La théologie pure du droit (Kelsen)

Philosophie ou Théorie du droit ?

Comment distinguer les deux ? Il y a souvent une confusion entre les 2. Sur le droit il y a 3 postures, trois façons de se positionner :

  • Celle des praticiens (juges, avocats) veulent savoir comment ça marche. Ils apaisent leur étonnement en répondant à la question Comment ?
  • Celle du philosophe, Pourquoi le droit ? Pourquoi obéit-on au droit ? Cela on une démarche intéressante qui va au-delà de la lettre du droit mais elle n’est pa scientifique, car répondre à la question du pourquoi n’apporte aucune réponse objective.
  • Entre les deux, il y a la voie théorique : la théorie du droit. C’est la démarche scientifique par excellence, il cherche à savoir ce qu’est le droit, il cherche à connaitre non pas la vérité, mais à la réalité du droit. De manière générale il va au delà de la simple description des phénomènes juridiques sans pour autant énoncer des dogmatiques prescriptif il reste neutre.

Il y a plusieurs théories du droit, or toutes ces théories se fondent sur des présupposés philosophiques.

ONTOLOGIE et EPISTEMOLOGIE

Il y a deux significations dans le mot droit Ontologique et épistémologique. Pourquoi cette distinction ?

Il y a d’abord le droit comme ensemble de norme, bref le droit comme volonté. Ce qu’on appelle le droit comme objet et qui est un droit produit par une activité politique (ontologie). Et puis le même mot droit revêt une autre signification, comme activité scientifique, c’est la science du droit (épistémologie).

Quand on fait de l’ontologie du droit, on énonce ou on présence les différentes conceptions du droit, les différentes représentations du droit, c’est que notre objet est une vision au sens 1. En fait, nous nous intéressons au droit comme activité prescriptive, fruit de la volonté des gouvernants selon certaines ontologies ou fruit de la nature selon d’autres ontologies. Et puis quand on fait de l’épistémologie on ne présente pas les différentes conceptions du droit, on présente les différentes conceptions de la science du droit et on indique comment le discours du droit doit être pour être véritablement scientifique. Autrement dit, entre le droit comme objet qu’il appartient à l’ontologie du droit de défini r et l’épistémologue, il y a un niveau intermédiaire. Ce sont les manuels de droit.

Théorie pure du droit de Hans Kelsen :

Publiée en 1934 et en 1962 deuxième édition. C’est à la fois une ontologie et une épistémologie du droit. C’est à la fois deux niveaux de langage. En tant que ontologie du droit, la théorie pure du droit c’est une théorie du droit. En tant que théorie du droit c’est un métalangage. En tant que théorie de la science du droit, c’est un méta-méta langage dans lequel il nous propose sa vision du métalangage : métalangage neutre.

La théorie pure du droit en tant que ontologie: théorie sur le droit. En général, quand on fait de l’ontologie on se demande ou est le droit ? Quel est l’être du droit. Est-ce que le droit est le discours du législateur ou est-ce que c’est plus subtil que ça ? Est-ce que c’est le phénomène qui n’est que le reflet d’une réalité cachée qu’il faut qu’on devine. Il y avait au XIXème siècle l’ontologie légaliste : le droit c’est la loi. Il y avait une confiance aveugle dans le législateur. Un culte du Code civil.

Pour Kelsen, le droit c’est la valeur des règles, le droit n’est pas dans les faits. La norme c’est une signification, c’est un sens. C’est une ontologie idéaliste. Pour Kelsen, le sens d’une règle n’est pas forcément le sens que lui prête l’auteur de la règle parce que il faut que ça soit le sens qui valent aux yeux de tout le monde et non pas seulement aux yeux du législateur. Exemple : brigand et percepteur d’impôt (même geste, extorquer de l’argent par la force). Le droit c’est la signification du geste de la perception d’impôt mais même signification pour le brigand. Puisque l’action aux yeux du brigand est légitime.

Comment distinguer ?

En s’intéressant à la signification objective. Ce que vaut ce geste aux yeux de tous. A l’aide de la norme supérieure, qui fonctionne comme un schéma d’interprétation. C’est une sorte de référence. Jusqu’à ce qu’on arrive au pb de la constitution sur quoi se fonde-t-elle ? sur rien. Une norme a elle seule doit être référée à une autre norme. Kelsen : « le droit engendre le droit ». Une norme est fondée par l’ordre juridique et non l’inverse. D’où la conception pyramidale.

La théorie chez Kelsen est PURE. Ce mot pure renvoie à l’épistémologie du droit et non pas à l’ontologie du droit. Il ne s’agit pas que le droit et pure mais que la science du droit est pure. Pour Kelsen, il faut que le métadiscours soit descriptif. La métathéorie de Kelsen prescrit, ordonne aux profs de Droit de dire le droit mais de ne pas dire qu’elle est le meilleur droit.

Quand on s’intéresse à la théorie comme ontologie, on devrait dire le droit est pur et autonome. Pour Kelsen, le fait qu’une norme tire sa validité d’une métanorme, cette hiérarchie est universelle et elle est indifférente au concept culturel et historique. Donc il y a un universalisme de la forme.

La théorie pure du droit en tant que théorie sur le droit (ontologie).

Quand on fait de la théorie sur le droit, de l’Ontologie, on se demande où est le droit, quel est son être. Est-ce que le droit est le discours du législateur ou est-ce plus subtil que cela ?

La théorie de Kelsen est de dire que le droit c’est la valeur des règles, le droit n’est pas dans les faits, il est dans la norme. La norme, c’est un sens. Le droit est dans les idées, il n’a rien de factuel.

Mais il est objectiviste, Pour Kelsen, le sens d’une règle n’est pas forcément le sens que lui prête l’auteur de la règle. Il faut que ce soit le sens qui aille au sens de tout le monde.

Le droit c’est la signification du geste (du percepteur d’impôt par exemple). Aux yeux du Brigand, le racket c’est la même chose que la perception. Il faut ainsi s’intéresser à la dimension objective, aux yeux de tous. Comment connaitre la dimension objective de la signification du geste, sinon à l’aide de la norme supérieure qui fonctionne comme un schéma de qualification, c’est-à-dire un schéma qui permet d’interpréter la signification du geste du brigand comme illégitime, et celle du percepteur comme valide. C’est une sorte d’étalon, de référence. Là on peut alors distinguer le droit du non droit.

L’ontologie, la conception Kelsénienne du droit est objectiviste. Une norme à elle seule ne peut pas prétendre qu’elle est norme. Autrement dit, le droit créé les conditions de sa propres création. Une norme est fondée par l’ordre juridique, pas l’inverse.

La théorie pure du droit, c’est la théorie de la science du droit. Le mot « pur »renvoi à l’épistémologie. Il ne s’agit pas de dire que le droit est pur, mais que c’est la science du droit qui est pure. La méta-théorie du droit de Kelsen, prescrit que, ordonne, de décrire le droit, et de surtout ne pas dire quel est le meilleurs droit. Il faut séparer le savant du politique.

« Wertfreiheit » Celui qui fait de la science de doit ne pas établir une hiérarchie, il doit se contenter de les décrire.

Pour Kelsen, cette idée qu’une norme ne doit sa normativité qu’à une méta norme, cette hiérarchie normative chez Kelsen est universelle, elle est indifférente au contexte culturel, historique. Qu’il s’agisse du droit étatique, international, interne, etc. Ce sera toujours la même chose. Il y a une autonomie du droit.

S’il fallait schématiser l’histoire de la philosophie du droit, nous observons très grossièrement deux types d’ontologie du droit et deux types d’épistémologie juridique. Depuis l’antiquité jusqu’au XXIème siècle se sont opposée deux ontologies et deux épistémologies.

Deux ontologies qui vont s’opposer autour de la question du droit :

On oppose une ontologie réaliste – objectiviste à une ontologie idéaliste – subjectiviste.

  •  Par ontologie réaliste, nous entendons le droit comme une chose autonome, indépendante de nos esprits qui s’impose à nous et à laquelle nous serions soumis. Le droit est un objet qui s’impose à nos consciences. Cette approche a été cultivée tout au long de l’antiquité grecque et romaine, elle correspond aux anciens, elle a trouvé ses plus belles expressions dans les théories anciennes du droit naturel. Cette approche s’est longtemps imposé en occident jusqu’au haut moyen âge. Aujourd’hui, alors qu’elle n’est plus du tout représentative du droit positif moderne, elle est soutenue par des auteurs nostalgiques des temps anciens, conservateurs, dont le plus grand représentant est le juriste Michel Villey. Il est celui qui a milité pour l’enseignement de la philosophie du droit en France. M. Villey, auteur de « La formation de la pensée juridique moderne », il a également fait une « controverse sur l’ontologie du droit ».
  •  A cette ontologie réaliste objectiviste, s’oppose depuis la nuit des temps une ontologie idéaliste – subjectiviste. C’est-à-dire une conception selon laquelle le droit est dans les idées. Elle considère que le droit est créé par l’autonomie, le droit est une fabrication humaine. L’objet c’est le sujet, l’homme a conquis sa liberté. Cette conception-là est moderne. Cette conception renvoi au droit naturel moderne préfigurera le positivisme.

Voilà la grande distinction, c’est un concept manichéen. S’il y a deux types d’ontologie, il y a aussi deux types d’épistémologie qui se sont affrontées.

Il y a une épistémologie profil bas, c’est une conception qui est peu exigeante de la science du droit qui exige assez peu de discipline. Elle considère qu’il est possible de faire de la science du droit tout en évaluant le droit. Un juriste pourrait prescrire des valeurs sous la bannière de la science du droit. Bref, selon cette épistémologie, le discours prescriptif du législateur ne serait pas séparé du discours savant. Un professeur peut dire quel est le droit juste sans trahir son statut de savant. Cette épistémologie-là, cette façon de concevoir la science du droit a été portée essentiellement par les jus naturalistes. On aurait un étalon, le droit naturel, qui existerait et qui permettrait sans que l’on trahisse son statut de savant, d’émettre des jugements de valeurs. Contre cette épistémologie, il en est une qualifiée de profil haut. Ici, on exige du savant une ascèse, qu’il se contente de décrire sans juger. Il y a donc selon cette épistémologie, l’affirmation d’une séparation entre le droit et la science du droit. En règle générale, cette épistémologie a été portée par les positivistes, notamment Kelsen.

L’histoire de la philosophie du droit, de la pensée juridique montre que ces différentes options se sont combinées les unes les autres, ces choix épistémologiques se sont combinés selon les écoles et selon des logiques qu’il est difficile d’expliquer. Tout cela ne peut s’expliquer que selon des considérations qui n’ont rien de rationnelles. De ces combinaisons il en est résulté des écoles et des courants.

Deux grandes écoles : Celles du droit naturel d’un côté, positiviste de l’autre. A l’intérieur de ces grandes écoles, plusieurs nuances.

Il y a le courant classique, au sein des écoles du droit naturel (Villey) Il y a le courant nominaliste, le courant jus naturaliste moderne, le courant légaliste.

On est entré dans l’école positiviste, réaliste, etc.

Ces deux écoles se sont « faites la guerre ». En tout cas, quel que soit la diversité de ces nuances, on peut observer objectivement du haut de notre recul historique, on peut observer une évolution chronologique. Ante-moderne (jusqu’au moyen Age), moderne (XIV jusqu’au XIXème), post-moderne (contemporain).