L’imputabilité de la faute pénale
INCRIMINATION = élément moral + élément matériel.
Pour que ce blâme soit légitime, il ne suffit pas que la personne ait matériellement commis l’acte interdit par la loi pénale, il faut en plus que l’on porte un jugement de valeur sur sa conduite et qu’on estime que ce blâme est justifié : la personne est moralement condamnable d’avoir agi comme elle l’a fait.
Pour que l’élément moral existe, il faut que l’auteur jouisse de ses facultés mentales qu’elle ait commis une faute.
Imputer : relier un acte à une personne (du latin « mettre en compte »).
- Droit pénal
- La détermination matérielle des infractions pénales
- La règle « Nullum crimen, nulla poena sine lege »
- Quelles sont les conséquences du principe de légalité criminelle?
- Les différents types d’infractions pénales et leurs classifications
- La nécessité d’un texte d’incrimination en droit pénal
- Qu’est-ce que l’amnistie en droit pénal?
Section I. L’imputabilité de la personne physique
Pour qu’un acte puisse être imputé à une personne physique, il faut que la personne ait eu, au moment où elle agissait, son libre arbitre (faculté de comprendre et de vouloir).
- LE DISCERNEMENT
PAS D’IMPUTABILITÉ SI LE DISCERNEMENT EST ABOLI.
En revanche, cette imputabilité est caractérisée si on est en présence d’un individu dont les facultés ont été simplement obscurcies.
- 1. Le discernement aboli
= Discernement absent.
Cf. Article 122-1 Code Pénal : « Lorsque la personne physique était au moment des faits atteinte d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ».
- Les maladies mentales
L’article 122-1 renvoie directement à l’hypothèse de la maladie mentale.
– la démence
– la confusion mentale
– la paranoïa
– toutes les déficiences de l’intelligence, dès l’instant qu’elles sont suffisamment profondes pour que le discernement soit aboli (ex : la débilité profonde).
— CE TROUBLE doit avoir été CONTEMPORAIN de l’acte (« trouble au moment des faits ».
— Ce trouble, s’il est admis, VA ENTRAINER L’IRRESPONSABILITÉ PÉNALE DE L’INDIVIDU, qui sera constatée ou bien au stade de l’instruction, ou bien au stade du jugement.
— Stade de l’instruction.
Le malade bénéficiera de :
— Une ordonnance d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental (juge d’instruction) ;
— Un arrêt d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental (chambre d’instruction).
La juridiction relèvera 1) qu’il existe des charges suffisantes permettant de penser que la personne a bien commis l’infraction dont on l’accuse, 2) que le trouble mental est avéré, et 3) que sont nécessaires certaines des mesures de sureté (interdiction de détenir une arme, d’entrer en contact avec la victime…) |
— Stade du jugement.
— Tribunal correctionnel : jugement de déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.
— Tribunal de police : jugement de déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.
— Cour d’assises : arrêt de déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental ou acquittement.
— AU STADE DU JUGEMENT, la juridiction de jugement ne pourra prononcer que des mesures de sureté.
+ Possibilité d’ordonner l’hospitalisation d’office de l’individu (qui ne relève pas du droit pénal).
— LA RESPONSABILITÉ CIVILE DEMEURE : il serait injuste de ne pas réparer la victime parce que celui qui a commis le dommage était irresponsable.
Toute autre est la situation si ce trouble mental est apparu à un moment différent. Dès lors, l’article 122-1 cesse d’être applicable. Si l’individu avait le discernement au moment où il a agi et si un événement par la suite un événement a aboli son discernement : LES POURSUITES SERONT SUSPENDUES (l’instruction) OU LA PROCÉDURE SERA INTERROMPUE (jugement) quitte à ce qu’elle soit reprise par la suite en cas de guérison ultérieure. Si l’individu exécutant sa peine perd le discernement, de même la peine est interrompue et il est transféré dans un établissement de soins. = Même si l’individu est coupable des faits, il ne serait plus en état de comprendre la signification de cette peine.
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- Les autres causes
— Pour l’essentiel, LE CAS DE L’IVRESSE, DES STUPÉFIANTS, DES MÉDICAMENTS.
Normalement, l’individu devrait être déclaré pénalement irresponsable (l’article 122-1 ne fait aucune distinction selon les troubles).
Les juges distinguent la cause de l’ivresse :
— ivresse volontaire : un individu qui a ingéré/inhalé/ fumé consciemment des substances. RESPONSABILITÉ PÉNALE.
— ivresse accidentelle : un ouvrier qui a travaillé avec des produits chimiques qui l’ont rendu complètement ivre. IRRESPONSABILITÉ PÉNALE.
= La jurisprudence retient le critère de savoir si l’auteur a causé, par une faute antérieure, son défaut de discernement.
- 2. Le discernement obscurci
- La minorité
— LA MINORITÉ EST UNE SITUATION INTERMÉDIAIRE : l’individu a toujours conscience de ses actes mais n’en a pas une perception parfaite. = Le mineur a un discernement incomplet.
Cf. Article 122-8 Code Pénal renvoie à une ordonnance du 2 février 1945 (toujours en vigueur mais modifiée).
— Responsabilité civile : le mineur est responsable des conséquences de ses actes non délictueux comme délictueux.
— Responsabilité pénale : elle n’est admise que si le mineur a le discernement.
— CRITÈRES D’ÉVALUATION DU DISCERNEMENT du mineur au moment où il commet l’acte délictueux.
— Age du mineur
L’âge pivot est 10 ans.
— Mesures envisagées à l’égard du mineur
* La détermination du discernement se fait par expertise en France. Pas de gnognotte d’âge de raison.
1- Le cas du mineur de moins de dix ans
— S’il n’a pas de discernement, AUCUNE RÉPONSE PÉNALE à l’acte qu’il a commis : ni sanction éducative, ni peine (exclues pour un enfant si jeune, estimées déraisonnables par le législateur).
— S’il a le discernement, UNE SEULE SANCTION : des mesures éducatives.
— Admonestation (seule envisageable pour les contraventions)
— remise de l’enfant dans les mains d’une personne de confiance
— placement de l’enfant dans une institution spécialisée
— placement de l’enfant dans un internat pour mineurs délinquants
= Les juges sont arrivés à la conclusion que le mineur n’avait pas le discernement au moment de son acte, donc pas de responsabilité concevable. = Les juges sont arrivés à la conclusion que le mineur avait la faculté de discernement : toujours ni sanctions ni peines mais mesures éducatives. |
Ces mesures éducatives ne sont pas des sanctions pénales. La Cour de cassation a jugé, dans l’arrêt Ladoube (1956) dans lequel elle a jugé que, pour que ces mesures éducatives puissent être prononcées à l’encontre du mineur, il fallait encore que le mineur ait compris et voulu son acte. Si ce n’est pas le cas, LA SEULE RÉPONSE SERA DE NATURE PUREMENT CIVILE (mesure d’assistance éducative, prévue par le code civil).
2- Le mineur âgé de dix ans et plus
— Si LE MINEUR de 10 ans+ :
— le juge pourra prononcer à l’égard de ce mineur (déclaré coupable de l’infraction) des mesures éducatives.
— A titre exceptionnel, il pourra au surplus prononcer des sanctions éducatives :
– interdiction de paraître dans certains lieux
– interdiction d’entrer en relation avec la personne
– obligation de subir un stage de formation civique
* Les sanctions éducatives sont pénales et figurent au casier judiciaire.
— Pour le MINEUR de 13ans+ : le juge pourra encore au surplus prononcer une peine.
— Ces peines sont les mêmes que celles des majeurs (à l’exception de certaines qui sont inapplicables au mineur : interdiction de droits civiques et de famille).
— Mais la minorité est une cause d’atténuation de la peine :
— Obligatoire pour un mineur de 13-16 ans.
— Facultative pour un mineur 16 ans+
— Pour les peines privatives de liberté, en matière de crimes et délits :
— La peine maximale du mineur est celle du majeur divisée par deux.
— Pour la perpétuité, le maximum est 20 ans.
— Pour les amendes :
— Même mécanisme.
— La peine maximale ainsi divisée ne peut pas dépasser 7500 euros.
— Pour les contraventions, la minoration n’est prévue que pour celle de 5e classe (division par deux).
* Les mineurs sont assujettis à des règles propres en matière de récidive.
MAIS pour prononcer une peine ou une sanction éducative, le discernement n’est pas suffisant, « il faut encore que la personnalité du mineur l’exige », d’après la Cour de cassation. |
- L’altération des facultés intellectuelles et mentales
PB des demi-fous : personnes sous l’empire de troubles psychiques ou semi-psychiques qui altèrent ou obscurcissent le discernement mais ne l’abolissent pas.
— EN PRÉSENCE DE DEMI-FOLIE, les juges retiennent des circonstances atténuantes. Solution qui ne satisfaisait personne. La peine sera donc déterminer en fonction de cette circonstance.
— La codification nouvelle de 1992 n’a rien changé. Créer des établissements pour les demi-fous génèrerait trop de coûts. + La seule chose qui a été ajoutée par le code procédure pénale est qu’il faudra dans la mesure du possible affecter ces condamnés dans un établissement pénitentiaire adapté à leurs besoins.
- LA VOLONTÉ
PAS D’IMPUTABILITÉ SANS VOLONTÉ.
Cf. Article 122-2 : n’est pas pénalement responsable celui qui a agi sous l’empire d’une force ou d’une contrainte à laquelle il n’a pas pu résister.
- 1. La définition de la contrainte
La contrainte, abolissant la volonté, supprime la liberté de l’agent.
— Le Code Pénal EXIGE UN EVENEMENT IRRÉSISTIBLE, ôtant à l’agent toute faculté de choix (¹ état de nécessité). La contrainte entretient des liens étroits avec la notion de force majeure.
— Appréciation du caractère d’irrésistibilité.
— La jurisprudence l’admet avec parcimonie.
Une personne avait ouvert la nuit à des gangsters en cavale qui frappaient à sa porte. Menacé de mort, il avait du les laisser entrer. Cet homme se défend de l’accusation de recel de malfaiteurs, en disant qu’il n’avait pas d’autre choix, qu’il était sous la contrainte. LA COUR DE CASSATION A DIT NON. |
— La contrainte renvoie à une impossibilité absolue de respecter la loi : la simple difficulté de respecter la loi n’est pas une contrainte.
Le code pénal pourrait faire évoluer la jurisprudence vers moins de sévérité : il parle d’une « force à laquelle la personne n’a pas pu résister ». INDIQUE QUE L’IRRÉSISTIBILITÉ S’APPRÉCIE PAR RAPPORT À LA PERSONNE JUGÉE, et non par rapport au modèle de telle personne idéale. Code Pénal article 122-2 : appréciation in concreto. Jurisprudence : appréciation in abstracto. |
— DEUX TYPES DE CONTRAINTE
1° La contrainte physique : elle annihile la liberté de mouvement.
= externe : verglas…
2° La contrainte morale : elle annihile liberté de décision.
= interne : maladie…
— PEU IMPORTE LA CAUSE DE LA CONTRAINTE lorsqu’elle est physique. Elle est admise lorsqu’elle est morale pour des causes externes (menaces de blessures) mais elle ne l’est pas pour des causes internes (irruption de colère).
- 2. Effets de la contrainte
— CETTE CONTRAINTE doit être APPARUE AU MOMENT DE L’ACTE.
— Ici encore, les juges ont tendance à tenir compte d’une éventuelle faute de l’agent.
L’illustre un arrêt célèbre du marin déserteur. Un marin qui a passé de longs mois en mer, avec toutes les frustrations possibles et son navire accoste dans un port : le marin renoue avec les plaisirs terrestres, et va dans tous les bars qui se présentent à sa vue. Il devait revenir à telle heure quand le navire repart, à peine d’être considéré comme déserteur. Sur le chemin, il croise une brigade de gendarmes qui l’emmène ivre mort. Libéré mais trop tard, il est poursuivi pour désertion. LA COUR DE CASSATION A DIT QU’IL NE POUVAIT PAS ÉVOQUER LA CONTRAINTE, car la situation irrésistible dans laquelle il était venait de sa faute (la consommation abusive d’alcool). |
— ON EXIGE pour la contrainte L’IMPRÉVISIBILITÉ. Le juge se place non pas au moment des faits, mais à un moment antérieur pour apprécier la contrainte.
Section II.L’imputation de l’infraction à une personne morale
Notre système juridique consacre depuis le 1er mars 1994 la responsabilité pénale des personnes morales.
- 1. Domaine de cette imputation (doublement circonscrit)
- Quand aux personnes morales
— La responsabilité pénale peut être attribuée À TOUTE PERSONNE MORALE : association, société, commune… SAUF L’ÉTAT. Cf. Article 121-2.
— POUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES, une condition : l’infraction doit avoir été commise dans une activité de service public pouvant faire l’objet d’une délégation.
* Délégation de service public : un contrat administratif particulier par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d’un service public à un délégataire de service public (ex : délégation du ramassage des ordures à une entreprise).
- Quant aux infractions
— Mise en place du code pénal : SPÉCIALITÉ DE LA RESPONSABILITÉ. = cette imputation de la responsabilité pénale n’était valable qu’aux seules infractions pour lesquelles la loi le précisait.
— Réforme de 2004 : GÉNÉRALITÉ DE LA RESPONSABILITÉ.
= Les personnes morales ont pu se voir imputer toutes les infractions.
- 2. Conditions de cette imputation
L’article 121-2 du code pénal pose deux conditions.
— La personne morale n’est responsable que des infractions commises par ses organes ou représentants.
— organe : personne qui dirige cet organe.
Ex : Conseil municipal de la commune.
— représentant : notion plus incertaine.
La jurisprudence a considéré que le délégataire de pouvoir (celui qui a reçu de la part d’un organe une délégation de pouvoirs) n’était pas un représentant.
Un chef de chantiers : il a 50 chantiers et va déléguer à des contremaitres la direction d’un chantier. LE CONTREMAITRE EST UN REPRÉSENTANT DE LA PERSONNE MORALE. |
* Une personne morale ne peut être responsable pénalement pour des faits commis par un de ses salariés ou un de ses associés.
— Cette infraction doit avoir été commise pour le compte de la personne morale.
= une infraction n’est pas commise pour le compte de la personne morale quand elle est commise dans l’intérêt personnel du représentant.
Est ce que l’on peut admettre que l’infraction puisse justifier deux condamnations (personne morale et gérant ou représentant) ? — Le Code Pénal a opté pour LE CUMUL DES DEUX RESPONSABILITÉS. Cf. Article 121-2 du code pénal. Mais c’est une simple possibilité. Ce sera au juge de les mettre en œuvre conjointement ou séparément. * Débat parlementaire à ce sujet. On a pensé aux collectivités : vous condamnez la commune mais vous relaxez le maire. LA PERSONNE MORALE EST UN PARAVENT. « En France, plus on a de responsabilités, moins il est simple d’engager notre responsabilité. Le maire a un paravent, mais pas la caissière de carrefour ». * Règles de procédure particulières : L’action publique va être exercée par la personne morale par l’intermédiaire de la personne physique qui la représente. Mais c’est la personne morale qui sera mise en examen.
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