Les droits de tradition civiliste (romano-germanique)

Les caractéristiques des droits de tradition civiliste.

Elles tiennent moins aux solutions retenues, qu’aux conceptions du droit et de leurs sources.

Il y a une façon commune d’appréhender le droit, c’est de façon rationnelle et systématique. On réduit le monde du droit à des catégories logiques et exhaustives.

Les droits substantielles des traditions Civilis sont variables. En France le transfert de propriété s’opère selon un consensus. En Allemagne il s’opère par la tradition. Et pourtant l’Allemagne et la France appartiennent à la même tradition juridique.

Il existe dans les différents droits Civilistes, une même manière d’appréhender le droit , une manière rationnelle et systématique. Cela signifie que dans cette même famille de droit, on cherche à réduire le monde juridique à un ensemble de catégories toutes à la fois logiques et exhaustives. Par exemple , la Summa Divisio des biens.

A. L’approche rationnelle et scientifique du droit.

On note en particulier le partage de grandes divisions.

On retrouve la distinction entre droit public et droit privé (existe depuis le droit romain – Institutes d’Ulpien qui affirmait cette distinction « le droit public est relatif à la structure du droit romain, le droit privé concerne les intérêts des particuliers »). Pendant longtemps il n’a cependant pas existé de véritable droit public, car les juristes se consacraient exclusivement au droit public, du fait que le pouvoir était lié à la force et on ne concevait pas que le pouvoir soit soumis au droit.

L’organisation du droit en branches est un autre point commun des droits de tradition civiliste. On y distingue :

  • · Droit constitutionnel
  • · Droit administratif
  • · Droit civil
  • · Droit pénal
  • · Droit du travail
  • · Droit commercial

A l’intérieur de chacune de ces grandes branches, les concepts convoqués sont aussi souvent les mêmes. On y retrouve le concept, de contrat, d’obligation, de délit, de quasi-délit et de quasi-contrat. Il n’est pas ainsi trop difficile de traduire un droit civiliste d’un pays dans un autre, les problèmes étant abordés de la même manière. La mentalité juridique y est la même.

B. Une même conception des sources du droit.

Ils partagent une même conception des sources du droit. Outre l’approche rationnelle et scientifique les droits civilistes partage une conception des sources du droit assez uniforme.

Cette conception consiste dans la place primordiale de la loi, dans la place secondaire attribuée à la jurisprudence, dans le rôle persistant de la coutume, dans le rôle important accordé à la doctrine et enfin dans l’existence de principes généraux.

C’est aujourd’hui la principale caractéristique des droits de tradition civiliste.

1- Primat de la loi.

Ici les pays sont des pays de droit écrit, notamment par le biais des lois et des codes. Les actes votés apparaissent comme la source par excellence des règles de droit, les autres sources étant subordonnées à la loi.

  • · La loi apparait comme la meilleure source car elle est démocratique (raison politique), mais aussi car elle est le meilleur garant de la sécurité juridique (raison technique), elle rend le droit accessible au citoyen, qui sait ainsi à l’avance à quelle règle il est soumis.
  • · La loi permet aussi d’exposer le droit d’une manière scientifique, logique et cohérente, plus que la coutume et la jurisprudence.

Pour permettre pleinement la réalisation de ces objectifs, la loi est souvent codifiée. La codification renforce à la fois le caractère systématique du droit et aussi son accessibilité pour les citoyens. Cette codification est plus ou moins généralisée selon les pays. Dans certains pays, seuls les matières fondamentales sont codifiées. Le code n’est pas propres au seuls pays de tradition civiliste, il existe des codes aux USA, néanmoins cette codification n’a pas ici la même signification. En France elle est un idéal de cohérence et d’abstraction du meilleur droit possible, ainsi notre code sera bien différent du code civil américain, qui sera le plus souvent une simple compilation des textes applicables à la matière.

Ce culte de la loi s’exprime aussi dans ce qu’on appelle le constitutionnalisme. Tous les pays civilistes ont en effet une constitution, qui souvent se voit conférer une autorité supérieure à celle des lois qui se voient sanctionnées par un contrôle de constitutionnalité. La loi se trouve en outre supérieure au règlement, car il apparait comme une source moins démocratique puisque provenant de l’exécutif, il est soumis à un contrôle de conformité à la loi (contrôle de légalité). Les modalité et utilités de ces contrôles varient d’un pays à l’autre. Tous les pays civilistes ne connaissent pas par exemple la distinction en droit administratif et droit judiciaire. En matière de contrôle de constitutionnalité, le contrôle est souvent concentré dans les pays civilistes (juridiction spéciale). Ceci découle de la méfiance à l’égard des juges et du culte de la loi.

Il faut cependant noter que ce culte de la loi est relativement récent dans les pays civilistes, il ne se retrouve ni en droit romain, ni dans l’ancien droit. Ce culte dans la pratique cède à la jurisprudence cependant. On observe de nos jours à un déclin du culte de la loi, du fait de l’inflation législative qui génère une instabilité du droit et une complexification des lois qui nuit à la clarté et à l’efficience des lois. Cette perte de prestige est aussi dû à la mauvaise qualité des lois votés.

2- La place secondaire de la jurisprudence.

Cette place nous distingue des pays de Common Law. Historiquement la jurisprudence a été une source essentielle du droit privé, mais aujourd’hui elle a un rôle théoriquement limité, mais en pratique le rôle créateur de la jurisprudence est inévitable pour combler les lacunes de la loi et pour faire évoluer son contenu.

Dans la plupart des pays civiliste, le juge va masquer son rôle créateur derrière son apparence de simple couche de la loi. Ce rôle créateur dissimulé transparait aussi par la rédaction d’arrêts très courts. Le raisonnement strictement syllogistique trahit aussi ce fait. Au final les décisions des juges se présentent comme de simple mise en œuvre de dispositions légales réputées parfaitement claires. Les débats préliminaires sont ainsi rarement publics. Les décisions judiciaires n’ont pas la force de précédent et les juridictions ne vont pas citer les décisions jurisprudentielles antérieures pour justifier leur décision.

Mais tout ceci est une généralité, ainsi en Allemagne on y trouve des références. En pratique elles ont cependant valeur de précédent du fait de l’existence d’une cour suprême (Cassation et Conseil d’Etat). Ce pouvoir reconnu à la juridiction suprême va permettre d’unifier les décisions. Le statut de la jurisprudence est en fait assez proche de celui des pays de Common Law. La différence essentielle étant que les juridictions ne sont pas théoriquement liées par leurs décisions antérieures, elle peuvent opérer un revirement, contrairement aux pays de Common Law. En pratique cette différence doit être nuancée, les juridictions vont éviter de trop nombreux revirement pour préserver la stabilité nécessaire du droit afin de préserver la sécurité juridique.

Les pays de Common Law à l’inverse disposent de techniques permettant la relativisation de la règle de précédent (le distinguishing).

En matière de responsabilité civile et surtout en droit administratif, il existe en France un véritable culte de la jurisprudence du Conseil d’Etat.

On relève enfin que les juges de tradition civiliste sont généralement des magistrats professionnels qui vont effectuer le plus souvent l’intégralité de leur carrière au sein de la magistrature. Il y a une séparation nette, malgré des passerelles, entre les différentes carrières, ce qui n’est pas le cas dans les pays de Common Law. Elle se caractérise aussi par l’existence d’un ministère public qui représente la société dans les procès pénaux. Ce qui est aussi flagrant c’est le nombre assez élevé des magistrats.

3- Le rôle persistant de la coutume.

Ce rôle va être plus ou moins important selon la matière, selon la branche du droit visée. En droit commercial, le rôle des usages est important.

4- Le rôle important de la doctrine.

Traditionnellement un rôle très important lui est dévolu, car ces droits de traditions civiliste sont scientifiques, savants et systématisés. On dit du droit allemand que c’est un droit de professeur. (Tradition romaine, renaissance du droit dans les universités etc…).

L’importance des opinions des docteurs a cependant varié selon les époques. Après le droit romain, elle n’a eu qu’un rôle d’inspiration, aujourd’hui son rôle est officieux et non pas officiel.

Le rôle varie aussi selon les matières. Grand en droit international privé. Mais quelle que soit la matière, les manuels de droit et les revues juridiques sont une source indispensable d’accès au droit. Les universitaires ont ainsi un rôle clé dans les pays civilistes.

Le rôle est d’autant plus fort que de par leur caractère systématique, les manuels ont une grande importance, ils sont le reflet du droit systématisé.

Dans les pays de Common Law, l’important n’est pas de comprendre les grands principes, le système, mais de trouver le précédent le plus proche de l’espèce à laquelle on s’intéresse et ainsi le manuel perd de son importance.

5- L’existence de principes généraux du droit (PGD).

Les PGD permettent aux juridictions de dégager des solutions nouvelles en s’appuyant sur de principes directeurs du système juridique. Ils ont un caractère assez universel.