Les peines en droit pénal : définition, histoire, fonction

 LES SANCTION PÉNALES

  La peine est la sanction pénale infligée à l’auteur d’une infraction. La peine a 3 fonctions : une fonction d’expiation, une fonction d’intimidation et une fonction de réadaptation ou d’amendement du délinquant. Le Code pénal fixe la nature et le quantum des peines selon qu’elles sont criminelles , correctionnelles ou contraventionnelles.

I – LA NOTION DE PEINE

 Nous tenterons dans un premier temps de définir et de caractériser la peine en tant que sanction sociale et dans un second temps de les distinguer d’une autre forme de sanction pénale que l’on appelle la mesure de sûreté qui est moins connue évidemment que la notion de peine.

 L’idée de peine est bien entendu toujours associée au droit pénal, les deux termes ayant une origine étymologique connue – du latin poena, on en a déjà dit un mot.

 Alors que le terme sanction est beaucoup plus large, recouvrant des domaines que vous connaissez déjà, on parle en effet de sanctions civiles, on parle aussi de sanctions disciplinaires mais aussi de sanctions administratives, on a déjà eu l’occasion d’en parler.

 Donc commençons nos développements par définir ce qu’est une peine

LA DÉFINITION DE LA PEINE

Le Code Pénal, pas plus d’ailleurs que l’ancien, ne définit la notion de peine. D’une façon simplifiée et pour ainsi dire neutre, elle peut être définie comme une sanction liée à une incrimination prévue par la Loi entendue de façon large et prononcée par une juridiction pénale. La peine est donc la conséquence attachée par le législateur à des comportements fautifs. La peine vient donc ici sanctionner une faute.

Il n’est bien pas question ici de procéder à une approche philosophique de la peine, laissons cela aux penseurs anciens et modernes, en remontant jusqu’à Platon ou Aristote qui ont réfléchi sur ces questions, retenons seulement les justifications qui ont le plus souvent été avancées du droit de punir.

Elles sont nombreuses, on pourrait citer l’intérêt public, mais aussi la vengeance ou encore la notion de légitime défense de la société, la notion de contrat social, mais cela pourrait être aussi la mise hors de délégation d’un droit divin. Les origines peuvent être nombreuses.

Mais, si le Code ne définit pas la peine, il n’en indique pas non plus le but. Bien sûr, la peine a été faite pour punir au départ, mais elle n’est plus que cela et le Conseil constitutionnel a pu encore récemment affirmer qu’une peine doit tendre à assurer la sécurité de la société – ça c’est un fait – mais aussi à amender et à resocialiser, pour synthétiser la pensée exprimée par cette haute autorité.

En fait, la peine en tant qu’instrument de politique pénale remplit – est susceptible de remplir – une double fonction. Une fonction utilitaire tout d’abord que certains qualifient avec une terminologie plus moderne, et avec quelques nuances, de prospectives ; donc une fonction prospective. Et ensuite, deuxième aspect, une fonction plus morale dirons-nous, encore appelée par un néologisme plus ou moins heureux « restitutive ».

Donc fonction utilitaire et prospective, mais aussi fonction morale ou restitutive.

—             Par sa fonction morale, la peine donne satisfaction à un besoin de justice en imposant au coupable l’expiation de sa faute. L’idée de justice suppose que lui soit infligée une punition. Au mal commis doit correspondre un mal subi, c’est l’idée de rétribution. Et la doctrine la plus contemporaine y ajoute les idées de réparation mais aussi de responsabilisation en réparant le mal qui a été causé. Donc, voilà pour la fonction morale.

—             Par sa fonction utilitaire maintenant,

  • La peine donne satisfaction à une nécessité cette fois de défense sociale en recherchant la dissuasion. Tout d’abord par l’intimidation, l’intimidation du délinquant pour empêcher la récidive, mais aussi par l’exemplarité pour prévenir le délinquant en décourageant évidemment la commission d’infractions.
  • Ensuite, la peine contribue également à la nécessité de défense sociale dans la recherche non plus de la dissuasion, mais dans l’idée d’élimination cette fois que cette élimination du délinquant soit temporaire ou définitive. Donc voilà la fonction utilitaire.

 

  • On pourrait également préciser que la peine fournit dans notre droit pénal moderne un objectif également de réadaptation mais aussi d’amendement.

Donc voilà différents aspects de cette peine par sa fonction morale et par sa fonction utilitaire et il n’est plus question aujourd’hui évidemment de privilégier l’une ou l’autre de ces fonctions, ni d’opposer ces différents objectifs entre eux. En fait, la peine c’est un peu de tout cela, il existe en réalité une interpénétration de ces différentes fonctions, l’une prenant parfois le pas sur l’autre, selon la nature de la peine comme nous le constaterons lors de l’étude de ces différentes peines.

Au regard des caractères de la peine, et à la lecture de la nomenclature dirons-nous de plus en plus diversifiée des peines, chacune ayant ses particularités, il peut apparaître à première vue difficile de dégager précisément des caractères généraux applicables à toutes les peines. En effet, qu’y a-t-il de commun entre la réclusion à perpétuité et le paiement d’une amende, entre une peine de travail d’intérêt général et la confiscation d’un véhicule ?

Toutefois, il ne faut pas s’arrêter aux particularités de régime de chacune de ces peines et s’élever au-dessus (!!!!) de celles-ci pour voir qu’elles présentent en réalité des traits communs ; ce que l’on appelle traditionnellement les caractères fondamentaux de la peine.

Avant de voir ces caractères, je voudrais simplement dire un mot sur les bases textuelles qui sont à l’origine de ce droit de la peine tout à fait fondamentales bien entendu.

On peut citer la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789 que vous connaissez bien, on en parle souvent et de son article 8. On peut aussi citer la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948, la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme qui est applicable en France depuis 1974 et la Cour de Strasbourg qui organise en la matière une véritable jurisprudence. Donc une véritable jurisprudence de la CEDH en matière de peine. On peut également citer une Convention Internationale qui a été ratifiée par la France et qui a été signée en 1987 relative à la question de la torture et des peines ou encore des traitements inhumains et dégradants qui font partie donc de ces bases textuelles et puis enfin bien entendu nos deux Codes – le Code pénal et le Code de Procédure pénale – qui organisent à la fois la nature mais aussi le prononcé des peines ainsi que leurs modalités d’exécution.

Voilà donc pour les principales sources et, pour en revenir maintenant aux caractères généraux de la peine, et bien on peut en citer trois fondamentaux, c’est à dire trois traits communs à toutes les peines. C’est des notions que vous connaissez déjà telles la légalité des peines – on en a déjà parlé – l’égalité des peines également, la personnalité de celles-ci, la proportionnalité des peines qui ont valeur de principe et que nous avons déjà évoquées dans d’autres émissions.

—             S’agissant tout d’abord de la légalité des peines énoncée à l’article 111-2 du Code Pénal, elle constitue le corollaire de la légalité des infractions et représente des revendications majeures de la Révolution et que la Révolution bien entendu va satisfaire, afin de lutter contre l’arbitraire des juges et bien entendu contre les disparités entre régions ou encore entre classes sociales. La légalité des peines implique que la nature mais aussi le maximum de la peine soient prévus précisément par le législateur. Bien sûr il est accordé au juge, nous le verrons, le pouvoir de l’individualiser, nous reviendrons sur cet aspect un peu plus tard.

—             S’agissant, après la légalité des peines, de l’égalité des peines. Ce principe se présente comme le corollaire direct là encore du principe de légalité et plus spécialement de la légalité des peines dans la mesure où celles-ci sont fixées par la Loi qui n’édicte que des règles générales, elles sont par voie de conséquence égales pour tous, sous réserve là encore bien sûr des possibilités d’individualisation par le Juge, mais une individualisation fondée sur la faute et la personnalité du délinquant et non à l’évidence sur la condition sociale de la personne, de son titre ou de son rang, comme c’était le cas sous l’Ancien Régime. Il s’agit ici d’une égalité de droits et non de fait au regard de la peine dans la mesure où les effets d’une même peine évidemment à l’encontre de ces deux individus différents ne sont pas vécus de la même façon, avec la même contrainte ou la même souffrance cela va de soi.

—             Enfin, s’agissant de la personnalité des peines, principe complètement méconnu de l’Ancien droit, on ne peut parler de principe ayant valeur absolue ; nous avons déjà eu l’occasion de nous en rendre compte lors de l’étude de la responsabilité pénale du délinquant, et plus spécialement lorsque nous avons développé la question de la responsabilité pénale du fait d’autrui. Malgré l’affirmation de ce principe de la personnalité dans une Loi des 21 et 30 janvier 1790, celui-ci tant en droit qu’en fait, puisqu’il existe toujours des répercussions morales et matérielles sur la famille du condamné, et bien, a perdu de sa vigueur ; repris dans le Code révolutionnaire de 1791, il ne l’a pas été dans le Code de 1810 qui va d’ailleurs instaurer la confiscation générale des biens (je n’ai pas eu l’occasion de vous en parler, mais c’est un aspect un petit peu historique) mais ça ne sera pas non plus repris dans le Code Pénal.

—             Quant à la question de la proportionnalité des peines, la notion de juste mesure n’est plus guère exprimée que dans la Déclaration des Droits de l’Homme, c’est d’ailleurs sur la base de ce texte que le Conseil constitutionnel peut annuler des dispositions légales qui ne prendraient pas en compte justement cette juste mesure entre la sévérité de la sanction et la gravité de l’infraction.

—             A ces différents caractères de la peine, on y ajoute également le caractère définitif de la peine, c’est à dire qu’on ne peut pas revenir sur les peines fixées sauf à en adoucir évidemment la teneur ou pour adoucir le sort du condamné.

—             Autre caractère également, elle présente un caractère déterminé tant dans sa nature que dans sa durée, que dans sa forme ou que dans son montant s’il s’agit d’une peine d’amende.

La notion de mesure de sûreté

 

Les peines reposent donc, on vient de le comprendre sur deux fondements, deux idées : l’idée de justice et l’idée de défense sociale. Mais il en va différemment pour une autre forme de sanction qui constitue généralement le second volet des développements consacrés à la sanction pénale, ce sont les mesures de sûreté.

Donc deuxième point de notre développement, les mesures de sûreté.

 

 

II – Les peines dans le Code Pénal

C’est sans doute au niveau de la sanction plus que de l’infraction que l’on note les transformations les plus nombreuses et les plus importantes dans le cadre du Code Pénal. Il convient donc de voir dans un premier temps de façon globale, les principaux points à retenir de la réforme du Code Pénal, puis dans un deuxième temps, de dresser la nouvelle nomenclature des peines dans ce Code Pénal, tant à l’égard des personnes physiques que des personnes morales désormais.

C’est une réforme de grande ampleur bien entendu et au regard des peines, les modifications sont nombreuses. Je voudrais à titre liminaire une fois encore souligner que celles-ci ont toujours attiré, les peines, ont toujours attiré l’attention du législateur qui, depuis la Révolution, a ponctué ses interventions dans le cadre du droit pénal finalement plus sur les peines que sur les infractions. Et, généralement, plutôt dans le sens de l’adoucissement au profit des personnes condamnées et on peut ici citer à titre d’exemple, par exemple en 1832, la suppression des mutilations, la suppression des châtiments corporels tels que le cardan, la marque au fer rouge, mais aussi la suppression de la peine de confiscation générale des biens du condamné.

On peut citer aussi en 1891, la création du sursis à la peine de prison, c’est une réforme importante.

On pourrait également citer en 1946, la suppression du bagne, mais en 1960 également, la suppression des travaux forcés et de la déportation dans une enceinte fortifiée. Ce n’est pas donc si lointain que cela l’abolition à la fois du bagne et des travaux forcés.

On pourrait aussi citer 1970 ; création des peines de substitution à l’emprisonnement.

1975 ; une augmentation très importante des prérogatives du juge pénal avec la création de la dispense de peine et puis surtout bien entendu plus proche de nous 1981, l’abolition de la peine de mort, la France étant à l’époque dans le peloton de queue des démocraties européennes à l’égard de cette peine ultime et définitive et puis 1983 avec la création des peines nouvelles, telles que le travail d’intérêt général ou le jour amende, peines qui existent toujours dans notre arsenal répressif bien sûr et sur lesquelles nous reviendrons.

A noter en revanche cette fois, donc à l’inverse dans le sens d’un renforcement, d’une plus grande sévérité, la création de la période de sûreté ou encore de la perpétuité réelle dont nous reparlerons là aussi. Avec le Code Pénal, pas de bouleversement je dirais de la matière mais des innovations nombreuses. Au titre des généralités de l’appréciation globale de ce Code Pénal, on note au regard des peines une plus grande sévérité des peines prévues par les textes d’une façon générale.

Au titre des particularités, s’agissant du fond du droit, on note bien sûr l’application de sanctions pénales aux personnes morales, grande innovation du Code Pénal et aussi et surtout, la suppression de la prison en matière contraventionnelle.

 

S’agissant de l’aspect procédural et non plus du fond du droit, il faut noter qu’un certain nombre de dispositions relatives à la personnalisation des peines, à leurs modalités d’exécution et à leur extinction, ont quitté le Code de Procédure pénale pour rejoindre le Code pénal proprement dit, donc la lisibilité est donc meilleure.

Du point de vue ensuite des pouvoirs du juge, on ne peut que souligner l’augmentation importante du pouvoir de celui-ci dans le prononcé des peines, une plus grande liberté dans le sens de l’adoucissement bien entendu et la recherche de l’individualisation de la peine, de la personnalisation de la peine au délinquant, quête permanente du législateur de cette seconde moitié du XX siècle. Donc, si l’on constate une plus grande sévérité dans les textes en matière de peines dans le Code Pénal, et bien cette rigueur devrait être moindre normalement dans l’application de celle-ci avec le pouvoir du juge.

Le Code Pénal se caractérise également en matière de peines par des suppressions, des créations mais aussi des modifications.

S’agissant des suppressions, celles-ci sont nombreuses, je ne ferai ici qu’en citer quelques-unes, suppression comme je viens de le dire de la peine d’emprisonnement pour les contraventions, c’est notamment bien entendu mais aussi suppression du bannissement, de l’interdiction légale, de l’incapacité de donner et de recevoir à titre gratuit, de la dégradation civique qui étaient considérées comme des peines totalement dépassées, obsolètes, donc suppression de ce type de peines.

Suppression également des peines complémentaires de types obligatoires et aussi des peines accessoires automatiques. Vous l’aurez compris, l’idée est ici qu’aucune peine ne peut être appliquée si la juridiction, si le Juge ne l’a pas expressément décidé, mais aussi expressément prononcé.

Suppression de ce que l’on appelait les excuses, telles que l’excuse de provocation qui entraînait une diminution parfois importante de la peine, là encore, le juge va être libre d’apprécier la réduction de peine, nous y reviendrons.

Suppression enfin des minima de peines. Désormais seuls les maxima sont prévus dans les textes. Ceci a bien sur une valeur plus symbolique qu’autre chose car le Juge pouvait déjà auparavant, avant le Code Pénal, descendre bien en-deçà du maximum des peines avec le jeu de ce que l’on appelait les circonstances atténuantes. Il n’est désormais plus nécessaire de faire jouer celles-ci qui, de ce fait se trouvent supprimées dans le Code, là encore nous y reviendrons.

A noter en revanche, la non suppression de la contrainte par corps et je voudrais ici préciser que depuis le Loi PERBEN II, on l’appelle désormais la contrainte judiciaire. Donc une nouvelle appellation contrainte judiciaire c’est à dire l’unique cas où l’on peut encore aller en prison pour dettes dès lors bien entendu que le créancier est le Trésor Public ; non-paiement des amendes, des frais de justice, mais aussi des dettes fiscales, ici les peines vont de 20 jours à 3 mois, ce qui n’est pas négligeable selon le montant de l’impayé, de ce qui est dû donc au Trésor, cela peut parfois aller jusqu’à un an en matière de stupéfiants. Cette pratique de la contrainte judiciaire est contestée par certains mais elle se maintient et elle n’est d’ailleurs pas vraiment considérée comme une peine mais plutôt comme une voie d’exécution.

Après ces suppressions qui avaient pour objectif de faire du Code pénal un outil plus en prise avec son temps citons au titre des créations, tout d’abord en matière criminelle la création d’une peine de 30 ans de réclusion pour rétablir la hiérarchie des peines en raison de l’abolition de la peine de mort.

Par ailleurs, on note l’apparition de peines d’amende pour certains crimes par exemple en matière de trafic de stupéfiants.

En matière correctionnelle cette fois, il convient de noter l’obligation de motivation du juge en cas de prononcé de peine d’emprisonnement et ceci afin d’inciter le juge en quelque sorte à utiliser le large éventail de sanctions proposé par le législateur sans recourir systématiquement à l’emprisonnement.

Création également de ce que l’on appelle la peine d’interdiction de droits civiques – prévue à l’article 131-26 – civils et de famille, qui vient ici en remplacement de la dégradation civique, c’est une peine complémentaire facultative pour le Juge aussi bien en matière criminelle que correctionnelle ; c’est la suppression du droit de vote, c’est l’inéligibilité, c’est aussi l’interdiction d’être témoin, tuteur ou curateur, je vous renvoie à cet article si vous voulez de plus amples développements.

Au titre des modifications effectuées cette fois par le Code Pénal, citons également le souci général du législateur d’élévation des peines. Les peines de prison sont désormais plus longues puisque pour prendre l’exemple de la matière correctionnelle, et bien les peines peuvent aller jusqu’à 10 ans alors qu’avant le Code Pénal, le maximum était 5 ans. Les amendes aussi qu’elles soient correctionnelles ou contraventionnelles voient leur montant considérablement augmenter mais bien entendu là encore nous y reviendrons.

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