Responsabilité du service public de la justice

Y-a-t’il une responsabilité du service public de la justice ?

Responsabilité du service public de la justice car il y a des dysfonctionnements de la justice, il y a parfois lieu de chercher des responsables d’autre fois non. La question qui se pose est de savoir dans quelle mesure les victimes de dysfonctionnement peuvent mettre en cause le service public de la justice et demander des indemnisations. Question de la responsabilité de l’état, voire des juges. Deux impératifs contradictoires :

  • ne pas nier le droit à l’indemnisation des victimes de dysfonctionnement sous le prétexte que l’Etat a toujours raison
  • faire a11ttention à l’indépendance du droit de juger, trop de il peut alors y avoir remise en cause de l’indépendance de la justice, indépendance du juge elle-même.

Il ne s’agit pas de nier les dysfonctionnements mais tout en évitant que la responsabilité de la justice soit trop facilement admise et remettre alors en cause l’indépendance du pouvoir de juger. Indépendance diffère entre juridictions de l’ordre judiciaire et de l’ordre administratif.

&1) responsabilité du fait des juridictions de l’ordre judiciaire.

A) Responsabilité de l’Etat pour fonctionnement défectueux du service public de la justice :

La victime du dysfonctionnement peut engager la responsabilité de l’Etat, l’évolution s’est faite dans le sens d’une aggravation de cette responsabilité. Il y a un régime général de la responsabilité de l’état et des régimes spéciaux.

a) le régime général :

Ce régime général est indiqué par l’article L141-1 alinéa 1 du Code de l’organisation judiciaire : « l’état est tenu de répondre de l’état défectueux de la justice », mais cette responsabilité n’est pas automatique elle suppose que soit engagée une faute lourde ou un déni de justice.

– la faute lourde : article 1382 du Code civil dès qu’une faute est commise si légère soit-elle le dommage doit être réparé par l’auteur du préjudice. Qu’est ce qu’une faute lourde : s’il y a litige ce sont les tribunaux administratifs qui se prononcent. Les tribunaux sont allés vers une sévérité accrue vis à vis de l’état. On a longtemps entendu par faute lourde un comportement individuel inadmissible, conception ancienne, il fallait trouver un magistrat qui ait commis une faute individuelle volontaire ou particulièrement lourde. Mais aujourd’hui la jurisprudence considère que la faute lourde se définit par rapport à ce qu’on attend du service public, par rapport à une déficience caractérisée qui traduise l’inaptitude du service public à remplir sa mission (Ex : l’affaire Gregory Villemin). Faute lourde même si un magistrat n’est pas en cause. La faute lourde s’apprécie objectivement, (ex affaire d’Outreau, les magistrats pas condamnés pour fautes lourdes et pourtant victimes indemnisées par l’état). Depuis loi du 5 mars 2007, si un dysfonctionnement pour faute lourde ayant engagé la responsabilité de l’état est dû à un magistrat, il pourra faire l’objet de sanctions disciplinaires pas à l’initiative des victimes mais à l’initiative du garde des sceaux ou des hauts magistrats de la cour d’appel.

– déni de justice : article 4 du code civil, la notion de déni de justice est en pleine expansion, il faut prouver la faute lourde ou le déni de justice pour mettre ne cause la responsabilité de l’état et déni de justice est plus facile à prouver. La jurisprudence a élargi la notion de déni de justice qui peut se traduite aussi par la paresse des juges : article 6 de la CEDH qui dit que l’on a droit d’être jugé dans un délai raisonnable. Le déni de justice n’est pas seulement le refus de juger mais aussi la paresse d’un magistrat quand un litige à tarder à être trancher. Le seul fait de ne pas statuer dans un délai raisonnable constitue un déni de justice et peut engager la responsabilité de l’état. Qu’est ce qu’un délai raisonnable ? L’exigence d’un délai raisonnable doit tenir compte de la charge de travail des magistrats, du budget dont ils disposent.

b) les régimes spéciaux :

Le régime spécial le plus important c’est celui qui vise l’hypothèse de poursuites pénales injustifiées. Etant donné l’ampleur du préjudice qui résulte d’un dysfonctionnement de la justice pénale, le législateur a mis en place un régime spécifique : par ordre de gravité du préjudice :

– hypothèse de poursuites pénales soldées par une décision de non lieu du juge d’instruction soit d’une décision de relaxe ou acquittement (juridiction qui instruise l’affaire en rassemblant des preuves, en auditionnant des accusés, des témoins, … ensuite ordonnance de non lieu ou renvoi devant une cour et ensuite les juridictions de jugement : les magistrats du siège) le juge peut lui accorder une indemnité au titre des frais engendrés pour sa défense

– hypothèse de la détention provisoire injustifiée : le principe est qu’une personne mise en examen doit demeurer libre mais les juges d’instructions utilisent très souvent la prévention provisoire pour faire « craquer » les mis en examen. Si la personne est relaxée ou acquittée, elle devra être indemnisée : il y a une procédure spécifique qui existe aux articles 149 et suivants du code de procédure pénale : la personne injustement emprisonnée peut demander à l’Etat réparation de son préjudice. La procédure se déroule devant le président de la cour d’appel de la juridiction du ressort de la personne concernée. Il y a ensuite appel possible de l’indemnisation proposé par le premier président devant une commission nationale de réparation des détentions, qui se prononcera donc en appel. L’indemnisation sera versée par l’Etat à moins qu’il y n’ait eu un recours de l’état contre la personne responsable de cette détention injustifiée (dénonciation calomnieuse, faux témoignage, …)

– hypothèse de l’erreur judiciaire : une personne se retrouve condamnée à une lourde peine puis plus tard elle est réhabilitée après un recours en révision. Le recours en révision est une voie de recours exceptionnelle soumis à des conditions très strictes (car revient sur l’autorité de la chose jugée) en matière pénale article 622 du Code de Procédure Pénale « que lorsqu’un élément nouveau ou inconnu de la juridiction lors du procès qui se révèle et qui est de nature à faire naître des doutes sur la culpabilité de la personne ». Le recours est porté devant la commission de révision qui émane de la cour de cassation, elle ne rejuge pas l’affaire mais uniquement savoir si il y a lieu de réviser une décision ou non. Si elle considère qu’il y a lieu de réviser le procès elle renvoie l’affaire dans une même juridiction que celle qui avait prononcée la sanction. Si au terme de ce nouveau procès autorisé par la commission la personne est acquittée, il faut alors qu’elle soit indemnisée, publication de la réhabilitation et elle peut être indemnisé selon les articles 149 et suivants du CPP, cette procédure permet de porter l’affaire devant la juridiction qui l’a réhabilité

–> Affaire Patrick Dils : inculpé pour meurtre sur enfants, condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, éléments nouveaux après sa condamnation : passage de Francis Heaulme dans la région au moment des faits, il est alors acquitté, il avait déjà passé 15 ans de prison il a obtenu 1 Million d’euros.

B) Responsabilité du juge pour faute personnelle :

Faute commise par un magistrat déterminé :

– magistrat de connivence avec une autre partie

– magistrat qui a égaré des pièces d’un dossier.

Deux cas de figure possible

a) procédure de prise à parti :

Procédure complexe ouverte à la victime quand elle considère que le magistrat a fait une faute. Cette procédure n’existe plus pour un magistrat professionnel ; la victime recherche directement la faute d’un magistrat. Très rare.

b) Responsabilité envers l’état

Régime qui gouverne les magistrats professionnels : ils ont une responsabilité envers l’état : la victime ne peu agir que contre l’état et non contre le magistrat directement.

L’état va indemniser la victime au titre du fonctionnement défectueux de la justice et peut ensuite effectuer une action récursoire contre le magistrat pour se faire rembourser. Le magistrat doit avoir commis une faute personnelle : la loi ne définie pas la faute personnelle, d’après la jurisprudence une faute personnelle correspond à une faute d’extrême importance, d’une telle gravité qu’elle est insusceptible de se rattacher à l’exercice de sa mission. La faute avec l’intention de nuire au justiciable. Lorsque les magistrats craignent une action récursoire se défendent en disant qu’ils ont fait une faute d’interprétation mais pas une faute personnelle.

&2) responsabilité du fait des juridictions de l’ordre administratif :

Les règles pour l’ordre judiciaire ne sont pas applicables pour les juridictions administratives. Peut-on engager la responsabilité ?

  • responsabilité de l’état :

Le conseil d’état considérait qu’il ne pouvait y avoir responsabilité de l’état. Il l’a finalement admis avec des principes généraux du droit qui régissent l’organisation de la puissance publique justifient que l’Etat puisse voir sa responsabilité engagée du fait d’un dysfonctionnement de la juridiction administrative. Forte influence des juridictions : la mise en cause de la responsabilité peut être soulevée soit par une faute lourde soit pour un délai excessif.

  • La responsabilité du juge administratif

Le juge administratif peut engager sa responsabilité personnelle directement envers le justiciable, selon le Conseil d’Etat, si le justiciable établit à son encontre une faute personnelle caractérisée.