Les sources constitutionnelles du droit administratif

LES SOURCES CONSTITUTIONNELLES

La Constitution est la source suprême, directe ou indirecte, de toutes les compétences qui s’exercent dans l’ordre administratif. Supériorité est consacrée dans CE 1998 Sarran. Le Conseil d’Etat ne peut s’ériger en censeur de la Constitution. C’est la source des sources elle institue toutes les autres sources de droit. Autres sources du droit sont :

§1. Les normes de référence

(Quelles sont les règles constitutionnelles qui s’imposent à l’administration?)

L’étendu exacte des normes constitutionnelles, issues du texte de la C, s’est modifié avec le temps.

Les normes constitutionnelles ayant des incidences en matière administrative restaient limitées avant 1958 (A), l’importance de celles-ci s’est accrue avec la Vème République (B). Le contenu du bloc de constitutionnalité est désormais clair.

A. La situation antérieure à 1958

Le nombre de normes à valeur Constitutionnelle a pu varier. La valeur de la Constitution et de son préambule n’ont jamais été contesté (même si sa portée était limité vu l’absence de contrôle de la constitutionnalité des lois dans le légicentrisme des III et IV République. Les violations par le législateur des normes constitutionnelles n’étaient pas sanctionnées).

B. La Constitution du 4 octobre 1958

Elargissement du bloc de constitutionnalité qui contient aujourd’hui: la Constitution de 1958 (1), la Déclaration des Droit de l’Homme et du Citoyen de 1789 (2), le préambule de 1946 (3), la charte de l’environnement de 2004 (4), les principes fondamentaux reconnus par des lois de la République, catégorie qui existe depuis une décision Conseil Constitutionnel 1971 Liberté d’association (5), l’idée c’est de reconnaitre une valeur constitutionnelle a des principes législatifs. Ces principes sont dégagés par le Conseil Constitutionnel mais aussi par le Conseil d’Etat depuis CE 1996 Koné.

CE 1960 Société Eky:toutes les normes constitutionnelles ont la même valeur juridique.

1) L’applicabilité des règles constitutionnelles

L’application de ces normes par le Conseil Constitutionnel et le Conseil d’Etat ne se fait pas dans des conditions identiques:

>Pour le Conseil Constitutionnel les dispositions de ces textes ont une valeur normative obligatoire, elles s’imposent.

> Pour le CE, en raison de l’imprécision de certaines de ces valeurs, elle ne saurait avoir d’incidence et d’applicabilité directe en droit administratif.

Effets : Ces principes ne s’imposent pas à l’administration et leur méconnaissance n’est pas invocable devant le Juge Administratif.

Elles nécessitent des lois d’applications.

Quand le législateur intervient justement pour préciser ces principes constitutionnels imprécis, c’est uniquement par rapport aux dispositions législatives ainsi édictées que le Juge Administratif vérifie la légalité des décisions administrative.

[D’où la théorie de la loi-écran: dans le cas d’un acte administratif contraire a la Constitution mais conforme a la loi, le Conseil d’Etat n’est pas compétent pour l’annuler. Le contrôle de constitutionnalité incombe au Conseil Constitutionnel].

Le Conseil d’Etat ne peut contrôler d’action de l’administration que si des mesures d’exécution encadrant sa conduite ont été prises par la loi ou le règlement, ce qui crée un lien avec la norme constitutionnel. Il n’y a donc que des rares cas ou la Constitution produit des effets directs sur l’administration.

Le Conseil Constitutionnel doit vérifier que la loi qui est en relation immédiate avec le texte suprême respecte les obligations constitutionnelles.

2) Le fondement du contrôle du Conseil Constitutionnel et du Conseil d’Etat

>Le Conseil Constitutionnel fonde son contrôle sur un texte constitutionnel précis.

> Le Conseil d’Etat peut recourir aux textes ou aux principes généraux du droit (CE 1978 GISTI). A toujours tendance à recourir au Principes Généraux du Droit pour imposer une norme constitutionnelle a l’administration même lorsque cette valeur est clairement écrite. L’intervention de multiples juges (Juge Administratif, Juge Judiciaire) pour appliquer la Constitution peut être source de divergences.

§2. Les normes constitutionnelles et l’exercice des compétences administratives

La fonction des normes constitutionnelles est double:

  • 1- Instituer les modes de production des normes juridiques subordonnées (en habilitant divers organes à les édicter selon certaines procédures).
  • 2- Déterminé le contenu même de ses normes (libertés et droits fondamentaux).

Les normes Constitutionnelles ont ainsi des incidences sur la répartition des compétences normatives (A) et sur le fond du droit (B).

A. La répartition des compétences

Distributions de compétences entre les pouvoirs publics constitutionnels:

Répartition entre le législateur et l’exécutif pour l’édiction de textes à portée normative générale (Article 34 et 37).

Fixe le rôle de l’autorité judiciaire (Article 66).

Réglementation au sein de l’exécutif des rapports entre le Gouvernement et l’Administration (Article 20).

Précise les pouvoirs du Premier Ministre et du Président, deux autorités administratives (Article 13, 21).

B. Le fond du droit

L’action administrative est régie par ces textes qui l’obligent à respecter les règles fondamentales de la philosophie politique française. Le fond des normes Constitutionnelles a des incidences sur l’action administrative. Exemples:

> Liberté : doit être prise en compte par la police lors d’interventions qui pour le maintien de l’ordre public y portent atteinte. Tenu d’assurer une conciliation aussi satisfaisante que possible entre ces deux impératifs.

> Neutralité et laïcité : le système de l’éducation nationale qui doit concilier respect et liberté religieuse, composante de la liberté d’opinion.

> Respect de la propriété privé : l’action publiqueest susceptible d’y porter atteinte (expropriation, réquisition etc.). Cette atteinte ne peut s’accomplir que dans le respect du droit (Article 17 DDHC). Les normes constitutionnelles conditionnent les interventions publiques dans ce domaine.

> Egalité : exigence de continuité des services publics qui ne peut néanmoins interdire totalement aux agents publics de recourir la grève.

Tous les mécanismes de contrôle de l’administration reposent sur des bases constitutionnelles ainsi que le statut du JA (indépendance, compétence).

§3. La sanction de la violation des normes constitutionnelles par les actes administratifs

Les normes Constitutionnelles doivent être respectées par l’ensemble des pouvoirs publics. En cas de violation d’une norme constitutionnelle l’administration voit ses décisions sanctionné par le Juge Administratif (A), sauf dans une hypothèse spécifique (B).

A- La sanction des actes administratifs contraires aux normes constitutionnelles

Concerne : les actes qui sont en contradiction avec une norme du bloc de constitutionnalité.

Sanction: Annuléen cas de recours par voie d’action (=contrôle effectué par un juge spécialisé devant lequel à l’occasion d’un recours, on lui demandera de vérifier la constitutionnalité d’une loi.).

Ecartépar le Juge Administratif dans le cadre du contrôle par voie d’exception (= recours défensif lors d’une procédure quand une partie conteste la Constitutionnalité d’une norme dont elle souhaite écarter les conséquences juridiques a son égard).

Peu importe que l’acte administratif soit de portée générale ou individuelle, et que la violation porte sur une exigence de fond ou de forme.

B. Limite en cas de violation de la hiérarchie : l’écran législatif

1) L’écran législatif

Le problème ce pose face à un acte administratif qui est à la fois contraire a la Constitution, mais en conformité avec une loi qui lui sert de fondement (cette loi étant donc contraire a la Constitution). Quelle norme faut-il faire prévaloir ? Constitution ou Loi ? A priori, si nous voulons suivre la logique linéaire de la hiérarchie des normes et pour sanctionner la discordance entre l’acte administratif et la Constitution il ne faut pas tenir compte de l’intervention du législateur, et faire privilégié la Constitution, qui est supérieur dans la hiérarchie des normes. Mais :

>donner au juge ordinaire un tel pouvoir reviens à lui permettre de réaliser un contrôle de constitutionnalité de la loi ce qui est contraire à la conception française de la séparation des pouvoirs (de + la compétence reconnut au Conseil Constitutionnel dans le contrôle de la constitutionnalité de la loi implique d’exclure celle du juge ordinaire).

>Le juge ordinaire ne saurait réaliser une telle vérification (CE 1936 Arrighi). C’est aussi une limite à la compétence du Conseil d’Etat qui est incompétent pour vérifier la constitutionnalité d’une loi.

La loi fait donc écran entre l’acte administration et la Constitution, ce qui empêche de sanctionner la violation par l’administration de la Constitution.

2) La question prioritaire de constitutionnalité

La réforme constitutionnelle de 2008 va tenter de remédier à cette situation paradoxale qui pour sauvegarder la tradition du contrôle de constitutionnalité la loi que par la Conseil Constitutionnel entraine une contradiction dans la logique de la hiérarchie des normes.

Cette réforme institue un contrôle de constitution de la loi par voie d’exception => la question prioritaire de constitutionnalité. Ce contrôle va permettre au système d’affronter une situation de loi-écran.

La QPC est une procédure permettant à tout justiciable a l’occasion d’une instance de soutenir qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution.

a)Délimitation du champ de la QPC

Peut être soulevé dans toute instance (y compris en référé).

Peut porter sur les lois (ordinaires ou organiques) et sur toutes les dispositions de valeur législative mais seulement sur elle. (Ce qui exclut: loi de ratification, loi sans porté normative, règlement).

La QPC permet d’assurer le respect non pas de l’ensemble des normes constitutionnelles mais uniquement celles relatives aux droits et libertés (ce qui exclut : règles de fond non relatives aux droits et libertés [ex: principes d’annualité budgétaire], règles de formes: procédure et compétences).

b)Procédure de la QPC

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Saisie d’un QPC le Juge Administratif est incompétent pour la trancher lui même (compétence du CC). Régime du renvoi de la QPC: → Si la QPC est posée devant les juges du fond (TA et CAA): ils ne peuvent saisir directement le Conseil Constitutionnel. Ils renvoi la QPC au Conseil d’Etat après la vérification du cumul de 3 conditions pour la recevabilité du recours :

1.La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure: il faut lien suffisant avec le procès en cours. Il faut que la décision ait un enjeu relatif au procès.

2.La disposition contestée n’a jamais été préalablement déclaré conforme à la Constitution par le Conseil Constitutionnel (l’autorité de la chose jugée empêcherait un autre examen). Sauf en cas de changement de circonstances de droit ou de fait de nature a justifié que la question soit reconsidérée.

3.La disposition contestée doit avoir un caractère sérieux ou nouveau. La norme invoqué n’a pas encore été dégagé, appliqué ou interprétée par le Conseil Constitutionnel, il y’a un intérêt à statuer (nouveau), et la conformité de la loi aux droits et libertés constitutionnelle est douteuse (sérieux).

L’appréciation du sérieux de la QPC conduit nécessairement le Juge Administratif à exercer un contrôle de constitutionnalité de la loi. Il peut présenter comme évident ce qui pouvait prêter à discussion.

Si la QPC est soulevé devant le Conseil d’Etat : qu’elle soi envoyé par les juges du fond, ou qu’elle soi soulevé a l’occasion d’une instance devant lui le Conseil d’Etat doit la transmettre au Conseil Constitutionnel si les 3 conditions cumulativement sont remplis.

c) Le caractère prioritaire de la QPC

Lorsque le juge est saisi d’une QPC (moyen contestant la conformité d’une loi aux droits et libertés garantit par la Constitution) il doit se prononcer en premier sur la transmission (Tribunal Administratif et CAA) ou le renvoi (Conseil d’Etat) de la QPC au Conseil Constitutionnel.

Fondement de ce principe de priorité :

>Traduction procédurale de la suprématie de la Constitution dans l’ordre juridique

>Moyen d’éviter que le juge ordinaire ne préfère le contrôle de conventionalité (qui relève de sa compétence) au contrôle de constitutionnalité. Car c’est seulement après le refus de transmission ou de renvoi de la QCP ou après la réponse, que le juge pourra exercer sa prérogative de contrôle de conventionalité. (Conseil Constitutionnel 2010 Loi relative à l’ouverture de la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne).

d) Effets de la déclaration d’inconstitutionnalité

Si le Conseil Constitutionnel saisie selon cette procédure reconnait l’inconstitutionnalité de la loi, il en prononce l’abrogation.

La disposition est inapplicable au cas d’espèce, et disparait complètement de l’ordre juridique (disparition non rétroactive, elle ne vaut que pour l’avenir).

Le Conseil Constitutionnel détermine les limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d’être remis en cause. La remise en cause des effets passés de la loi abrogée et une exception sur laquelle le Conseil Constitutionnel doit statuer au cas par cas. Adoption par le Conseil Constitutionnel d’une position de principe:

la déclaration d’inconstitutionnalité de la loi doit bénéficier à l’auteur de la QPC

la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliqué dans les instances en cours à la date de la publication de la décision par le Conseil Constitutionnel.

Le Conseil Constitutionnel peut toujours écarter ces deux règles et re-déterminé lui même dans quelle mesure les effets passés de la disposition déclarée inconstitutionnelle seront remis en cause.

Abrogation implicite de la loi:

Le Juge administratif peut ne pas tenir compte d’une loi dès lors qu’elle est considérée comme implicitement abrogé par des textes législatifs ou constitutionnels postérieurs.

Dans ce cas, le Juge Administratif n’est pas juge de constitutionnalité, et si la Constitution l’emporte ce n’est pas parce qu’elle est supérieure mais postérieure. L’écran législatif disparait et il n’y a plus de loi pour empêcher la confrontation directe entre l’acte administratif et la constitution. Hypothèse rare.