Les peines applicables aux personnes morales en droit pénal

LES PEINES ENCOURUES PAR LES PERSONNES MORALES

— L’idée d’infliger à des personnes morales des sanctions pénales n’est pas récente. Sous l’Ancien Régime, des privations de droit ou encore des suppressions de privilèges ou encore des destructions de monuments ou de remparts par exemple avaient déjà pu être prononcées à l’encontre d’êtres juridiques dépourvus de toute forme humaine, donc à des groupements. Il convenait toutefois, pour le XXI° siècle, de trouver à l’encontre des sociétés, des associations, des partis politiques notamment, des peines adaptées.

Pourtant, si le principe d’une responsabilité pénale des personnes morales prévu et organisé expressément dans un texte fut, somme toute assez bien acceptée. En revanche, la question des sanctions applicables fit l’objet d’âpres débats lors de la discussion du texte devant le Parlement, c’est à dire devant l’Assemblée nationale, mais surtout devant le Sénat. Mais au final, ce qui avait été proposé dans le projet de réforme et bien va, pour l’essentiel, être repris lors de l’adoption définitive du Code pénal.

A côté de l’amende, qui se présente comme la peine la plus facile à mettre en œuvre, il a fallu imaginer des sanctions originales bien entendu à l’encontre de groupements qui peuvent se rendre coupables de crimes et de délits, mais qui ne peuvent, à l’évidence, être mis en prison. Ces peines applicables aux personnes morales, sont prévues dans le Code pénal aux articles 131-37 à 131-49 et l’on distingue de façon classique, comme pour les personnes physiques, les peines principales, les peines alternatives et les peines complémentaires.

A) Les peines principales.

En matière criminelle et correctionnelle, l’amende se présente comme la sanction-type à l’égard des personnes morales. Elle n’appelle guère d’observations particulières si ce n’est qu’elle se trouve multipliée par cinq par rapport au montant prévu pour les personnes physiques et sera multipliée par 10 en cas de récidive. Ceci peut donc conduire à des sommes considérables puisque, vous vous souvenez, les peines que nous avions citées, les peines d’amende pouvaient d’élever à des montants tout à fait importants. Mais le juge peut bien sûr les moduler en fonction des capacités financières du groupement.

Il faut noter qu’un certain nombre d’incriminations pénales en matière criminelle ne prévoient pas de peine d’amende. Ainsi les incriminations relatives au meurtre, à l’assassinat ou torture ou aux actes de barbarie comme je vous l’avais dit dans le cadre des peines pour les personnes physiques ne prévoient pas de peine d’amende. Aussi la Loi du 9 mars 2004, la Loi PERBEN II y a remédié en précisant qu’en l’absence de peine d’amende prévue pour les personnes physiques, l’amende encourue pourra aller jusqu’à 1 000 000 d’euros, c’est ce que prévoit l’article 131-38 du Code pénal.

Donc, lorsqu’il n’est pas prévu pour les personnes physiques une peine d’amende, il était difficile de la multiplier par cinq, à l’évidence, donc il fallait bien en créer une, c’est ce qu’a fait la Loi PERBEN II.

A cotée de l’amende, l’article 131-39 prévoit neuf autres peines particulières.

  • Tout d’abord, la dissolution, c’est une sorte de peine capitale évidemment pour les infractions les plus graves et lorsque la personne morale a été créée ou détournée de son objet précisément pour commettre les faits incriminés. Par exemple, les crimes contre l’humanité ou bien les groupements créés pour un trafic de stupéfiants ou pour le terrorisme ou pour le proxénétisme par exemple. Donc la dissolution, sorte de peine définitive pour les groupements.
  • A titre cette fois définitif ou temporaire et pour une durée de 5 ans maximum, le législateur prévoir l’interdiction d’exercer directement ou indirectement une ou plusieurs activités professionnelles ou sociales, c’est la deuxième peine prévue.
  • Troisième peine prévue, le placement sous surveillance judiciaire, limitant évidemment considérablement la liberté des Groupements, c’est aussi la fermeture des établissements, de l’entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés, peine importante aussi parce qu’elle peut compromettre l’activité du groupement de façon définitive, l’exclusion des marchés publics.
  • Ce peut être aussi l’interdiction de faire appel public à l’épargne, ce qui peut aussi compromettre la vie d’une société par exemple.
  • Ce peut être également l’interdiction de chèque et de carte de paiement, on aura un peu de mal à imaginer une personne morale sans moyen de paiement de ce type, donc c’est une peine aussi importante.
  • Ce peut être aussi la confiscation de la chose qui a servi à commettre l’infraction ou qui en est le produit.
  • Enfin, l’affichage ou encore la diffusion de la décision de condamnation, soit par la presse écrite, soit par tout moyen de communication au public – parfois électronique puisqu’il faut maintenant jouer avec les nouvelles technologies – est également possible, et pourra souvent même être appliqué puisqu’il s’agit là d’une mesure de publicité.

Cette énumération suscite deux observations.

  • D’une part, cette liste n’est pas limitative et le législateur – et non pas le juge bien sûr – peut toujours créer de nouvelles peines à l’encontre des personnes morales.
  • D’autre part, la peine d’amende – il convient de le souligner – reste pour l’instant pour ainsi dire la seule peine prononcée à l’encontre des personnes morales par les Tribunaux. On peut y ajouter l’affichage ou la diffusion de condamnation, mais c’est essentiellement la peine d’amende.

A noter que l’application de ces peines n’est pas identique évidemment pour tous les groupements. Le législateur établi des distinguos. En effet, les personnes morales de droit public, les partis politiques et les syndicats ne peuvent subir une peine de dissolution ou de placement sous surveillance judiciaire. On comprend très bien pourquoi, puisqu’il s’agit d’établissement de droit public.

En outre, une mesure de dissolution ne peut être prononcée à l’encontre d’une institution représentative du personnel, comme par exemple un comité d’entreprise. Donc ici un distinguo, certains groupements ne peuvent pas se voir appliquer certaines peines prévues par le législateur.

Mais, les personnes morales peuvent aussi commettre des contraventions et ce sera même très souvent le cas. Aussi des peines ont été prévues en matière contraventionnelle et à titre de peine principale et bien là on retrouve également l’amende et le montant des amendes que je vous citais un peu avant sera multiplié par cinq, mais on a aussi la confiscation et l’interdiction de chèque pour un an ou plus au titre donc des infractions contraventionnelles commises par les personnes morales. Donc voilà pour les peines principales.

B) Les peines alternatives,

en ce qui concerne les personnes morales, elles n’existent pas en matière criminelle et correctionnelle, mais le juge peut en revanche jouer avec la liste des peines prévues à l’article 131-39, dont on vient de faire la liste en les combinant entre elles, ce qu’il ne fait pas jusqu’à maintenant ou ce qu’il n’a pas encore fait jusqu’à maintenant.

En cas de contravention, le juge peut décider, au lieu et place de l’amende, la confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction, ou encore de la chose qui en était le produit ; il peut aussi décider l’interdiction de chèque pour une durée d’un an ou plus; mais là, il doit s’agir d’une contravention de la cinquième classe.

Donc, ce qu’il faut retenir, c’est qu’il n’y a pas de peine alternative en matière criminelle et en matière correctionnelle ; en cas de contravention, il y a une liberté du juge qui peut agir soit par le biais de la confiscation ou encore de l’interdiction de chèque.

C) Les peines complémentaires

  • Finissons le panorama des peines relatives aux personnes morales avec les peines complémentaires, puisqu’elles existent également à l’encontre de groupements.

Elles n’existent qu’en matière contraventionnelle là encore. Elles doivent être prévues par le législateur dans le texte de l’incrimination, mais elles restent là encore facultatives; pour le juge, il n’y a pas d’automaticité puisqu’il n’y a plus d’automaticité en matière pénale ; il y a une personnalisation, une individualisation de la peine qui est faite par lui.

Donc, le Code Pénal mentionne la confiscation. En outre, pour les contraventions de la 5ème classe seulement, le règlement peut prévoir une interdiction de chèque pour trois ans, donc très peu de peines complémentaires, et seulement prévues en matière contraventionnelle pour les personnes morales.

Donc, c’est avec ce panorama, ce catalogue en quelque sorte des peines prévues pour les personnes physiques et pour les personnes morales, que nous terminons cette émission sur la nomenclature des peines, mais aussi la notion de peine. Nous verrons dans d’autres émissions le régime de ces peines mais également l’état dans lequel elles peuvent s’éteindre donc au bénéfice des personnes condamnées