La tentative en droit pénal : définition, conditions

LA TENTATIVE EN DROIT PÉNAL 

 Il existe plusieurs types de tentative : la tentative punissable, la tentative interrompue et la tentative infructueuse. Les conditions de la tentative punissable sont posées pour l’essentiel par l’article 121-5 du Code pénal : la tentative est constituée dès lors que, manifestée par un commencement d’exécution, elle n’a été suspendue ou n’a manqué son effet qu’en raison de circonstances indépendantes de la volonté de son auteur.

 Pour que la tentative soit punissable, il faut donc que trois éléments soient réunis :

  1. une intention coupable ;
  2. un commencement d’exécution ;
  3. une absence de désistement volontaire.

 

 Deux cas de figure sont à envisager : d’une part l’infraction tentée, et d’autre part l’infraction manquée et l’infraction impossible (V° doc. de TD pour ce dernier aspect, ainsi que pour l’infraction impossible).

Il convient en premier lieu de définir la notion de tentative, et en 2nd lieu d’en étudier les éléments constitutifs.

1) La notion de tentative

La réalisation d’une infraction suppose 3 éléments qui doivent être réunis pour qu’un individu soit sanctionné pénalement.

 Cependant, si en droit français un acte matériel est nécessaire, un résultat nuisible n’est pas toujours exigé pour que l’infraction soit punissable : c’est ce que l’on appelle la théorie de la tentative.

Le droit pénal se distingue là encore du droit civil, où la notion de tentative n’existe pas, puisqu’il faut dans la plupart des cas qu’un résultat dommageable soit constaté pour qu’une action en responsabilité puisse être engagée.

En droit pénal, l’élément matériel ne réside pas dans le résultat de l’acte. L’idée est de sanctionner un comportement antisocial, de punir un individu considéré comme nuisible pour la société, et ceci alors même que l’ordre social n’a finalement pas été troublé, puisque l’infraction n’a pas été consommée. L’attitude est donc ici sévère.

La tentative prévue et organisée dans l’ancien code pénal est reprise par le code pénal aux articles 121-4 et 121-5. Le texte énonce : « La tentative est constituée dès lors que, manifestée par un commencement d’exécution, elle n’a été suspendue, ou n’a manqué son effet qu’en raison de circonstances indépendantes de la volonté de son auteur ».

Ce texte suscite 3 remarques :

–         tout d’abord il convient de relever que les éléments constitutifs de la tentative ne sont pas modifiés véritablement, et que la répression reste identique, même si la présentation textuelle est quelque peu différente.

2ème remarque : en matière de crime, la tentative est dans tous les cas réprimée : en matière de délit seulement si la loi le prévoit (agression sexuelle, vol, escroquerie), alors qu’en matière de  contravention il n’y a pas de tentative réprimée. Donc une distinction entre les 3 principales catégories d’infractions ;

– dans la mesure où l’on ne note de différence entre l’ancien et le NCP que d’un point de vue rédactionnel, les solutions jurisprudentielles dégagées sous l’empire de l’ancien code vont garder tout leur intérêt.

Essayons donc maintenant de définir en termes simples ce qu’est la tentative. C’est tout simplement lorsqu’un individu commence à réaliser une infraction, mais qu’il se trouve interrompu dans son action par la survenance d’un événement extérieur qui l’empêche de mener à son terme son entreprise.

L’étude de la tentative va consister à segmenter en quelque sorte ce chemin du crime, c’est-à-dire les différentes étapes qui, dans leur chronologie, peuvent aboutir au final à la consommation de l’infraction.

Tout le problème de la tentative réside très précisément dans le fait de déterminer à quel moment l’élément matériel nécessaire à la réalisation de l’infraction est suffisant pour justifier l’application d’une peine. La difficulté majeure étant de situer dans le temps le moment à partir duquel la tentative devient punissable.

Définir un critère précis de distinction entre les actes préparatoires et les actes d’exécution n’est pas une chose aisée, dans la mesure où les processus de passage à l’acte vont être différents selon le type d’infraction, mais aussi le type de délinquant.

S’agissant du processus criminel que les criminologues connaissent bien, la réalisation d’une infraction comprend en général 5 phases : 1) les pensées, les résolutions criminelles (qui sont toujours révocables), 2) l’extériorisation de ces pensées, 3) les actes préparatoires (qui tendent à procurer soit les moyens d’accomplir l’infraction, soit d’en permettre d’en faciliter la réalisation), 4) les actes qui traduisent un commencement d’exécution et 5) l’exécution de l’infraction (Ici, on sort de la tentative pour entrer dans la consommation).

Le processus de la tentative se résume donc aux 4 premières étapes, mais en principe, seule l’étape 4 peut conduire à la sanction, avec le commencement d’exécution.

D’un point de vue juridique, la tentative suppose donc 2 conditions prévues par le législateur : un commencement d’exécution et une absence de désistement volontaire. Et si le législateur indique de façon claire ces 2 éléments, il n’en donne pas la définition. C’est donc à la jurisprudence que revient la mission d’en déterminer le contenu.

Voyons donc les éléments constitutifs de la tentative avec le commencement d’exécution tout d’abord.

  • Le commencement d’exécution

C’est en quelque sorte l’embryon d’élément matériel nécessaire pour caractériser l’infraction. C’est toujours affaire d’espèce. La détermination du commencement d’exécution constitue quand même une question de droit qui est soumise au contrôle de la Cour de cassation.

Dans sa formulation la plus classique, la Chambre criminelle énonce que celui-ci correspond à des actes tendant directement à l’infraction, et accomplis avec l’intention de la commettre.

Ce qui compte pour la Cour, ce n’est pas tant les actes extérieurs de l’individu que l’état d’esprit dans lequel il agit. L’importance est donnée ici au caractère irrévocable de la volonté du délinquant de commettre l’infraction.

La jurisprudence dégage par conséquent 2 éléments : d’une part l’existence d’un acte présentant certaines caractéristiques ; d’autre part, l’existence d’une intention qui est celle d’accomplir l’infraction, ces 2 éléments étant cumulatifs. Autrement dit, un élément objectif et un élément subjectif.

* Cet élément objectif du commencement d’exécution réside dans l’acte qui tend à la réalisation de l’infraction. Ce qui compte, c’est le rapport causal. L’acte doit être suffisamment parlant pour révéler l’intention du délinquant. Ce dernier est généralement entré dans la phase dite d’ « exécution », ce qui permet d’englober un certain  nombre de comportements en rapport plus ou moins étroits avec l’infraction.

Ainsi, la tentative pourra être retenue à l’encontre d’individus armés, cagoulés, s’approchant d’un bureau de poste aux heures d’ouverture. Tout dépend en fait des mécanismes criminels  qui sont différents selon les types d’infractions. L’appréciation se fait donc au cas par cas, puisqu’il n’existe pas un modèle unique de commencement d’exécution.

Les juges s’efforcent donc de déterminer le moment à partir duquel les événements vont se précipiter, le moment à partir duquel le processus devient en quelque sorte irréversible. Et c’est à ce moment précis que les juges vont s’attacher davantage à l’état d’esprit du délinquant.

* L’élément subjectif

L’élément subjectif du commencement d’exécution c’est l’intention qui se présente ici comme l’élément incontournable. Mais si l’élément subjectif est primordial, celui-ci a besoin d’un révélateur. L’intention est le plus souvent la résultante des actes accomplis. Ainsi, le fait pour un délinquant de s’introduire dans une voiture et de bricoler un système de démarrage est suffisamment éloquent pour caractériser l’intention de vol. On parle ici d’actes  univoques.              

Mais parfois les faits ne suffisent pas à établir l’intention, et l’on parle alors d’actes équivoques.

En effet, si un client pose un objet dans son sac, il n’y a pas automatiquement intention de le voler. Ce geste peut parfois s’expliquer par d’autres raisons (par inadvertance, ou pour éviter qu’il soit sali, par exemple). L’acte est équivoque, et ne permet pas d’établir avec certitude la tentative de vol ; l’intention ne peut résulter ici que de l’impossibilité pour le client de fournir une explication plausible.

En revanche, si le client a camouflé un objet dans un emballage quelconque pour que la caissière ne le voie pas, eh bien, l’acte ici parlera de lui-même : il redeviendra univoque.

Donc : commencement d’exécution, condition nécessaire à la tentative. Mais une 2nde condition est exigée : l’absence de désistement volontaire.

 

Absence de désistement volontaire

L’article 121-5 dispose : « La tentative est constituée dès lors que, manifestée par un commencement d’exécution, elle n’a été suspendue qu’en raison de circonstances indépendantes de la volonté de son auteur ».

Ceci implique que si les circonstances sont dépendantes de la volonté de l’agent, c’est-à-dire voulues par lui en toute liberté, il n’y aura pas tentative, et donc aucune poursuite.

Quelques mots sur une notion qui peut lui sembler proche, et qu’on appelle repentir actif, mais qu’il convient de distinguer.

Le repentir actif consiste à réparer, après consommation de l’infraction, le mal que celle-ci  a pu causer à la victime, ou au moins à en effacer les conséquences. Le voleur va restituer l’objet qui a été volé à son propriétaire.

Il est de règle que le repentir actif est sans effet sur la responsabilité pénale de l’agent, puisque l’infraction ici a été consommée. Mais les tribunaux pourront toujours apprécier le comportement basé sur le regret ou sur le remords, et ainsi, amoindrir la sanction.

En pratique d’ailleurs, le délinquant voit sa peine réduite de façon assez sensible.

Toutefois, la réduction de peine, voire la dispense de peine ce n’est pas l’impunité, alors que c’est ce à quoi va conduire le désistement volontaire, dans la mesure où l’infraction n’a pas été réalisée ; elle n’a pas été consommée. L’exemple que l’on retrouve le plus souvent dans les manuels est le suivant : projetant un meurtre, un homme jette sa victime à l’eau. Mais pris de remords, le repêche et lui sauve la vie.

La mort ne s’étant pas produite, il y a simple tentative de meurtre avec un commencement d’exécution, mais arrêté par le désistement volontaire de l’auteur, ce qui va donc conduire à l’impunité.

Donc : absence de désistement volontaire et repentir actif ne conduisent pas aux mêmes conséquences.

Voyons pour terminer, les différents cas de désistement volontaire, quelles caractéristiques doit présenter ce désistement pour que la tentative ne soit pas réalisée, et donc punie.

Si le désistement est involontaire, la tentative sera constituée (obstacles matériels, par exemple, résistance de la victime, mauvais outils en cause, intervention de la police ou d’un individu quelconque, empêchant la réalisation de l’infraction).

En revanche, si le désistement est libre, le délinquant étant pris de pitié pour sa victime ou de remords, ou tout simplement incapable d’agir parce que saisi par la peur, il n’ y aura pas tentative, donc il n’ y aura pas de poursuites. Ici, le désistement est volontaire.

L’appréciation des faits évidemment s’avère essentielle ; elle appartient bien sûr aux juges du fond qui doivent prendre des décisions suffisamment circonstanciées afin de permettre à la Chambre criminelle d’exercer son contrôle quant à l’application de la loi.

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