LES MAJEURS INCAPABLES
L’article 488 du Code civil dispose « La majorité est fixée à dix-huit ans accomplis ; à cet âge, on est capable de tous les actes de la vie civile ». Cette capacité de principe attachée à la majorité est cependant tempérée par l’existence de différents régimes de protection (II) frappant certains majeurs que la loi souhaite protéger (I).
I. Les majeurs protégés
- Droit des personnes et de la famille
- Les conséquences de la PMA sur la filiation
- Le recours à l’aide médicale à la procréation
- Qu’est-ce que l’adoption simple et l’adoption plénière?
- La filiation naturelle
- La filiation légitime
- Présomption et possession d’état en matière de filiation
L’article 488 al. 2 et 3 prévoit deux causes d’ouverture d’un régime de protection.
– La première est liée à l’altération des facultés mentales ou physiques de la personne. En effet, « Est néanmoins protégée, soit à l’occasion d’un acte particulier, soit d’une manière continue, le majeur qu’une altération de ses facultés personnelles met dans l’impossibilité de pourvoir seul à ses intérêts ». Cette altération des facultés mentales ou corporelles doit être médicalement établie (article 490 al. 3 du Code civil).
– La deuxième est liée à certaines faiblesses dont le majeur peut être victime. En effet, « Peut pareillement être protégé le majeur qui, par sa prodigalité, son intempérance ou son oisiveté, s’expose à tomber dans le besoin ou compromet l’exécution de ses obligations familiales. » L’incapacité peut donc aussi frapper un majeur qui a un comportement (boisson, jeux, paresse, dépenses excessives, etc…) de nature à le mettre pécuniairement en danger pour lui-même et/ou ses proches.
Lorsqu’une personne répond à l’une ou l’autre de ces deux conditions, le juge peut décider de la placer sous un régime de protection défini par la loi.
II. Les régimes de protection
Même si le majeur n’est pas placé sous un régime particulier de protection, les actes qu’il a pu accomplir sous l’empire d’un trouble mental peuvent être remis en cause. En effet, la loi prévoit que « pour accomplir un acte valable, il fait être sain d’esprit ». La capacité étant la règle, « c’est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l’existence d’un trouble mental au moment de l’acte » (article 489 du Code civil). L’action en nullité peut être intentée du vivant de l’individu par lui ou par son tuteur ou curateur s’il en a été nommé un. Si l’action est intentée après la mort de l’individu, les héritiers ne pourront obtenir l’annulation de l’acte que s’il porte en lui-même la preuve d’un trouble mental (article 489-1 du Code civil).
Lorsque le majeur est placé sous un régime particulier de protection, celle-ci est beaucoup plus efficace. Encore faut-il constater que cette protection varie selon le régime applicable : tutelle (A), curatelle (B) ou sauvegarde de justice (C).
A – La tutelle
L’article 493 du Code civil indique que le majeur lui-même peut provoquer sa mise sous tutelle. A défaut, son conjoint, un ascendant ou un descendant, un frère ou une sœur, le curateur (s’il était sous curatelle) et le ministère public ont qualité pour demander la mise sous tutelle. Elle peut aussi être ouverte d’office par le juge. Toutes ces personnes ainsi que les amis, autres parents, alliés, médecin traitant ou directeur d’établissement peuvent former un recours contre le jugement qui a ouvert la tutelle devant le tribunal de grande instance.
Il est inutile d’ouvrir la tutelle, lorsque le conjoint du dément trouve dans le droit des régimes matrimoniaux le moyen de pourvoir aux intérêts de son époux (article 498 du Code civil).
Le juge des tutelles est compétent. La mise sous tutelle est subordonnée à la constatation de l’altération des facultés mentales ou corporelles par un médecin spécialiste (article 493-1 du Code civil). Le malade doit être entendu par le juge.
Pour être opposable aux tiers, le jugement doit être publié par une mention en marge de l’acte de naissance de l’incapable (article 493-2 du Code civil). La décision est mentionnée au répertoire civil. La décision est également opposable aux tiers qui en auraient au personnellement connaissance.
1) Organisation de la tutelle
Les règles sur le fonctionnement de la tutelle des majeurs sont les mêmes que celles qui sont applicables aux mineurs sous tutelle.
La tutelle concerne aussi bien la personne que les biens. L’incapable est représenté par son tuteur, assisté d’un conseil de famille et du juge des tutelles.
2) Incapacité du majeur placé sous tutelle
Le majeur placé sous tutelle est représenté d’une manière continue dans les actes de la vie civile (article 492 du Code civil). Ce régime de protection est le plus complet et protecteur de tous les régimes d’incapacité. L’incapacité est beaucoup plus générale que celle du mineur émancipé puisqu’elle s’applique aussi aux actes d’administration, même non lésionnaires, fussent-ils accomplis dans un intervalle lucide. Les actes sont nuls de droit, dès l’instant qu’ils ont été passés postérieurement au jugement d’ouverture de la tutelle (article 502 du Code civil). Il en est ainsi du testament qui, fait après l’ouverture de la tutelle, sera nul de droit (article 504 du Code civil), même si cet acte particulier ne peut être accompli par le représentant de l’incapable.
Cependant, le juge des tutelles peut, en ouvrant la tutelle ou un dans un jugement postérieur, sur l’avis du médecin traitant, énumérer certains actes que la personne en tutelle aura la capacité de faire elle-même, soit seule, soit avec l’assistance du tuteur ou de la personne qui en tient lieu (article 501 du Code civil). De plus, certains actes très personnels ne peuvent être accomplis par représentation. Dès lors, la jurisprudence admet notamment la validité de la reconnaissance d’un enfant naturel et la loi autorise le majeur sous tutelle à se marier avec l’autorisation de ses père et mère ou du conseil de famille (article 506 du Code civil).
La nullité est relative, elle ne peut être invoquée que par la personne protégée ou son représentant.
B – La curatelle
La curatelle est un régime de protection qui convient aux majeurs qui souffrent d’une légère altération de leurs facultés personnelles, comme une débilité mentale ou ceux qui sont enclins à l’intempérance, l’oisiveté ou la prodigalité, compromettant ainsi l’exécution de leurs devoirs familiaux (article 508 et 508-1 du Code civil).
1) Organisation de la curatelle
Ce régime ne comporte qu’un seul organe : le curateur. L’époux est curateur de son conjoint, sauf si la communauté de vie a cessé entre les époux. Les autres curateurs sont désignés par le juge des tutelles (article 509-1 du Code civil).
Le curateur ne fait qu’assister l’incapable pour les actes qui excèdent sa capacité : il ne le représente pas. En pratique, les actes sont accomplis sous la double signature du majeur et du curateur. En cas de refus d’assistance du curateur, l’incapable peut solliciter l’autorisation du juge des tutelles (article 510 al. 2 du Code civil) qui statue après avoir entendu ou régulièrement appelé le curateur (article 894-1 du Code de procédure civile).
2) Incapacité du majeur placé sous curatelle
Le majeur placé sous curatelle n’est frappé que d’une incapacité partielle. Il conserve la capacité d’accomplir seul tous les actes pour lesquels la loi n’impose pas explicitement l’assistance de son curateur : actes conservatoires et d’administration, ainsi que le testament (article 513 du Code civil) ou les actes expressément énumérés par le juge (article 511 du Code civil). Il a besoin de l’assistance de son curateur pour accomplir tous les actes qu’un tuteur n’a pas le pouvoir de faire librement (article 510 du Code civil).
Les actes que le majeur sous curatelle peut accomplir seul sont, en principe, valables. Néanmoins, ils sont exposés aux actions en réduction ou en rescision en cas de lésion ou d’excès. L’acte accompli par le majeur sous curatelle seul sans l’assistance requise sont nuls d’une nullité relative. L’action s’éteint par la prescription de droit commun de 5 ans ou par la confirmation du curateur (article 510-1 du Code civil).
C – La sauvegarde de justice
La sauvegarde de justice est un régime de protection essentiellement temporaire. Il est adapté aux déficiences physiques ou mentales passagères ou aux malades plus gravement atteints dans l’attente d’une mise sous tutelle ou curatelle.
Elle résulte d’une simple déclaration faite par le médecin traitant au procureur de la République qui l’enregistre. La mesure se périme par deux mois, mais elle peut être renouvelée. Le placement du majeur sous sauvegarde de justice peut aussi être décidé par le juge des tutelles saisi d’une procédure de tutelle ou de curatelle, qui estime nécessaire de protéger le majeur pendant la durée de l’instance (article 491-1 du Code civil).
Le majeur placé sous sauvegarde de justice conserve l’exercice de ses droits (article 491-2 al. 1er du Code civil). L’article 491-2 al. 2 du Code civil prévoit cependant que les actes que le majeur a passés, pourront être rescindés pour simple lésion ou réduits en cas d’excès. Cela signifie qu’un acte qui ne porte pas préjudice aux intérêts du majeur est parfaitement valable même accompli seul. Les textes conduisent à reconnaître à la rescision pour lésion un caractère facultatif. Les tribunaux prendront, à ce sujet, en considération, la fortune de la personne protégée, la bonne ou mauvaise foi de ceux qui auront traité avec elle, l’utilité ou l’inutilité de l’opération (article 491-2 al. 3 du Code civil).
En cas de lésion, l’acte sera annulé. En cas d’excès, l’engagement sera réduit.
Si le majeur n’a pas pris la précaution de désigner un mandataire pour s’occuper de ses affaires (article 491-3 du Code civil), le juges des tutelles peut en désigner un, afin d’accomplir un acte ou une série d’actes déterminés (article 491-5 du Code civil). Seuls les actes d’administration courants peuvent être accomplis par le mandataire. En l’absence de mandat, on suit les règles de la gestion d’affaires (article 491-4 du Code civil).