Dissolution et liquidation de la Société Anonyme en Belgique

La dissolution et la liquidation de la société anonyme en droit belge

Les sociétés anonymes sont constituées pour une durée illimitée. La dissolution, le plus souvent volontaire, cristallise le moment à partir duquel commence le processus devant conduire à la disparition de la personnalité juridique et de la société elle-même.

La liquidation correspond à la période allant de la dissolution à cette disparition. Elle a pour but de réaliser les actifs, en vue de payer les dettes sociales et de répartir le surplus entre les associés.

  • Les hypothèses de dissolution

La dissolution interviendra de plein droitdans les cas suivants :

– par expiration du terme, si un terme a été prévu dans les statuts et qu’aucune prorogation n’a été décidée avant l’expiration dudit terme ;

– par extinction de la chose : on songe à l’impossibilité de poursuivre l’objet social (épuisement d’une carrière dont l’exploitation constituait le seul objet de la société, interdiction légale de la société, etc.) ;

– par clôture d’une faillite non excusable, la clôture de liquidation est alors immédiate.

La dissolution volontaire résulte quant à elle d’une décision de l’assemblée générale, prise comme en matière de modification des statuts, d’où la nécessité d’une convocation spéciale, de la majorité spéciale et d’un acte authentique. Par exception, si l’actif net est réduit à un montant inférieur au quart du capital social, la dissolution est acquise si elle est approuvée par le quart des voix émise à l’assemblée générale. Un autre cas particulier est celui de l’assemblée amenée à délibérer de la dissolution sur convocation du commissaire agissant sur ordre du tribunal de commerce. On peut également songer à la dissolution qui fait suite à une décision de fusion, si la société est l’absorbée, ou de scission.

La dissolution judiciaire résulte d’une intervention du tribunal, qui peut être saisi :

– pour justes motifs : les justes motifs, laissés à l’appréciation du juge, résulteront du non respect par un associé des ses obligations, de différends graves et persistants entre associés, ou plus généralement de toute circonstance qui empêche irrémédiablement la réalisation de l’objet social ;

– pour actif net inférieur au montant minimal du capital d’une société anonyme ;

– pour inactivité prolongée, entendue au sens de non-dépôt des comptes annuels pour trois exercices consécutifs ;

– pour violations des dispositions spécifiques relatives à la finalité sociale éventuelle.

Au carrefour des dissolutions de plein droit et judiciaire, il y a la dissolution en tant que peine susceptible de sanctionner un délit ou un crime commis par une personne morale.

On rappellera enfin que la nullité, qui doit nécessairement résulter d’une décision judiciaire et pas seulement d’une transaction, entraîne la liquidation, à l’instar d’une dissolution proprement dite. La nullité ne porte pas atteinte par elle-même à la validité des engagements pris par ou envers la société.

Qu’il s’agisse d’une dissolution ou d’une nullité, elle devra être publiée aux annexes du Moniteur belge.

  • La procédure préalable à la dissolution volontaire

En vue d’éclairer l’assemblée générale appelée à statuer sur la dissolution autant que les futurs liquidateurs, la loi exige un rapport justificatif de l’organe de gestion, une situation active et passive de la société ne remontant pas à plus de 3 mois, ainsi qu’un rapport de contrôle de cette situation émanant du commissaire ou, à défaut, d’un reviseur d’entreprises ou d’un expert-comptable externe.

Le respect de cette procédure sera assuré du fait de l’intervention d’un notaire, qui refusera le cas échéant d’instrumenter.

Lors de l’assemblée générale appelée à délibérer de la dissolution, il ne sera en principe pas possible de voter la décharge aux administrateurs.

Peut-on imaginer que l’assemblée générale décide la dissolution, sans proposition préalable du conseil d’administration en ce sens ? Normalement, non, car elle ne peut, particulièrement en matière de modification aux statuts, délibérer que sur les points portés à son ordre du jour. En outre, un acte authentique est nécessaire.

  • Effets de la dissolution

La personnalité juridique subsiste, pour les besoins de la liquidation. Celle-ci a pour but de réaliser les actifs, rembourser les dettes et répartir le solde éventuel entre les associés.

Le mandat des administrateurs prend fin, mais non celui de l’éventuel commissaire.

Un ou plusieurs liquidateurs entrent en fonction. Ils sont nommés par l’assemblée générale ou éventuellement par le tribunal. Le reviseur d’entreprises ou l’expert-comptable chargé du contrôle du rapport de pré liquidation peut être nommé liquidateur.

A défaut de nomination, notamment dans le cas de dissolution de plein droit, les administrateurs remplissent les fonctions de liquidateurs A L’ÉGARD DES TIERS.

Dès la dissolution, les créanciers de la société dissoute subissent la loi du concours, avec les conséquences suivantes :

– les saisies et autres poursuites individuelles des créanciers chirographaires peuvent être suspendues par le juge des saisies, si elles sont susceptibles de porter préjudice aux droits égaux d’autres créanciers ;

– pour le calcul des « dividendes » à attribuer aux créanciers en cas de liquidation déficitaire, le cours des intérêts est arrêté ;

– les créances à terme deviennent immédiatement exigibles ;

– la compensation DEVIENT impossible ;

– le vendeur impayé d’objets mobiliers livrés perd son privilège ainsi que le droit d’agir en résolution ;

– en cas d’insuffisance d’actif pour payer les dettes, les créanciers privilégiés seront payés par priorité, dans l’ordre de leurs privilèges respectifs, et le solde sera réparti entre les créanciers chirographaires ;

– la société reste le cas échéant commerçante, et donc susceptible de faillite. La loi précise que la faillite d’une personne morale dissoute peut être déclarée jusqu’à 6 mois après la clôture de la liquidation et permet au tribunal de faire remonter la datede la cessation de paiement, au besoin, jusqu’au jour de la décision de dissolution. Comme la dissolution débouchera généralement sur une interruption persistante de paiements ; la faillite ne pourra raisonnablement être évitée, en cas de liquidation apparemment déficitaire, qu’en accord avec les créanciers dont la créance est exigible, mais il n’y a pas d’ébranlement du crédit, dans la mesure de la confiance octroyée au liquidateur. « Le crédit de la société commerciale en liquidation dépend aussi de l’efficacité, de la compétence et de l’indépendance du liquidateur ».

Après la dissolution, la dénomination sociale ne pourra plus être modifiée et les décisions de transfert du siège social sont soumises à une homologation spéciale du tribunal de commerce.

  • Pouvoirs et responsabilités des liquidateurs

Sauf disposition contraire des statuts ou de l’acte de nomination, les liquidateurs disposent de plein droit des pouvoirs énumérés par le Code, et qui comprennent notamment le droit d’intenter et de soutenir toutes actions, de réaliser les valeurs mobilières, de transiger sur toutes contestations et d’appeler, en fonction des besoins de la liquidation et dans le respect de l’égalité des actionnaires, la partie non encore libérée du capital. Mais ils ne peuvent aliéner les immeubles que par vente publique, et si la vente est nécessaire pour payer les dettes sociales. L’achèvement d’opérations commencées, dont l’interruption pourrait exposer la société à des actions en responsabilité, est distincte de la poursuite des activités, et ne nécessite donc pas l’autorisation de l’assemblée générale.

Le Code insiste sur le caractère bipolaire de la responsabilité des liquidateurs : envers les tiers d’une part, et envers les actionnaires d’autre part.

Les actions contre eux, EN QUALITÉ DE DERNIER ORGANE de la société, se prescrivent par 5 ans à dater de la publication de la clôture de liquidation. Les actions intentées contre eux PERSONNELLEMENT se prescrivent également par 5 ans, mais à dater de la faute commise ou, si dol, à partir de sa découverte.

Vu l’importance de leurs responsabilités, on ne peut que conseiller aux liquidateurs, non seulement de s’assurer, mais aussi de ne pas hésiter à consigner les sommes qui paraissent, à la clôture de liquidation, susceptibles d’être réparties entre les actionnaires.

S’il y a plusieurs liquidateurs, ils forment en principe un collège, qui délibérera donc à l’instar du conseil d’administration. Par contre, la solidarité qui pèse sur les administrateurs pour la réparation des dommages résultant d’infractions au droit des sociétés ou aux statuts ne s’applique pas aux liquidateurs.

Les liquidateurs doivent établir chaque année des comptes annuelsde la société en liquidation, les soumettre à l’assemblée générale, mais non les faire approuver par elle, et les déposer à la Banque nationale de Belgique dans les 30 jours qui suivent l’assemblée. Les comptes annuels sont accompagnés d’un rapport sur les causes qui ont empêché la liquidation d’être terminée.

  • La clôture de liquidation

Dès que la liquidation est terminée, les liquidateurs soumettront à l’assemblée générale un rapport détaillé, appuyé par les pièces. Le commissaire éventuel procède au contrôle. A défaut, chaque actionnaire dispose d’un pouvoir individuel d’investigation, pour lequel il peut se faire assister d’un expert-comptable ou d’un reviseur d’entreprises.

Sur cette base, l’assemblée générale se prononce sur la décharge des liquidateurs et décide des modes de conservation pendant 5 ans des livres et documents sociaux. L’assemblée délibère sans condition spéciale de forme ou de quorum.

Il convient de mentionner quelques clôtures particulières, assez fréquentes en pratique :

– la reprise de tout l’actif et de tout le passif par l’actionnaire unique ;

– la reprise du passif par un actionnaire à concurrence de l’actif reçu ;

– la possibilité pour le tribunal de prononcer la clôture immédiate en cas de dissolution judiciaire pour non-dépôt persistant des comptes annuels ;

– l’assimilation de la clôture de la faillite non excusée d’une société à une clôture immédiate de liquidation.

Par ailleurs, une société en liquidation peut faire l’objet d’une absorption, tant qu’elle n’a pas encore commencé la répartition de ses actifs.