Da mihi factum, tibi dabo jus: Donne-moi le fait, je te donnerai le droit

Les rôles respectifs des parties et du juge au regard du fait 

Conception classique du principe dispositif concerne aussi les faits (et pas seulement l’objet du litige) 

Da mihi factum, tibi dabo jus : donne-moi les faits, je te donne le droit 

ATTENTION : conception classique : seuls les faits introduis par les parties devraient être pris en compte par le juge pour fonder sa décision. 

Analyse conduit à tempérer la portée d’une telle présentation 

  

La charge, pour les parties, de l’allégation du fait 

La notion d’allégation des faits et sa charge 

 Article 6 CODE DE PROCÉDURE CIVILE «  à l’appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d’alléguer les faits propres à les fonder » 

Alléguer un fait = prétendre qu’il existe 

Ex : demande d’une condamnation à des DOMMAGES & INTÉRETS -> repose sur l’allégation d’un comportement du prétendu responsable susceptible d’être générateur de responsabilité + sur l’allégation d’un préjudice 

ATTENTION : ne s’agit pas à ce stade de savoir si l’allégation est étayée 

ATTENTION : Certains faits sont spécialement invoqués tandis que d’autres sont « simplement dans le débat ». 

Le fait spécialement allégué est celui sur lequel les parties s’appuient particulièrement pour l’articuler dans un moyen. 

Article 7 al 2 CODE DE PROCÉDURE CIVILE « parmi les éléments du débat, le juge peut prendre en considération même les faits que les parties n’auraient pas spécialement invoqués au soutien de leurs prétentions » 

  

Les parties ont le libre choix des faits susceptibles de fonder leurs prétentions parce que ce sont des éléments de leur vie personnelle, de leur vie familiale, de leur activité professionnelle… = possible de ne dévoiler que ce qu’elles estiment opportun 

Article 7 al 1 CODE DE PROCÉDURE CIVILE « le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat » 

= juge ne peut pas faire état de la connaissance personnelle qu’il aurait de certains faits (ATTENTION : ce n’est tant la connaissance personnelle du juge qui est contestée que le fait qu’elle soit introduite sans discussion avec les parties) 

  

Formule jurisprudentielle « le juge ne peut fonder sa prétention sur des faits qui ne sont pas dans le débat » 

Question : Qu’est ce qui permet de savoir si un fait est dans le débat ? 

Faits qui n’y ont pas été introduit par les parties ? Faits révélés à la suite de mesures d’instruction légalement admissibles sont-ils dans les débat quand bien même ils n’y ont pas été introduits par les parties ? 

-> vrai débat doctrinal : le juge est-il un serviteur des parties ou de la loi ? 

  

La distinction entre allégation et preuve des faits 

  1. La preuve des faits, charge des parties

Alléguer un fait ne signifie pas que celui-ci est réel-> il faut le prouver 

9 CODE DE PROCÉDURE CIVILE : « il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention » 

Preuve des faits= charge pesant sur les parties = obligation de chercher activement les faits qu’elles allèguent 

  1. La licéité de la preuve

9 CODE DE PROCÉDURE CIVILE : les faits, dans le cadre du procès civil doivent être prouvés conformément à la loi 

= la preuve illicite ou illégale est inadmissible ou irrecevable 

Ex : courriels adressés ou reçus par le salarié et identifiés comme personnels ne peuvent pas être consulté sans la présence du salarié et utilisé lors d’un procès  

  

Existe des « règles spéciales »  dans certains domaines notamment en matière de divorce -> tout élément de preuve est accepté sauf celui obtenu par la violence ou la fraude 

Ex : utilisation de SMS reçus par le mari d’une épouse demandant le divorce : le simple fait d’y avoir accédé ne caractérise pas une violence ou une fraude. 

  

Question de la loyauté de la preuve : une preuve peut être jugée irrecevable parce qu’elle aura été obtenue de façon déloyale 

Illustration jurisprudentielle : Cour de cassation 7 octobre 2004 « l’enregistrement d’une conversation téléphonique privée, effectué et conservé à l’insu de l’auteur des propos invoqués, est un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue »  

  

  1. La théorie du fait constant (le fait non discuté)

Cour de cassation de manière constante et claire a jugé que le juge n’est pas tenu de considérer que les faits allégués sont établis au seul motif qu’ils n’ont pas été expressément contestés 

« Le silence opposé à l’affirmation d’un fait ne vaut pas, à lui seul, reconnaissance de ce fait » Cour de cassation 18 avril 2000 

= il n’est pas interdit à un juge d’en déduire que le fait contesté existe bel et bien  

Mais le silence d’une partie ne doit pas être considéré comme un aveu 

= On ne peut pas obliger un juge à tenir pour acquis un fait simplement parce qu’il n’a pas été contesté par la partie adverse, ce fait pouvant être mis en cause par des éléments objectifs tirés du dossier même dans le silence de la partie en question. 

  

Le rôle « complémentaire » du juge s’agissant des faits 

Article 10 CODE DE PROCÉDURE CIVILE « le juge a le pouvoir d’ordonner d’office toutes les mesures d’instruction légalement admissibles » 

= juge n’est pas étranger à la vérification de la justesse ou de la véracité des faits allégués 

  

« Le juge peut inviter les parties à lui fournir des explications de fait qu’il estime nécessaires à la solution du litige » (article 8 CODE DE PROCÉDURE CIVILE) 

= permet de provoquer de la part des parties l’introduction dans le débat de faits qui en étaient jusqu’alors absents et qu’il considère comme nécessaires à sa compréhension des prétention et à l’issue qu’il convient de leur donner. 

ATTENTION : n’autorise pas le juge à introduire lui-même des faits dans le débat 

Pouvoir à relativiser : 

è Il porte sur les faits qui ont été allégués par les parties même non spécialement 

è Le juge ne peut qu’ « inviter » les parties à fournir des explications = pas de caractère particulièrement contraignant 

  

L’appui possible sur les faits adventices 

  1. La notion de faits adventices

Article 7 al 2 CODE DE PROCÉDURE CIVILE « parmi les éléments du débat, le juge peut prendre en considération même les faits que les parties n’auraient pas spécialement invoqués au soutien de leurs prétentions » 

ATTENTION : interdit au juge de fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat mais lui permet de prendre en considération, parmi les éléments du débat, les faits que les parties n’auraient pas spécialement invoqués au soutien de leurs prétentions. 

= éléments involontairement omis ou sciemment éludés  

Faits qualifiés d’adventices par Henri Motulsky « circonstances de fait qui n’ont pas été invoquées au soutien de la demande, mais simplement signalées d’une manière accidentelle » 

  

ATTENTION : ce texte ne pose pas une dérogation à l’Article 7 al 1 mais une précision 

ATTENTION : certains auteurs estiment que les faits qui peuvent être portés à la connaissance du juge par « les événements de la procédure » peuvent être pris en considération, en ce qu’ils ne résultent pas d’une recherche personnelle du juge. 

  

  1. Une simple faculté pour le juge

La prise en considération des faits « adventices » n’est qu’une faculté pour le juge (= pas d’obligation) 

Principe dans la Jurisprudence : juge ne peux se fonder sur des faits adventices que pour autant qu’il applique et respecte le principe du contradictoire 

  

La production forcée de pièces (11 CODE DE PROCÉDURE CIVILE) 

Article 10 Code civil « chacun est tenu d’apporter son concours à la justice en vue de la manifestation de la vérité » 

= n’existe plus de réelle opposition au principe selon lequel une partie pourrait être tenue de produire une pièce contre soi 

Article 11 CODE DE PROCÉDURE CIVILE : éléments principaux 

          La production d’une pièce ne peut pas être ordonnée d’office par le juge et elle doit donc être demandée par une partie au procès 

          La demande en question doit indiquer de façon précise les pièces dont la production est demandée 

          La demande est présentée sans forme particulière au juge qui dispose d’un pouvoir discrétionnaire d’appréciation sur l’opportunité d’ordonner la production 

          La décision d’ordonner la production d’une pièce peut concerner un tiers, et elle peut être assortie d’une astreinte 

  

Les mesures d’instruction (143 et s. CODE DE PROCÉDURE CIVILE) 

  1. La notion

Article 10 CODE DE PROCÉDURE CIVILE « le juge a le pouvoir d’ordonner d’office toutes les mesures d’instruction légalement admissibles » 

Article 11 CODE DE PROCÉDURE CIVILE « les parties sont tenues d’apporter leur concours aux mesures d’instruction sauf au juge à tirer toute conséquence d’une abstention ou d’un refus » 

 Le juge peut ordonner une mesure d’instruction de sa propre initiative (ATTENTION : simple faculté) 

Article 143 CODE DE PROCÉDURE CIVILE « les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d’office, être l’objet de toute mesure d’instruction légalement admissible » 

  

Article 10/6/7 CODE DE PROCÉDURE CIVILE : Doctrine : le juge ne pouvant faire entrer des faits nouveaux dans le débat, la mesure d’instruction ne peut porter que sur des faits déjà allégués 

Il n’est pas absolument exclu que le juge puisse faire entrer des faits nouveaux dans le débat par son pouvoir de l’Article 10, mais l’entrée ne peut être directe, en ce sens qu’elle suppose une discussion des parties, avec le juge, sur ces fait et la volonté d’au moins une partie de reprendre ces faits à son compte. 

  

Article 146 CODE DE PROCÉDURE CIVILE : une mesure d’instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l’allègue ne dispose pas d’éléments suffisants pour le prouver 

 ATTENTION : quelle que soit la mesure d’instruction ordonnée, elle aura souvent pour effet de porter à la connaissance du juge et des parties des faits nouveaux. 

 

  1. La diversité des mesures d’instruction pouvant être prononcées

 Distinction fondamentale 

Les mesures d’instruction pouvant être prononcées au cours du procès 

Ex : 

          Prendre « une connaissance personnelle des faits litigieux […] en se transportant si besoin sur les lieux » 

          Désigner un expert/technicien 

          Mener une enquête 

          Entendre toute autre personne dont l’audition lui paraît utile à la manifestation de la vérité 

  

Les mesures d’instruction in futurum (145 CODE DE PROCÉDURE CIVILE) 

145 CODE DE PROCÉDURE CIVILE « s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de fait dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissible peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé » 

Dispositif très important en pratique 

   

Point importants : 

          La demande est formée « avant tout procès » et avant même qu’il soit certain qu’un litige naîtra : c’est une forme d’action préventive ou conservatoire qui permet précisément au demandeur de mieux connaître sa situation et donc de savoir s’il entendra intenter ou non un procès 

          La prescription est suspendue jusqu’à l’exécution de la mesure si le juge accueille la demande 

          Ne suppose pas une condition d’urgence mais simplement l’existence d’un intérêt légitime qui résulte soit d’éviter le dépérissement des preuves ou d’être mieux à même d’apprécier les chances de succès d’un éventuel procès 

          Les mesures demandées doivent être légalement admissibles.  

  

Jurisprudence :  

« Les salariés justifiaient d’un motif légitime à obtenir la communication de documents nécessaires à la protection de leurs droits, dont seul l’employeur disposait et qu’il refusait de communiquer » 

« En l’absence de preuve du motif légitime justifiant le recours à une mesure d’instruction avant tout procès au jour où le juge y avait fait droit, les ordonnances devaient être rétractées »  

  

  1. Les principes gouvernant les mesures d’instruction (en principe durant le procès)

Les circonstances justifiant la mesure d’instruction 

143 CODE DE PROCÉDURE CIVILE « les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d’office, être l’objet de toute mesure d’instruction légalement admissible » 

ATTENTION : le recours à des mesures d’instruction est encadré : 

          Le juge peut d’office décider d’ordonner une mesure d’instruction = les parties n’ont pas un monopole sur la preuve des faits 

          La preuve susceptible d’être caractérisée par la mesure d’instruction doit être légalement admissible 

          L’offre de preuve doit être pertinente 

          Il faut « que le juge ne dispose pas d’éléments suffisants pour statuer » (144 CODE DE PROCÉDURE CIVILE) sans quoi la mesure serait superflue et « en aucun cas une mesure d’instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l’administration de la preuve » 

  

On constate que le juge est actif dans la collecte des preuves 

ATTENTION : il doit toujours respecter l’objet du litige et le principe du contradictoire (sauf champ de l’17 CODE DE PROCÉDURE CIVILE) 

  

La décision ordonnant la mesure d’instruction 

Article 147 CODE DE PROCÉDURE CIVILE : règlant le choix de la mesure d’instruction « le juge doit limiter le choix de la mesure à ce qui est suffisant pour la solution du litige, en s’attachant à retenir ce qui est le plus simple et le moins onéreux » 

Article 148 CODE DE PROCÉDURE CIVILE : « le juge peut conjuguer plusieurs mesures d’instruction […] et, à tout moment et même en cours d’exécution, décider de joindre toute autre mesure nécessaire à celles qui ont déjà été ordonnées » 

Article 149 CODE DE PROCÉDURE CIVILE : « le juge peut à tout moment accroître ou restreindre l’étendue des mesures prescrites » 

Article 150 CODE DE PROCÉDURE CIVILE : «  la décision qui ordonne ou modifie une mesure d’instruction n’est pas susceptible d’opposition ; elle ne peut être frappée d’appel ou de pourvoi en cassation indépendamment du jugement sur le fond que dans les cas spécifiés par la loi. Il en est de même de la décision qui refuse d’ordonner ou de modifier une mesure ».

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