LA SAISINE DE LA JURIDICTION COMPÉTENTE : les demandes en justice
Section 1 : La diversité des demandes en justice
Sous-section 1 : La demande initiale
CODE DE PROCÉDURE CIVILE : définition -> demande initiale = celle par laquelle un plaideur prend l’initiative d’un procès en soumettant au juge ses prétentions
= elle introduit l’instance
- Fiche de Procédure Civile
- Les conditions de l’action en justice
- L’action en justice : définition et classification
- La détermination de la juridiction compétente
- La saisine de la juridiction compétente : demandes en justice
- Les demandes incidentes
- Les différentes exceptions de procédure : définition, régime
Demande principale : celle faite à titre principal
Demande subsidiaire : en cas d’échec de la première prétention
ATTENTION : les juges ne doivent se prononcer que sur ce qui leur est demandé
Professeur Jacques Normand : « le juge doit se plier à la volonté du justiciable, maître de sa stratégie, et respecter l’ordre dans lequel il entend que ses prétentions soient examinées »
Professeur Georges Bolard -> dispense le juge, s’il admet la première, d’examiner la seconde, émise seulement « pour le cas où la première serait rejetée »
Ces solutions semblent être consacrées par la Cour de Cassation.
Cumul de plusieurs demandes :
Le demandeur peut juxtaposer différentes prétentions
Les différentes formes de la demande initiale
La diversité des différentes formes de demande
Origine de la diversité des formes de demande initiale :
– la fonction de la demande initiale peut conditionner la forme de l’acte instrumentaire qu’elle doit emprunter
– en matière contentieuse la forme de la demande varie selon la juridiction destinée à être saisir
- Assignation
= acte d’huissier de justice par lequel le demandeur cite son adversaire à comparaître devant le juge
Doit comporter différentes mentions à titre :
– à titre d’acte d’huissier de justice
– en tant que forme d’une demande initiale
- La requête conjointe
= acte commun par lequel les parties soumettent au juge leurs prétentions respectives, les points sur lesquels elles sont en désaccord ainsi que leurs moyens respectifs
ATTENTION : suppose un accord des parties :
– Sur la saisine commune d’une juridiction
– Sur la rédaction de la requête conjointe
- Requête unilatérale ou déclaration
= acte par lequel le demandeur saisit la juridiction sans que son adversaire en ait été préalablement informé
Doit contenir diverses mentions à peine de nullité
- Présentation volontaire des parties
Exceptionnellement admise comme forme d’introduction d’instance
Formalisée par la rédaction d’un acte constatant l’accord des litigants
La présentation particulière de l’assignation
Utilisée uniquement en matière contentieuse
Mode de saisine de droit commun de certaines juridictions civiles de 1er degré (TGI, Tribunal de commerce, Tribunal d’Instance, juge de proximité)
Cour de Cassation l’interdit pour le tribunal paritaire des baux ruraux
- Rédaction de l’assignation
Doit comporter un certain nombre de mentions à peine de nullité pour vice de forme
Exigences en tant qu’acte d’huissier
Article 648 CODE DE PROCÉDURE CIVILE
Mentions prescrites à peine de nullité
Identification complète du demandeur-> Cour de Cassation assignation délivrée au nom d’une personne décédée est entachée d’une nullité de fond qui ne peut être couverte par la reprise de l’instance par les héritiers
Personne morale-> Cour de Cassation le défaut de désignation de l’organe représentant, lorsque cette mention est prévue à peine de nullité, n’est qu’un vice de forme.
Exigences de la convocation en justice
Énumérées à l’Article 56 CODE DE PROCÉDURE CIVILE
= assignation doit donner à l’adversaire toutes les informations qui lui sont nécessaires pour permettre d’organiser sa défense
Sanction : nullité pour vice de forme (ATTENTION : ce qui suppose la preuve d’un grief)
Avant le décret du 28 décembre 1998 : demandeur ne développait que des arguments de fait dans son assignation
Aujourd’hui : l’Article 56 CODE DE PROCÉDURE CIVILE impose aux parties qu’elles formulent expressément leurs moyens de droit
Assignation vaut conclusion = double finalité de l’assignation :
– Permet au défendeur de connaître exactement les prétentions du demandeur
– Pernet au tribunal de trancher le litige sur cette seule base si le défendeur ne comparaît pas
Cour de Cassation : la simple demande de donner acte de la réserve de formuler ultérieurement ses prétentions ne constitue pas une demande en justice tendant à ce que soit tranché un point litigieux
Assignation comprend aussi : l’indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée
Sanction-> Cour de Cassation estime que cette obligation n’est assortie d’aucune sanction (ATTENTION : les juges du fond en décide parfois autrement)
Mentions spécifiques selon les tribunaux
Devant le TGI : assignation à comparaître doit mentionner la constitution d’avocat du demandeur
Devant le T.com : « lieu, jour et heure de l’audience à laquelle l’affaire sera appelé »
T.com/ Tribunal d’Instance : c’est le demandeur qui va choisir la date de l’audience (sous réserve du respect de certains délais)
- Formalités post-rédactionnelles
Signification de l’assignation
Signification= notification faite par acte d’huissier
Principe : contribue à assurer que le défendeur reçoive l’assignation et connaisse ainsi le procès qui lui est intenté et puisse s’organiser
Article 653 CODE DE PROCÉDURE CIVILE : peut opérer sur support papier ou par voie électronique
Principe : signification à personne
Personne morale-> délivré à son représentant légal, à un fondé de pouvoir de ce dernier, ou à toute autre personne habilitée à cet effet
Si l’huissier n’arrive pas à signifier l’acte à personne au lieu où est établie la société, l’huissier pourra signifier à la personne d’un représentant légal de la société en n’importe quel lieu, sans y être tenu (= peut s’en tenir à une signification à domicile ou à défaut, à une notification par dépôt en son étude)
Personne physique-> notification faites au lieu où demeure le destinataire, mais si la notification est faite à personne, elle est valable quel que soit le lieu où elle est délivré y compris le lieu de travail
Signification à son domicile par remise de l’acte à une tierce personne
Article 655 CODE DE PROCÉDURE CIVILE : à défaut de pouvoir signifier à personne, l’huissier procède à une signification à domicile soit, à défaut de domicile connu, à résidence
= peut remettre le document à toute personne présente au domicile ou à la résidence du destinataire à conditions que la « la personne présente l’accepte et déclare ses nom, prénoms et qualité »
ATTENTION : remise du document à une personne non présente dans le logement du destinataire (ex : voisin) : impossible
CODE DE PROCÉDURE CIVILE impose une explication de la part de l’huissier= ne peut pas se contenter de cocher une case correspondant à une phrase déjà établie qui indique sans aucune précision que la signification de l’acte à personne s’est avéré impossible (Cour de Cassation 18/12/1996)
CODE DE PROCÉDURE CIVILE impose à l’huissier de laisser un avis de passage daté l’avertissant de la remise de la copie et mentionnant la nature de l’acte, le nom du requérant ainsi que les indications relatives à la personne à laquelle la copie a été remise.
Signification à domicile par dépôt de l’acte en étude de l’huissier
Avant le décret du 28 décembre 2005 : copie de l’acte devait être déposée en mairie
Aujourd’hui : Article 655 CODE DE PROCÉDURE CIVILE :
Si destinataire demeure bien à l’adresse indiqué-> avis de passage mentionnant que la copie de l’acte doit être retirée dans le plus bref délai à l’étude de l’huissier de justice
Copie de l’acte conservée 3 mois à l’étude : passé ce délai, l’huissier de justice en est déchargé
Signification par PV de recherche infructueuse
Cas où la personne visée n’a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus
Signification de l’acte-> à la dernière adresse connu
ATTENTION : L’huissier doit dresser un PV pour relater avec précision les diligences accomplies pour rechercher le destinataire de l’acte
Remise au greffe de la juridiction
Article 55 CODE DE PROCÉDURE CIVILE : assignation permet de citer son adversaire en justice = ne saisit pas par elle-même le tribunal.
L’assignation doit être remise au greffe de la juridiction qui doit intervenir (émane de la partie la + diligente)
S’ensuit la mise au rôle= formalité qui consiste à constater la remise de l’assignation dans le répertoire général tenu par le greffe
ATTENTION : Seule la mise au rôle « saisit » effectivement le tribunal, au sens propre du terme.
Saisine du TGI/ TI/ T.com : remise au greffe d’une copie de l’assignation
ATTENTION : Article 757 CODE DE PROCÉDURE CIVILE : remise au greffe du TGI doit intervenir dans les 4 mois qui suivent la délivrance de l’acte introductif d’instance à peine de caducité
T.com : remise doit avoir lieu au + tard 8 jours avant l’audience-> caducité
Sous-section 2 : Les demandes incidentes
L’expression demande incidente désigne toute demande qui n’ouvre pas l’instance (contrairement à une assignation ou une requête) mais qui intervient au cours d’un procès déjà engagé.
Pour être recevable les demandes incidentes doivent se rattacher aux prétentions originaires par un lien suffisant.
- si elle émane du demandeur, on parle de demande additionnelle : la demande est nouvelle mais elle doit être connexe à la demande initiale.
- si elle émane du défendeur, on parle de demande reconventionnelle : le défendeur présente des moyens de défense et attaque à son tour en formulant des demandes contre celui qui a introduit l’instance.
- si elle émane d’un tiers, on parle d’intervention volontaire : le tiers accepte d’intervenir dans une procédure en cours.
- si elle est dirigée contre un tiers, on parle d’intervention forcée : le demandeur ou le défendeur, décide de mettre en cause un tiers dans le cadre d’une procédure en cours.
Section 2 : Les effets juridiques de la demande en justice
Sous-section 1 : Introduction de l’instance et saisine du juge par la demande initiale
Présentation générale de la question
CODE DE PROCÉDURE CIVILE invite à distinguer la demande en justice de l’acte par lequel le juge est effectivement saisi de cette demande (l’acte de saisine)
2 cas :
- a) L’introduction de la demande (signification de l’assignation) est matériellement et temporellement distincte de la saisine de la juridiction (enrôlement de l’assignation = remise au greffe de la juridiction d’une copie)
- b) Possible concordance de temps lorsque la demande est formée par présentation volontaire des parties devant le juge
ATTENTION : Il faut noter que devant certaines juridictions d’exception et devant la CA, le début de l’instance et la saisine du juge sont concomitantes, car c’est une déclaration au greffe qui forme la demande en même temps qu’elle saisit la juridiction.
Illustration des enjeux attachés à la question
Ex : En matière de divorce Cour de Cassation 4 mai 2010
Pour les divorces qui ne résultent pas d’un consentement mutuel, 2 phases :
– Phase de conciliation
– Instance
La date d’introduction de l’instance doit-t-elle s’entendre de la date d’assignation en divorce ou de la date de la remise au greffe de la copie de celle-ci ?
Cour de Cassation -> lorsqu’une demande est présentée par assignation, la date d’introduction de l’instance doit d’entendre de la date de cette assignation, à condition qu’elle soit remise au secrétariat-greffe
Sous-section 2 : Autres effets des demandes
L’interruption de la prescription
Article 2241 Code civil : « la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.
Il en est de même lorsqu’elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l’acte de saisine de la juridiction est annulé par l’effet d’un vice de procédure ».
ATTENTION : ne vaut que dans des conditions exclusives de toute mauvaise foi du demandeur
Article 2242 Code civil : l’interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu’à l’extinction de l’instance
La demande en justice opère mise en demeure
Article 1139 du code civil: mise en demeure peut être provoquée par « une sommation ou par autre acte équivalent »
Tous les actes plus menaçants qu’une simple sommation peuvent donc en tenir lieu (donc les demandes en justice)
Différents effets :
Créancier qui assigne son cocontractant : dispensé de l’obligation de mettre préalablement le débiteur en demeure d’exécuter son obligation
Défendeur qui devait délivrer un corps certain : la chose devient à ses risques
Principe : En cette qualité de mise en demeure, la demande en justice est également susceptible de faire courir les intérêts moratoires