce recours par le biais d’une simple inscription au débit du compte ?
Cour de Cassation ; 10/03/1852 : a admis le principe de la contrepassation.
En revanche la justification de ce droit de contrepasser a évolué :
– en 1852, la contrepassation était valable, car elle n’était que l’exécution par le banquier d’une clause sous-entendue de la convention de compte, aux termes de laquelle le banquier n’inscrit le montant du titre au crédit du compte de son client, que sous la condition résolutoire du non paiement du titre.
– Aujourd’hui, la contrepassation est analysée comme la forme que prend le recours du banquier porteur impayé, recours cambiaire ou recours fondamental.
b)- les conditions de la contrepassation :
- Conditions tenant à la créance du banquier :
Lorsque la contrepassation est l’expression du recours cambiaire, elle n’est possible que si les conditions du recours cambiaires sont réunies et dès qu’elles sont réunies :
– banquier doit être diligent
– il doit avoir présenté le chèque dans les délais
– il doit avoir fait dresser protêt.
Le montant de la contrepassation est égal au montant de la créance cambiaire du banquier.
Le banquier inscrit donc, au débit du compte, le montant du chèque, majoré éventuellement des frais de protêt et des intérêts légaux de retard.
L’écriture passée au débit du compte peut donc ne pas être identique à celle passée au crédit au moment de l’endossement.
→ Il ne s’agit pas d’une simple annulation comptable de l’écriture, mais de l’expression d’un recours.
Lorsque la contrepassation est l’expression d’un recours fondamental, le montant contrepasser est alors le montant de l’avance consentie, soit sur le fondement de la convention d’escompte, soit en vertu de l’usage bancaire lorsque l’endossement est de procuration.
Donc généralement, ce sera une annulation pure et simple de l’écriture passé.
- Conditions tenant au compte courant:
La contrepassation est possible en cours du fonctionnement du compte.
Mais est-elle possible après la clôture du compte ?
La jurisprudence admet la contrepassation après clôture du compte, mais les effets de la contrepassation diffèrent.
c)- les effets de la contrepassation :
- lorsque la contrepassation est effectuée en cours de fonctionnement du compte:
La contrepassation vaut paiement du banquier.
Le banquier doit restituer le chèque à son client, assorti du protêt s’il a fait dresser protêt.
La contrepassation vaut paiement en raison de l’effet de règlement du compte courant (toute créance portée en compte est considérée comme payée), peu importe donc que le seul du compte soit débiteur ou créditeur, après la contrepassation.
NB : la perte de propriété du chèque peut être désastreuse pour le banquier, si le compte de son client endosseur ne redevient jamais créditeur.
Il aurait mieux valu alors pour le banquier exercé son recours cambiaire contre le tireur, plutôt que contre son client, par le biais de la contrepassation.
La Cour de cassation a reconnu au banquier la faculté de choisir de contrepasser ou non, le banquier peut donc choisir de garder le chèque et de poursuivre le tireur en paiement.
La solution n’est pas évidente en raison du principe de généralité du compte courant, principe en vertu duquel les parties sont présumées faire du compte courant le mécanisme général de règlement de toutes créances et dettes susceptibles de naître du fonctionnement du compte.
L’option du banquier n’est pas limitée dans le temps, mais la jurisprudence tend à considérer que le banquier doit se décider dans les quelques jours qui suivent le rejet du chèque.
Une fois la contrepassation effectuée le banquier ne peut pas revenir unilatéralement sur son option qui est irrévocable, il n’en est ainsi toutefois, que si la contrepassation procède de la volonté du banquier.
Si elle est automatique en raison des systèmes informatiques, la jurisprudence autorise le banquier à revenir sur l’inscription.
- lorsque la contrepassation est effectuée après clôture du compte :
Il faut distinguer selon que le solde du compte est débiteur après la contrepassation ou non.
L’effet de règlement du compte ne joue plus après la clôture du compte, la seule inscription en compte ne vaut pas paiement.
– Lorsqu’après la contrepassation, le solde est créditeur pour le client ou égal à 0 :
La contrepassation vaut paiement par le jeu de la compensation.
– Lorsqu’après la contrepassation, le solde est débiteur (avant ou par l’effet de la contrepassation):
Le banquier n’est pas payé ou pas entièrement payé.
Son recours n’a donc pas abouti. Il conserve donc la propriété du chèque et peut poursuivre en paiement le tireur.
Si son recours contre le tireur abouti, il doit diminuer le montant de l’écriture de contrepassation du montant des sommes reçues du tireur.
Ex : le solde du client endosseur affiche un débit de 1 000€. Le client endosse un chèque au bénéfice de son banquier de 500€, qui est porté au crédit du compte débiteur alors de 500€.
Le chèque est revenu impayé, le banquier contrepasse le montant du chèque.
Le solde est alors débiteur de 1 010€ (frais de protêt).
Le banquier n’est pas payé par cette écriture car le compte est clôturé.
Le banquier peut garder le chèque et agir cambiairement contre le tireur, son recours aboutit et perçoit les 500€ du chèque.
Ayant été payé par l’un des coobligés, il doit imputer les sommes reçues, sur le compte du client. Il va donc recréditer le compte de son client des 500€ perçus du tireur.
- Si la contrepassation est effectuée après ouverture d’une procédure collective à l’encontre du client endosseur :
Le bénéficiaire est en cessation des paiements, ouverture d’une procédure collective.
Avant l’ouverture de cette procédure entrainait clôture du compte.
Aujourd’hui, différent.
En cas d’ouverture d’une procédure collective, le compte n’est pas clôturé automatiquement.
La contrepassation effectuée après le jugement d’ouverture devrait donc valoir paiement.
Pourtant par clémence pour les banquiers, la jurisprudence considère que cette contrepassation ne vaut pas paiement.
Le banquier peut donc contrepasser après le jugement d’ouverture de la procédure, garder le chèque et exercer son recours cambiaire contre le tireur.
La jurisprudence considère que le banquier qui obtiendrait paiement du tireur ne serait pas obligé d’imputer les sommes reçues sur le compte de son client et de diminuer ainsi sa créance à l’encontre de son client.
La Cour de cassation fonde cette solution sur la théorie des coobligés, Code de Commerce ; L621-51.
Cet article dispose : le créancier, porteur d’engagements souscrits, endossés ou garantis solidairement par des coobligés qui ont cessé leur paiement, peut produire pour la valeur nominale de son titre et participer aux distributions jusqu’à parfait paiement.
→ le banquier porteur d’un chèque, garanti solidairement par le bénéficiaire et le tireur, peut, si le bénéficiaire est en cessation des paiements, poursuivre les coobligés en paiement, déclarer sa créance à la procédure collective du bénéficiaire et participer aux distributions jusqu’à parfait paiement, non du chèque, mais de la totalité de sa créance contre le bénéficiaire, du montant total du solde débiteur du compte courant.
On peut considérer que pour la Cour de cassation, en raison de l’indivisibilité du compte courant, la garantie dont bénéficie la créance cambiaire, s’est en quelque sorte étendue au bloc indivisible qu’est le solde du compte courant.
Le banquier peut être tenté lorsqu’il prévoit l’ouverture d’une procédure collective à l’encontre de son client, d’attendre pour contrepasse l’ouverture de la procédure.
La jurisprudence admet que le banquier puisse attendre, mais le délai ne doit pas excéder quelques jours après le rejet du chèque.