Les attributs de la personnalité juridique en droit international

Les attributs de la personnalité juridique en droit international

 Va-t-on se calquer sur le sujet de Droit International par excellence qu’est l’Etat ? Ou, doit-on compter sur les caractéristiques générales de la personnalité juridique ?

La question se pose car, dans le statut de l’Etat, la personnalité juridique se définit notamment par la capacité de contracter des engagements internationaux, avoir des droits et des obligations, d’être responsable et d’entretenir des relations diplomatiques avec d’autres sujets.

 En Droit International, voici les critères = capacité de contracter, participer aux mécanismes généraux de la responsabilité internationale et établissement de relations diplomatiques.  On se rapproche donc du statut de l’Etat. D’autres ont dit qu’il était nécessaire qu’existe une structure institutionnelle (les sujets ne seraient alors que des personnes morales). On va exclure certaines entités. Cette démarche n’est pas satisfaisante.

 Il faut revenir à la théorie générale de la personnalité en droit. Dans cette théorie, 3 catégories de capacités se déclinent :

  • Capacité à être titulaire de droits et d’obligations
  • Capacité processuelle
  • Capacité de s’engager juridiquement dans l’ordre juridique international

 

A – La capacité à être titulaire de droits et d’obligations

 Soulève la question de l’effet direct du droit international ou l’immédiateté des règles internationales c’est à dire l’aptitude pour une règle de Droit International de s’adresser aux particuliers, de les avoir comme destinataires, de modifier leur patrimoine juridique et ce, sans qu’une intervention de l’Etat soit nécessaire (effet direct, immédiat). L’Etat n’ pas besoin d’intervenir pour venir concrétiser le droit du particulier, le simple fait de créer la règle au niveau international suffit, pas besoin de mesure de l’Etat pour que la règle soit efficace. Comment le Droit International règle-t-il la question de l’effet direct ? L’un des paradoxes de la CIJ est que, dans son arrêt du Lotus de septembre 1927, elle nous disait que le Droit International régissait les relations entre Etats. Puis, dans un avis du 6 mars 1928 (compétence des tribunaux de Dantzig), elle vient nous dire quelque chose de contradictoire.  Il s’agissait de savoir si les individus pouvaient saisir les tribunaux de Dantzig pour faire respecter les obligations contenues dans le traité de Versailles. La Cour va dire qu’en principe les règles internationales s’adressent aux Etats (qu’on peut élargir aux Organisations Internationales maintenant) mais, exceptionnellement, elles peuvent s’adresser à des particuliers. Elle pose pour cela des critères. C’est l’objet des droits et obligations et l’intention des parties. Il va falloir démontrer qu’il entrait dans l’intention des parties que les droits et obligations crées puissent produire des effets sans qu’il eut été nécessaire qu’un Etat intervienne. Leur seule énonciation suffit pour que les individus s’en prévalent. Pour s’en prévaloir, il y a deux modes :

  • Dans l’ordre interne = c’est le cas la plupart du temps, les individus se prévalent d’abord de ce droit dans le système interne.
  • Dans l’ordre international

  

Comment constate-t-on qu’une règle est d’effet direct ?

  Le caractère d’effet direct s’apprécie disposition par disposition (généralement écrites). C’est une affaire de casuistique. Ca n’a pas de sens de dire qu’une convention dans son ensemble n’est pas d’effet direct, il faut examiner chaque clause pour savoir si elle a un effet direct et donc si elle va modifier le patrimoine juridique des particuliers. La CIJ s’est prononcée peu de fois sur la question. Elle l’a fait en 1928 et dans l’affaire LaGrand du 27 juin 2001. A la lecture de cet arrêt, on voit que depuis 1928, on voit qu’il y a une pratique devant les juridictions internes et devant la CJUE… La cour a développé des critères pour savoir ce qui peut ou non être d’effet direct à l’égard des particuliers. La disposition en cause dans l’affaire LaGrand est l’article 36 de la convention de Vienne de 1963 sur les relations consulaires qui oblige les Etats parties à informer tout ressortissant étranger d’un Etat partie à la convention de la possibilité qu’il a de faire appel à l’assistance des autorités consulaires. La cour a analysé cette disposition en deux temps. L’Allemagne avait intenté une action contre les USA pour méconnaissance de cet article, elle faisait valoir deux types de préjudices :

  •          Préjudice immédiat : l’Allemagne a été privé de son droit d’assister son ressortissant par les USA. Ce n’est pas contesté.
  • La cour a aussi vu dans l’article 36 un droit pour les individus d’être informé, ce qui était en conséquence pour l’Allemagne une possibilité d’exercer sa protection diplomatique.

 Il y a un lien entre la violation d’un droit directement pour les particuliers et une procédure qui vient simplement palier une impossibilité pour les particuliers de saisir des organes internationaux. Il y avait bien identification d’une règle d’effet direct dans cette affaire. Comment la cour s’y est-elle prise ?

Les règles d’effet direct sont des règles relatives aux DDH. La cour dit qu’on n’a pas besoin de savoir si c’est un DDH, elle dit juste qu’il y a atteinte à un droit des particuliers. Pour qu’il y ait effet direct :

  • La disposition doit être claire, inconditionnelle et suffisamment précise : c’est une conception plus objectiviste qu’en 1928 (disait que ça dépendait de l’objet et de l’intention des parties). Plus la rédaction est précise, plus il y a de chances qu’elle soit d’effet direct, le principe doit être clairement exposé. Par exemple, l’article 6 de la convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant de 1990 est d’effet direct (intérêt supérieur de l’enfant).

 Les particuliers titulaires d’obligations = ca a été plus lent à se mettre en place. Une des premières incriminations a été l’interdiction de la piraterie maritime. Le développement des obligations internationales s’est fait particulièrement en matière pénale. Le procès de Nuremberg a notamment dégagé des principes qui ont été concrétisés par la convention de Rome de 1998 qui crée la CPI et qui va surtout créer un champ de compétence pour la cour. Il y a toute une liste d’incriminations qui posent des obligations pour les particuliers et là encore, sans qu’il soit besoin d’une médiation de l’Etat. L’Etat n’a pas nécessairement à reprendre ces incriminations.

 Il y a des éléments permettant de dire que les particuliers sont titulaires de droits et d’obligations. Mais, le développement du Droit International montre bien que ces potentialités se concrétisent de plus en plus.

 

B) La capacité processuelle

 C’est le deuxième aspect important de la personnalité juridique en Droit International (après la jouissance de droits/obligations). En Droit International, pendant très longtemps il avait été considéré que les particuliers ne disposaient pas de la personnalité juridique puisqu’ils ne pouvaient pas se plaindre d’un manquement à une obligation dans l’ordre juridique international, ne pouvaient faire valoir leurs droits. Ca montrait que les particuliers n’avaient pas de PJ et donc, les Etats s’engageaient les uns envers les autres.

 Ca a été contredit par les faits par l’état du droit car il y a plusieurs manières d’aborder la capacité processuelle :

  • Capacité processuelle active : c’est le droit d’ester en justice = capacité de saisir un organe juridictionnelle. En Droit International, il y a une panoplie beaucoup plus large de règlement des différents. C’est ce que la cour avait relevé dans son avis du 11 avril 1949. Les Organisations Internationales n’ont pas la possibilité de saisir la CIJ pour régler un différend (peuvent lui demander un avis), ouverte qu’aux Etats. Si on a une vision stricte de la capacité processuelle en Droit International, l’Organisation Internationale ne peut saisir la cour. Mais la capacité processuelle ne se réduit pas à ça en Droit International, tout ne se règle pas devant les tribunaux. La cour en 1949 dit que cela recouvre toute méthode habituelle du Droit International, ça inclut tous les modes de règlement des différends au sens large, de présentation d’une réclamation que retient la cour. COMPLETER

 Les particuliers se sont vus reconnaitre depuis le XIXème siècle, la possibilité de présenter des réclamations devant des organes internationaux. Ils peuvent saisir de tels organes pour faire examiner leurs réclamations. Ce mécanisme avait été mis en œuvre dans le traité de Versailles mais existait déjà avant = ce sont les pétitions-plaintes. C’est l’idée de saisir un organe international pour faire au moins constater un manquement, inciter l’auteur du manquement à redresser son comportement (pas forcément rendre une décision). Par ex, on peut saisir le Comité des DDH de l’ONU pour faire examiner une situation particulière.

 Cette capacité a été démultipliée avec l’apparition de juridictions internationales spécialisées sur les DDH comme les tribunaux arbitraux mixtes par ex. Là encore, on ne fait que reprendre ce qui existait déjà avant. On ouvre la saisine aux particuliers. On a eu par ex la Cour Africaine des DDH (à noter qu’ici la saisine repose sur le consentement des Etats), la Cour EDH, la Cour interaméricaine… A coté de cela, on a aussi des institutions plus ou mois permanents à coté de cela. Il y a par ex le CIRDI qui est une instance arbitrale permanente ouverte aux particuliers.

 —      Depuis longtemps, une capacité processuelle active a été reconnue et ce, la plupart du temps pour reconnaitre l’existence de normes substantielles. L’objectif de l’efficacité passe souvent par la saisine unilatérale.

  • Capacité processuelle passive = c’est le fait de devoir répondre d’un comportement. Elle s’est développée strictement dans le domaine du droit pénal notamment car les obligations reconnues aux particuliers sont de nature pénale. Il s’agit de crimes particulièrement graves, tous les crimes n’entrent pas dans la compétence des tribunaux internationaux. Le Tribunal de Nuremberg a servi de précédent, il y a eu aussi le TPY et le TPI pour le Rwanda. On a aussi eu des juridictions internationales plus hybrides, crées par le Conseil de sécurité par ex mais tout de même avec une participation active des Etats intéressées.

      Ces tribunaux ôtent la compétence pour ces crimes très graves aux juridictions nationales

  C – La capacité de s’engager juridiquement

 Il faut distinguer la capacité de s’engager de celle de créer des règles générales. On voit dans la doctrine un courant disant que les particuliers ne peuvent pas créer de Droit International. La capacité de s’engager est la capacité contractuelle, elle diffère de la capacité législative qui consiste à pouvoir créer des règles générales. Le fait de créer du Droit International n’est pas un attribut de la PJ puisqu’un Etat ne peut pas créer seul du Droit International, c’est collectivement que la création de règles se fait. Ca montre bien que le fait de créer du droit est distinct de la capacité de s’engager.

 Mais, une manifestation de volonté peut-elle produire des effets dans l’ordre juridique international? Les Etats et les Organisations Internationales peuvent s’engager internationalement, qu’en est-il pour les particuliers ? C’est la question des contrats d’Etat. Tout le monde est d’accord que la rencontre de deux volontés privées ne peut être régie par le Droit International. En revanche, qu’en est-il de contrats passés entre un Etat et une personne privée étrangère ? (On est d’accord pour dire qu’un contrat passé entre un Etat et l’un de ses ressortissants n’est pas régi par le DI).

Le début de la problématique se trouve dans un arrêt de la CPJI du 22 juillet 1929 Emprunts serbes et brésiliens (emprunts étatiques émis et souscrits par des particuliers d’autres Etats). Y-avait-il manquement au Droit International ? Y-avait-il des règles de Droit International régissant ces emprunts ? La cour avait affirmé que tout contrat conclu par une personne privée et quel que soit le cocontractant trouvait nécessairement son fondement dans une loi nationale. L’acte juridique est un acte de droit interne soumis à une loi nationale dès lors que l’une des deux parties est un particulier. La question a été portée à nouveau sur le devant de la scène juridique à la suite de la résolution 1803 sur la souveraineté permanente sur les ressources naturelles (autorisait les nationalisations sous certaines conditions posées par le DI) : toute nationalisation n’est pas nécessairement une rupture contractuelle mais ça l’est souvent (un Etat avait passé un contrat de concession avec une entreprise étrangère, nationaliser revient à rompre le contrat). Cette rupture de contrat est-elle régie par le Droit International ? Ca sous entend que le contrat lui-même est régi par el Droit International. La question a commencé à se poser dans les années 1960. Le CIRDI est en charge de  régler les différends entre les investisseurs privés et les Etats. Quel droit régit ces différends ?

Depuis la fin des années 60, il ne se passe pas un an sans étude doctrinale disant que c’est soumis au DIP (Texaco 1977= contrats soumis aux règles de Droit International) ou au droit interne. Il y a régulièrement des analyses discordantes sur la question. Ça montre que la capacité de s’engager est très discutée.

 On constate tout de même qu’il y a certains aspects des contrats d’Etats qui sont régis par le DIP. Les particuliers, pour certaines parties des relations contractuelles peuvent prévoir des effets juridiques en Droit International. Le Droit International va donner des effets à cette expression de volonté. De plus en plus, on tend à reconnaitre cela. L’ordre juridique international va reconnaitre la volonté.

 Le statut des particuliers est incomplet. Hormis ces manifestations ponctuelles de volonté, le particulier va surtout être appréhendé par le DIP via l’Etat dont il a la nationalité.

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