Le concubinage : définition, effets, preuve

Le couple concubin

Le concubinage est une union libre, factuelle, hors mariage. C’est à propos de couples homosexuels que la jurisprudence s’est prononcée sur ce qu’elle entendait par concubinage par 2 décisions :

Affaire Secher/ Air France chambre sociale de la cour de cassation le 11 juillet 1989.

M. Secher, steward à Air France souhaitait faire bénéficier son concubin des tarifs réduits que la compagnie propose « au concubin en union libre ». La Cour d’appel de Paris ne fait pas droit à cette demande au motif que les concubins s’entendent de deux personnes de sexes différents. La Cour de Cassation rejette le pourvoi formé par M. Secher au motif que l’article 2411 de la réglementation qui étend le bénéfice de ladite mesure au « conjoint en union libre » doit être compris comme ayant entendu avantager deux personnes ayant décidé de vivre comme époux, sans pour autant s’unir par le mariage, ce qui ne peut concerner qu’un couple constitué d’un homme et d’une femme. Par cette affaire, la jurisprudence a refusé d’étendre aux couples homosexuels le bénéfice de certaines conséquences de l’union libre, elles-mêmes calquées sur certains effets du mariage. Cette solution a été dégagée par la CJCE dans une affaire analogue le 17 février 1998. La jurisprudence estime également que le concubin homosexuel n’a pas droit à la transmission successorale du bail d’habitation. « Le concubinage ne pouvait résulter que d’une relation stable et continue ayant l’apparence du mariage, donc entre un homme et une femme ». Plusieurs décisions se sont prononcées dans ce sens. Par exemple, troisième chambre civile de la Cour de Cassation le 17 décembre 1997. Par contre, une décision isolée du TGI de Belfort du 25 juillet 1995 a fait droit à la demande d’indemnisation du compagnon homosexuel de la victime défunte en raison du préjudice qu’il a éprouvé, comme tout concubin hétérosexuel, si l’union a été stable. JP récente et divergente sur l’autorité parentale dans le couple de même sexe sur l’adoption. C’est sur le même fondement que le Conseil d’Etat a annulé le jugement du TA de Paris qui avait fait droit à la demande d’adoption d’un enfant par un homosexuel. C’est à chaque Etat de légiférer sur cette question, estime la Cour européenne des droits de l’homme. Par un arrêt rendu le 26 février 2002, elle reconnaît qu’il y a bien une distinction en fonction de l’orientation sexuelle et estime que le refus d’agrément opposé à un homosexuel dans le cadre d’une procédure d’adoption repose « de manière déterminante sur l’homosexualité déclarée » du déclarant. Mais cette distinction n’est pas une discrimination car elle poursuit un but légitime : « protéger la santé et les droits de l’enfant ». « Force est de constater que la communauté scientifique est divisée sur les conséquences éventuelles de l’accueil d’un enfant par un ou des parents homosexuels, compte tenu du nombre restreint d’étude scientifiques réalisées sur la question à ce jour. S’ajoutent à cela de profondes divergences des opinions publiques nationales et internationales, sans compter le constat de l’insuffisance du nombre d’enfants adoptables par rapport aux demandes ». Les autorités nationales, conclut la Cour, ont donc « légitimement et raisonnablement pu considérer que le droit de pouvoir adopter trouvait sa limite dans l’intérêt des enfants susceptibles d’être adoptés ». Décision confirmée par le Conseil Constitutionnel le 5 juin 2002. Position de la CEDH : arrêt Godwin, réaffirmé le 24 juin 2010, arrêt schalk et kopf contre Autriche n°30141/04. Elle a jugé que la Convention européenne des droits de l’homme (article 14 et 8) n’obligeait pas un Etat à autoriser un couple homosexuel à se marier, venant ainsi conforter la position du droit français défavorable à l’ouverture du mariage aux homosexuels « l’interdiction de se marier ne constitue pas une discrimination prohibée en ce que le couple a pu reconnaître juridiquement son union grâce à une loi sur le concubinage, lui conférant la plupart des droits et obligations des personnes mariées. Cette définition a été remise en cause par le législateur. Le concubinage est désormais consacré par le droit à l’article 515-8 du Code Civilissu de la loi n°99-944 du 15 novembre 1999 créant le pacs : « le concubinage est une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et continuité entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe qui vivent en couple ». Cette définition précise que la notion de concubinage s’applique indifféremment à un couple formé par des personnes de sexe différent ou de même sexe. Pour le reste, elle conforte la jurisprudence antérieure puisqu’elle se fonde sur les mêmes caractères.

Éléments :

  • La vie commune, le concubinage suppose la vie commune => communauté de lit, communauté de toit. Il faut admettre la possibilité de résidence distincte pour une activité personnelle. La preuve des relations sexuelles ne justifie pas toujours la qualification du concubinage.
  • Caractères de la vie commune: stabilité et continuité. C’est l’idée d’une durée suffisante et d’une permanence. Cela renvoie à une appréciation factuelle.
  • Cette vie commune peut être le fait soit de deux personnes de sexes différents ou de même sexe : la loi a étendu la notion de concubinage en supprimant la notion de différence de sexe. Le législateur a brisé la jurisprudence antérieure.
  • Le concubinage doit avoir un caractère notoire: caractéristique nouvelle rajoutée. Il « sous entend une communauté de vie et d’intérêt et suppose une relation stable hors mariage, connue des tiers » (Cour de Cassation de Paris le 16 janvier 2001).

Cette définition ne lui donne pas pour autant un statut juridique : les concubins sont unis hors mariage et hors pacs, sans solennité ni contrat. C’est une situation de fait.

Bien qu’il s’agisse d’une union libre, factuelle, le concubinage a cependant des effets dans les rapports entre concubins et entre les concubins et les tiers.

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Chapitre 1 : les rapports entres concubins

Le concubinage a des effets non seulement à l’égard de la personne des concubins mais également quant à leur patrimoine. La situation des concubins diffère de celle des époux en de nombreux points.

Section I : les effets du concubinage quant à la personne des concubins

La situation des concubins se caractérise par l’absence de quatre éléments :

  • L’absence de lien de droit : le concubinage se caractérise par l’absence de lien de droit. Les concubins se placent hors du droit. En l’absence de lien de droit, la rupture peut intervenir par décision unilatérale, sans procédure particulière. Le départ de l’un des concubins ne peut en principe être considéré comme une faute puisque le concubinage se caractérise justement par la liberté de rompre, par décision de ne pas se lier. La rupture du concubinage n’ouvre pas droit à la prestation compensatoire. Cependant dans certains cas, les juges ont tenté de remédier au sort des concubines âgées délaissées après de nombreuses années de vie commune. Ils ont admis que la concubine pouvait obtenir des dommages-intérêts en présence de circonstances permettant de déclarer fautif le comportement du concubin. Cette faute est à rechercher dans les circonstances de la rupture comme en matière de fiançailles. Mais elle peut aussi se trouver dans des circonstances antérieures à la rupture : promesse fallacieuse de mariage, abus d’autorité… Ainsi, le juge ne prendra pas en compte la cessation des relations prise isolément mais il l’englobera dans un ensemble de circonstances pour apprécier s’il y a faute et préjudice et se prononcer pour une éventuelle condamnation à des dommages-intérêts.
  • L’absence d’effet sur l’état des personnes : le concubinage n’emporte aucun effet sur l’état des personnes car ils demeurent célibataires. Il n’est pas mentionné sur les registres de l’état civil. Il n’emporte pas de droit au nom… par exemple, la concubine contrairement à la femme mariée ne peut pas, à titre d’usage, porter le nom de son concubin.
  • L’absence de présomption de paternité : le concubinage n’emporte pas présomption de paternité car la concubine n’est pas assujettie au devoir de fidélité né du mariage.
  • L’absence des devoirs nés du mariage : les concubins échappent aux devoirs du mariage : pas de devoir de fidélité, ni d’assistance, ni de secours, pas de droit de succession… pas de contribution aux charges du ménage. Cependant depuis la loi du 4 avril 2006, le devoir de « respect » s’impose à eux, comme à toute personne. La communauté de vie est un fait, pas un devoir. L’article 220-1 du Code Civil qui permet l’éviction du conjoint violent du logement ne s’appliquait pas au concubinage jusqu’à la loi du 1er juillet 2010 (article 515-9 du Code Civil) tout comme de la fille envers la mère. Chacun doit supporter les dépenses de la vie courante qu’il a exposées. L’article 214 du Code Civil peut-il être étendu aux concubins lorsqu’un différend s’élève à propos de dépenses ménagères à la rupture du concubinage ? La Cour de Cassation a répondu par la négative (arrêt de la première chambre civile le 19 mars 1991). « Le concubinage a parfois le gout du mariage mais ce n’est pas du mariage ». En l’absence de disposition, chaque concubin supporte les dépenses de la vie courante qu’il a engagées et répond de ses dettes (première chambre civile de la Cour de Cassation le 11 janvier 1984). Celui qui a assumé les charges du ménage n’a aucun recours en contribution contre l’autre. La jurisprudence de la Cour de Cassation rappelle les règles relatives au concubinage à la suite de la loi du 15 novembre 1999. Un arrêt de la première chambre civile de la Cour de Cassation du 17 octobre 2000 rappelle que les règles de contribution aux charges du mariage ne s’appliquent pas entre concubins (première chambre civile le 27 mai 2004) : pas de solidarité, mais des dispositions conventionnelles peuvent être prévues (exemple :réforme du droit du crédit le 1er juillet 2010).

Section II : Les effets du concubinage quant au patrimoine des concubins

I – Les relations patrimoniales en l’absence de régime matrimonial :

Le concubinage peut cesser par la volonté des concubins, communes ou unilatéralement, ou pas le décès de l’un des deux concubins. Comme il n’existe pas de régime matrimonial entre les concubins, on se réfèrera aux règles applicables aux époux séparés de biens. Les patrimoines de l’un et de l’autre sont autonomes. Pas de communauté à partager, pas de droit à succession.

En cas de rupture :

  • Pour éviter les difficultés en cas de rupture du concubinage, les professionnels ont mis au point une sorte de contrat de concubinage, qui comme le contrat de mariage régit les rapports patrimoniaux des concubins. Ce contrat de concubinage n’a rien d’obligatoire, les concubins y ont rarement recours.
  • En l’absence de disposition particulière, les mécanismes du droit commun s’appliqueront. En cas de séparation et en l’absence de volonté exprimée à cet égard, chaque concubin doit « supporter les dépenses de la vie courante qu’il a exposées ». Un arrêt du 2 mai 2001 de la première chambre civile de la Cour de Cassation rappelle que l’article 220 du Code Civilqui institue une solidarité de plein droit des époux en matière de dette contractée pour l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants ne s’applique pas en matière de concubinage.
  • a. A défaut de convention et si l’on n’arrive pas à prouver à qui appartient le bien ou s’il a été acheté conjointement, on applique les règles de l’indivision: article 815 et suivants. Comme le bien est réputé indivis, il sera partagé par moitié.

Le pacte de tontine a été réactualisé et déclaré valable par la jurisprudence. Cette clause dite d’accroissement permet qu’au premier décès, le concubin survivant soit considéré comme propriétaire, rétroactivement, sous un montant limité sans à avoir à indemniser les héritiers de son concubin.

  • b. A défaut d’acquisition faite indivisément entre les concubins, le juge peut recourir à une autre théorie afin de parvenir à un partage. Il peut considérer qu’il a existé entre eux une société créée de fait (article 1873 du Code Civil). Cela permettra d’attribuer à chacun des concubins sa part dans les profits de la société alors que l’entreprise qu’ils exploitaient en commun n’appartenait qu’à l’un d’eux. Pour bénéficier de cette théorie, il ne suffit pas que les relations entre les concubins soient démontrées, que les biens de chacun soient confondus et qu’ils aient participé ensemble aux dépenses de la vie commune, encore faut-il que les éléments d’une société soient réunis.
  • Des apports de part et d’autre
  • Participation aux résultats
  • Intention de s’associer
  • c. A défaut des éléments d’une société de fait, on peut recourir au principe de l’enrichissement sans cause. Si l’un des concubins, en général la femme, a bénévolement contribué à la prospérité de l’autre, il pourra obtenir de lui une indemnité. Il faut que la situation ait permis l’enrichissement de l’un et simultanément l’appauvrissement de l’autre : c’est le cas d’un concubin ayant travaillé sans salaire : arrêt de la première chambre civile le 15 octobre 1996. La JP a admis qu’il faut appliquer à l’issue du concubinage la technique de l’enrichissement sans cause.
  • d. La création d’une société. Les concubins peuvent créer entre eux une SARL, une SCI et même une SNC.

II- Les libéralités entre concubins :

Afin de compenser l’absence de régime matrimonial et de vocation successorale, les concubins consentent fréquemment des donations et des legs. Cela permet d’atténuer la précarité de la situation du concubin au jour du décès de l’autre. Si pendant longtemps, on a considéré que les libéralités entre concubins étaient nulles comme immorales, admises seulement si elles avaient pour but de réparer une faute ou d’assurer l’avenir de la concubine, la jurisprudence continue à subordonner la validité de chaque libéralité à l’examen des mobiles qui l’ont inspirée (article 1131 et 1133 du Code Civil). La libéralité sera nulle si elle a pour objet d’obtenir le consentement du bénéficiaire à l’établissement ou le maintien des relations. Par contre la libéralité est licite quand elle répare le préjudice causé par une rupture ou qu’elle pallie l’absence de droit successoral.

III – Les contrats à titre onéreux entre concubins :

Les contrats de vente, de société, de prêt ou de travail conclus entre eux par les concubins sont valables. Les concubins sont plus libres de contracter entre eux que les époux. Certaines conventions pourront cependant être remises en cause sur le fondement de la théorie de la cause et annulées.

IV- Les concubins et les lois « bioéthiques » :

Le rapprochement entre époux et concubins est réalisé par l’article L.152-2 du Code de la santé publique (loi du 29 juillet 1994) puisqu’il ouvre le droit à « l’’assistance médicale à la procréation » aussi biens aux concubins justifiant de deux ans de vie commune qu’aux époux.

Chapitre 2 : les rapports entre les concubins et les tiers

Cette union entre un homme et une femme supposant l’existence d’une communauté de vie et une certaine durée a néanmoins des conséquences dans les rapports des concubins avec les tiers, notamment le fisc, les organismes sociaux et les bailleurs.

Section I : En faveur d’un rapprochement entre les concubins et les époux

1. Les concubins face au fisc

En principe le fisc ne prend pas en compte le concubinage. L’avantage c’est que les concubins sont assujettis séparément par foyer tout comme les époux. L’inconvénient c’est qu’ils ne bénéficient pas du quotient familial, ils sont soumis au taux de 60% pour les donations et les legs.

2. Les concubins et les organismes sociaux

Depuis la loi de janvier 1978 qui généralise la Sécurité Sociale, le concubin ou la concubine bénéficiera des prestations des assurances maladies, maternité et vieillesse dès lors qu’il est à la charge totale et permanente de l’ayant droit.

3. Les concubins et leurs bailleurs

Le concubinage ne rend pas le bail nécessairement commun.

4. Le concubin victime par ricochet et le tiers auteur de l’accident

5. La loi du 9 juillet 2010 sur les mesures de protection des victimes de violences dans le couple étend ses dispositions à celui constitué par des concubins plus seulement au couple marié (article 515-9 à 515-13 du Code Civil).

6. L’autorité parentale conjointe a été étendue aux couples de concubins en 2002 (article 372 du Code Civil).

7. La loi du 5 mars 2007 a modifié le droit des majeurs protégés :

Le concubin comme le conjoint peut demander l’ouverture d’un régime de protection.

Le concubin a droit d’exercer la tutelle ou la curatelle (article 461 et suivants du Code Civil).

Section II : Une assimilation défavorable aux concubins

Dans certains cas cette assimilation n’est pas favorable :

  • Si les droits semblables à ceux des époux sont consentis aux concubins, il est des cas ou les concubins pourront être tenus comme des époux aux dettes contractées par un seul pour l’entretien du ménage en vertu de la théorie de l’apparence.
  • En cas de concubinage notoire, les pensions de réversion, l’allocation veuvage, la pension alimentaire, le droit au bail dont un veuf ou un divorcé bénéficiait cesseront (article 283 et 285-1 du Code Civil).
  • La situation de chaque concubin pourra être appréciée en fonction des ressources des deux.

Section III : La preuve de concubinage

Comme il s’agit d’un fait juridique, le concubinage peut se prouver par tous moyens, non seulement par les tiers qui souhaitent opposer leur situation, aux concubins eux-mêmes qui entendent se prévaloir de cette situation. La preuve de concubinage peut être rapportée directement devant l’autorité ou l’administration qui la réclame par le biais de déclarations sur l’honneur, de production de RIB, quittances ou de témoignages.