L’élément matériel de l’infraction de tromperie.
On va voir classiquement l’élément matériel et l’élément moral. L’un et l’autre de ces éléments font l’objet d’une interprétation large.
L’élément matériel se décompose en deux éléments: l’acte de tromperie et l’objet de cette tromperie.
- A) L’acte de tromperie.
- Cours de Droit pénal des affaires
- L’intention frauduleuse, l’élément moral de la faute de gestion
- L’acte du dirigeant contraire à l’intérêt social?
- La sanction et la réparation des fautes de gestion
- Les fautes de gestion des dirigeants contraires à l’intérêt social
- Le caractère trompeur des pratiques commerciales
- Qu’est ce que la pratique commerciale de l’article L121-2 ?
Qu’entend-on par tromperie au sens de l’article L213-1 du Code de la consommation ? C’est un terme fréquent en droit pénal, dans d’autres qualifications. Par exemple dans le cadre des pratiques commerciales trompeuses, en matière d’escroquerie. Cela peut donc désigner des infractions différentes. Mais parler de tromperie sans autres précisions, c’est parler de l’infraction de tromperie stricto sensu. Cette tromperie va recevoir une définition propre à cette incrimination, définition qui évoque à certains égards le Code civil. Elle a pour objet de donner au cocontractant ou à l’éventuel contractant une présentation erronée de la réalité. Donc, on évoque le dol ce qui écartée la qualification de tromperie lorsque l’acquéreur a demandé en toute connaissance de cause d’insérer dans le contrat des mentions fausses relatives à l’objet de la vente. Cela peut se produire pour des raisons d’ordre fiscal. Arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 3 septembre 2002 dit qu’il n’y a pas tromperie.
Quand donc un cocontractant sera victime ? Si on se reporte aux termes de l’article, on ne peut que constater leurs caractères imprécis. L’article L213-1 du Code de la consommation vise en effet, quiconque aura trompé ou tenté de tromper le cocontractant par quelques moyens ou procédé que ce soit ce qui donne toute latitude à la jurisprudence pour donner à la notion de tromperie une portée large. Il apparaît que l’acte de tromperie peut revêtir des formes diverses ce qui retenti sur la nature de l’infraction. En effet, selon la forme de la tromperie sera une infraction de commission ou une infraction d’omission.
1) Une tromperie par commission.
C’est donc la tromperie qui procède d’actes positifs qui eux-mêmes peuvent présenter une certaine diversité.
Il s’agit parfois de véritables manœuvres qui ont pour objet de modifier l’apparence de la réalité qui est présentée au contractant. Cela suppose une certaine mise en scène, une certaine ingéniosité puisqu’il y a de la part de l’auteur de la tromperie un mensonge élaboré, il ne se contente pas d’affirmer une contre vérité mais tente de donner une apparence, il cherche à altérer l’apparence des choses et la jurisprudence donne un certain nombre d’illustrations. Par exemple, un vendeur d’animaux de boucherie=>augmentation du poids des bêtes: assoiffer ces animaux en leur donnant du sel et les avait ensuite fait abondamment boire. Arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 29 octobre 1937. De façon plus contemporaine, il a été également jugé que commettait l’infraction de tromperie le vendeur de coquille Saint-Jacques qui les fait tremper dans l’eau pour augmenter leur volume, arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 31 mai 2005. On constate que ces formes de tromperie par modification de l’apparence des choses sont souvent commises dans la vente de véhicules d’occasion, en particuliers en cas de manipulation du compteur km. Par exemple, arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 16 mai 2006.
La tromperie peut consister en un simple mensonge. L’auteur va simplement affirmer le contraire de la réalité. Le mensonge peut être sous différentes formes (orale, écrite…). Si le mensonge est oral, difficulté de preuve mais peut constituer l’acte. C’est une manière plus simple de réaliser l’infraction, c’est une forme de tromperie qui parce qu’elle est facile, se rencontre souvent. Jurisprudence massive avec des domaines varié s: vente d’objet d’art, alimentaire…Evidemment, lorsque l’agent affirme une chose faute, c’est une façon de passer la réalité sous silence mais il se peut qu’il n’énonce rien de faux mais qu’il se taise sur un élément déterminent. Il s’agit alors d’une tromperie par omission, la réticence.
2) La tromperie par omission.
C’est une simple réticence, qui se trouve au diapason du code civil pour le dol. Si dès lors, le droit pénal sanctionne au titre de la tromperie le fait pour le vendeur d’avoir gardé le silence, cela révèle l’existence d’une obligation d’information que le code vise dans l’article L111-1 du Code de la consommation qui énonce une obligation générale sans sanctions. La tromperie est un moyen de sanction=>vendre une voiture d’occasion sans dire qu’elle avait été gravement endommagé, le fait de vendre des cosmétiques sans dire qu’elles contiennent des substances interdites par la loi, arrêt de la Cour d’appel de Paris de 2007. De même, ne pas mentionner un traitement chimique appliqué à des dentées alimentaires, arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 20 décembre 1988. Egalement, c’est cette tromperie qu’on retrouve pour l’affaire du sang contaminé : les personnes hémophiles n’étaient pas informé es des caractéristiques du sang.
- B) L’objet de la tromperie.
Article L213-1 du Code de la consommation établie une liste qui fait apparaître trois objets possibles de la tromperie :
– 1°) La tromperie peut porter sur la nature, l’espèce, l’origine les qualités substantielle, la composition, ou la teneur en principe utile de toutes marchandises.
– 2°) Elle peut porter également, sur la quantité des choses livré es ou sur leur identité par la livraison d’une marchandise autre que celle déterminée qui agit l’objet du contrat.
– 3°) Elle peut porter encore sur l’aptitude à l’emploi, les risques inhérents à utilisation du produit les contrôles effectuées, le modes d’emploi ou les précautions à prendre ».
C’est une liste limitative ce que révèle l’absence de l’adverbe notamment. Donc, un objet non visé par cet article ne peut être le siège d’une tromperie punissable. L’exemple classiquement donné de cet objet non prévu est précisément la valeur de la chose. Il est donc de jurisprudence constante que le fait de vendre une chose à une valeur supérieure à sa valeur réelle n’est pas en lui-même le délit de tromperie. La Cour de cassation la rappelé dans un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 25 octobre 1990. La Cour précise que cette vente n’est pas en elle-même constitutive : en effet, c’est seulement d’une façon directe que la tromperie ne peut être sanctionnée au sens de l’article L213-1 du Code de la consommation. En revanche, la valeur de la marchandise est un élément qui peut être prise en compte indirectement lorsque la tromperie porte sur une qualité substantielle qui a pu faire croire à l’acquéreur que la marchandises qu’il achète est de grande valeur et qu’en réalité, cette qualité fait défaut et que la valeur de la chose est en réalité dérisoire. Il s’agirait par exemple d’une tromperie qui consisterait à vendre un tableau comme un tableau de maître alors que c’est une copie. Cela peut se traduire par une différence de prix considérable : la tromperie peut être sanctionnée non du fait de la valeur mais du fait du mensonge sur la qualité de la chose. Si le bien est vendu sans aucune qualité particulière, l’acquéreur ne saurait se plaindre d’une tromperie au sens de l’article L213-1 du Code de la consommation. Cette exclusion faite, il reste que les objets sur lesquels peut porter la tromperie sont nombreux et variés et peuvent être regroupés en trois catégories: les qualités substantielles(1), la quantité ou l’identité de la chose (2) ou l’usage de la chose.
1) Les qualités substantielles de la chose.
La tromperie peut porter sur la nature, l’espèce, l’origine, les qualités substantielles, la composition, ou la teneur en principe utile de toutes marchandises. Les qualités substantielles ne représentent qu’un élément parmi les autres mais représente en pratique un élément plus important et le plus large. En effet, à bien y regarder, le législateur ne fait que décliner certaines des qualités substantielles, la nature et l’origine étant des qualités substantielles donc le critère apparaît comme un critère général que la jurisprudence a largement développé. Si on reprend cette première liste d’objet, on remarque que le législateur envisage :
– la nature de la chose : ce qui désigne l’ensemble des propriétés qui définissent une chose une marchandise, la jurisprudence dira par exemple que vendre de la margarine pour du beurre en est un exemple.
– sur l’espèce : sur ce point, peu de jurisprudence, elle se rapporte à l’espèce animale ou végétale.
– l’origine est quant à elle souvent l’objet de la tromperie. Il peut s’agir de l’origine géographique. Arrêt de la Cour d’appel de Bordeaux du 19 janvier 1999 a rappelé que constituait une tromperie sur l’origine le fait de vendre des truffes chinoises en les faisant passer pour des françaises. Ce peut être une fausse indication de provenance de la marchandise. Il existe sur ce point des dispositions spéciales que sont celles de l’article L217-1 du code de la consommation. Par exemple, en ce qui concerne le mode de fabrication. La tromperie sur l’origine peut être également la tromperie sur l’appellation d’origine : elle est définie dans le Code de la consommation à l’article L115-1 du Code de la consommation et désigne la dénomination d’un pays ou d’une région servant à désigner un produit avec certains caractères. Il est également question dans cette première catégorie de la tromperie sur la composition: ingrédients avec lesquels auraient été composées des denrées alimentaires.
– tromperie sur la teneur en principe utile, ce qui signifie que la chose ne présente pas les qualités qui lui permette de présenter toutes les qualités que pouvait en espérer l’acquéreur : affaire célèbre avec une livraison de graines de vers à soie qui étaient stérile donc l’obtention de fil de soie n’avait pas pu être réalisé, arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 4 février 1860.
Ces éléments peuvent être tous perçus comme des applications particulières de la tromperie sur les qualités substantielles, critères visés à l’article L213-1 du Code de la consommation, critère qui est plus large car la jurisprudence l’a considérablement développé au point d’en faire l’un des éléments principaux de la tromperie. On l’entend comme la qualité déterminante du consentement de la victime :
-une qualité subjective: La jurisprudence pénale en ce qui concerne la tromperie considère que cette qualité peut être subjective, en ce sens qu’elle est attendue d’une catégorie particulière de personne. L’illustration la plus classique porte sur la viande cacher. Par exemple, arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 4 mai 1971 : la qualité casher d’une viande peut être considérée comme constituant pour certains acheteurs une qualité substantielle de la marchandise vendue. Le délit sera constitué si une viande non cacher et vendue comme telle.
-une qualité objective: Le plus souvent dans la jurisprudence, il apparaît que la qualité substantielle, qui est déterminante du consentement est une qualité substantielle non pour une catégorie de personne mais pour l’ensemble des acheteurs, dans ce cas, la qualité devient objectivement substantielle en ce sens qu’on peut considérer que n’importe quel acheteur attend qu’elle présente cette caractéristique. Illustrations de la jurisprudence: on retrouve la question de la définition. Il faut procéder à une appréciation in abstracto pour déterminer ce qui va constituer un fond commun de qualité que toute personne à l’occasion d’un contrat donné, considère comme substantielle. Parfois, pas de souci : arrêt de la Cour d’appel de Paris 8 juin 2007 : le fait qu’un pain ou une pâtisserie ne soit pas composé avec de la farine mélangé à des produits souricides est une qualité essentielle. De même, l’authenticité d’un objet d’art: une personne qui fait l’acquisition d’un tableau d’é poque s’attend à ce que l’objet soit authentique. Mais, il y a des qualités substantielles objectives plus techniques: dès lors qu’une qualité que doit présenter un produit donné, est fixée par une réglementation, cette qualité constitue une qualité substantielle quand bien même le contractant n’en aurait pas conscience car il ignorerait cette réglementation. Notamment en matière alimentaire: règles sérieuses. Par exemple, il a été jugé que la mise sur le marché d’un produit non conforme à la réglementation qui en fixe la composition constitue l’élément maté riel du délit de tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise vendue. Arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 30 mars 1994.
2) La quantité ou l’identité de la chose.
Elle peut porter sur la quantité ou sur l’identité par la livraison d’une marchandise autre que la chose déterminée qui fait l’objet du contrat. La tromperie est alors commise au stade de l’exécution. La jurisprudence est nombreuse sur la quantité, moins sur l’identité. La tromperie sur le poids de la marchandise, sa taille. Pour l’identité, peu de jurisprudence, donc on donne souvent l’exemple de l’arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 8 octobre 1974 : un propriétaire de débit de boisson avait transvasé une bouteille de Pastis 51 et avait reversé le reste dans une bouteille de Ricard et servait ensuite comme du Ricard.
3) L’usage de la chose.
C’est le l’article L213-1 3°) du Code de la consommation qui précise qu’il peut y avoir tromperie sur l’aptitude à l’emploi, les risques inhérents à utilisation du produit les contrôles effectué es, le mode d’emploi ou les précautions à prendre. Cette catégorie est la plus récente, on la doit à la loi du 10 janvier 1978. Cela peut donner lieu à des applications différentes :
– pour l’inaptitude à l’emploi. Voiture d’occasion déjà immatriculée donc impossible d’obtenir une carte grise en France, arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 23 mai 1995. L’inaptitude peut également être d’ordre technique ce qu’illustre le fait de vendre une TV, sans préciser qu’elle n’est pas apte à recevoir canal +, arrêt de la Cour d’appel de Paris du 30 septembre 1995. De même éditeur de CDs dotés d’un système anti-copiage et qui les avait mis en vente en omettant d’informer les acheteurs sur les restrictions et en particuliers le fait qu’il n’était pas possible de les lire sur certains lecteurs.
Arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 30 septembre 2004. Les conséquences ne semblent pas graves.
– Il n’en est pas ainsi pour ce qui concerne les risques à la sécurité. Il y a tromperie lorsqu’une chose est vendue sans qu’elle soit conforme aux normes obligatoires en matière de sécurité. Risque d’accident : il a été jugé que la tromperie peut consister à vendre du maté riel électrique non conforme aux normes de sécurité. Egalement, beaucoup de jurisprudence sur les jouets don t certains importés de Chine ne sont pas conformes aux normes européennes, arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 7 avril 1999. Pour savoir la marchandise présente ce défaut, ce sont les juges du fond qui déterminent s’il y a ou non conformité à la norme qui est applicable aux dits produits. Ce peut être une appréciation très technique, difficile donc il y aura souvent des expertises. Egalement, tromperie sur le contrôle, pas seulement dans la cadre de la vente, tromperie sur les contrôles effectués dont se rend coupable le garagiste qui altère les résultats du contrôle technique de voiture, plusieurs arrêts de la Cour d’appel, arrêt de la Cour d’appel de Paris du 29 avril 1992.