Auditions et interrogatoires des personnes concernées
Le Juge d’instruction peut interroger, auditionner, confronter toute personne si utile à la manifestation de la vérité (sauf le Président de la République, immunité présidentielle jusque 6 mois après la fin de son mandat).
On parle d’interrogatoire : pour la mise en examen, peut seulement être fait par un magistrat (Juge d’Instruction ou Procureur de la République) jamais par un Officier de Police Judiciaire ; mais d’audition pour le témoin, témoin assisté, parties.
- a) Interrogatoire du mis en examen et confrontation
— Le Mis en examen doit être physiquement présent et être assisté par son avocat ; convocation de l’avocat aux plus tard 5 jours ouvrables avant, même par voie verbale (article 114 al. 2 du CODE DE PROCÉDURE PÉNALE).
— Dossier tenu à la disposition de l’avocat, durant ces 5 jours, dans le cabinet du juge dans les limites du bon fonctionnement du cabinet d’instruction. L’avocat peut se faire délivrer une copie totale ou partielle du dossier et à ses frais (dans le mois de la demande) (article 114 al 4 du CODE DE PROCÉDURE PÉNALE). Depuis la loi du 5 mars 2007, il est possible de faire faire une copie électronique, è vaste mouvement de dématérialisation des procédures.
— Pendant l’interrogatoire, le juge rappelle au mis en examen son droit de garder le silence (pas une Obligation au stade de la Garde à Vue). Depuis la loi du 18 Mars 2003, la notification de garder le silence avait disparue mais toutefois, elle est maintenue au stade de l’instruction préparatoire. La loi qui a réformé la Garde à Vue à faire réapparaitre ce droit.
Le mis en examen ne prête pas serment de dire la vérité (principe des droits de la défense, nul ne peut être tenu de participer à sa propre incrimination). Le témoin, la partie civile, la victime prête serment, pas le suspect, ni le mis en examen grâce au droit de la défense. Il peut mentir s’il considère que ça fait parti de sa stratégie de défense.
— Le Procureur de la République et les avocats peuvent : y assister, poser des questions, présenter les observations (article 120 al 1er CODE DE PROCÉDURE PÉNALE). Toutefois, c’est le Juge d’instruction qui dirige les débats et détermine l’ordre des interventions.
Comme le permet cet article, il est possible de s’opposer aux questions qui seraient de nature à nuire au bon déroulement de l’information ou à la dignité de la personne.
Une fois que la personne est mise en examen, elle ne peut plus être interrogée par un OPJ y compris sous commission rogatoire. Il pourra être interrogé par un juge ou Procureur de la République.
- b) Audition des témoins
– Le témoin ordinaire / integri status
Integri status : c’est la personne qui n’a rien à se reprocher, aucune raison plausible de soupçonner qu’elle ait participée à la commission des faits. Ce témoin est non suspect.
Art 101 du CODE DE PROCÉDURE PÉNALE : « le Juge d’instruction fait citer devant lui par huissier ou agents de la force publique toutes les personnes dont la déposition lui paraît utile » par notification administrative, LRAR, lettre simple, si utile à la manifestation de la vérité. Aucune limitation tirée de l’âge ou lien de parenté.
Le Juge d’instruction ne peut pas entendre les enfants des conjoints dans une information portant sur les conditions de leur divorce (Cass. Crim., 5 février 1980).
Qualité juridique de témoin : le Juge d’instruction ne peut entendre des personnes ayant une autre qualité (auteur ou complice). Le témoin prête serment donc peut être poursuivi pour faux témoignage. Si le Procureur de la République a délivré un réquisitoire nominatif, ou supplétif, et que la personne n’est pas encore mise en examen, le Juge d’instruction ne peut l’entendre que comme témoin assisté (article 113-1 du CODE DE PROCÉDURE PÉNALE).
Art 82-1 du CODE DE PROCÉDURE PÉNALE : « les parties peuvent, au cours de l’information, saisir le Juge d’instruction par demande écrite et motivé pour l’audition, la confrontation, le transport sur les lieux… » Demande de réalisation de tout acte, le Juge d’instruction peut refuser par ordonnance motivée sous 1 mois à compter de la réception de la demande (possibilité de saisine du Président Chambre d’Instruction en cas de non respect du délai).
Les témoins peuvent être entendus séparément et en dehors de la présence du mis en examen (article 102 du CODE DE PROCÉDURE PÉNALE) ; le Juge d’instruction peut organiser des confrontations témoin / mis en examen ou témoin / témoin, si utile à la manifestation de la vérité. Loi Perben II, possibilité de témoignage anonyme dans certains cas (délinquance, criminalité organisée) ; mais principe : l’accusé doit toujours pouvoir faire face à son accusateur.
Compréhension du témoin : possibilité d’interprète (article 102 du CODE DE PROCÉDURE PÉNALE), pas indispensable que la personne s’exprime ou soit entendue dans sa langue maternelle mais dans une langue que le juge comprend ; si surdité du témoin, le juge nomme d’office un interprète qualifié qui doit prêter serment.
Le Juge d’instruction résume la déposition du témoin qu’il dicte au greffier (procédure écrite), le témoin doit la signer s’il persiste (article 106 du CODE DE PROCÉDURE PÉNALE) et peut demander à ce que des éléments soient ajoutés, retranchés du PV. Si le témoin ne sait pas lire, le greffier lui en donne lecture.
Obligations du témoin convoqué :
— Comparaître : possibilité de contrainte par la force publique par réquisition auprès des services de police et après avis conforme du Procureur de la République (article 109, 110 du CODE DE PROCÉDURE PÉNALE ; amende maximale 3 750 €, article 434-4-1 du Code Pénal).
— Prêter serment : même si le témoin est allié, parent des parties ou à leur service (article 103 du CODE DE PROCÉDURE PÉNALE) ; les moins de 16 ans en sont dispensés (article 108 du CODE DE PROCÉDURE PÉNALE). Sanction : amende maximale 3 750 € et nullité du PV. Il faut prêter serment, on ne peut pas refuser. Le refus entraine la nullité du PV de déposition et amende. Enfin, le témoin doit révéler ce qu’il sait, il doit dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Il ne doit pas mentir : parjure = même amende que faux témoignage.
— Révéler ce qu’il sait : sinon poursuites pour faux témoignage même s’il garde le silence pour échapper lui-même à des poursuites, seul le respect du secret professionnel peut le libérer de cette Obligation. Journaliste : lorsqu’il est entendu comme témoin pour des informations recueillies dans le cadre de ses fonctions, il est libre de ne pas en parler, de ne pas révéler ses sources.
Adresse du témoin : il doit l’indiquer mais le juge pour des raisons de sécurité peut l’autoriser à fournir celle du commissariat de police ou de la brigade de gendarmerie (article 706-57 du CODE DE PROCÉDURE PÉNALE).
– Le témoin assisté
Créé par loi Guigou, 15 juin 2000 pour répondre aux dangers des inculpations tardives (le Juge d’instruction ralentit au maximum l’instance) et des inculpations hâtives. A l’époque, le Juge d’instruction (il n’y avait de JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION), était tout puissant. Le Juge d’instruction avait des possibilités de jouer sur la procédure beaucoup plus que maintenant. A l’époque, le Juge d’instruction repoussait au max le témoin même s’il était suspect comme ça il n’avait pas d’avocat, pas accès au dossier.
Le Témoin assisté est plus proche du suspect que du simple témoin : suspect pas encore mis en examen. Ce témoin assisté est en réalité un suspect qui s’ignore. On reproche des faits sur le plan pénal mais pas assez d’éléments pour le mettre en examen.
Pour qu’il y ait témoin assisté il faut qu’il y ait une instruction préparatoire. En dehors du cadre de l’information, impossible d’avoir un témoin assisté.
Une information judiciaire doit être ouverte, le Témoin Assisté est assisté d’un avocat (article 113-3 du CODE DE PROCÉDURE PÉNALE).
— Obligation d’entendre en tant que Témoin Assisté article 113 al 1 : « si la personne est nommément désignée dans le réquisitoire introductif ou supplétif du Procureur de la République mais conditions non réunies pour qu’elle soit mise en examen, le Juge d’instruction doit l’entendre comme Témoin Assisté. »
Par conséquent, le réquisitoire nominatif va désigner une ou plusieurs personnes comme étant des suspects, comme auteur, co-auteur, peu importe mais elles sont impliquées dans l’affaire. A partir de là, c’est normal qu’on ne puisse plus l’entendre comme témoin.
Parallèlement, quand le Juge d’instruction va l’entendre, peut être qu’elle a déjà eu de la Garde à Vue mais peut être que la Garde à Vue n’a pas suffit pour avoir suffisamment d’indice pour la mise en examen.
Il y’a donc un entre deux : entre l’innocent et le suspect qui sera mis en examen.
De même lorsqu’une personne est nominément visée par une victime, ou visée par une plainte y compris lorsqu’elle est accompagnée d’une constitution de partie civile, cette personne sera obligatoirement entendue comme témoin assisté.
Ex : DSK a été entendu que comme témoin dans l’affaire Banon, car la prétendue victime ne s’est pas constituée partie civile. Elle ne l’a pas fait car elle ne peut pas. Aujourd’hui on est obligé de déposer une plainte, ensuite le parquet décide, soit il ouvre une enquête, ici une enquête préliminaire (pas possible flagrant délit car 8 ans après), il peut ouvrir une information. L’agression sexuelle est prescrite, donc plainte pour tentative de viol. Mais imaginons qu’on ouvre une information pour tentative de viol alors qu’on n’a aucune preuve médico-légale, pour une affaire si grave alors qu’on n’a aucun élément, le Juge d’instruction va rendre une ordonnance de non informée s’il estime qu’il n’a pas les moyens d’instruire. Donc le parquet ouvre une enquête préliminaire. Va être classé sans suite, elle va se constituer partie civile, et le procureur va être obligé d’ouvrir une information.
Si en revanche il y’avait eu une information ouverte, et il y’aura probablement ouverture d’une information, il sera entendu comme témoin assisté.
— Faculté d’entendre comme TA : C’est le Juge d’instruction qui décide. Mais d’abord il est obligé d’informer son client qu’il a la faculté de lui demander d’être entendu comme témoin assisté. Ensuite, le Juge d’instruction décide selon qu’il y a ou non beaucoup d’éléments.
Il a également la même possibilité lorsqu’une personne est mise en cause dans une affaire par un témoin. (Alors que par une victime = témoin assisté obligatoire), OU lorsqu’il y a à l’encontre d’une personne des indices vraisemblables qui laissent penser qu’elle a pu participer à une infraction.
En revanche, s’il y’a des indices graves ou concordants = mis en examen.
ð Pas vraiment de différence. Le témoin assisté est plus vu comme un suspect.
Le témoin assisté a été créé à l’origine car le législateur avait de bonnes intentions : créer un système intermédiaire entre le témoin et le mis en examen et qui permettait de protéger une personne contre le risque de l’inculpation tardive et le risque de mise en cause abusive par des parties civiles.
Ça n’a pas vraiment fonctionné car le témoin assisté est un statut ambigüe : ce n’est pas un témoin car il ne prête pas serment (article 113-7 du CODE DE PROCÉDURE PÉNALE). Autrement dit quand un témoin assisté est entendu, est ce qu’il témoigne ? Non, il se défend, il peut mentir. Il est libre de ces propos, pas de déposition ;
Le TA est soupçonné d’avoir tenu un rôle dans l’infraction mais n’est pas partie au procès (Cass. Crim. 30 octobre 1990), vu comme une « quasi partie » (circulaire d’application 20 décembre 2000).
Parallèlement, le témoin assisté ne peut pas être placé sous contrôle judicaire, en assignation judicaire, en détention provisoire. En revanche, il peut demander au Juge d’Instruction tous les actes d’instruction que peut demander un mis en examen (audition, perquisition…). Il peut à tout moment demandé à être mis en examen.
Points communs probatoires entre TA et Mis en examen : vraisemblance d’un comportement infractionnel. Lorsqu’il existe des indices graves ET concordants : Mis en examen obligatoire ; lorsqu’il existe des indices graves OU concordants : Mis en examen possible (article 113-8 du CODE DE PROCÉDURE PÉNALE) ; le TA est un suspect pas encore Mis en examen.
Cette situation de témoin assisté est précaire, ce n’est pas un statut qu’on a vocation à garder longtemps : ou bien les investigations du Juge d’Instruction permettront de mettre rapidement hors de cause le témoin assisté et celui-ci sera « rétrogradé » comme témoin ordinaire. Là il sera obligé de dire la vérité. Soit, l’implication du témoin assisté est plus nette, on a plus de charges contre lui et donc il sera mis en examen par le Juge d’instruction.
Limite posée à l’article 105 du CODE DE PROCÉDURE PÉNALE: S’il existe des indices graves et concordants de participation aux faits, alors le Juge d’instruction sera obligé de mettre en examen.
Si la chambre de l’instruction annule la mise en examen, la personne est placée en détention provisoire, c’est à dire qu’il est immédiatement remis en liberté et la personne redevient automatiquement témoin assisté.