Vie politique : cours, histoire

VIE POLITIQUE CONTEMPORAINE

Introduction : la vie politique, d’une guerre à l’autre

 

On peut dire que la guerre ne fait partie ni de notre environnement quotidien ni de notre horizon quotidien. Il faut faire un effort pour se représenter la vision du monde, les représentations du monde de ceux qui, à une époque proche de la nôtre, ont fait l’expérience de la guerre. Expérience sensible qui ne s’arrête pas une fois la guerre terminée parce que ces proches défunts reviennent dans un autre état, parfois amputés. Expérience qui s’inscrit donc dans les corps mais aussi dans les esprits, qui s’inscrit dans les récits quotidiens (ex. romans consacrés à la guerre). Ainsi, pendant l’entre-deux-guerres, une autre inscription : celle des 35 000 monuments aux morts érigés en France dans quasiment toutes les communes. De la même façon, c’est au “ soldat inconnu ” de 1914 qu’est dédiée la flamme de l’arc de triomphe à Paris et qui représente tous les disparus de la guerre dont les corps n’ont pas été reconnus. C’est à cet effort qu’il faut se livrer pour comprendre ce qu’à été l’entre-deux-guerres. Temps dans lequel le souvenir de la guerre est partout présent et qui, politiquement, est à l’origine des phénomènes qui se déroulent des années 20 aux années 30.

 

            C’est encore un effort d’imagination supplémentaire qu’il faut produire si l’on veut se représenter la place du mort dans la vie de ces hommes. Tous ces monuments cités, on ne les voit pas vraiment. La France des années 20 est paysanne. Comment comprendre ce qu’est la politique si on ne sait pas où elle se fait, pour qui elle se fait et qui la fait ? A cette époque, on ne va pas à la campagne mais on naît et on meurt à la terre. Seulement si on ne cultive pas la terre, on va à la ville. Au village, à la fin des années 20, il y a l’Eglise, la mairie, la boulangerie et le monument aux morts. Un temps dans lequel le souvenir de la guerre est partout présent et en même temps la perspective de la guerre est tout aussi présente. A des questions qui ont encore ajd leur actualité : qui est de Gaulle ? qui est Pétain ? Pourquoi Vichy ? Pourquoi l’Algérie ? Pourquoi le plan Marshall ? Il faut sans doute faire une place à part à la PG mondiale.

 

 

  1. La Grande Guerre

 

Commence le 1er août 1914. Se termine par l’Armistice (11 nov. 1918). 3 millions 700 milles hommes pour la France. Avant la fin de l’année 14, on comptera déjà 300 milles morts du côté français et 600 000 blessés ou prisonniers. 1 million 322 milles tués. 3 millions de blessés à la guerre. 680 milles veuves et 760 milles orphelins. La GG va entraîner quatre séries de transformations nées de la conjoncture de guerre mais dont certaines vont s’inscrire durablement et qui sont importantes pour comprendre la politique :

  • transformation des rapports entre politiques et militaires ;
  • transformation des rapports entre législatif et exécutif au sein du pouvoir politique ;
  • transformation appelée à se pérenniser entre rapports politiques et économiques ;
  • transformation durable de la structure sociale.

 

Rapports entre politiques et militaires

 

D’un point de vue politique, c’est Raymond Poincaré, Président de la République de 1913 à 1920 qui donnera le mot d’ordre de la GG en proclamant au début du conflit l’union sacrée de tous les Français. Cette union se concrétise par la formation d’un gvt d’union nationale qui rallie notamment les socialistes, malgré l’assassinat de J. Jaurès en 1913, et exclue la droite nationale. L’union n’est pas sans conflits entre pouvoirs politiques. Mesures prises qui vont transformer les rapports entre le pv politique et le pv militaire : état de siège d’une part et état de guerre d’autre part. Ainsi, les pv de police générale qui sont ordinairement aux mains des maires et des préfets sont dévolus à l’autorité militaire. Les réunions sont interdites. Des pv de censure de la presse sont également conférés à l’autorité militaire ou préfectorale. Cette censure n’empêchera pas la création du Canard Enchaîné. Par ailleurs, des conseils de guerre sont institués pour se substituer aux juridictions ordinaires pour tout militaire ou civil à propos de toute cause qui intéresse la sûreté de l’Etat ou l’ordre public (virtuellement tout le monde). Il est bien entendu que ces pouvoirs exceptionnels ne dureront pas au-delà du conflit et que le pouvoir politique reprendra rapidement le dessus à l’issue de la guerre. Il est aussi entendu que le pouvoir politique n’a jamais véritablement perdu le contrôle, même pendant la guerre. Mais il faut noter que l’armée reste un acteur important de la vie politique dans la période d’après-guerre, du fait des tensions constantes sur les frontières entre la France et l’Allemagne. Il faut noter aussi que malgré le discrédit auprès de leurs troupes d’un certain nombre d’officiers dont les offensives ont été considérées comme particulièrement inefficaces et sanglantes l’armée, en général, reste un point de référence dans la société.

 

 

Rapports entre exécutif et législatif

 

La guerre emporte aussi une transformation des rapports entre l’exécutif et le législatif. Ainsi, dès le 4 août 1913, les chambres sont ajournées. Elles ne siégeront à nouveau qu’à partir de décembre pour décider de siéger en permanence jusqu’à la fin de la guerre. 220 députés sont alors mobilisés et font la navette entre le front et la chambre. Toutes les élections sont suspendues pdt toute la durée de la guerre. Une part importante des conflits entre les pouvoirs naîtra du fait de savoir qui doit contrôler les militaires et montre en fait la volonté des chambres d’exercer un contrôle réel sur l’exercice de la guerre. Même pdt la guerre, il y aura des remaniements ministériels. Ainsi, par ex., Viviani sera remplacé par Aristide Briand, nom que l’on retrouvera en oct. 1915. Briand a dû accepter la création de comités secrets, comités de contrôle parlementaire et qui siégeaient en secret pour éviter les fuites militaires. Ces conflits ont laissé des traces dans l’esprit des militaires mais aussi des politiques. Les premiers seront tjs méfiants vis-à-vis des politiques, une méfiance qui se donnera notamment à voir durant la seconde GM. Dans l’ensemble, et pour tout ce qui concerne l’organisation essentielle du social, l’exécutif verra son rôle s’accroître tout au long de l’entre-deux-guerres, tout particulièrement dans le domaine économique.

 

 

Rapports économiques

 

Durant cette période, le gvt verra le nombre de ses membres considérablement augmenter, de même que le nombre des directions et sous-directions des ministères. => augmentation de l’emprise gouvernementale sur la vie économique. Dans le même temps, on observe la naissance de nouveaux organismes, comités, commissions. D’un point de vue politique, le ministère de Clémenceau arrive au pouvoir en 1917 (après avoir présidé pdt des années la commission de l’armée au Sénat) dans un contexte de crise politique. Première expérience de gvt personnel où l’exécutif prendra le pas sur le législatif. D’un point de vue économique, la production en vue de soutenir l’effort de guerre va prendre un tour imprévu. Nouvelle forme d’organisation de l’économie impliquant une plus grande intervention de l’Etat voit le jour avec l’effort de guerre et notamment dans le domaine de l’armement. Le budget de l’Etat connaît une augmentation très importante. Endettements intérieur et extérieur atteignent 40% et 21% sur la durée de la guerre. L’impôt sur le revenu voté en 1914, mis en place en 1916, permettra de rapporter 15% des ressources nécessaires. Les achats d’armement orientent la production. Enfin, une nouvelle organisation du travail, la collaboration des classes en vue d’une plus grande production, le taylorisme et la rationalisation sur la chaîne de travail, etc. sont mis en place.

C’est un socialiste, Albert Thomas, qui sera le principal instigateur, de 1915 à 1917, de cette révolution économique. Politique qui sera poursuivie jusqu’en 1920 et qui anticipe très largement le mouvement technocratique des années 30.

Il revient à ces deux hommes d’avoir énoncé et mis en place pour la première fois, la notion d’une économie organisée qui tourne le dos au libéralisme de la belle époque.

La question de la direction de l’économie, la question de la collaboration des classes à la production, la question de l’organisation du patronat et des syndicats, la question de la productivité vont devenir des questions récurrentes tout au long des années 30 et seront un des enjeux du régime de Vichy.

 

 

La question du monde social

 

Cette augmentation de la production et la mobilisation des hommes au front impliquent aussi une transformation de la structure de la main d’œuvre dans l’économie. Les hommes qui sont en âge de travailler sont au front, donc une nouvelle main d’œuvre se révèle soudainement disponible : les femmes. Les ¾ de la main d’œuvre disponible, notamment dans l’agriculture, vont être mobilisés pour l’effort de guerre. C’est donc aux femmes qu’il sera désormais fait appel pour diriger l’exploitation et travailler dans les industries. En 1918, la structure d’un emploi de l’industrie se compose de 15% de femmes. Pourtant, il faudra attendre 1944 pour que les femmes soient intégrées dans le SU.

Après les offensives ratées de 1917 tentées par le maréchal Nivelle, successeur du maréchal Joffre, il va y avoir sur le front de très nombreuses mutineries qui seront suivies de nombreuses condamnations à mort. Il y a eu une forme de discrédit des militaires vis-à-vis de leurs troupes. Parmi les gloires, il y a le général Foch et Pétain, jeune général victorieux à Verdun en 1916. Il sortira de la  première GM en héros alors même que l’ensemble des dirigeants de l’armée subiront un discrédit de fait. Les anciens combattants vont représenter une force politique, certes pas unifiée, mais qui existe. Une force polq qui va jouer aussi un rôle dans l’entre-deux-guerres. 6 millions 400 milles mobilisés ont survécus à la guerre, soit 55% des plus de 20 ans et 45% en 1930. Plus d’un ancien combattant sur 2 adhère à une association d’anciens combattants dont le rôle sera de défendre les intérêts de ceux dont la vie a été traversée par la guerre. Si les anciens combattants ne constituent pas un parti polq en soi, parce qu’ils ne partagent pas tous les mêmes opinions, leur engagement politique, la force du nombre et de ce qu’ils représentent produit des effets sur le paysage de la vie politique.

 

 

  1. La Grande Peur

 

La IIIè République a été instaurée par les trois lois constitutionnelles des 24, 25 février et 16 juillet 1875 ainsi que par la loi du 14 août 1884 qui porte sur les révisions partielles des lois constitutionnelles. La première de ces trois lois porte sur l’organisation du Sénat. La deuxième porte sur l’organisation des pv publics. La troisième porte sur les rapports des pv publics. Ainsi, l’exécutif est confié au Président de la République. Il est élu pour 7 ans au SU indirect par la chambre des députés et le Sénat, réunis en Assemblée nationale, à la majorité absolue des suffrages. Il est rééligible. Le Président de la République est à l’initiative des lois en même temps que les deux chambres, il promulgue les lois, il dispose de la force armée, il nomme aux emplois civils et militaires MAIS… chacun de ses actes doit être contresigné par un ministre. C’est par le contreseing et du fait même de sa nomination par les chambres que le Président de la République sera désaisi de l’essentiel de son pv exécutif. De la même manière, le président de la République dispose du droit de dissolution de la chambre, mais seulement sur avis conforme du Sénat. Droit de dissolution qui tombera en désuétude presque immédiatement. Ministres individuellement et solidairement responsables, politiquement responsables devant les chambres. Les lois constitutionnelles citées précédemment ne prévoient pas l’existence d’un premier ministre. Ce n’est que progressivement, avec la pratique, que sera instituée une véritable présidence de conseil avec notamment un budget propre. Ainsi, ce n’est qu’en 1934 que la loi de finance prévoira l’existence d’un ministre chargé de la présidence du conseil auquel elle attribue des services administratifs propres ainsi qu’un local propre : l’Hôtel Matignon.

Le pv législatif est confié à la chambres des députés qui est élue au SU direct. 214 députés élus pour 4 ans suivant un scrutin uninominal majoritaire à deux tours ou au scrutin d’arrondissement. Le Sénat se compose de 300 membres dont 225 sont élus au SU indirect, les 75 restants sont cooptés à vie par les autres. Les sénateurs sont élus pour 9 ans et le Sénat est renouvelable par tiers tous les trois ans.

 

Point important : les effets de la révolution russe sur la vie politique française. Il n’est pas exagéré de dire que la question communiste est à l’origine des transformations profondes de la gauche mais aussi de la droite françaises dans l’immédiate après-guerre. Des effets sur la structuration politique, ex. différentes scissions qui vont traverser le socialisme mais aussi sur la structuration des forces syndicales.

Albert SARRAUT, ministre de l’intérieur en 1927, résume le sentiment général de cette époque par la formule : “ le communisme, voilà l’ennemi ”. Effets aussi sur le fonctionnement de la droite parlementaire et extraparlementaire en alimentant les réflexes réactionnaires de ses fractions les plus radicales et en justifiant toutes les actions légales ou illégales contre les partis de gauche en général et le parti socialiste en particulier parce que celui-ci est accusé de ne pas prendre suffisamment position contre le communisme ou plus précisément de ne pas prendre position contre les ouvriers qui seraient tous des représentants de ce communisme tant décrié.

 

Car là est bien la question, la q ouvrière ou plus précisément la q prolétarienne qui dominera toute cette période.

A gauche, parce qu’il faut mobiliser un ouvrier en pleine expansion, il faut ramener les votes pour soit. Pour les socialistes, le ralliement des ouvriers s’inscrirait dans une prise de pouvoir électorale et élémentaire. Pour le parti communiste, le ralliement des ouvriers s’inscrirait dans son objectif de prise de pouvoir révolutionnaire qui conduirait à une dictature du prolétariat.

Pour les partis de droite, parce qu’il faut répondre à la mobilisation sociale qui veut faire admettre le partage, la redistribution des richesses de cette nouvelle “ classe ” contribue largement à produire par son travail, mais aussi parce qu’il faut répondre à la nouvelle légitimité nationale acquise par les ouvriers du fait de leur conduite héroïque pdt la guerre.

 

C’est précisément à cette période que les synthèses du type national-social vont voir le jour. Cette recherche de synthèse au-delà du clivage gauche-droite est une q qui traverse toute la société française, et ce, du fait que le monde ouvrier confronte cette divergence à une profonde refonte sociale. Transformation des villes. Mouvements qui ont pour effet de créer les fameuses banlieues et particulièrement les banlieues dites rouges qui encerclent Paris intra-muros. Qui dit création des banlieues dit la nécessité de créer un nouvel habitat : naissance des grands ensembles. Transformation de l’agriculture et de l’industrie, notamment pcq elles s’inscrivent désormais dans une concurrence internationale. La guerre a profondément affecté … => chute de la production : situation de pénurie => forte hausse des prix. C’est ce que l’on a appelé à l’époque “ la vie chère ”.

Situation générale qui favorise l’émergence de mvt sociaux de grande ampleur dès 1919 peu après l’Armistice du mois de janv. Mvt de grde ampleur que même la CGT (confédération générale des travailleurs), alors seul syndicat national de défense des salariés, aura du mal à contrôler et particulièrement dans le domaine du transport et chez les fonctionnaires. Mvt sociaux qui vont aussi prendre la forme de grèves généralisées. C’est donc dans ce contexte de grèves généralisées, de troubles sociaux, etc. en France et en Allemagne que Georges CLEMENCEAU fera adopter qq jours avt 1er mai, une loi proposant la journée de travail à 8h, l’objectif étant de calmer le conflit et de ramener les travailleurs au travail. Toutefois, l’adoption de cette loi dont les conditions d’application ne sont claires pour personne, n’empêchera pas la manifestation du 1er mai de se transformer en véritable conflit ouvert entre manifestants et policiers et ne fera pas cesser le mouvement de grève qui va se poursuivre jusqu’en 1920. Un conflit long et violent qui amènera le gvt à réquisitionner les chemins de fer et à organiser une réaction violente contre les manifestants.

 

Dans le même temps, la Fce apporte son soutien militaire aux forces contre-révolutionnaires en Russie sans toutefois jamais intervenir directement. Or, la révolution constitue un mythe important pour la gauche française. La révolution russe est donc perçue par la gauche française comme une lueur d’espoir ou comme on disait à l’époque “ la grande lueur ”. La lueur des uns sera la peur des autres.

Face à la révolution russe, les partis de gauche issus de l’avant-guerre vont être contraints de prendre une position claire sur leur rapport à cette rév russe. Or, avant que cette rév n’éclate, des dissenssions existent déjà au SFIO (section française internationale ouvrier) sur la q de la prise de pouvoir : la prise de pouvoir doit-elle être révolutionnaire ou républicaine ? Des dissensions aussi sur la q du rapport à la guerre du pacifisme. Des dissensions qui jusque là n’avaient jamais conduit à des scissions internes. En déc. 1920, il apparaît que ces dissensions sont des lignes de clivage importantes au sein du parti socialiste. C’est lors du Congrès de Tours en déc. 1920 et lors de la q de la Troisième Internationale que la SFIO se scindera définitivement en deux partis distincts.

 

La 3è internationale est créée en 1919 par Lénin afin de rallier les partis socialistes occidentaux à la révolution bolchevique et au programme d’une révolution globale en Europe. En fév. 1920, qq mois avt le congrès, les mbres de la SFIO vont s’affronter et se diviser en trois tendances autour de la q à l’adhésion de la 3è internationale :

  • ceux qui sont pour (1/3 de la SFIO),
  • ceux qui sont contre et militent pour un renouveau de la 2è internationale (Léon BLUM) et se positionnent contre la bolchevisation du parti, d’où le refus d’adhésion à la 3è internationale,
  • et enfin les “ centristes ” qui rassemblent les partisans d’une reconstruction de la 2è internationale par un rapprochement de la fraction la plus à gauche avec les partisans de la révolution bolchevique.

Le secrétaire général (SG) du parti socialiste, Ludovic-Oscar FROSSARD et le directeur général de l’Humanité (journal) sont dépêchés à Moscou pour négocier les termes de cette adhésion à la 3è internationale, négociations qui s’effectueront avec Lénin et… en pers. 21 conditions requises pour être admis dans la 3è internationale parmi lesquelles : création d’un nouveau parti dit “ communiste ” qui doit être organisé suivant un modèle centralisé et discipliné qui exerce un contrôle sur les parlementaires, ce qui, pour cette époque, est tout nouveau, mais aussi un contrôle sur la presse et les militants, ce qui exclue d’emblée toute possibilité de réforme, mais aussi un parti qui s’engagerait dans le noyautage des organisations syndicales mais aussi un parti qui doit être prêt à s’engager dans des actions illégales et pour lequel les décisions dictées par l’internationale sont obligatoires et ne souffrent d’aucune remise en cause.

 

Quelques mois plus tard, au Congrès de Tours en déc. 1920, trois motions seront soumises aux militants :

  • la première, défendue par Marcel CACHIN et L.-O. FROSSARD, propose une adhésion sans réserves à la 3è internationale ;
  • la seconde, défendue par Jean LONGUET (petit-fils de K. MARX), propose l’adhésion à la 3è internationale mais avec des réserves ;
  • la troisième est un rejet total d’adhésion, motion défendue par L. BLUM.

Lors du vote, c’est la première motion qui l’emporte très largement. Ce vote repose sur une illusion qui fera long feu durant les premières années de la décennie, illusion sur le prestige de la révolution. L’internationale communiste, à cette époque, rallie à elle un grand nombre de militants qui sont pris dans l’enthousiasme de la paix et de l’universalisme. Ce n’est que plus tard qu’ils entrevoient la dictature du prolétariat par le bolchevisme soviétique. La plupart des militants reviendront au sein de la SFIO.

 

La date du 29 déc. 1920, jour où a eu lieu ce vote, est une date très importante dans la vie polq française parce qu’elle marque la scission entre socialistes et communistes de Tours et parce que ce vote ne cessera de produire des effets et est une clé pour comprendre l’union de la gauche, le Front populaire et pour comprendre aussi la gauche plurielle.

 

Qu’est-ce que le SFIO en 1920 ? Ceux qui ont perdu le vote du 29 déc. menés par LONGUET et BLUM représentent environ 40 000 adhérents alors que la majorité communiste représente 120 000 adhérents. C’est la minorité socialiste qui gardera l’appellation SFIO. De même, la majorité des parlementaires et des élus resteront des adhérents de la SFIO. En 1925, la SFIO comptera près de 110 000 adhérents et est dirigée par Paul FAURE qui occupe le poste de SG. Léon BLUM reste, lui, secrétaire du groupe parlementaire et ce malgré ses positions lors du vote et le courant minoritaire qu’il représente. Du fait de sa proximité avec le parti communiste sur l’échiquier polq et de sa position républicaine et de sa personnalité qui connaît … et compte tenu de sa position sur l’affaire DREYFUS, la SFIO va se trouver confrontée à une contradiction fondamentale. En tant que parti révolutionnaire elle sera intégrée au système parlementaire de la Rép. En 1926, BLUM proposera une distinction entre la conquête du pouvoir d’un côté, ce qui implique une totale prise de pouvoir par le prolétariat et un changement de régime de propriété, et l’exercice du pouvoir de l’autre, dans le but de gérer loyalement la société “ bourgeoise ” tout en assurant au mieux les intérêts de la classe ouvrière.

 

Au niveau du parti communiste, que se passe-t-il ? Cad section française de l’internationale communiste qui selon les conditions de l’internationale ne peut se réorganiser qu’au rythme des rapports de force au sein même de l’internationale, ce qui signifie qu’il est totalement dépendant du pv soviétique. A partir de 1924, le parti s’organisera comme un véritable parti révolutionnaire structuré en cellules au sein des entreprises et non en sections sur la base du domicile et avec un certain nbre de membres permanents. Les effectifs du parti passent de 120 000 adhérents en 1929 à 55 000 en 1936. Entre ce Congrès de Tours et l’arrivée de Maurice TAUREZ au poste de SG du parti, le parti communiste subit une baisse constante du nombre des adhérents ce qui, paradoxalement, ne signifie pas une baisse électorale, bien au contraire.

 

La présence du PC dans le jeu polq de la 3è Rép. aura pour effet de contraindre les autres forces polq à s’organiser de manière plus disciplinée, va contraindre les autres partis à se comporter en véritables partis polq alors que jusqu’ici c’était le groupe parlementaire qui était dominant.

Des luttes d’influence dans le parti qui se retrouvent aussi dans le monde syndical français. La CGT comptait avant la guerre environ 700 000 mbres. Durant la guerre et après la guerre, le nombre d’adhérents triple pour atteindre le chiffre record de 2, 4 millions de mbres en 1920.

 

Les manifestations et les grèves ne sont pas étrangères à cette forte expansion. La rév russe aussi dans un certaine mesure puisqu’en 1921, la CGT connaîtra, elle aussi, une division dans ses rangs qui se solde par la création de la CGTU (confédération générale du travail unitaire) qui est clairement d’obédience communiste. 

En 1919, en réaction contre le communisme, est créé la CFTC (confédération française des travailleurs chrétiens) dont les mbres s’inspirent de la doctrine sociale de l’Eglise : ils rejettent la lutte des classes.

De son côté, le patronat se regroupe autour de la CGPF (confédération générale de la production française) en 1919.

Le monde syndical se structure donc lui aussi autour de la question communiste.

 

 

DROITE :

Il y a les tendances dites traditionnelles de la droite parlementaire, il y aussi les tendances émergentes de la droite extra ou antiparlementaire, qu’elles soient issues de la tendance réformiste de l’Action française ou du mouvement politique nationaliste et royaliste fondé en 1898 au moment de l’affaire DREYFUS. Mvt qui était ouvertement antisémite, anti-protestant et xénophobe. Troisième tendance plus directement imitée du fascisme révolutionnaire italien.

 

Bloc National : la chambre des députés élues en 1914 continue de siéger durant toute la période de guerre et ce jusqu’en 1919. En effet, le prés. du Conseil G. Clémenceau, surnommé “ le père de la victoire ”, décide qu’il n’y a pas lieu, au sortir de la guerre, d’organiser des élections. Premières élections après-guerre en nov. 1919 sur la base d’un nouveau scrutin mixte. Ce qui signifie que désormais, c’est la liste qui obtient la majorité des voix dans une circonscription qui remporte la totalité des sièges à pourvoir.  Or, lors de ces élections ce sont les listes dites du bloc national qui remportent les élections. Sont regroupés dans ce bloc national des représentants de la Fédération Républicaine, de l’Alliance Démocratique et du Parti radical socialiste, en somme, sont réunis dans ce bloc des nationalistes, des… et des modérés.

La coalition de bloc national conçue à l’origine comme une tentative de reconduction de l’Union sacrée en temps de paix réunie cette fois autour de la thématique anti-bolchevique, est donc une alliance entre la droite, le centre droit avec qq éléments d’extrême droite. La victoire du BN aux élections de nov. 1919 tient davantage à l’utilisation qui est faite par les candidats du bloc de l’agitation sociale. C’est notamment lors de cette campagne que vient la célèbre affiche qui représente un bolchevique avec un couteau sanglant dans les dents et qui sera diffusé en milliers d’exemplaires par un syndicat.

 

De son côté, le SFIO sera le seul parti qui lors de ces élections refuse de passer des alliances ce qui fait qu’il ne réunit que 17% des suffrages, soit 62 sièges, soit moitié moins qu’avant. En 1919, à l’issue de ces élections, c’est donc un nouveau visage de la chambre qui se donne à voir, majoritairement de droite avec 415 députés parmi lesquels 60% n’ont jamais été élus avant et 44% de ces députés sont d’anciens combattants. C’est Alexandre MILLERAND qui sera chargé de former le nouveau gouvernement. G. Clémenceau se présente à la présidence mais ne sera pas élu, battu par Paul DESCHANEL, ancien prés. de la chambre des députés et qui convoitait le poste depuis longtemps. Contraint de démissionner pour des raisons de santé un mois plus tard. C’est A. MILLERAND qui sera alors élu président.

 

MILLERAND sera le premier dans l’histoire de la République française à tenter une expérience de gvt présidentiel, en tentant de garder le contrôle du gvt en nommant notamment un de ses proches, Georges LEYGUES. Expérience qui tourne court parce que ça ne plaît pas aux parlementaires qui vont renverser MILLERAND suite à un vote en janv. 1921. 1921 remplacé par BRIAND, remplacé en 22 par POINCARE.

Q à cette époque de la place de la présidence dans le système institutionnel français. Q qui va devenir récurrente au fil de l’histoire de la vie polq française et dont le gal de Gaulle hérite.

L’ensemble des mobilisations parlementaires et extra-parlementaires en faveur d’un exécutif fort et qui voit le jour à partir de cette époque inscrivent durablement dans l’esprit de tous qu’en France le parlement détient beaucoup trop de pouvoirs et que de ce fait, les chambres doivent pouvoir être dessaisies d’une manière ou d’une autre. C’est ainsi qu’Alexandre MILLERAND, sortant de la traditionnelle réserve à laquelle est tenu le chef de l’Etat, prononce un discours en 1923 dans lequel il expose ses idées de réforme constitutionnelle afin de renforcer les pouvoirs du prés. de la République, obtenant dans cette initiative le soutien de la fraction la plus à droite du bloc national, un soutien qui lui sera fatal => les parlementaires vont lui retirer leur confiance.

 

En 1920, le monde ouvrier représente 13 millions de personnes, ce qui le rapproche du monde des paysans. C’est un monde d’une relative hétérogénéité dans ses conditions de vie, dans sa représentation. Parmi ces 13 millions d’ouvriers, 4 millions sont employés dans petits ateliers, donc dans un rapport de proximité avec le patron, tandis que sur les 9 millions d’ouvriers restant, on compte environ 1/3 d’ouvriers employés dans des usines de plus de 500 salariés : la “ grande industrie ”. La structure du travail industriel avant les années 20 ne comprend que 2 types d’ouvriers : l’ouvrier non qualifié et le manœuvre auquel va se rajouter un 3è type, l’ouvrier qualifié qui apparaît avec l’importation des E-U du taylorisme. Une transformation importante car au travail d’équipe entre ouvriers en vue d’une tâche complète se substitue et se généralise à travers le pcpe du taylorisme un travail à la chaîne où l’ouvrier effectue une tâche déterminée à l’avance et chronométrée.

On pourrait considérer que l’importation du taylorisme et le système qui va avec a amélioré d’une manière générale le niveau de vie des ouvriers, notamment parce qu’alors la France connaît une période de plein emploi. Néanmoins, ces salaires partaient de très bas et ne suivent pas non plus l’accroissement du revenu national. De plus, leurs conditions de vie ne s’améliorent guère plus car, après l’adoption en 1919 de la loi sur la journée des 8h, il faudra attendre 1928 pour qu’une nouvelle loi sociale soit adoptée : celle sur les assurances sociales. Des conditions de vie qui ne s’améliorent pas non plus. L’habitat ouvrier se voit repoussé à la périphérie de Paris. Multiplication des banlieues rouges qu’il ne faut pas négliger car elles vont servir de réservoir électoral au parti communiste, une proximité de la capitale qui va aussi alimenter la peur des Parisiens intramuros des banlieues, des habitants des banlieues qui, à cette époque, renfermaient la plupart des populations ouvrières.

 

3 grds syndicats se partagent le monde ouvrier d’alors : CGT, CGTU et CFTC.

  • CFTC militera toujours pour une collaboration entre les patrons et les ouvriers, ce qui explique sa représentation minoritaire. Sera toujours considérée jusqu’à nos jours comme une succursale du patronat français. Sentiment renforcé par ses prises de position récurrentes contre la grève en général et contre la grève générale en particulier.
  • CGTU quant à elle, est tout aussi minoritaire dans sa représentation des ouvriers mais à partir de positions tout à fait opposées à celles de la CFTC. En effet, la CGTU prône la lutte des classes et milite pour la prise du pouvoir par le prolétariat. Elle rassemble des ouvriers issus de l’industrie du textile spécialisée, de la sidérurgie, de la mécanique ou encore des produits chimiques. Elle rejette toute réforme et tout réformisme qui ne sont, à ses yeux, “ qu’une stratégie de la bourgeoisie ” et considère, à l’inverse de la CFTC, que la grève générale est le seul instrument valable pour la conquête du pouvoir.
  • CGT est la seule à s’en sortir et rassemble aux côtés des ouvriers des personnels issus de la fonction publique, des fonctionnaires, des enseignants, des cheminots, des postiers, etc.

 

Un monde syndical finalement bcp plus homogène du fait de la très forte représentativité de la CGT, à l’inverse du monde politique qui n’a de cesse de se scinder. En effet, après la scission entre socialistes et communistes au Congrès de Tours et désormais poussés sur leur droite par l’apparition de nouveaux courants polq à gauche, les socialistes SFIO vont accepter finalement, pour pv exister en polq et surtout au sein des chambres, de former des listes de coalition communes avec les radicaux dans la perspective des élections législatives de 1924.

 

Le “ Cartel des Gauches ” est une alliance électorale conclue entre radicaux socialistes, socialistes et centre gauches uniquement en vue de constituer une liste capable de battre le Bloc National lors des élections de mai 1924.

 

Lors de ces élections, le mode de scrutin qui avait été utilisé lors des élections de 1919 est à nouveau mobilisé et produit un nouveau paradoxe. En effet, les listes présentées par la droite obtiennent 4,5 millions de voix contre 4,2 millions pour les listes présentées par la gche mais du fait du mode de scrutin, la droite n’obtient que 228 sièges et le Cartel des Gauches 327 alors même qu’il remporte un nombre de voix inférieur. 104 sièges pour les socialistes, 139 radicaux et 26 communistes, 228 sièges pour la droite.

 

Le Cartel des Gauches est l’œuvre polq d’Edouard HERRIOT, prés. du parti radical, maire de Lyon et ministre en 1916. C’est lui qui sera appelé par le prés. Gaston DOUMERGUE pour former le gouvernement après le départ de MILLERAND. Il propose aux socialistes d’entrer au gvt mais ces derniers refusent tout en restant dans la majorité parlementaire.

Durant son mandat, le gvt HERRIOT tentera de revenir sur certaines décisions prises par la droite durant son mandat et tentera de supprimer le statut dérogatoire de l’Alsace Lorraine sur les lois religieuses et tentera de supprimer l’ambassade de Fce au Vatican (créée en 1921), tentera de faire appliquer aux associations religieuses la loi sur les associations de 1901, cad qu’aux associations religieuses soit appliqué le régime de droit commun. Aucune de ces tentatives n’aboutira.

 

Autre problème pointe, à savoir la crise financière dont (même si elle éclate effectivement en 1929) les prémices se font déjà sentir à partir des années 1924-1925. D’autant que la situation économique de la France au sortir de la guerre est particulièrement catastrophique. Etat français, dette intérieure : 338 milliards F fin 1924. Cela contraint le gvt HERRIOT à recourir aux avances de la Banque de France, lesquelles sont soumises à une limite légale qui, au regard de la dette, sera très rapidement dépassée. Le gouverneur de la BF dmd donc au gvt de faire voter une loi qui permettrait de dépasser ce plafond, ce que E. HERRIOT refuse de faire parce que faire voter une loi l’obligerait à révéler au grand public l’ampleur de la dette, l’ampleur du dépassement. E. H. accepte cpdt la proposition de BLUM d’instaurer un impôt sur le capital.

 

En avril 1925, le prés. de la BF révélera publiquement le montant des avances consenties par la BF et immédiatement le cabinet HERRIOT est renversé. Il forme immédiatement un nouveau cabinet (juillet 1926) et sera renversé pour les mêmes raisons, cad qu’à nouveau il refuse de faire voter une loi pour relever ce plafond. Une succession d’événements qui marque la fin du Cartel des Gauches.

 

Ça va plus loin que ça en fait. La chute du CG s’explique par une sorte de malentendu qui a fondé cette union des gauches. On a d’un côté les socialistes qui sont favorables à une politique économique et sociale très clairement inscrite à gauche du fait notamment de la pression exercée par une aile révolutionnaire qui, à l’époque, était très active au sein du PS, et d’un autre côté les radicaux socialistes qui étaient davantage favorables à une politique que l’on pourrait qualifier de républicaine de gauche, notamment en matière de laïcité et d’éducation mais accompagnée d’une politique économique et sociale plutôt inscrite au centre et très libérale. Cette situation entre ces 2 gauches marquera durablement la définition de ce qu’est la gauche et surtout de ce qu’est une politique de gauche dans la vie politique française. Car au-delà de l’explication que fournira HERRIOT pour expliquer la chute du CG qui consiste à accuser le “ mur d’argent ”, manière de pointer les liens qui unissaient les milieux de la finance, de la presse et de la polq dans cette période de l’entrée de guerre, la fin du CG est surtout le symptôme de 2 phénomènes durables :

  • la transformation des rapports entre l’Etat et le marché déjà perceptible depuis la 1èreGM et que la crise de 29 ne fera qu’amplifier ;
  • La transformation des rapports entre l’ancienne gauche républicaine, cad celle des radicaux socialistes, et la nouvelle gauche socialiste et communiste dont les différences se donnent à voir sur les questions essentiellement éconq et sociales.

 

La chute du CG voit le retour au pv de Raymond POINCARE sur une formule d’Union nationale qui réunira les radicaux socialistes, le centre droit et une fraction de la droite. E. HERRIOT sera présent dans ce nouveau gvt en tant que ministre…

 

Aux élections de 1928, pour lesquelles le scrutin uninominal à deux tours est rétabli, la nouvelle formule d’Union Nationale initiée par R. POINCARE fait recette. La droite à elle seule obtient 325 sièges, les radicaux 125, les socialistes 100 et les communistes 12. Toutefois les radicaux socialistes, déchirés en leur sein sur la question de la participation à un gvt largement de droite se retire très rapidement de cette Union Nationale.

 

Au départ de R. POINCARE en 1929, se succéderont plusieurs prés. du conseil jusqu’en 1932 : Aristide BRIAND, André TARDIEU et Pierre LAVAL. A la crise financière de l’après-guerre, marquée notamment par une forte dévaluation de la monnaie et par un endettement intérieur et extérieur considérable, va succéder la crise économique née des répercussions de la crise boursière de 1929. Politique de fermeté de l’Allemagne en vue notamment d’obtenir les réparations de guerre, qui culminera par la domination de la RUCH en 1923 succède une tentative de rapprochement politique et culturel avec l’Allemagne.

 

Toutefois, le début des années 30 marque la fin des illusions d’un retour à la paix et à la prospérité au même niveau qu’avant la GG. Des illusions perdues qui vont avoir pour effet de diviser encore plus entre elles les différentes forces politiques. Divisions politiques de plus en plus violentes qui ouvrent une séquence politique dans laquelle les oppositions parlementaires vont être exportées dans la rue. Exportation qui signifie que la méprise des organisations de masse spécialisées notamment dans les manifestations de rue comme par exemple les ligues, va devenir un enjeu politique très important. 

 

Dans l’ensemble, on peut dire que la 1ère GM aura largement contribué à consolider la République en France parce que de fait la question monarchique encore vivace au tournant du siècle n’est plus vraiment d’actualité après 1918. On peut dire, dans les faits, qu’il n’y a plus de monarchistes qu’au sein d’un regroupement de traditionnalistes romantiques : l’Action française. La monarchie comme régime, et plus généralement la question même de la nature du régime n’est plus vraiment une question d’actualité après la GG. La remise en cause du régime se donne désormais à voir à travers une remise en cause dans l’arène parlementaire mais aussi en dehors, une remise en cause de l’organisation des pouvoirs à travers notamment la question du renforcement du pv exécutif. L’Action française sera une des ligues porteuses de cette remise en cause, de cette contestation, à quoi s’ajoute son combat pour la défense des valeurs du catholicisme traditionaliste, suite notamment à la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat. Question d’actualité longtemps après la 1ère et 2nde GM.

 

L’Action Française est une ligue fondée en 1905 autour d’une revue qui porte le même nom. L’AF, en tant que ligue et au travers son journal, exercera tout au long des années 20 et 30 une grande autorité polq. Une autorité qu’elle doit à la guerre mais aussi et surtout à son leader, Charles MAURRAS qui exerce une véritable influence intellectuelle sur plusieurs générations, même parmi les plus jeunes. Parmi ces jeunes, on en retrouvera bcp qui seront en première ligne et aux avant-postes dans le régime de Vichy. Dans la réalité, l’AF, parce qu’elle n’a pratiquement aucune existence électorale et ce n’est d’ailleurs pas son objectif, rassemble en 1924 à peine une 30taine de milliers de militants. Son quotidien ne tire qu’à 90 mille exemplaires. Elle rassemble des militants issus des professions libérales (médecins, notaires, pharmaciens, avocats, hommes d’affaires) et des militaires, la représentation des ouvriers étant très faible. Dans ce contexte, l’AF n’existera réellement que par les actions coups de poing qu’elle mène, principalement dans le quartier latin à Paris mais une existence qu’elle doit aussi par la présence en son sein de quelques intellectuels prestigieux à l’époque.

L’AF perd toute crédibilité à partir de 1926, lorsque le Pape Pi XI lui-même condamne et désavoue le mvt du fait du mélange des genres entre polq et religion, condamnation et désaveu public qui aboutissent au démantèlement du mouvement. Les plus jeunes rejoindront des mvt de droite, pour d’autres des mouvements de gauche, unis sous une même barrière : ils se pensent tous comme des révolutionnaires.

 

Durant les années 20 de nombreuses ligues vont être créées sur le modèle de l’Action française et vont durablement marquer la vie politique française de leur empreinte au moins jusqu’au régime de Vichy. Ainsi, en est-il de la Ligue des Jeunesses Patriotiques créée en 1924 et qui trouve ses fondements dans la vieille Ligue des Patriotes dirigée par Paul Déroulède, elle-même issue du mvt anti-dreyfusard de la fin du 19è s. La LJP est dirigée par le très influent industriel, patron de presse, ancien combattant et député Pierre Taittinger. Sorte de mvt de jeunesse de la ligue des patriotes, ses mbres sont habillés en uniforme bleu et est organisé sur le mode para-militaire avec défilés et parades et se donne pour objectif l’action contre-révolutionnaire et milite pour un renforcement du pv exécutif. Au moment de sa création en 1924, elle compte une centaine de milliers de membres et culmine à plus de 150 mille en 1929. Très mobilisée lorsque le Cartel des Gauches sera au pv, leur action sera pratiquement nulle lorsque Poincaré arrive au pv. En somme, la LJP n’est qu’une sorte d’extension de la droite parlementaire radicale et est essentiellement destinée à mobiliser, lorsque le besoin se fait ressentir, la bourgeoisie étudiante du quartier latin à Paris. La vie polq française de cette époque sera aussi marquée par de nouvelles importations appelées à un destin durable :  le fascisme. Si les mvt les plus ouvertement fascistes n’apparaîtront que vers le milieu des années 30, il est un mvt qui fait figure de précurseur de ce domaine : le Faisceau dirigé par Georges Vallois, ancien mbre de l’Action Française.

De 1925 à 1928, le Faisceau est appelé à devenir une référence fondatrice dans la vie polq française. Directement inspiré des expériences italiennes du fascisme il a la particularité de mélanger à la fois syndicalisme et nationalisme révolutionnaire. Comme les JP, le Faisceau est très largement financé par les industriels de droite comme le négociant en cognac HEMMESSY. Même si l’existence du Faisceau fut très courte, Georges Vallois et son mvt deviendront une référence très importante dans la vie polq des années 30 car c’est à lui notamment que l’on doit la ligne polq nationalisme + socialisme.

 

La ligue la plus importante des années 30 sera créée en 1927 comme « association de combattants de Lavant et des blessés de guerre cités pour une action d’éclat » . Il s’agit des Croix de Feu. Financée par le très riche et très influent François Coty (accessoirement aussi par des fonds secrets du gvt), les Croix de Feu ne connaîtront leur apogée qu’avec l’arrivée à la tête du mvt du Lieutenant colonel François de LAROQUE en 1931. Très impressionnante par sa capacité de mobilisation, la ligue construit son succès autour des thèmes traditionnels de la droite parlementaire comme le renforcement du pv exécutif, la réforme de l’Etat, la réconciliation du capital et du travail, la polq familiale, le tout adossé à un anti-communisme certain et un anti-parlementarisme de circonstance.

 

Liens entre ligues et partis politiques

Les ligues n’ont pas d’objectif électoral contrairement aux partis politiques, ce qui ne signifie pas pour autant qu’elles ne souhaitent pas agir sur la vie électorale et parlementaire mais seulement qu’elles ne cherchent pas à constituer des listes, à former des coalitions, à conquérir des sièges parlementaires ou à briguer des ministères. Leur action consiste précisément à mobiliser contre le gvt, le parlement et la République. De ce fait, leur terrain de mobilisation est la rue. Lointaines héritières de l’anti-dreyfusisme, sans cesse ressourcées par l’idéologie de l’Action française, stimulées par l’exemple du fascisme italien, les ligues de l’entre-deux-guerres sont un produit des tranchées et elles multiplieront les mobilisations politiques autour du thème inusable de la victoire volée par les politiciens aux combattants. NB : Les ligues ne seront jamais aussi actives que sous les gouvernements dirigés par la Gauche. De la même manière, les ligues ne sont qu’un prolongement fonctionnel des partis politiques de la Droite parlementaire avec lesquels les liens matériels et personnels sont souvent apparents et servent de continuation de la politique parlementaire par d’autres moyens, à savoir la mobilisation de la rue.

 

Qui dit organisation de manifestations invite à s’interroger sur le visage du monde social sur cette même période. Le monde catholique va connaître un profond renouvellement durant les années d’après guerre du fait notamment des nouveaux enjeux et des nouvelles divisions politiques qui ont surgi avec l’apparition du communisme. Il faut donc apporter de nouvelles réponses mais aussi et surtout du fait de l’évolution même de la société française de moins en moins rurale (plus urbaine), de moins en moins pratiquante même si la société française demeurera très longtemps imprégnée du catholicisme. Par ailleurs la séparation de l’Eglise et de l’Etat, désormais un fait acquis, pose la question de la place de la religion dans ce nouveau contexte politique. L’ensemble de ces éléments va sans doute appeler la naissance des différents mvt catholiques qui, dans les années 20 et 30, vont exercer une influence non négligeable sur la vie polq et sociale française. Par exemple, la Jeunesse Ouvrière Catholique, fondée en 1926, qui entend apporter une réponse à la crise du catholicisme en milieu ouvrier et par voie d’extension au communisme, ou encore la Jeunesse agricole catholique fondée en 1929, ou encore la Jeunesse étudiante catholique qui sera fondée en 1932. Cette ouverture sociale de l’Eglise vient pour l’essentiel de la prise de conscience de la déchristianisation en cours au sein de la société française. Dans le même temps, une nouvelle force politique voit le jour en France et en Europe comme résultat direct de cette tension au sein du catholicisme, à savoir la démocratie chrétienne qui jouera un rôle très important après la seconde guerre mondiale. Par exemple, le Parti Démocrate Populaire créé en 1924 est le premier parti politique français qui se réclame ouvertement de la démocratie chrétienne et se présente comme une réponse à la dérive gauchiste sous l’influence du marxisme mais se veut aussi une réponse à la dérive droitière des anciens partis qui se réclament du catholicisme. Peu influent électoralement, il faut garder à l’esprit le Parti démocrate populaire car il fournira les cadres polq les plus influents de l’après-guerre.

 

Le crash boursier de 1929, la crise économique mondiale qui s’ensuit et des évènements majeurs comme la prise du pouvoir en Allemagne par Hitler vont avoir des conséquences immédiates sur la vie polq française et conduire notamment à la crise de février 1934. Après les différents gvt de droite des années 20, les élections de mai 1932 portent au pouvoir l’Union des Gauches. La nouvelle chambre se compose donc de 9 députés communistes, 132 socialistes, 16 radicaux et 44 divers gauches contre 167 députés du centre droit parmi lesquels qq démocrates chrétiens et 91 députés de droite. Une victoire de la gauche qui sera totalement incapable de s’entendre pour former un gouvernement. C’est donc l’instabilité gouvernementale des années 1932-1934 qui favorise une critique « du parlementarisme absolu », une critique à la fois au sein des partis parlementaires mais aussi au sein des ligues extra-parlementaires. Ils seront encouragés dans ces critiques par le soutien de professeurs de droit constitutionnel comme le prof Raymond Carré de Malberg ou encore Joseph Barthélémy. Il est ainsi envisagé de restaurer le droit de dissolution, d’instaurer une procédure référendaire, de renforcer le pv exécutif en donnant de réels pouvoirs au président du Conseil, ce qui suppose de restreindre le pouvoir des commissions parlementaires. La période des années 30 marque une nouvelle période de scissions au sein des différents partis politiques avec notamment l’apparition de nouveaux courants qui se réclament tous d’un dépassement du clivage entre gauche et droite devant la montée des forces politiques se réclamant du fascisme, du national socialisme ou encore du communisme et de fait, certains de ces courants dériveront lentement mais sûrement vers le fascisme. Il est difficile de résumer l’idéologie de ces nouveaux courants : « ni droite ni gauche et tous sont à la recherche d’une troisième voie entre capitalisme et communisme », de même que tous sont hostiles à toute forme de matérialisme de type marxiste ou bourgeois, tous militent pour un renforcement du pouvoir exécutif, pour une organisation de l’économie, pour une forme de corporatisme sans compter leur rapport ambigu face au fascisme que les historiens n’ont toujours pas résolu.

 

Le parti radical et radical socialiste fondé en 1901 est considéré comme le plus ancien parti politique français. Bien que situés à gauche sur l’échiquier politique, notamment du fait de ses positions sur la laïcité et l’éducation, les radicaux sont toutefois traditionnellement attachés à l’économie libérale. Du coup, ils ne cessent de se dmd depuis la guerre s’ils doivent gouverner avec la droite réactionnaire ou avec la gauche révolutionnaire. Une question qui va finir par diviser le parti. Ainsi, au début des années 30, un courant dit « Jeune Turc » fait son apparition parmi lesquels on trouve Pierre Mendès France et Bertrand de Jouvenel, un courant qui conteste le vieux radical socialisme, qui se déclare favorable à un renforcement du pouvoir exécutif, à un contrôle de l’économie par l’Etat, qui n’est pas totalement insensible aux sirènes du fascisme (notamment Jouvenel). Ainsi, si la plupart soutiendront Daladier contre Herriot au sein du parti, d’autres quitteront le parti en 1933 pour créer un mouvement ouvertement fasciste et feront carrière sous le régime de Vichy comme se fut le cas pour Gaston Bergerie, une carrière qui ne dépassera pas le régime de Vichy. Mais c’est surtout au sein de la SFIO que les choses se gâtent avec notamment l’exclusion de ses rangs de la tendance dite néo-socialiste. Déchirée sur la place à accorder au marxisme dans la doctrine du parti, écartelée entre une droite décidée à passer une alliance de gouvernement avec les radicaux et une gauche qui est hostile à cette alliance, la SFIO toujours dirigée par Blum, va être confrontée à l’émergence d’un courant révisionniste réuni autour de Marcel Déat, partisan d’une révision du marxisme. Il seront exclus de la SFIO en 1933 lorsqu’un des leaders de ce courant Adrien Marquet exposera la doctrine du néo-socialisme qui se résume par « Ordre, autorité, nation », une dérive du socialisme qui conduira directement Déat et ses partisans vers le fascisme sous prétexte de recherche d’une synthèse entre le nationalisme et le socialisme, ce qui le conduira à la collaboration la plus radicale sous le régime de Vichy. 

 

En février 1934, la France va connaître une crise politique majeure. Plus précisément les évènements survenus le 6 février 1934 vont provoquer une crise politique majeure. A l’origine de cette date, il y a l’affaire STAVISKY. La presse d’extrême droite s’empare de cette affaire et sous-entend la complicité du procureur. Plusieurs procès en cours mais qui n’ont jamais lieu. La presse d’extrême droite accuse le procureur de la République (beauf du président du Conseil) d’avoir aidé Stavisky à échapper à justice, notamment dans le cadre d’une escroquerie qui remonte aux années 20. Conduit un membre du gvt à démissionner. La presse émet aussi des doutes quant à l’éventualité d’un suicide, sentiment renforcé par la découverte du corps sur une voie ferrée d’un conseiller du parquet chargé de l’affaire Stavisky. En somme, la presse d’extrême droite profite de cette affaire pour en faire une affaire d’Etat qui démontrerait la corruption du pouvoir politique du gouvernement. De plus, Stavisky est ce que l’on appelle, en language polq d’extrême droite, un métèque juif né en Europe de l’Est, arrivé en France au tournant du siècle et naturalisé Français en 1910. La presse accuse les radicaux d’être complices de Stavisky. Harcelé par les ligues et par la droite parlementaire, auxquelles s’ajoutent des manifestations organisées par les ligues d’extrême droite, Daladier est nommé à la présidence du Conseil et promet de faire la lumière sur l’affaire Stavisky. Sa première décision consiste à muter le… Celui-ci refuse sa mutation et dans le même temps, les ligues lancent un appel à manifestation pour le 6 février, le jour même où Daladier doit présenter son gvt à la Chambre. La manifestation dégénère. On dénombrera 15 morts dont un policier et 800 blessés. A la Chambre on tente de renverser le gvt Daladier sans succès mais les évènements de la nuit le conduiront à démissionner le 7 février. Les socialistes et communistes organiseront à leur tour des manifestations contre fascisme et communisme et contre gvt Daladier. Manifestations qui dégénèrent, contraignant une intervention musclée de la police : 9 morts et des centaines de blessés. Le parti socialiste et la CGT appellent à la grève générale pour le 12 février. A la Chambre, Gaston Doumergue est nommé Président du Conseil en remplacement de Daladier avec majorité de centre droit, un gvt composé notamment d’André Tardieu ainsi que deux futurs chefs de gouvernement : le Maréchal Pétain et Pierre-Etienne Flandin, + Pierre Laval qui fait parti du courant néo-socialiste et futur collaborateur d’Adrien Marquet. Pétain nommé dans le gvt pour apaiser les anciens combattants et représentants des ligues. L’arrivée de Doumergue au pouvoir engage la France dans un certain nombre de réformes dont une en particulier : l’insertion d’un dispositif financier dans la loi de finance de 1934 qui crée un budget propre à la présidence du Conseil installé à Matignon et qui sera doté de services administratifs en janvier 1935.

 

Le fascisme en France

La question de savoir si la France a connu un véritable fascisme est une question qui est toujours très disputée entre les historiens même encore aujourd’hui. Quelques éléments de réponse afin de comprendre ce qui se passe dans la vie polq française entre 1934 et 1944.

A gauche, chez les socialistes, les communistes et radicaux socialistes, le souvenir de février 1934 et le danger du fascisme seront des moteurs pour l’Union qui va voir le jour avec le Front populaire. Pour une autre partie de la gauche comme les néo-socialistes pour lesquels février 34 sera une sorte de révélation et un moteur de leur réflexion à propos du fascisme, une réflexion qui les conduira directement à épouser les idéologies fascistes.

Concernant la droite, dans ses fractions les plus radicales, le souvenir de février 34 sera celui d’une occasion manquée qu’ils ne rateront pas en 1940.

Lorsqu’on parle de fascisme, on parle d’au moins deux choses :

  • on parle d’idéologie politique, cad d’un ensemble de discours systématiques qui tendent à rationaliser des représentations du monde convergentes mais diffuses dans le monde social.
  • On parle aussi de mouvement politique, cad un ensemble d’hommes et de moyens porteurs d’une idéologie organisée en vue de la conquête du pouvoir politique et qui se trouve en mesure de mobiliser la population à cette fin.

Si on s’en tient à cette définition simple, on peut dire que la France a bien connu une idéologie de type fasciste. On peut même dire avec l’historien Zeev Sternhell que certains thèmes qui ont fait le succès du fascisme sont nés en France, que la France a bien connu la naissance de mouvements de type fasciste mais que ces mouvements n’ont jamais totalement réussi à mobiliser la population en vue de la conquête du pouvoir et c’est précisément ce que les évènements de février 1934 tendent à montrer. L’un des effets durables qu’aura le 6 février 34 dans l’esprit des hommes politiques de la gauche parlementaire est d’accréditer l’idée qu’il existait bien une menace fasciste en France et plus généralement une menace pour les institutions de la République. C’est précisément ce sentiment qui favorisera l’Union de la Gauche et qui fera de l’appel lancé par le parti socialiste et la CGT pour une grève générale sera très largement suivi, sans compter le rôle joué par les partis politiques dans cette décision d’unité de la gauche. En effet, en juin 1934 le PC décide, sous l’impulsion de la Troisième Internationale, de s’allier aux autres forces de gauche, revenant ainsi sur une stratégie d’opposition systématique aux partis socialistes qui avait été adoptée lors du Congrès de Tours, une alliance fondée sur la lutte contre la menace fasciste. C’est ainsi que le 27 juillet 1934, la SFIO et le PC signent un « pacte d’unité d’action » qui est le point de départ d’une stratégie qui va conduire à la création du Front populaire. Désormais réunis SFIO et PC lancent un appel en direction du parti radical alors membre du gouvernement, un appel auquel Daladier répondra favorablement en juillet 1935, une alliance entre les 3 partis de gauche qui modifie considérablement le visage de l’espace politique français. C’est ainsi que le 14 juillet 1935, un grd rassemblement unitaire est organisé. On y retrouve Daladier, Faures et Blum, une union des partis politique qui va favoriser l’union des syndicats puisque dans la foulée la CGT et la CGTU se réunifient à leur tour en septembre 1935. Un programme de gvt est donc rédigé en vue des élections de 1936, un programme qui prévoit la dissolution des ligues, le renforcement des libertés syndicales, qui se dit favorable au désarmement et qui propose la nationalisation des industries d’armement, un programme qui prévoit aussi l’institution d’un fond de chômage, une revalorisation des retraites,… et un plan de travaux publics pour relancer l’économie. Le premier tour des élections a lieu le 26 avril 1936 suite à une campagne marquée par une tentative d’attentat contre Blum qui se solde par un recul assez faible de la droite en nombre de voix même si l’écart entre la gauche et la droite tend à s’élargir. Le fait marquant de ce premier tour des élections est le gain électoral du PC qui, pour l’occasion, avait abandonné le discours révolutionnaire et tendu la main aux catholiques et aux anciens combattants des ligues. Le PC gagne des sièges alors que le parti radical perd des sièges et la SFIO se maintient.

C’est au second tour que tout va se jouer puisqu’en vertu de leur alliance électorale, chaque parti qui compose le Front populaire doit appeler à voter en faveur du candidat de gauche qui est le mieux placé dans une stratégie de désistement électoral. => Le FP obtient 389 sièges sur 612 dont 72 pour les communistes alors que dans l’ancienne chambre ils n’en avaient que 10. Alliance électorale mais le FP n’était pas qu’une alliance électorale. Si techniquement le FP est élu, la chambre reste en fonction jusqu’au 4 juin 36. Dès le lendemain des élection, le FP organise des manifestations, grèves qui prennent la forme d’occupation d’usines, des grèves qui vont s’étendre à l’ensemble de l’industrie du bâtiment en région parisienne mais aussi en province. Seuls secteurs non touchés : la poste, les enseignants et les cheminots. Il faut prendre toute la mesure de ces évènements dans le contexte qui voit certes une victoire de la gauche mais qui dans le même temps a renforcé le pôle le plus à droite de la droite au détriment du pôle centriste. Devant l’émergence électorale du PC et l’affaiblissement des radicaux, il faut prendre toute la mesure de la peur sociale que ces grèves vont provoquer chez différents segments de la droite parlementaire, du patronat, de la classe moyenne ou de la bourgeoisie. Aussi, la thèse du complot communiste surgira rapidement comme une explication.

 

L’usage de ces termes pour resituer le contexte de ces évènements n’était pas anecdotique. Ajd situation de peur sociale du terrorisme et de l’islamisme et qui provoque cette peur sociale. Origine de Vichy. C’est l’ensemble des évènements qui instaure dans la société française et dans l’espace restreint de la vie polq française… Plus généralement, il faut penser les choses relationellement et non pas événement par événement.

 

Gouverner et réformer

Le 6 juin 1936, suite aux élections, le PR Albert Lebrun appelle officiellement le leader le plus important de la coalition, soit le SFIO, à former un gouvernement. Blum s’exécute mais le PC ne participera pas au gouvernement sur ordre de l’Internationale. C’est ainsi que se met en place la fameuse position du PC : « on soutient mais on ne participe pas ». La première tâche de gvt mise en place par Blum sera de répondre à l’appel populaire en satisfaisant les revendications sociales pour mettre fin à la grève générale. C’est ainsi que le 7 juin, Blum réunit les représentants du patronat et des syndicats à Matignon et le 8 juin il en sort ce que l’on a appelé les « accords de Matignon » par lesquels le patronat s’engage à respecter la liberté syndicale dans l’entreprise et à procéder à une hausse des salaires tandis que les syndicats s’engagent de leur côté à reprendre le travail. Un moment historique car c’est la première fois que dans l’histoire sociale française l’Etat remplit cette fonction d’arbitre dans les conflits de travail. Dans la foulée, une série de lois sociales vont être votées comme le principe de 15 jours de congés annuels payés ou encore la limitation à 40 heures de la durée hebdomadaire du travail ou encore la nationalisation des industries de guerre ou encore la prolongation de la scolarité obligatoire à 14 ans. Les difficultés économiques de la rentrée de 1936 et notamment l’inflation et la dévaluation de la monnaie vont toutefois mettre un frein aux réformes et c’est la crise financière et la fuite des capitaux qui auront raison du gouvernement Blum qui démissionnera de son poste de Président du Conseil en juin 1937 suite au refus de la chambre de lui donner les pleins pouvoirs en matière financière, cad gouverner par décrets-lois.

 

La victoire du Front populaire, les mvt sociaux du printemps 1936, l’adoption de ces lois sociales et finalement les difficultés économiques ont exacerbé les difficultés politiques au sein même du gouvernement mais aussi au sein du patronat du fait que les accords de Matignon vont entraîner de nombreux désaccords qui conduiront à la fin des années 36 à la transformation de la Confédération générale de la production française qui devient la Confédération générale du patronat français bien plus hostile au Front populaire et dirigé par Claude-Joseph Gignoux, futur partisan du régime de Vichy. La presse d’extrême droite, mais la presse en général aussi, se déchaîne contre le gouvernement de Blum et contre Blum en particulier, de plus en plus souvent ramené à sa situation de juif. L’image du juif fourrier du communisme accolée à la figure de L. Blum sera ainsi particulièrement dévastatrice. Xavier Vallat, député de droite et qui sera commissaire aux questions juives sous le gvt de Vichy montera à la Tribune de la Chambre en juin 36 pour se scandaliser sur le fait que pour la première fois dans son historie la France est gouvernée par un juif. La décision prise par le FP de dissoudre les ligues est très importante pour comprendre ce qui se passe.

 

Le 18 juin 36, le gouvernement de Blum décrète la dissolution des Croix de Feu et des Jeunesses patriotiques qui était devenue en 1935 le Parti National Populaire, des dissolutions qui vont largement favoriser la radicalisation et pour d’autres la dérive fascisante de leurs militants et de leurs cadres. C’est suite à ces dissolutions qu’on se réclame de plus en plus ouvertement de l’extrême droite du fascisme, une radicalisation qui conduira à la formation d’une organisation connue sous le nom de la Cagoule mais qui officiellement s’appelle le Mouvement Social d’Action Révolutionnaire. La Cagoule est dirigée par un polytechnicien du nom d’Eugène Deloncle. C’est en fait une organisation secrète qui se fixe pour objectif de lutter contre l’infiltration du communisme dans l’armée mais plus généralement lutte contre le communisme en général et a pour but ultime le coup d’Etat militaire. Ils tenteront ainsi de renverser le gouvernement Pétain sous le régime de Vichy parce qu’ils le jugeaient beaucoup trop mou!

 

Il faut noter par ailleurs que la dissolution des ligues va avoir une conséquence importante d’un point de vue politique avec la création des partis politiques destinés à les remplacer. La dissolution des ligues va en effet favoriser la formation de partis politiques plus proprement fascistes avec par exemple le Parti populaire français et le Parti social français. Le PPF est fondé en 36 par un ancien communiste, Jacques DORIOT, avec le soutien d’une fraction du patronat qui y voit le moyen de lutter contre l’influence du communisme en milieu populaire.

 

La montée des périls extérieurs comme la guerre d’Espagne et la campagne militaire allemande qui commence réellement en 1936 avec l’invasion de la Rhénanie, pour se poursuivre en 38 avec l’invasion de l’Autriche et l’annexion des Sudettes en Tchécoslovaquie ; l’accentuation des divisions politiques intérieures depuis 1934 exacerbée avec l’arrivée du FP en 36 et la radicalisation politique de différentes fractions de la droite et de la gauche sont deux des éléments qui vont servir de terreau favorable à la préparation du régime de Vichy que pourtant seule une défaite militaire et l’occupation allemande va rendre possible. Seule la défaite face à l’Allemagne et l’occupation militaire auront permis l’avènement du régime de Vichy.

 

 

 

 

 

PREMIERE PARTIE – LA POLITIQUE FRANCAISE DANS LA DEUXIEME GUERRE MONDIALE

 

 

  1. Le gouvernement de Vichy

On a longtemps considéré le Régime de Vichy comme une parenthèse dans l’histoire de la vie politique française du fait que c’était un régime de courte durée dont l’existence tient aux circonstances de la guerre plus qu’à l’éventuel soutien populaire dont il aurait bénéficié. Soutien populaire pratiquement impossible à évaluer du fait de la censure et du caractère policier du régime. Cette vision du régime comme une parenthèse est aussi le résultat des circonstances dans lesquelles s’est constituée la Résistance, la « France libre », car en effet, si la France est à Londres ou à Alger, elle ne pouvait donc pas être à Vichy, donc Vichy n’existe pas. Régime dont le gouvernement provisoire aura une théorie légale à la Libération : la non-résistance légale du régime de Vichy. En somme, cela revient à dire que tout ce que le régime de Vichy a fait est nul et non avenu parce que la France n’était pas dans les institutions créées par le régime de Vichy. Mais cette vision ne tient pas pour trois raisons :

  • 1ère raison : il y a une grande continuité à la fois idéologique et pratique entre l’avant-guerre et la guerre.

Une grande continuité aussi en terme de personnel politique. Il n’est aucun des principaux dirigeants du régime de Vichy qui n’ait déjà eu des responsabilités politiques avant l’avènement du régime. ~ Pétain, Pierre Laval.

Continuité en terme d’idéologie politique avec le terme même de révolution nationale qui est le leitmotiv du régime de Vichy mais qui a été inventé dans les années 20 par une partie des membres des ligues et qui occuperont des fonctions au sein du régime.

Continuité en terme de réforme politique car l’ensemble de ce que le régime tentera de mettre en oeuvre est déjà dans les cartons des cabinets ministériels ou des clubs de réflexion politique qui se mettent en place dans les années 30, notamment en matière politique avec la question du corporatisme.

  • 2ème raison : cette continuité pratique et idéologique s’illustre aussi à la sortie du régime, cad dans la transition entre le régime de Vichy et la 4ème République.

En terme de réforme politique, un ensemble important des réformes mises en oeuvre par le régime va être repris à la Libération sous une forme amendée mais parfois aussi à l’identique. Situation qui s’explique par le manque de temps mais aussi et surtout parce que l’écrasante majorité des hommes en place sous l’administration de Vichy reste en place après 1944 (70 à 90% du personnel administratif) que ce soit à la Cour des Comptes, au sein de l’Inspection des Finances, au sein du Conseil d’Etat, dans la police, dans la magistrature, etc.

En terme d’idéologie politique, les différents contacts entre les hommes du régime et les hommes de la résistance favorisés par le tournant du régime à la fin de l’année 42 et qui va voir basculer de nombreux responsables du régime de Vichy dans le camp de la Résistance vont favoriser une certaine forme de continuité politique. Il s’agit ici de la relative proximité entre l’aile gauche de la révolution nationale et l’aile droite de la résistance qui va favoriser une exportation de certaines idées ou de projets de réforme élaborés dans les clubs de réflexion où les institutions d’enseignement du régime dans un premier temps vers la résistance intérieure et dans un second temps vers le gouvernement provisoire.

En terme de personnel, il est vrai qu’un certain nombre de jeunes gens dans les années 40, qu’ils soient professeurs, journalistes ou hommes politiques (cf. polémique sur les différentes positions et postes occupés par Mitterrand) et syndicalistes qui vont développer par la suite de brillantes carrières commencées dans les différentes administrations mises en place par le régime de Vichy ou dans les systèmes d’enseignement mis en place par le régime ou pour ce qui concerne les journalistes dans les journaux contrôlés par le régime.

  • 3ème raison : Vichy dure. Il faut prendre la mesure de ce que l’historien Henry ROUSSO a appelé le Syndrome de Vichy. Vichy dure parce qu’il occupe une place très importante dans l’après-guerre du fait même que son souvenir reste présent dans les mémoires de ceux qui ont vécu sous le régime de Vichy et servira dans la majorité des combats politiques qui interviendront dans l’immédiate après-guerre et qui se poursuivront sous la 4ème république et resteront durablement ancrés dans la carrière de certains hommes politiques longtemps après que le régime de Vichy se soit éteint.

 

La question de la mémoire de Vichy occupe une place très importante pour comprendre comment, dans l’immédiate après-guerre, s’est structurée la vie politique française et les différentes compositions et recompositions des organisations politiques qui vont se mettre en place et dans le gouvernement provisoire mais bien au-delà.

 

La France de Vichy peut être étudiée à partir de 2 aspects qui sont indissociables :

  • la Révolution nationale
  • la collaboration

 

La polq de collaboration, cad les relations avec l’Allemagne nazie, puissance occupante, ne s’explique pas sans considérer la polq intérieure, cad les positions et les luttes polq des hommes de Vichy, le programme de Vichy désigné par l’expression « Révolution Nationale ». La signature d’une convention d’armistice le 22 juin 40 n’inaugure pas seulement les relations entre vainqueurs et vaincus mais marque déjà le caractère du nouveau pouvoir politique constitué autour de l’Etat. A l’inverse, on peut dire aussi que l’attitude du régime de Vichy à l’égard de l’Allemagne s’explique aussi largement par des raisons de politique intérieure.

 

 

A- La « Révolution nationale »

 

  1. L’organisation politique de Vichy

A la fois slogan et programme de Vichy, la Révolution Nationale est héritée des années 30 où l’on a bcp parlé de révolution dans les cercles intellectuels en donnant d’ailleurs au terme les significations les plus diverses. Cette expression notamment employée par Robert Aron et Arnaud Dandieu évoquait une révolution conservatrice. Après la « drôle de guerre » (entre septembre 1939 et mai 1940), l’offensive allemande de mai-juin 40 provoque la débâcle militaire de la France. Une précision importante car on ne peut comprendre la suite sans tenir compte de l’impression produite par la rapidité et l’ampleur de cette défaite militaire à la fois parce qu’elle provoque des dissensions entre pouvoirs civils et pouvoirs militaires mais aussi parce qu’elle met en scène la mésentente entre Français et Anglais après le retrait des troupes britanniques à Dunkerque. Rétrospectivement, il est toujours possible de pointer les erreurs militaires fondamentales qui ont conduit à cette débâcle. Erreurs militaires qui résultent largement de l’état d’esprit dans lequel a été conçue la doctrine militaire de la France dans les années 20 et 30 élaborée par Pétain et mise en oeuvre par les généraux. En 1940, en tout état de cause, cette débâcle militaire est vécue comme une humiliation nationale. Toutefois, tout le monde à l’époque est persuadé que la GB à son tour va subir la même débâcle militaire. Pour bien comprendre Vichy, au moins jusqu’à la fin de l’année 1941 avec les premières défaites allemandes en Russie et jusqu’à l’entrée en guerre des E-U, il faut avoir en tête qu’à part quelques individus, personne ne croit à une défaite possible de l’Allemagne.

 

Comment se met en place le régime de Vichy ?

> Première étape dans l’instauration du nouveau régime au sein du gouvernement de la République alors qu’il se replie vers Bordeaux devant l’avance militaire allemande sur Paris. Depuis septembre 1939, le gouvernement est dirigé par Daladier qui occupe en même temps le poste de ministre des affaires étrangères. Le gouvernement est à majorité radicale sans participation des socialistes. Il ne s’agit donc pas d’un gouvernement d’Union nationale. Le PC ainsi que toutes les organisations qui se réclament de la Troisième Internationale sont hors la loi depuis le 26 septembre 1939 et les députés communistes seront déchus de leur mandat parlementaire en janvier 1940. Le gouvernement est divisé entre d’un côté ceux qui sont partisans de la conciliation avec l’Allemagne et d’un autre côté les partisans d’une politique de fermeté qui sont réunis autour de Paul Reynaud. En mars, alors que le gouvernement Daladier n’arrive pas à soutenir la confiance de la chambre des députés, c’est précisément Paul Reynaud qui succédera à la présidence du Conseil à la place de Daladier. Du coup, les socialistes entrent au gouvernement. Daladier restera au gouvernement en prenant en charge le ministère de la défense. Mais même dans ce nouveau gouvernement, les dissensions resteront très fortes entre ceux qui sont pour la poursuite de la guerre, y compris hors du territoire métropolitain, (dont le général De Gaulle, qui occupe très brièvement le secrétariat d’Etat à la guerre et est en charge des relations avec les britanniques) et les partisans de l’armistice comme le maréchal Pétain qui est entré à la vice présidence du Conseil une semaine après l’offensive allemande du 10 mai 1940. Paul Reynaud était lui-même partisan d’une poursuite de la guerre mais il démissionnera de son poste de président du Conseil en juin. Le 17 juin, il cède la place au maréchal Pétain qui annonce le même jour « qu’il faut cesser le combat ». Le 18 juin, De Gaulle, réfugié en GB avec des milliers de soldats évacués de Dunkerque, lance son fameux appel à la poursuite des combats qui n’a été entendu par presque personne.

> Deuxième étape : l’armistice proprement dit. L’armistice est signé le 22 juin 1940 en attendant un futur traité de paix qui ne sera jamais signé. La convention prévoit aussi la création de deux zones. Il subsiste donc un Etat français avec sa flotte et son empire colonial.

> Troisième étape se déroule à Vichy en zone non occupée où le gouvernement Pétain s’installe le 1er juillet avec la convocation de l’Assemblée Nationale, cad la réunion de la Chambre des députés et du Sénat qui se réunira au Grand Casino de Vichy. Après des manoeuvres parlementaires, Pierre Laval, vice président du Conseil, obtient le vote d’une loi de délégation des plein pouvoirs au gouvernement du maréchal Pétain. => effet de promulguer une nouvelle Constitution de l’Etat français. Cette nouvelle constitution devra garantir les droits du travail, de la famille et de la patrie. Elle sera ratifiée par la nation et appliquée par les assemblées qu’elle aura créées. Sur 649 votants, 569 députés et sénateurs voteront pour, 80 parmi lesquels 20 socialistes voteront contre, tandis que 17 parlementaires s’abstiendront.

 

Sur la base de la loi constitutionnelle du 10 juillet 1940, une série d’actes constitutionnels vont être adoptés. Différents actes seront adoptés tout au long du régime pour adapter le régime politique en fonction des rapports politiques. Le premier acte du 11 juillet 40 supprime la fonction de PR et confie au maréchal Pétain les fonctions de chef de l’Etat. Le 11ème acte du 19 avril 42 instituera une fonction de chef de gouvernement et ce pour satisfaire au retour de Laval au pouvoir. « La direction effective de la politique intérieure et extérieure de la France est assumée par le Chef du gouvernement nommé par le Chef de l’Etat et responsable devant lui ». 1er acte constitutionnel : « Nous, Philippe Pétain, maréchal de France, chef de l’Etat français, décrétons… » : une formulation qui indique que le régime est totalement personnel. Le chef de l’Etat se voit attribuer le pouvoir gouvernemental, il nomme les ministres qui ne sont responsables que devant lui, il exerce aussi le pouvoir législatif en Conseil des ministres, il assure l’exécution des lois, il nomme à tous les emplois civils et militaires et enfin, il est le chef des forces armées. Détermination du rôle du chef de l’Etat dans les actes adoptés entre le 2 et le 11 juillet. Les chambres ne sont pas dissoutes mais ajournées par un acte du 3 juillet. Un Conseil National sera institué au début de l’année 41 pour donner le change et servira de club de réflexion sur les différentes réformes envisagées par le maréchal Pétain et son gouvernement. Un dauphin est désigné en cas de décès du maréchal : Pierre Laval et Amiral Darlan en supplément en cas de « défaillance » de P. Laval.

Le 27 janvier 41, nouvel acte qui institue un serment au chef de l’Etat pour toute la fonction publique, pour l’armée, puis pour la magistrature. Actes du 8, 9 et 14 août 41. Le maréchal Pétain proposera enfin un projet de constitution rédigé par le Conseil National mais qui ne verra jamais le jour.

NB : A l’administration de la France telle qu’elle a hérité de la République avec ses institutions comme le CE qui reste en fonction sans discontinuité durant toute la période de l’occupation, et ses corps d’Etat comme la magistrature, la police, la préfecture ou encore l’université, autant d’administrations qui resteront en place durant le régime, le régime de Vichy tentera de superposer des structures politiques, économiques, sociales et culturelles qui doivent lui permettre de mettre en oeuvre sa politique de révolution nationale. De la même manière, il faut avoir en tête que l’Allemagne est en guerre. En tant que force occupante elle est présente en France à travers différentes administrations (armée, police, diplomatie, administration économique) dont l’objectif est de poursuivre la guerre contre la GB ou la Russie et que la France, dans les plans de Hitler, n’est qu’un territoire qui comporte des ressources à exploiter et qu’il faut donc surveiller. Enfin, ne pas oublier que le régime de Vichy garde un contrôle théorique sur la zone sud jusqu’à la fin de l’année 42 tandis que le reste de la France passe sous occupation allemande dès 1940.

 

 

  1. Un programme de « révolution conservatrice »

 

Il est certain que pour la majorité des Français, le régime de Vichy ne tient qu’à la personne de Pétain, vainqueur de Verdun célébré par une administration de la propagande qui se met en place uniquement pour ça. S’il est aussi certain que Pétain n’a pas véritablement servi de bouclier aux exigences allemandes, ce sera son argumentaire pour se défendre lors de son procès après la guerre. On pourra tout de même dire qu’il aura servi de paravent pour cacher aux yeux des français ce qui se jouait en coulisses, pour cacher la réalité d’un régime pourtant très dur. En coulisses ce sont des intrigues entre les différents groupes qui investissent le régime de Vichy, les uns traditionalistes, les autres modernistes : mélange qui fait la particularité du programme de Révolution Nationale. On trouve dans le gouvernement de Vichy d’anciens parlementaires de la 3ème République, des anciens membres des ligues, des anciens membres des partis de la Droite parlementaire traditionnelle mais aussi des socialistes, par exemple Adrien Marquet ou Marcel Déat qui finira par entrer dans l’ultra-collaborationnisme dans le dernier gouvernement ultra-collaborationniste de Vichy entre 1943 et 1944. Mais on trouve aussi d’anciens syndicalistes, des profs de droit (Joseph Barthélémy qui sera ministre de la justice) et un groupe que l’on réunit généralement sous l’appellation de « technocrates ».

 

L’équation de départ du programme de la Révolution Nationale est assez simple. Le maréchal Pétain c’est la France et le reste c’est l’anti-France, cad le communisme, le socialisme mais aussi le capitalisme, le libéralisme, l’individualisme, le parlementarisme, le syndicalisme, le laxisme, l’égalitarisme, le cosmopolitisme, la Franc maçonnerie, l’alcoolisme, le tabagisme, le judaïsme. Le procès du passé sera aussi un véritable procès contre les principaux dirigeants de l’entre-deux-guerres. L’acte constitutionnel n°5 du 30 juillet 1940 crée ainsi une cour suprême de justice en vue de juger les anciens ministres accusés de trahison tels que Blum, Daladier ou encore Paul Reynaud. A ce passé révolu, la Révolution Nationale entend tout à la fois substituer une série de valeurs traditionnelles et mener à bien une série de réformes de modernisation de la société française, tradition et modernité sont donc deux aspects indissociables de la Révolution Nationale. Ainsi, à la trilogie républicaine « liberté, égalité, fraternité » le nouveau pouvoir entend substituer une trilogie restée fameuse : « travail, famille, patrie ». Dans cette trilogie, on peut porter alternativement au compte du retour à la tradition ou au compte d’une avancée vers la modernité toute une série de mesures parmi : exemples qui voudraient aussi illustrer l’ambivalence des objectifs assignés à ces réformes qui sont tout à la fois des mises en scène idéologiques de la Révolution Nationale et en même temps mise en oeuvre pratique de la collaboration d’Etat. Au compte du retour à la tradition, on peut porter :

  • l’ensemble des mesures en faveur de la famille considérée comme pilier de l’ordre social : des mesures sont adoptées pour favoriser le retour de la mère au foyer, des mesures pour renforcer les obstacles juridiques au divorce ou encore des mesures en vue de favoriser la reprise de la natalité ;
  • ensemble des mesures en faveur d’un retour à la terre qui est à la fois un discours romantique sur la France mais aussi une nécessité économique liée à la pénurie alimentaire. Une ambivalence que résume l’histoire de la corporation paysanne créée en décembre 40 en vue de favoriser ces politiques agricoles et qui deviendra dans le même temps un instrument de gestion de la pénurie mais aussi des exigences allemandes.
  • Ensemble des mesures en faveur d’une éducation populaire dans le respect des préceptes de la religion chrétienne avec notamment la création de multiples organisations de jeunesse destinées à éduquer les gens dans ces valeurs mais aussi à les occuper en vue d’éviter le chômage ou pire, de s’engager dans la Résistance (Compagnons de France, Chantiers de Jeunesse ; deux organisations qui entendaient remplacer le service militaire). / Mesures en faveurs des écoles libres.
  • Les mesures en faveur de l’artisanat et de type familial ;
  • Les mesures de revivification du folklore français.

 

Au compte des mesures vers la modernité, on peut porter :

  1. les mesures en faveur d’une meilleure organisation de l’économie qui passent par la rationalisation de l’économie, par ex. création des comités d’organisation qui entendent répondre aux nécessités de l’organisation économique imposée par l’occupant en vue d’exploiter les ressources. Des comités d’organisation qui tomberont totalement aux mains du grand patronat.
  2. les mesures en faveur de la réorganisation des relations de travail au sein de l’entreprise afin de mettre un terme à la lutte des classes en favorisant une collaboration entre les classes dans l’effort de production avec la création de la Charte du travail promulguée en octobre 1941 et qui vise à remplacer l’affrontement syndicats-patronat par une représentation égalitaire des intérêts professionnels avec arbitrage de l’Etat. Autrement dit, se met en place une forme de corporatisme ~ syndicats supprimés en 1940.
  3. la promotion du sport. Dans l’Allemagne hitlérienne, le culte du corps était à son comble.

 

Formule qui résume les ambivalences du régime : formule d’ « ordre nouveau » systématiquement utilisée → retour à l’ordre, à la tradition, à la religion, à la famille, à la patrie et en même temps un ordre nouveau, c’est à dire un ordre qui doit permettre à la France de rejoindre les pays dits modernes, cad l’Allemagne.

 

 

B- Les formes de la « collaboration »

La plupart des politiques mises en oeuvre par le régime dans le cadre de son programme de Révolution Nationale doit aussi être comprise dans la logique de la collaboration avec l’Allemagne, politique d’Etat énoncée par Pétain lors de son premier entretien avec Hitler après l’armistice le 20 octobre 1940. Ex. mesures prises en matière économique qui, avec la création des comités d’organisation, servent le programme idéologique de la Révolution Nationale à travers l’idée de corporatisme mais aussi la satisfaction des exigences allemandes en matière d’approvisionnement, c’est une forme de collaboration. Lorsqu’on parle de collaboration, on entend 2 choses:

  • la radicalisation du régime à partir de 1942 ;
  • le collaborationnisme des intellectuels parisiens.

 

La radicalisation du régime de Vichy interviendra progressivement à partir de 1942 avec le retour au pouvoir de Laval en avril et l’incursion des allemands en zone sud à partir de novembre 42. Cette radicalisation se poursuivra de façon encore plus prononcée à partir de la fin de l’année 1943 lorsqu’à partir de novembre, le gouvernement Pétain ne sera plus qu’une courroie de transmission entre les autorités de l’occupation et les Français dans le cadre d’une politique de plus en plus policière et de plus en plus tournée vers l’unique exploitation des ressources que peut apporter la France dans l’effort de guerre allemand.

On peut noter un palier dans la radicalisation du régime en juin 42, toujours sous la pression des exigences allemandes, par exemple, la satisfaction des exigences allemandes en matière de main-d’oeuvre. C’est ainsi qu’est instauré le Service du Travail Obligatoire (STO) en février 43 et qui enjoint la France de fournir à l’Allemagne une grande partie de sa main-d’oeuvre disponible, une mesure qui entraînera le renforcement de la répression policière du fait des nombreuses défections de tous ceux qui préféreront rejoindre le maquis plutôt que d’aller servir en Allemagne.

 

Le collaborationnisme est le terme par lequel on désigne généralement le regroupement hétérogène de ces intellectuels parisiens pour qui le national socialisme allemand aura été une révélation et pour lesquels le fascisme est alors la seule solution politique à la décadence de la France. C’est la fraction la plus ouvertement pro-nazie et antisémite du spectre intellectuel et politique français qui appelle régulièrement à la déportation des juifs, à commencer par les enfants.

 

Enfin, le régime de Vichy, c’est aussi le crime élevé au rang de politique nationale. Un statut particulier est ainsi élaboré dès 1940 pour les juifs avec l’invention de ce qu’on a appelé « la race juive » qui, dans un premier temps, détermine toute une catégorie de population à exclure de toute une série d’activités (haute administration, armée, enseignement, magistrature, etc.) et dans un second temps, des êtres humains réduits à la tête de bétail. Un secrétariat aux questions juives est créé au printemps 41 sous la direction de Xavier Vallat.

 

 

  1. Résistance et libération

 

Il faut distinguer la France libre, cad cet ensemble plus ou moins unifié des Français qui, du fait des circonstances et de leur engagement, se sont trouvés hors du territoire au moment de la débâcle et d’autres qui sont sortis après l’Armistice et ont rejoint la Résistance. Mais il y a aussi ce qu’on a appelé la Résistance intérieure, cad cet ensemble très diversifié des Français qui, après l’Armistice, resteront ou redeviendront Français et s’engageront pleinement dans la Résistance. Il ne faut pas considérer sur le mode totalement séparé la France libre et la Résistance mais il ne faut pas non plus sous-estimer les distances physiques et dissensions politiques entre Résistance intérieure et France libre. Il ne faut pas non plus sous-estimer les dissensions présentes au sein de la France libre et les dissensions au sein de la Résistance intérieure.

 

 

A- La Résistance : dissidence et guerre civile

 

Les activités que l’on regroupe sous le terme de la Résistance sont elles-mêmes très diversifiées. On peut par exemple différencier une résistance d’ordre « intellectuel », cad la rédaction de tracts, d’ouvrages clandestins pour dénoncer le régime, la résistance spirituelle qui consiste à garder le silence mais à ne pas participer aux activités du régime, à ne participer à aucune activité qui touche de près ou de loin aux institutions du régime (ex : quitter l’université lorsqu’on est prof) et enfin une résistance militaire qui consiste au sabotage des infrastructures et des matériels dont se sert le régime ou l’occupant.

 

La France libre et la Résistance ne sont pas des univers totalement unifiés. Toutes deux sont en contact avec les institutions britanniques et américaines qui dans le contexte de l’époque ne partageaient pas les mêmes vues. Ex : Alors que la France libre cherche à unifier les mouvements de Résistance intérieure, les services secrets américains cherchent quant à eux à financer de leur propre chef des mouvements de résistance intérieure.

 

 

B- La libération

 

Le 3 juin 1944, le CFLN (comité français de libération nationale), mis en place en juin 1943 par le gouvernement de la France libre, devient le GPRF (gouvernement provisoire de la République française).

Le 9 août 1944, soit qq jours avant la Libération de Paris, l’acte du 10 juillet 1940 est officiellement frappé de nullité juridique. Un acte qui signe le retour de la République en France. Pour autant, la libération du territoire n’est pas chose acquise, pas plus que l’autorité du gouvernement provisoire sur ce territoire. Il faut en effet convaincre les Alliés de cette légitimité mais aussi les différents mouvements de résistance intérieure ainsi qu’une administration qui a servi Pétain durant des années et il faut aussi enfin convaincre les Français eux-mêmes. D’autant que les Américains avaient prévu d’installer une administration militaire sur le territoire français et que seule la rapidité du général De Gaulle et de l’ensemble des membres de la Résistance a restauré la légalité républicaine les empêchera de mettre en place cette administration militaire.

Le dernier acte du gouvernement de Vichy sera un Conseil des ministre réuni le 17 août 1944. Dès le 2 septembre, le gouvernement provisoire tient son premier Conseil en métropole. C’est aussi le moment où la phase d’épuration, une phase annoncée par les différentes instances de la Résistance, commence. Commenceront donc les arrestations et condamnations des hommes qui ont participé au régime de Vichy. Le maréchal Pétain sera condamné à la prison à perpétuité, Pierre Laval sera condamné à mort et exécuté.

 

C’est aussi le temps des réformes. La particularité de cette période réside dans le fait qu’entre l’été 1944 et l’automne 1946, la France vit une période de transition dans laquelle de très importantes réformes politiques vont être mises en oeuvre alors même que les institutions politiques ne sont pas encore fermement établies. La guerre ne se termine que le 8 mai 1945. Le GPRF avait prévu une période transitoire dès sa création en juin 44. Le programme du CNR (comité national de la résistance) créé en 1943 sous la présidence de Jean Moulin prévoyait une série de réformes à mettre en oeuvre dès les premiers jours de la Libération.

 

Parmi les coups de force du GPRF, il faut noter celui qui a consisté à faire reconnaître la France parmi les vainqueurs, véritable coup de force politique qui se concrétisera notamment par l’obtention d’un siège au conseil de sécurité de l’ONU.

 

Entre 44 et 46, le GPRF prendra toute une série de mesures en matière économique et sociale : les nationalisations des usines Renaud, de la Banque de France et de 4 grandes banques (Crédit Lyonnais, Société Générale, BNP, etc.), des assurances et du secteur de l’énergie ; mise en place de la planification avec la création par décret en janvier 1946 d’un plan de modernisation et d’équipement et d’un Commissariat général au plan à la tête duquel est nommé Jean Monnet. Ce sera aussi la période de la démocratisation économique avec la création des comités d’entreprise ; la création de la Sécurité sociale générale pour tous les Français ; la restauration des libertés syndicales avec l’abolition de la Charte du travail. Derrière cette unanimité de façade, de nombreuses oppositions politiques subsistent notamment concernant le dispositif institutionnel que doit adopter la France.

 

Conclusion : derrière l’enthousiasme de la Libération, il pèse sur la France une ombre qui ne se limite pas à la trahison de la collaboration. Lors de son procès, Laval lancera au procureur général : « vous étiez tous aux ordres du gouvernement, même vous Monsieur le procureur ». La fin de l’épuration n’interviendra que vers 1949 à un moment où les procès deviennent de plus en plus embarrassants pour la République, notamment au moment du procès d’Oradour-sur-Glane, un procès qui dévoile l’implication d’un certain nombre d’administratifs et de politiques français bien embarrassant dans une période d… Loi d’amnistie met un terme légal à l’épuration. Elle signe aussi le retour aux affaires d’hommes politiques jusqu’alors frappés d’inéligibilité. Si certains ne retrouveront jamais de responsabilités, d’autres seront portés à de hautes fonctions politiques comme Robert Schumann, président du Conseil en 1947 et René Coty qui occupera des fonctions de ministres avant d’être président de la République.  

 

LA QUATRIEME REPUBLIQUE

Lorsque le 25 août 1944, faisant son entrée dans un Paris libéré, le général De Gaulle fait appel à l’unité de l’ensemble des Français « hormis quelques traitres ». De fait, dès le 9 septembre 1944, un « gouvernement d’unanimité nationale » réunira sous l’autorité de De Gaulle l’ensemble des grands partis politiques français qui comptent 13 représentants au gouvernement parmi lesquels 2 communistes, 4 socialistes, 3 radicaux, 3 démocrates-chrétiens, 1 modéré ainsi que 9 membres de la résistance. Face à ce gouvernement, le GPRF n’a qu’une assemblée consultative élargie de 248 membres. L’une des missions du GPRF sera de favoriser le retour de la légalité républicaine en proposant l’élection d’une assemblée constituante et par voie de conséquence le vote d’une constitution. Mais il est une chose sur laquelle De Gaulle ne cède pas : pour lui la République n’a pas besoin d’être restaurée car pour lui, la République a suivi la France là où le général De Gaulle allait (De Gaulle était la République, c’est une image). En somme, la République n’a jamais disparu tant que lui était là.

 

 

  1. Les mécanismes de gouvernement

 

L’attente des prisonniers de guerre sur le sol français, les difficultés que connaissent les Français vont masquer, au moins dans un premier temps, les transformations profondes qui commencent à se faire voir dans la vie politique française. Ce sont précisément ces transformations que les premières élections directes en 1936 puis le départ de De Gaulle vont réveiller.

 

A- Les institutions et les partis politiques

 

Les premières élections au SU depuis l’après-guerre auront lieu en avril 1945 avec les élections municipales. Les conseils municipaux supprimés par le régime de Vichy vont donc à nouveau être élus dans les 36 000 communes de France. C’est aussi le premier vote auquel participeront les femmes puisque depuis une ordonnance du 21 avril 1944, elles disposent du droit de vote. Au sens propre, c’est le premier véritable suffrage universel direct qu’ait connu la France. Mode de scrutin adopté pour ces élections sera le mode de scrutin de la «3ème République : cad scrutin majoritaire à deux tours.

 

Deux enseignements immédiats à l’issue de ces élections municipales :

  • les comités de libération, cad organes spontanés de représentation des forces résistantes qui se sont mis en place à la Libération sur l’ensemble du territoire, sont balayés de la vie politique.
  • Le radicalisme, symbole du régime de Vichy, subit un net revers politique.

 

L’ordonnance du 21 avril 44 prévoit aussi la convocation d’une assemblée nationale constituante. De Gaulle va ajouter à la procédure le vote d’un référendum afin de savoir si les Français veulent retourner aux institutions de la 3ème République ou au contraire adopter de nouvelles institutions politiques.

 

Le 21 octobre 1945, un référendum sera organisé afin de répondre aux questions suivantes :

  • voulez-vous que l’assemblée élue ce jour soit une assemblée constituante ? La victoire du non à cette question impliquerait un retour de facto au système de la 3ème République.
  • S’il y a majorité de oui à la première question, approuvez-vous l’organisation provisoire des pouvoirs publics indiqués dans le projet qui vous est soumis ? Dans ce projet l’assemblée doit être élue pour 7 mois, devra être soumise à l’approbation des Français par référendum, sachant que les mécanismes de la responsabilité ne peuvent intervenir que par le vote d’une motion de censure à la majorité absolue des membres.

 

Mode de scrutin choisi pour l’élection de cette assemblée constituante rompt avec les traditions de la 3ème république. L’ordonnance du 17 août 1945 prévoit un mode de scrutin à la représentation proportionnelle avec des listes bloquées sans panachage dans le cadre départemental, avec attribution des restes à la plus forte moyenne dans le cadre départemental.

 

Au référendum, De Gaulle, avec les socialistes et démocrates-chrétiens, préconise un double oui, cad oui à la constituante et oui à la limitation des pouvoirs. Les radicaux sont quant à eux favorables au non et favorables à un retour pur et simple à la 3ème République. Sur 25 millions d’électeurs, il y aura 20 millions de votants, soit 20% d’abstention. L’assemblée sera donc constituante et la Constitution devra être adoptée dans les 6 mois par un référendum.

 

Dans la foulée, les élections donneront des résultats qui constituent un véritable séisme politique par rapport à la configuration électorale de 1936. Avec une participation électorale identique, le PC obtient 26% des voix et devient donc le premier parti de France. Le MRP (mouvement républicain populaire) 23% et la SFIO 15%. → nouveau visage de la chambre : sur 566 sièges, 160 pour les communistes et apparentés, 146 pour les socialistes, 152 pour les démocrates-chrétiens et 29 pour les radicaux. De ces élections ressortent donc 3 forces électorales qui vont dominer la vie politique française au lendemain de la guerre. En nette progression par rapport à la 3ème république, le PCF entre dans une nouvelle phase de son histoire notamment grâce à un net élargissement de son électorat vers des couches sociales rurales et paysannes. En nette progression lui aussi, le PS SFIO s’implante dans des circonscriptions nouvelles et particulièrement dans les circonscriptions tenues jusqu’alors par les radicaux. Le PS et le PC, partis politiques de la 3ème République, qui apparaissent comme rénovés par leur action dans la Résistance réussiront la jonction entre les anciennes générations issues des engagements politiques qui ont conduit notamment au Front populaire et les nouvelles générations issues de la Résistance comme Daniel Meilleur ou Charles Tillon, tous deux issus de la Résistance. Ces deux partis profiteront donc largement du déclin du parti radical, grand paramètre politique de l’après-guerre avec le discrédit de la droite parlementaire traditionnelle et l’apparition du MRP. La grande nouveauté du scrutin est le MRP : mouvement républicain populaire. Avec ses principaux leaders issus de la Résistance comme Georges Bidault, Maurice Schumann, le MRP réussira ce coup de force politique de rallier une très grande partie de l’électorat conservateur orphelin des grands partis de l’avant-guerre largement discrédités. Une réussite que le MRP doit à sa stratégie de mettre en avant des thèmes sociaux moins conservateurs que leur électorat.

 

Le congrès constitutif du mouvement se tient le 26 novembre 1944 à Paris et bien que le parti s’affirme très proche de De Gaulle, il y aura toujours une sorte de malentendu entre le MRP et les leaders démocrates chrétiens du MRP du fait que De Gaulle aura du mal à leur pardonner de ne pas l’avoir suivi après son départ en 1946.

 

 

B- L’instabilité gouvernementale

 

La question de la stabilité gouvernementale : à la suite des élections, le 13 novembre 1945, De Gaulle est reconduit à l’unanimité de l’assemblée à la tête du gouvernement provisoire. Mais immédiatement, les dissensions prennent le pas à propos de la constitution du gouvernement entre De Gaulle et les communistes. Ces derniers réclament, assez légitimement si on se rapporte à ce qu’ils représentent électoralement, des ministères que De Gaulle refuse de leur accorder comme affaires étrangères ou ministère de l’intérieur. Compromis trouvé et le gouvernement constitué par De Gaulle sera composé de 4 ministres d’Etat dont un communiste (Maurice Taurèse), un démocrate-chrétien (Francisque Gay), un socialiste (Vincent Auriol) et 5 ministères seront attribués à chacun des trois grands partis. Dans les faits, De Gaulle et les parlementaires ne cesseront de s’opposer sur à peu près toutes les questions. C’est pourquoi le 20 janvier 1946, De Gaulle réunit son gouvernement et annonce son départ. Dans son allocution de départ il se présente comme un général qui aurait fini d’accomplir sa tâche de retour à la régularité républicaine. Le paradoxe de la situation est que De Gaulle ait tout à la fois voulu intervenir de manière politiquement très active sur tous les sujets politiques (constitution, budget militaire), un interventionnisme que les parlementaires ne manquent pas de lui reprocher en faisant valoir notamment qu’il n’a pas été élu.

 

Après la démission du général De Gaulle, la continuité s’impose, chacun des acteurs politiques cherche à maintenir un équilibre dans le jeu politique. Une recherche d’équilibre qui est aussi une manière de montrer que De Gaulle ne représentait pas une force politique majeure ni même aucun courant particulier issu de la Résistance. En somme, l’Homme de la France libre est donc singulièrement seul. Il semble par ailleurs difficile d’évaluer les perceptions de la situation à l’époque sans tenir compte de l’attentisme qui entoure la question de savoir dans quelle direction le PC va aller, à savoir l’égalité républicaine ou la rupture révolutionnaire, une direction qui dépend de l’impulsion que voudra lui donner l’Internationale ouvrière. Faire rentrer la France dans une crise politique favorisant un affrontement Droite/Gauche au détriment de l’unité nationale serait en qq sorte faire le jeu des communistes en poussant notamment les socialistes dans leurs retranchements et de l’autre côté, permettrait d’accentuer d’autant la crise – du moins c’est ce que pensent les membres du MRP. De leur côté, les socialistes n’entendent pas se laisser enfermer dans un tête-à-tête avec les communistes. Du coup, tout le monde se satisfait de la nomination de Félix GOUIN, président de de l’assemblée constituante le 23 janvier 1946. Il sera remplacé par Vincent Auriol.

 

Dans le même temps, la SFIO, le PC et le Parti démocrate-chrétien établissent une charte de collaboration avec un programme économique, un code de bonne conduite gouvernementale et une répartition des porte-feuilles sur une base équitable et qui laisse les partis choisir les ministres. Dès lors, le gvt comprend 7 ministres SFIO, 6 MRP et 6 PC. En somme, le tripartisme s’installe dans la vie politique française. On peut dire de façon schématique que 2 grandes conceptions de l’organisation institutionnelle s’opposent à la constituante avec d’une part une conception absolutiste parlementariste de la vie politique dans laquelle une chambre unique domine le gouvernement et d’autre part, une conception rationalisatrice du parlementarisme qui voudrait au contraire apporter des éléments de limitation des pouvoirs du parlement. On peut dire dans cette logique que le PCF représente plutôt le premier courant tandis que le MRP représente le 2nd courant. Les socialistes, s’ils sont favorables au premier courant, redoutent toutefois la mainmise des communistes sur cette chambre unique et seraient donc prêts à accepter des éléments de rationalisation.

 

Projet de constitution  adopté le 19 avril 1946 et doit être soumis à un référendum. On peut dire que c’est le premier courant qui l’emporte puisque le texte prévoit la création d’une assemblée nationale très puissante élue pour 5 ans au SU direct qui siégerait en une session annuelle unique, qui disposerait de l’initiative des lois avec le président du conseil sur lequel elle possède par ailleurs un large pouvoir de contrôle et de responsabilité. La campagne du référendum du 5 mai 1946 verra se constituer deux camps avec d’un côté les socialistes et les communistes favorables au texte de la constitution, et de l’autre tous les autres partis politiques. Les radicaux vont connaître un regain de vitalité qui aboutira à la création du RGR (Rassemblement des Gauches Républicaines) qui entend rassembler tous ceux qui se définissent à gauche sans toutefois adhérer à l’absolutisme parlementaire du projet de constitution. C’est donc avec 19 % d’abstention que le NON l’emporte à 53%. Le projet de constitution est donc rejeté, ce qui représente un revers politique pour le PS et le PC, un résultat qui s’explique notamment par la campagne anti-communiste menée par les démocrates-chrétiens et les partis du centre.

 

Les élections législatives du 12 juin 1946 confirmeront les résultats du référendum puisqu’avec un taux d’abstention de 18%, le MRP devient le premier parti de France à la place du PCF. La nouvelle assemblée constituante est donc composée de 169 députés MRP, 153 députés PCF, 127 députés SFIO, 49 députés pour le RGR, 70 pour les modérés pour un total de 586 sièges. C’est le moment que choisit De Gaulle pour prononcer le discours de Bayeux, discours auquel on attribuera par la suite un caractère prophétique, un discours qui aurait contenu tout le système institutionnel de la 5ème République car en effet ce discours donne des éléments de ce que pourrait être, selon De Gaulle en 1946, le dispositif institutionnel souhaitable pour la France. Discours qui marque le retour de De Gaulle sur la scène politique mais un discours qui intervient à un moment paradoxal du strict point de vue constitutionnel puisque la Consitution à laquelle De Gaulle s’oppose vient d’être rejetée, qu’il n’a pas participé à la campagne, et qu’il n’y a pas encore de nouveau projet de constitution mis au débat. Il convient donc de le réinscrire dans le contexte politique pour en comprendre les objectifs. Ce sont les circonstances immédiates qui poussent  De Gaulle à intervenir alors que le gouvernement n’est pas encore constitué et que les élections viennent de couronner la stratégie du MRP. Il n’est donc pas à exclure que De Gaulle cherche à prendre position à sa manière dans la liste des candidats potentiels à la présidence du Conseil. Ce discours est intéressant aussi parce qu’il servira de point de référence tout au long de la 4ème République, notamment à chaque fois que les partisans de De Gaulle, partisans d’une réforme du régime, voudront critiquer le fonctionnement même du régime, voudront critiquer le régime lui-même et donc de proposer un nouveau régime qui permettrait à De Gaulle de revenir au pouvoir comme il y parviendra finalement en 1958.

 

La continuité qui sera établie entre le discours de Bayeux et la constitution de la 5ème République permettra plus tard de tirer un trait définitif sur la 4ème République afin de donner une légitimité supplémentaire au régime de la 5ème République parce que la 5ème République serait ainsi issue des idées de De Gaulle, plus généralement de la France Libre, de la Résistance, ce qui explique le caractère prophétique encore aujourd’hui accordé au discours de Bayeux. Le discours de Bayeux suscitera de vives oppositions au moment où il est commencé de la gauche mais aussi provenant de la droite et au sein même du MRP. Suscite aussi des initiatives comme celle de René CAPITANT qui fonde une union gaulliste en vue de soutenir les idées constitutionnelles avancées par le général De Gaulle. Cette union des gaullistes ne durera pas mais elle préfigure le rassemblement populaire français (RPF) qui sera fondé par les proches de De Gaulle. Malgré les avances de De Gaulle, ce sera finalement Georges Bidault, leader du MRP qui sera nommé à la présidence du gouvernement provisoire le 26 juin avec une composition du gouvernement qui sera peu modifié. Le tripartisme est donc reconduit. En septembre, un nouveau projet de constitution sera finalement adopté par l’assemblée constituante et sera soumis au référendum en octobre. Malgré l’appel de De Gaulle à voter non pour ce projet de constitution (discours d’Epinal le 22  septembre), le projet sera adopté à 53% de pour, 47% contre mais une très forte abstention avec 31% des inscrits.  

 

 

Grands traits de la constitution de la 4ème République

Préambule de tonalité assez libérale qui prévoit des droits politiques, économiques et sociaux. Dans son dispositif institutionnel, cette nouvelle constitution attribue l’essentiel des pouvoirs au parlement et instaure donc de fait un régime parlementaire. Le parlement est composé de 2 chambres : l’assemblée nationale et le conseil de la république. Il est élu pour 5 ans au SU direct à la représentation proportionnelle avec répartition des restes à celui qui obtient la plus forte moyenne. Elle comprend désormais 628 députés. L’assemblée nationale se réunit en session annuelle et reste maitresse de son ordre du jour. Au terme de l’art. 13, « l’assemblée nationale vote seule la loi. Elle ne peut déléguer ce droit ». =  le domaine de la loi ne connait aucune limite et l’assemblée nationale dispose d’un pouvoir très important sur le pouvoir exécutif. PR élu pour 7 ans par le parlement. Il n’est donc pas responsable politiquement. Conformément à l’art. 38, tous ses actes sont contresignés par le président du Conseil et par un ministre. Le PR n’a donc aucun pouvoir propre même s’il a formellement par exemple le droit, le pouvoir de nommer au plus hautes fonctions militaires et civiles comme les ambassadeurs et les préfets. En revanche, conformément à l’art. 45, il revient au PR le pouvoir de désigner le président du Conseil, lequel dispose du pouvoir exécutif à travers notamment son pouvoir de contreseing des actes du PR. Une fois désigné par le PR, le président du conseil doit à son tour obtenir une investiture de la part de l’assemblée nationale. Alors que la lettre de la Constitution prévoit que le président du Conseil se présente seul pour réunir sur son nom une majorité absolue des voies, en pratique, une fois investi et seulement après avoir constitué son gouvernement, il vient présenter son gouvernement à l’assemblée pour une seconde investiture, le vote portant cette fois sur l’ensemble du gouvernement : pratique de la double investiture.

L’essentiel des articles consacrés au président du Conseil concernent sa responsabilité politique et celle du gouvernement devant l’assemblée nationale (art. 48 et suivants). OR ce sera un des problèmes essentiels auquel sera consacré la 5ème république, puisque l’essentiel des mécanismes de responsabilité politique créera une responsabilité permanente qui entrainera une instabilité ministérielle systématique.

Les ministres sont responsables collectivement de la politique du gouvernement mais sont aussi responsables individuellement de leurs actes personnels (art. 48). Des dispositions sont prévues pour rationaliser la procédure de responsabilité. Ainsi la question de confiance ne peut être posée par le président du Conseil qu’après une délibération du Conseil des ministres. De plus, le vote ne peut intervenir que passé un délai de 24H. Enfin, un vote négatif sur la question de confiance ne peut intervenir qu’à la majorité absolue des membres de l’assemblée nationale (314 voix). Dans l’autre sens, l’adoption d’une motion de censure ne peut intervenir qu’à la majorité absolue des membres de l’assemblée nationale. Enfin, en cas de crise politique, le PR dispose du droit de dissolution sous certaines conditions. Or, malgré l’ensemble de ces dispositions qui encadrent les mécanismes de la responsabilité individuelle et collective des ministres, malgré la restauration du droit de dissolution, la responsabilité du gouvernement sera systématiquement mise en cause. Dans les faits, les présidents du conseil donneront leur démission à chaque fois qu’ils ne réussiront pas à réunir une majorité absolue. Par exemple, lorsque sur 627 députés, le président du Conseil pouvait réunir 260 voix pour son gouvernement alors qu’il avait 280 voix contre lui et 87 abstentions, il était conduit à la démission alors que les textes ne l’y obligeaient pas. S’il est vrai qu’il était difficile de rester en place avec une minorité de voix exprimée à l’assemblée, mais au lieu d’être favorable au gouvernement comme c’était prévu dans les textes, l’abstention de la part des députés dans un vote de confiance sera à chaque fois interprétée comme défavorable au gouvernement. Le véritable problème c’est que loin d’être cantonné à la procédure exceptionnelle, la question de confiance surgit presque à tous les moments, que ce soit au détour d’un débat parlementaire ou parce que l’assemblée nationale décide de passer à un vote après une question du gouvernement. Toutes les questions sont bonnes pour poser la question de confiance au gouvernement. On a ainsi compté qu’entre 46 et 51, il y aura 45 questions de confiance posées au gouvernement, 53 entre juin 51 et décembre 52, entre 52 et 55, 20. Cela explique toute l’instabilité de la vie poltiqiue française sous la 4ème république. Paradoxalement, la motion de censure sera plus difficile à mettre en oeuvre et du coup ne sera jamais adoptée durant toute cette période. Situation qui explique le rôle proéminent des partis politiques dan sla structuration de la vie politique sous la 4ème République, des partis relativement homogènes dans leur doctrine mais aussi dans leur actions. Ils sont plus structurés que sous la 3ème République, notamment dans la logique de concurrence électorale qui les oppose au puissant et très structurant PCF.

 

Le 10 novembre 1946, une fois la constitution adoptée, ont lieu les premières élections législatives de la 4ème République. Ces élections sont importantes dans la mesure où elles vont sceller les rapports de force entre les partis politiques sur une durée de 5 ans. L4abstention lors de ces élections demeure stable et c’est ainsi que le PC reprend au MRP le titre de premier parti de France avec 28% des suffrages exprimés, suivi par le MRP et la 3ème position du podium revient au SFIO qui accentue son déclin avec 18% des suffrages exprimés. De leur côté le RGR et les modérés restent stables à 11% et 13% respectivement. Sur 628 sièges, on compte 183 communistes, 166 MRP,  103 socialistes, 75 modérés, 74 RGR ainsi que 27 députés divers.

 

Organisation du PCF

Le PCF redevenu le premier parti de France est organisé à ce moment sur la base de ce qu’on a appelé le « centralisme démocratique », cad la base fait connaître les points de vue du centre, le centre décide, la base applique. On a donc une structuration hiérarchisée en cellules, sections, fédérations et congrès national d’où émane le comité central et les différents organes centralisés du parti. Dans cette organisation, ce sont les cellules qui sont responsables devant la section et ainsi de suite. La cellule ne peut être composée de plus d’une vingtaine de personnes et sont présentes au sein de l’entreprise ou du quartier d’habitation. On compte au lendemain de la guerre 28 000 cellules locales et 8000 cellules d’usine. La section regroupe plusieurs cellules qui délèguent certains de leurs membres. La fédération est organisée dans le cadre de départements avec un secrétaire permanent et des délégués de différentes sections. De la même manière, le congrès national qui se réunit tous les 2 ans est composé des délégués des fédérations. Il désigne le comité central, organe de type législatif, qui lui-même désigne un bureau politique et un secrétaire général qui sont les organes directeurs du parti. Le groupe parlementaire est responsable devant le parti. Plus que devant les électeurs et c’est au parti que les députés reversent leurs indemnités parlementaires qui leur verse en retour un salaire proche de celui d’un ouvrier spécialisé.

Dans le contexte de la guerre froide, et si l’on se réfère aux pratiques de l’avant-guerre, les dirigeants du parti doivent aussi prendre en compte la ligne d’action qui leur est imposée par Moscou qui fait de toute cette organisation en apparence si démocratique une façade derrière laquelle se cache un centralisme autoritaire. A la Libération, le PCF revendique plus d’un million d’adhérents.

 

De son côté, le PS SFIO, en déclin relatif par rapport à la 3ème république, a une organisation de type pyramidale qui n’est pas sans ressembler à celle du PCF mais plus démocratique en pratique avec des sections qui se regroupent suivant une base territoriale, communale ou cantonale, des fédérations qui sont organisées sur une base départementale et qui dispose d’un secrétaire fédéral permanent. Enfin, un congrès national annuel composé des délégations des fédérations est réuni pour désigner un conseil national et un comité directeur. Les délégations ont lieu à la proportionnelle, une même fédération pouvant ainsi exprimer plusieurs points de vue. Des motions sont présentées lors du congrès sur lesquelles les délégués expriment leur vote. Le conseil national est composé d’un délégué par fédération dont le droit de vote est proportionnel au nombre des membres que sa fédération représente. Le comité directeur est élu au scrutin majoritaire sur une liste où les différentes tendances sont représentées proportionnellement au nombre de mandats obtenus dans le vote des motions. La SFIO revendique à la Libération 350 000 adhérents.

 

Le MRP (mouvement républicain populaire) créé en 1944 dans la lignée du parti démocrate populaire d’avant-guerre. Son organisation est assez proche de celle de la SFIO à la différence près que les parlementaires y occupent une place beaucoup plus importante. On retrouve donc sections, fédérations, congrès national puis comité national et commission exécutive. Toutefois les fédérations ne sont pas représentées de manière totalement proportionnelle à leurs effectifs. A la Libération, il compte environ 200000 adhérents.

 

Outre le parti radical socialiste qui subit un net déclin électoral, toute une série de formations politiques vont éclore au lendemain de la Libération, nées dans le sillage de la résistance ou au contraire sur les décombres des forces politiques de la 3ème république. Ex. au centre parti qui jouera un rôle important sous la 4ème République : l’union démocratique et socialiste de la résistance créée en décembre 45 et dans lequel on retrouve des hommes politiques aussi différents tels de PLEVIN et MITTERRAND / rassemblement des gauches républicaines né en décembre 45 qui se soldera par un échec politique au contraire du centre national indépendant créé en 1948 / rassemblement du peuple français (RPF).

 

La question du tripartisme ou plus exactement la fin du tripartisme, cad la fin de la coalition parlementaire issue de l’unanimité qui est sortie de la politique de la Libération, unanimité autour des valeurs et programmes de la résistance, une coalition qui rassemblait les PCF, la SFIO et le MRP. Coalition qui se cristallise autour d’un accord de gouvernement qui prévoyait une répartition équitable des ministères entre ces trois grands partis, qui aura résisté à la démission du généra De Gaulle, qui aura résisté aux dissensions politiques et constitutionnelles de la fondation de la 4ème République mais qui ne résistera pas à la guerre froide. En effet, une fois passées les élections à l’ass nat en nov 46 puis les élections au Conseil de la Rép au mois de déc de la même année, il restait à élir un PR afin que l’ens des pv publics soient en mesure de fonctionner et que ce dernier puisse à son tour désigner le Président du Conseil. Paradoxalement, on désignera d’abord en décembre un président du Conseil provisoire afin d’expédier les affaires courantes. Ce sera BLUM investi par l’assemblée nationale avec un gvt qui ne durera que deux mois. Le gvt Blum dérogeant à la règle du tripartisme sera entièrement composé de ministres SFIO et ne sera donc pas vraisemblablement représentatif des rapports de force entre les partis au sein de l’assemblée nationale. Puisque la SFIO faible parti du gvt, il va néanmoins assurer l’élection de ses membres à la Présidence de la République : Vincent Auriol (PR) qui était l’un des 80 députés qui avaient voté non à Pétain en juillet 40. La présidence de l’assemblée nationale, fonction occupée par Auriol ira à Edouard HERRIOT. Dans la foulée, Auriol désigne un nouveau président du Conseil : Paul Ramadier, lui-même membre de la SFIO, qui va former un gvt dit d’accord général composé de ministres socialistes, de MRP, de radicaux, de l’UDSR (François Mitterrand) et des indépendants. Un accord général qui ne va pas durer très longtemps pour 3 raisons :

  • les fortes tensions sociales liées aux difficultés économiques d’après-guerre (faible production, ravitaillement difficile, contexte inflationniste) ;
  • les fortes dissensions sur la politique coloniale de la France en Indochine ;
  • la naissance du contexte de Guerre froide entre l’Union soviétique et les Etats-Unis qui conduira du côté occidental à l’adoption de la doctrine Trumann en 1947.

Trois raisons parmi d’autres qui conduiront à la rupture du tripartisme et à la révocation des ministres communistes par Ramadier en mai 47. Le départ des communistes du gvt constitue un moment important de la vie politique française. D’abord parce qu’il marque la fin des illusions de la Libération d’une unanimité politique autour des valeurs de la Résistance et surtout, la fin des tentatives de conciliation des différents points de vue. Il marque aussi la fin des illusions de la Gauche d’une union politique ou au moins d’une coalition du gvt avec ou sans PC telle qu’elle était née à la suite des évènements de février 1934 et de l’avènement du FP. La SFIO va donc se trouver particulièrement isolée à gauche en perte de vitesse électorale, laminé par sa participation au gouvernement, autant de situations qui la conduiront notamment à prendre une part active dans la répression algérienne. Ce n’est pas la première fois qu’il y a des tensions entre socialistes et communistes mais il semblerait que cette fois la rupture soit définitive. Il n’y aura plus de ministre communiste jusqu’à l’arrivée de F. Mitterrand au pouvoir en 1981 après la signature du programme commun. Le PCF va donc devenir pour un long moment un parti d’opposition quelle que soit la couleur politique du gouvernement. Il est impossible de comprendre la 4ème République et particulièrement cette rupture de 47 indépendamment du contexte politique international caractérisé par la Guerre froide et notamment l’offre du plan Marshall du 6 juin qui objective en qq sorte la rupture entre l’Est et l’Ouest et le conflit qui oppose les Etats-Unis et l’URS et dont l’Europe est l’un des enjeux, l’Europe et ses colonies et notamment l’Indochine.

 

 

  1. Guerres et crises

 

A- Les épreuves : la modernisation et la décolonisation

 

Après la révocation des ministres communistes du gouvernement, le président du Conseil RAMADIER compose un nouveau gouvernement composé de 25 ministres dont 12 socialistes. Gouvernement qui va se trouver confronté à deux problèmes majeurs :

  • vague de grèves qui éclate entre les mois de mai et septembre 1947 due à la crise économique que traverse la France, la généralisation de la crise sociale dans divers secteurs publics (métallurgie, banques, grands magasins, transports) ;
  • attaque frontale menée par la Droite contre le gouvernement au moment des élections municipales qui ont lieu en octobre. Une attaque menée par le jeune mouvements politique RPF (rassemblement du peuple français) réuni autour du général De Gaulle qui exploite à fond le thème de l’anticommunisme.

2 problèmes qui auront raison du gouvernement Ramadier qui sera contraint de démissionner en 1947.

 

Après cela, la SFIO tentera de conserver la présidence du Conseil en proposant que Blum prenne sa succession sur la base d’une troisième force qui réunira la SFIO et le MRP contre le PCF et le RPF. La faiblesse de la SFIO ne lui permettra pas de mener seule cette coalition, il faut pour cela qu’elle s’allie à nouveau aux radicaux et modérés. Dans les faits, les coalitions gouvernementales de la 4ème République vont connaître une évolution durable vers la Droite avec l’arrivée au pouvoir de Robert Schumann à l’automne 47 puis l’éviction des ministres socialistes du gouvernement au début de l’année 1950.

 

Entre 47 et juillet 51, durant la période de la troisième force, la 4ème République va connaître une demi douzaine de gouvernements dont certains de se maintiendront au pouvoir qu’à peine une année. Toutefois, au-delà de cette instabilité gouvernementale indéniable, il faut souligner la relative stabilité ministérielle qui voit se succéder certains ministres à eux-mêmes, cad que le gouvernement s’effondre mais tous les gouvernements sont pratiquement composés des mêmes ministres, ce qui explique la relative stabilité des politiques publiques. Par exemple, la reconstruction économique de la France est effective, de même que la France sera pionnière dans la construction de l’Union européenne.

 

Evolution politique de la France vers la Droite

Le gouvernement Schumann est investi en novembre 1947 alors que les grèves qui avaient éclaté au printemps de la même année tendent maintenant à dégénérer en conflit politique dur, une situation dont les communistes entendent jouer contre le gouvernement et des manifestations sociales violentes aboutissent à une répression policière et militaire particulièrement ferme. Configuration politique déjà rencontrée dans l’entre-deux-guerres puisque ces différents mouvements de grève vont conduire à brandir de nouveau l’étendard anticommuniste, cad que dans un contexte de Guerre froide naissante, l’engagement du PCF aux côtés des grévistes, deux situations qui vont réactiver les peurs politiques et sociales.   On se persuade dans les milieux de pvouroi polq et économique de l’imminence d’une grève générale insurrectionnelle qui serait le prélude à une prise de pouvoir par la force des communistes et même à une invasion du territoire français par les troupes soviétiques. Aussi, avec l’investiture très majoritaire du gouvernement Schumann (très connu pour son orthodoxie budgétaire), + nomination au ministère du budget d’un ministre très radical René Meyer, favorable à une polq de rigueur, on a le prmier signe de l’infléchissement générale du gouvernement vers la droite. Fermeté avec laquelle le nouveau minstre de l’intérieur va réprimer les grèves et manifestations. Dans un premier temps, il rappelle les réservistes dans l’armée, envoie la troupe militaire et des CRS réprimer les mouvements de grève et fait voter des mesures dites de défense républicaine pour permettre la reprise du travail dans les usines et dans les mines contre les consignes de la CGT. C’est de cette époque que date la constitution d’une nouvelle tendance au sein de la CGT qui deviendra un syndicat indépendant : Force Ouvrière, explicitement favorable à la reprise du travail et plus généralement favorable à la lutte contre l’influence communiste dans le syndicalisme Français. FO deviendra un syndicat indépendant en 48 avec l’appui du gouvernement mais aussi à l’aide de fonds provenant des Etats Unis dans le cadre de sa politique d’endiguement du communisme. Par ailleurs, les discordes au sein du gouvernement qui opposent le MRP et la SFIO sur la question de l’école sera un des axes principaux d’affrontement de la 3ème force : on a d’un côté SFIO et radicaux qui sont favorables à une politique scolaire laïque tandis que le MRP et les modérés sont davantage favorables à une école libre et à une politique de subventions publiques, une question qui provoquera la chute du gouvernement Schumann et qui traverse toute la 4ème République. La question qui conduira à la démission des ministres socialistes du gouvernement en février 50 c’est la question de la politique salariale.

 

 

  1. La modernisation économique

La politique de modernisation économique de la 4ème République est essentiellement à mettre au compte du Commissariat Général au Plan, créé en 1946 par De Gaulle. A la tête du CGP est nommé Jean Monet. Tour de force politique qu’aura réussi à accomplir JM en parvenant à réunir au sein de commissions de modernisation du CGP des représentants du patronat et du salariat ainsi que des représentants de l’Etat, en tout un millier de personnes qui sont réunies en vue d’élaborer collectivement une politique économique qui serait véritablement nationale, cad tournée vers des objectifs de production et de productivité dans un esprit de collaboration des classes. Concernant la politique de construction, il faut retenir que cette politque n’est pas dissociable de la politique internationale. Il faut la replacer dans le contexte de l’après-guerre qui verra la création d’organisations internationales comme l’ONU mais aussi d’organisation de coopération européenne.

 

 

  1. La décolonisation

 

En guise d’épilogue à la troisième force, on revient sur l’échéance électorale de 1950 qui doit renouveler l’assemblée élue en 1946. Ces moments électoraux sont des moments importants de la vie politique française, surtout lorsqu’ils sont l’occasion d’affrontement politique autour de la question du mode de scrutin. Cette question se pose en terme de calcul des résultats. En jeu lors de ces élections de 1950 est la possibilité qu’auraient des communistes ou membres du RPF selon le mode de scrutin choisi de revenir en force au sein de l’assemblée nationale, une situation qui conduirait inévitablement à une crise du régime et donc à la fin du régime de la 4ème République.

 

Une nouvelle voie électorale est adoptée en mai 1951 par une majorité de 332 députés contre 248 qui réunit des membres du MRP et de la SFIO. SI la nouvelle loi maintient le principe de la représentation proportionnelle, si elles garde les mêmes circonscriptions électorales, le même système de listes bloquées, il est une correction qui est importante : la possibilité des apparentements. = système qui permet à chaque liste de s’apparenter avant le scrutin avec une ou plusieurs autres listes. Dans les faits, cela signifie que dans chacune des 103 circonscriptions une fois le vote passé, si les listes apparentées obtiennent en additionnant leurs scores respectifs la majorité absolue des suffrages exprimés, elles remportent l’ensemble des sièges à pourvoir dans la circonscription et elles se répartissent ensuite les sièges à la représentation proportionnelle. C’est à la fois une manière de créer une tendance majoritaire dans un scrutin de type proportionnel et aussi une manière d’écarter les communistes et les gaullistes de toute majorité. Une loi électorale de circonstance qui n’empêchera pas le changement de la donne politique car malgré une abstention d’environ 20% le PCF parvient à se maintenir comme premier politique de France, la SFIO continue de perdre des voix, mais le fait le plus marquant de ces élections est la déroute électorale subie par le MRP et la percée du RPF qui obtient environ 16% des voix devant le MRP qui ne rassemble plus que 10%.

 

 

B- La crise de mai 1958

 

Entre 50 et 58, c’est la crise algérienne qui occupe la vie politique française. Crises politiques sont un mode de régulation du système politique de la 4ème République. Pourtant la crise de mai 58 ne peut pas être comparée aux précédentes du fait que la chute du régime en mai 58 correspond à :

  • la crise gouvernementale en France ;
  • l’insurrection de l’Algérie.

 

 

  1. Crise de routine et problème algérien

Une douzaine de gouvernements sous la 47me République, dont le gouvernement de Philippe Gayard sera renversé non pas par une majorité de gouvernement mais par deux extrêmes de l’assemblée nationale : 170 députés à Gauche et 150 députés à Droite. Les dénouement de la crise emprunte le chemin habituel : on lève d’un côté un certain nombre de mesures de répression qui avaient été adoptés et ce afin de parvenir à une nouvelle majorité au sein de l’Assemblée. On s’intéresse d’abord aux députés de Droite puisqu’elle a posé le plus de problèmes durant cette crise algérienne. Goerges Bidot, un des leaders du MRP est à nouveau pressenti pour présider le Conseil du gouvernement mais il propose une politique répressive en Algérie. Il échouera puisque son propre groupe vote contre lui à une faible majorité parce qu’ils ont peur d’une extension du conflit en Tunisie et au Maroc. René Périn, membre de l’UDSR est pressenti. Il met sur pied un gouvernement mais il n’aura pas de soutien de la SFIO, du coup René PERIN fait appel à René Maurice, lequel n’est pas soutenu non plus. En somme, succession de prétendants qui ne parviennent pas à réunir sous leur nom un soutien suffisamment grand au sein de leur camp et en dehors pour constituer un gouvernement stable capable de créer un consensus pour résoudre la question algérienne. L’activisme d’un certain nombre de groupes politiques plus ou moins clandestins est aussi une des caractéristiques de cette époque et vient compenser les manoeuvres parlementaires. Ces groupes se recrutent d’abord au sein des Français d’Algérie dont la masse de la population est hostile à toute réforme et est favorable à une répression assez dure. L’armée est de plus en plus impliquée dans le conflit. Elle s’est d’autant plus politisée sous l’échoppe de la 2ème GM mais aussi du conflit indochinois, politisation de plus ne plus forte dans le cadre de ce conflit algérien où souvent elle a pris des initiatives en dehors de toute décision politique. Méfiant à l’égard des politiques comme des civils, c’est un aspect qu’il faut retenir de la position de la crise militaire de cette période d’une armée qui est secouée par divers échecs mais aussi confrontée à des guerres de libération nationale dans lesquelles aux dires mêmes d’un général : « l’action psychologique et l’encadrement de la population par une force armée ne peuvent pas être politiquement neutres ». Cadre particulier de cette période, période de décolonisation qui a vu le recours assez régulier à la force armée qui a placé les généraux mais aussi plus généralement les militaires eux-mêmes dans cette situation assez paradoxale où ils pensent guerre et politique totalement indépendants l’une de l’autre : « les militaires gagnent des guerres que les politiciens perdent ».

 

Second moment avec l’intervention des activistes gaullistes en Algérie et à Paris conduit à la crise du 13 mai 1958.

 

 

  1. Le 13 mai 1958

 

La rencontre de 2 séries d’évènements à Alger et à Paris provoquent la grande journée qui annonce la chute de la 4ème République. Alger fut le théâtre d’une véritable insurrection lors d’une manifestation d’hommage à trois soldats tués par le Front de Libération Nationale. La manifestation dégénère, les troupes semblent débordées. En fait, les troupes sont davantage complices bien que les généraux n’aient pas donné d’ordres officiels. Le gouvernement général est occupé. Le pouvoir est donc vacant à Alger où le ministre résident n’est pas encore arrivé alors que Robert Lacoste, gouverneur général démissionnaire refuse de revenir sur Alger alors que l’insurrection bat son plein. C’est comme ça qu’un comité de salut public est créé, réunissant des civils et des militaires : Français et Algériens. Comme président du comité de salut public, le général Massu adresse un télégramme à René Coty pour exiger un gouvernement de salut public afin de maintenir l’Algérie française. Le même jour, se déroulait à l’Assemblée nationale le débat d’investiture du gouvernement Pfimlin. Parmi les députés, au moment du vote, on observe un réflexe de défense républicaine puisque 274 pour ce gouvernement et 129 contre et 137 communistes s’abstiendront. Selon un journaliste du Monde, deux pouvoirs s’instaurent en France :

  • un pouvoir légalà Paris ;
  • un pouvoir militaire à Alger.

A ces deux pouvoirs, s’ajoute un troisième pouvoir : le « pouvoir moral », c’est celui de De Gaulle qui est encore dans sa retraite à Colombey. Onpeut dire toutefois que pour ce qui concerne ce pouvoir moral, le diagnostic de ce journaliste est prématuré car on peut dire qu’à partir de ce 13 mai c’est le processus du recours au général De Gaulle qui s’amorce, un processus rendu possible par la convergence de différentes attentes entre ceux qui d’un côté voient en lui la garantie d’une Algérie qui sera toujours française, ceux qui voient en lui l’impossibilité d’une insurrection militaire et ceux qui voient en lui l’impossibilité d’une guerre civile. La situation de crise politique que traverse la France érige rapidement le général De Gaulle comme un homme providentiel. Ce n’est pas tant le personnage qui s’impose, il est en fait encore très largement oublié dans sa retraite, mais la situation de crise, la montée des périls (guerres civiles, insurrections) opèrent une requalification en terme de figure charismatique où le charisme défini par Max Weber, sociologue allemand, comme « la qualité extraordinaire d’un personnage qui est pour ainsi dire doué de force ou de caractère surnaturel ou surhumain ou tout au moins en dehors de la vie quotidienne inaccessible au commun des mortels. Bien entendu, conceptuellement, il est tout à fait indifférent de savoir comment la qualité en question devrait être jugée correctement sur le plan objectif d’un point de vue éthique, esthétique ou autre. Ce qui importe seulement, c’est de savoir comment le considèrent effectivement ceux qui sont dominés charismatiquement, les adeptes ». Citation qu’il faut retenir dans le sens où même aujourd’hui on fait appel à De Gaulle comme un personnage charismatique qui avait aperçu, vu une partie des évènements à venir et qui en avait aussi d’une certaine manière écrit les solutions. Le général De Gaulle est alors au moment de ces évènements âgés de 67 ans. L’homme de l’appel a déjà un passé d’homme providentiel. A fondé le RPF en 1947. Il soulève aussi d’autres objections comme son opposition au « régime des partis » qui a entraîné sa démission du gouvernement en janvier 46. Les craintes de césarisme étaient réveillées par cet homme qui s’identifie à la France. Cependant, dans cette situation de crise, les évènements donnaient raison à celui qui aviat dénoncé le désastreux régime des partis. Depuis 53, De Gaulle n’était intervenu nulle part. Il attendait en quelque sorte son retour.

 

Jusqu’à la crise du 13 mai, le général De Gaulle dans ses mémoires définit son rôle. Cette définition  produite rétrospectivement correspond à une nécessité, ses adversaires vont l’analyser ainsi puisqu’ils retiendront du général De Gaulle qu’il n’a pas désavoué l’action insurrectionnelle du 13 mai. Depuis le 5 mai, le général De Gaulle avait été contacté par le PR René Coty pour devenir le futur président du Conseil. Son retour sur la scène politique a donc été souvent interprété comme un complot ou le produit d’une orchestration. Or, il se comprend mieux comme un point de convergence entre des évènements et des stratégies charismatiques.

 

Le 14 mai, le flottement politique est général. Pierre Pflimlin veut consolider son cabinet en y incluant Antoine Pinay et Guy Mollet. Antoine Pinay refuse mais 3 socialistes entrent au gouvernement parmi lesquels Guy Mollet et Moch qui va occuper le poste de ministre de l’intérieur. Le 15 mai, le général Sallan fait une déclaration et crie  « vive De Gaulle ! ». Dans le même temps, De Gaulle s’adresse à la presse dans communiqué où il déclare « la dégradation de l’Etat entraîne infailliblement l ‘éloignement des peuples associés, le trouble de l’armée au combat, la dislocation nationale, la perte de l’indépendance. Depuis 12 ans, la France aux prises avec des problèmes trop rudes pour le régime des partis est engagée dans ce processus désastreux. Naguère, le pays dans ses profondeurs m’a fait confiance pour le conduire tout entier jusqu’à son salut. Aujourd’hui, devant les épreuves qui montent de nouveau vers lui, qu’il sache que je me tiens prêt à assumer les pouvoirs de la République ». La teneur de ce discours vient illustrer la dimension charismatique vue précédemment. L’état d’urgence est délcaré en Algérie, des sanctions sont prises contre des officiers de la métropole, le général ELY, chef d’Etat major démissionne, Jacques Soustelle, le gouverneur général de l’Algérie depuis 1956 est placé sous protection de la police et s’enfuit à Alger. Une action pour lancer dans l’insurrection des éléments de la police et de l’armée de métropole est mise en place, des messages codés sont diffusés par radio. Le 18 mai, le général De Gaulle donne une conférence de presse où il dira « jamais jusqu’à ma conférence de presse de mai 1958 je n’ai eu le droit à un micro et une caméra ». Images des télévisions étrangères sont diffusées car RPF s’est vue interdire de filmer. Dans le même temps, des négociations étaient engagées entre De Gaulle et Pinay avec la participation de Chamban Delmas et Mollet qui s’entretenait secrètement avec De Gaulle alors qu’il était membre du gouvernement Pfimlin. Ces négociations secrètes sont un signe de la débandade du gouvernement puisque finalement Guy Mollet comme Pinay se rallie au général De Gaulle et la menace miiltaire se précise, notamment avec l’arrivée des parachutistes en Corse le 24 mai. Contexte général qui montre que le gouvernement n’avait plus aucune maîtrise sur rien. Il se pose à ce moment la question de savoir comment il va passer la main sans perdre la face.

 

Une réunion secrète est organisée entre De Gaulle et Pierre Pflimlin dans la nuit des 26 et 27 mai. Entrevue qui n’aboutit sur rien. Pourtant le lendemain, De Gaulle affirme : « j’ai entamé hier le processus régulier nécessaire à l’établissement d’un gouvernement républicain ». Il appelle par là même les militaires à l’obéissance. Les 26 et 27 mai, il était prévu aussi une opération militaire appelée « résurrection ». Du coup, cette opération militaire est ajournée. Le gouvernement de Pierre Pflimlin démissionne le 28 mai au matin. On assiste à une tentative de mobilisation populaire lancée par les partis de Gauche et les syndicats mais la grève qui est organisée est un échec. Est organisée le jour même de la démission du gouvernement une manifestation qui réunit plus de 500 mille personnes, une manifestation qui est davantage dirigée contre Alger et les militaires que contre De Gaulle ou la 4ème République mais c’est aussi une manifestation qui exprime encore une fois la crainte du communisme. Le gouvernement a donc démissionné. Se pose alors la question de savoir comment on va installer De Gaulle au pouvoir. Va-t-on lui donner les pleins pouvoirs ?

 

Le 29 mai, le Président René Coty adresse un message au parlement dans lequel il annonce sa démission si De Gaulle n’est pas investi par l’Assemblée nationale. Coty et De Gaulle se rencontrent à l’Elysée puis les chefs de partis sont chacun à leur tour reçu par René Coty. Le général De Gaulle assure de la responsabilité du gouvernement devant le parlement et assure qu’il sera présent à l’assemblée nationale pour le débat sur l’investiture. Le 1er juin De Gaulle présente son gouvernement parmi lesquels on retrouve des représentants de partis traditionnels Guy Mollet, Pierre Pflimlin et Antoine Pinay, 2 gaullistes : Michel Debré à la justice et André Malraux, ainsi que des hauts fonctionnaires. Aucun leader de l’Union pour le salut et le renouveau de l’Algérie française n’est représenté dans le gouvernement. Suite au débat sur l’investiture, 329 députés voteront pour et 224 contre. 3 textes seront votés dans la foulée :

  • les pouvoirs spéciaux en Algérie ;
  • les pleins pouvoirs législatifs pour 6 mois ;
  • le pouvoir d’élaborer un projet de constitution.

Seul le dernier point fera l’objet de longues discussions.

 

Dans ce contexte, parler de solution charismatique ne signifie pas que le général De Gaulle atout fait tout seul. Parler de stratégie charismatique lorsqu’on aborde cette période consiste essentiellement à dire que le général de Gaulle a laissé se développer les attentes les plus contradictoires avec le soutien de ceux qui voyaient en lui le garant de l’Algérie française, ceux qui étaient hostiles à l’insurrection militaire et ceux qui craignaient la guerre civile mais il y avait aussi ceux qui cherchaient une issue pacifique au conflit algérien.

 

De quoi est morte la 4ème République ? Elle est morte de ses incapacités à répondre à des problèmes politiques, incapacité à s’assurer le soutien de l’opinion publique et pour d’autres encore, elle est morte du fait que des dirigeants politiques ont été contraints à sacrifier les institutions au prix de leur avenir politique.

 

 

DEUXIEME PARTIE 6 LA PHASE ALGERIENNE DE LA REPUBLIQUE GAULLIENNE (1958 – 1962)

L’arrivée au pouvoir du général De Gaulle en 58 ne manque pas n’ambiguité. D’un côté les parlementaires de la 4ème rébluq ont tout fait oour obtenir que la passation des pv se fasse dans le respect des forces institutionnelles cad par investiture. Cpdt certains adversaires de De gaulle comme Mitterrrand et Mendès France ont mis l’accent sur la réunion militaire qui a permis à de gaulle de revenir au pv et ont ainsi qualifié son retour au pv de « coup d’Etat ». Le plus probable est que sans avoir été à l’origine de la rébellion, de gaulle et ses partisans ont su profiter des évènements pour conquérir le pouvoir.

Autre ambiguité : que va faire de gaulle mnt ? Onb attend de lui qu’il règle le pb algérien. Pour certains cela signifie éliminer définitivement le FLN, pour d’autres comme Guy Mollet, De Gaulle est le seul qui serait capable de mettre fin à une guerre sans issue et donc aussi le seul à pouvoir imposer un processus de négociation. Toute l’habilité de De Gaulle a précisément consister à ne pas se prononcer très clairement sur ces questions donc quand il accède au pv d’Etat, la question algérienne qui a provoqué la chute de la 4ème République est loin d’être réglée.

 

Le 2 juin 58, le plmt lui accorde les pleins pouvoirs en Algérie pour 6 mois. Cpdt, De Gaulle estime que la réforme des insittutions est un préablable nécessaire au règlement de la question algérienne. Toutefois, il ne veut pas que ce soit l’assemblée qui se charge de rédiger cette constitution comme le prévoit l’art. 90 C de 46. Il veut en effet confier ce travail à un comité d’experts qui saura rédiger un texte conforme à ses souhaits. Pour obtenir gain de cause, De Gaulle intervient au plmt le 2 juin et pour obtenir la constitution de ce comité, il met sa démission en jeu. Face à l’urgence posée par le pb algérien, il obtient l’accord des parlementaires à 3 conditions :

  • le respect d’un certain nombre de principes fondamentaux comme la séparation des pv et la responsabilité du gouvernement devant le parlement ;
  • l’avis d’un comité consultatif où figureront des parlementaires et des membres du CE.
  • Sa validation par un référendum populaire.

 

Tout compte fait, la réforme des insittutions posera moins de pb à De Gaulle que l’hypothèque algérienne qui pésera encore les 4 années suivantes.

 

 

PARTIE 1. LA FONDATION D’UN NOUVEAU REGIME POLITIQUE

 

Pour s’assurer le soutien du parlement, De Gaulle va faire des compromis.

> Un compromis sur la composition du gouvernement qui fait une large place aux forces politiques traditionnelles.

> Des compromis sur le contenu de la nouvelle constitution puisqu’il va tenir compte de certaines exigences posées par les parlementaires. Compromis qui n’empêcheront pas De Gaulle d’exercer le pouvoir d’une manière qui consacre progressivement la prééminence présidentielle au détriment du parlement et même du gouvernement.

La composition du gouvernement vise à rassurer les parlementaires. Toutes les grandes forces politiques du moment y sont représentées sauf les communistes. Guy Mollet et Pierre Pflimlin sont nommés ministres d’Etat, Félix HOPHOUËT-BOIGNY (futur présidnet de Cote D’Ivoire) est nommé ministre d’Etat aussi, la nomination du modéré Antoine Piney aux finances vise à rassurer les milieux écnomiques. En somme, le nouveau gouvernement prend la forme classique d’un gouvernement d’Union nationale puisqu’il n’y a que 3 gaullistes : Michel Debré garde des Sceaux chargé de superviser la rédaction de la nouvelle constitution ;  André Malraux au ministère de l’information et Edmond Michelet aux anciens combattants.

La nouveauté de ce gouvernement réside dans le fait que De Gaulle préfère nomer aux postes les plus importants des hauts fonctionnaires qui n’ont pris aucune position publique sur l’Algérie comme par ex Maurice COUVE de MURVILLE nommé aux affaires étrangères, le préfet de la Seine Etienne PELLETIER nommé au ministère de l’intérieur, et un polytechnicien au ministère des armées. La nomination de non parlementaires à certains ministères n’obéit pas seulement à une … politique mais aussi De Gaulle veut avoir des ministres qui obéissent strictement aux injonctions du chef du gouvernement pour faire une coupure totale avec les pratiques de la 4ème République lors de laquelle les dissensions ouvertures entre le président du Conseil et ses ministres étaient récurentes.  En somme la réalité du pv jusqu’aux élections d’octovre 1958 est concentrée à Matignon où De Gaulle forme un cabinet composé de hauts fonctionnaires et dirigé par Georges Pompidou.

 

La première tache qui est confiée au gouvernement est de réformer les institutions. Comme le dit Bastien François, éminent politiste français, prof de Sciences po à la Sorbonne Paris I, auteur de la future 6ème constitution, a écrit La naissance d’une constitution. De Gaulle à la recherche d’une rupture avec la 4ème République veut rédiger une constitution différente de l’ancienne de 46, laquelle plaçait le parlement au premier rang des institutions politiques. C’est la raison pour laquelle il confie la rédaction de cette constitution à un groupe d’experts et non pas à une assemblée constituante. La réforme des institutions que mène le gouvernement est menée très rapidement puisque la nouvelle cosntitution est rédigée en moins de 3 mois. La consittution de la 5ème République est conçue par une poignée de hauts fonctionnaires, souvent des membres du CE palcés sous la direction de Michel Debré. Ancien maître des requêts au CE, MD est lui-même un théoricien de l’Etat qui a publié 2 vourages notoires : Refaire la France ; Ces princes qui nous gouvernent en 57. Début août 58, le projet concocté par le goupe d’experts est soumis à l’avis du comité consultatif constitutionnel composé de 39 membres et soumis au CE.  Les débats les plus virulents portent sur  l’incompatibilité des fonctions ministérielles et parlementaires et sur le futur article 16 donnant au PR les pleins pouvoirs en cas de menace sur les institutions. Toutes ces discussions se déroulent dans le secret absolu. Le 3 septembre, le gouvernement adopte définiivement le projet de constitution. La nouvelle constitution visait à remplir deux objectifs :

  • rationaliser l’activité du parlement ;
  • faire prévaloir la supériorité du pouvoir exécutif sur le pouvoir législatif.

Rationalisation du travail parlementaire : expression qui date des années 30 et désigne l’ensemble des mécanismes conçus pour réduire l’emprise du parlement sur l’action du gouvernement et assurer l’efficacité du pouvoir exécutif. 4 grands moyens sont employés :

  • instauration de l’incompatibilité entre fonctions parlementaires et gouvernementales → couper les liens qui peuvent rattacher les ministres au parlement ;
  • limitation de la compétence normative du parlement : c’est une innovation de la 5ème République considérée à l’époque comme révolutionnaire puisqu’elle définit de manière limitative les matières sur lesquelles le parlement peut légiférer (art. 34C), les autres relevant donc de manière exclusive du gouvernement. C’est l’instauration de la distinction entre la loi et le règlement. De même l’instauration du référendum limite la compétence normative du parlement. Le PR, sur proposition du gouvernement ou sur proposition conjointe de l’assemblée nationale et du Sénat peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics ou tout traité qui pourrait avoir un incidence sur le fonctionnement des institution (art. 11). Dans les faits, la constitution sera dans les premiers temps utilisée pour affirmer la prééminence présidentielle dans une logique plébiscitaire. Le parlement n’est plus maître de son ordre du jour (art. 48 C).
  • le parlement est placé sous le contrôle d’une institution chargée de contrôler l’activité du parlement : le Conseil constitutionnel. Initialement, le CC avait surtout pour objectif d’empêcher les parlementaires de se soustraire aux contraintes posées par la nouvelle constitution et notamment des les empêcher de déborder hors de leurs compétences législatives (art. 34C). Le but à cette époque est surtout de brider le parlement plus que de s’assurer de la constitutionnalité des lois comme c’est le cas aujourd’hui. Le tournant se fera en 1971.
  • La mise en place d’un certain nombre de dispositifs visant à protéger le gouvernement en cas d’hostilité parlementaire. Le renversement du gouvernement par une motion de censure est rendu plus difficile. Jusque là il fallait la majorité absolue des députés présents, maintenant il faut la majorité absolue des membres de l’assemblée, ce qui revient à considérer les abstentions comme des votes de soutien au gouvernement. Par ailleurs si un gouvernement craint de ne pas réunir un vote majoritaire sur une loi, il peut recourir à un dispositif nouveau : le 49-3 C. Hors, il est plus difficile de faire voter une motion de censure à la majorité absolue des membres de l’assemblée alors que pour rejeter un projet de lois, la majorité des membres présents suffit. Depuis 58, une seule motion de censure a été obtenue avec une majorité absolue : contre G Pomidou en 1962, lors de la réforme constitutionnelle.

 

2nd objectif : affirmation du pouvoir exécutif sur le pouvoir législatif → sur le plan symbolique, le nouveau texte constitutionnel est révolutionnaire dans le sens où l’ordre de présentation des institutions politiques est inversé puisque désormais, vient en premier le PR, ensuite le gouvernement puis le parlement. De plus, le PR se voit conférer des attributions importantes : il nomme le PM, il peut dissoudre l’assemblée, un droit qu’il peut faire à n’importe quel moment, il dispose des pouvoirs spéciaux en cas de crise et peut recourir au référendum. Cependant, à l’époque, le PR n’est pas élu au SU mais par un collège de 80 000 grands électeurs. La coincidence entre l’apparition de la nouvelle constitution et la résolution de cette instabilité ministérielle a permis à certains juristes d’imputer cette stabilité aux mécanismes constitutionnels. BF : « une constitution ne veut rien dire ». A l’intérieur d’un texte juridique, il y a toujours des marges de jeu possibles et des règles en apparence contraignantes peuvent être contournées et déformées. Preuve : le droit de dissolution sous la 4ème république avait été tourné par les députés puisqu’ils se débrouillaient toujours pour obtenir une majorité positive suffisante pour renverser le gouvernement sans jamais réellement atteindre une majorité absolue. En réalité, il faut  davantage tenir compte des circonstances historiques et non du texte constitutionnel et surtout aussi des transformations des jeux politiques comme par ex le renforcement des partis politiques dans la compétition politique et c’est ça qui va rendre possible à la fois la stabilité ministérielle et la prééminence présidentielle.

Le projet a été adopté à l’unanimité par le gouvernement, reste à la faire adopter par voie référendaire. Le 4 septembre 58, lors d’une cérémonie organiée, De Gaulle présente son projet de consttitution adopté la veille en Conseil des ministres. La date et le lieu sont hautement symboliques :

  • 4 septembre : date de début de la 5ème République ;
  • place de la République sur une tribune ornée du sigle RF et gardée par une garde républicains en grande tenue, De Gaulle cherche à attester de son attachement aux valeurs républicaines qui sont régulièrement remises en cause du fait de ses prises de position contre le régime parlementaire sous la 4ème République et des circonstances de son retour au pv, la rebellion en Algérie.

Dès le lendemain la campagne pour le référendum est lancée. LA mlajorité des partis défendent le oui : SFIO, MRP. Défenseurs du non sont peu nombreux et isolés : les communistes dénoncent « un régime qui ouvre la voie au fascisme », de même l’UDF (union des forces démocratiques) qui rassemble des hommes de Gauche en rupture avec les partis traditionnels comme Pierre Mendès France et François Mitterrand. De même Pierre Poujad qui se prononce aussi contre. Cette dipropotion entre partisans du oui et du non est aggravé par les prises de position des journalistes qui mènent une campagne d’opinion largement favorable au oui. C’est ainsi que le 28 septembre, la constitution est adoptée à 79,3% avec un taux de participation de 85%. Un score interprété comme un plébiscite en faveur de De Gaulle, qui va constituer un atout décisif pour les élections à venir en novembre 58.Qui dit adoption d’une nouvelle constitution dit mise en place de nouvelles institutions.Mise en place qui va se faire en 2 étapes :

  • élections d’un nouveau parlement (mai 58) ;
  • élection du PR et formation du nouveau gouvernement.

 

1° Election d’un nouveau parlement

Ces élections se caractérisent par un très fort renouvellement du personnel politique. Sur 475 élus issus de l’ancienne assemblée, seuls 131 seront réélus. On assiste donc à un renouvellement très important du personnel politique avec l’arrivée d’une nouvelle génération. Renouvellement qui s’explique par 3 raisons :

  • un nouveau mode de scrutin. Sous la 4ème République, les députés élus au scrutin proportionnel intégral : le nombre de députés de chaque parti était fonction du nombre de voix qu’il obtenait au niveau national. Pour réduire le poids du PC au gouvernement, mise en place d’un nouveau mode de scrutin : le scrutin uninominal d’arrondissement. La France est donc coupée en 475 circonscriptions qui élisent chacune un député. Mode de scrutin utilisé systématiquement sauf en 86 où les socialistes reviennent à l’ancien mode pour limiter leur défaite. Juste avant ces élections, le 1er octobre 58, création de l’UNR (union national républicaine), un parti créé par des proches de De Gaulle dans l’objectif de tirer avantage des excellents résultats du référendum. Michel Debré, Jacques Chaban Delmas. L’UNR va soutenir à l’occasion de ces élections de nombreuses candidatures, notamment les candidatures de nouveaux venus en politique (qui n’étaient pas au sein du parlement) .Si l’UNR se réclame du général De Gaulle, le général De Gaulle refusera toujours de soutenir publiquement l’UNR. Il estime en effet que sa fonction présidentielle le place au dessus du jeu des partis et il refuse donc catégoriquement de rentrer dans la compétition électorale.
  • Incapacité des forces politiques traditionnelles à se démarquer du gaullisme. En effet, seul le PCF et l’union des forces démocratiques s’opposent au gaullisme. Le SFIO était donc favorable au gaullisme. Toutes les autres autres forces politiques (SFIO, MRP, radicaux et modérés) soutiennent le général De Gaulle et le nouveau régime politique. Du coup, dans la campagne pour les élections législatives, leur candidats ne se démarquent pas des candidats de l’UNR mais en plus, leurs candidats continuent d’incarner le régime de la 4ème République, ce qui permet aux candidats de l’UNR d’apparaître comme les représentants du renouveau politique français d’incarner une nouvelle génération d’hommes politiques.

 

Le 1er tour des élections a lieu le 23 novembre 58. Le 2nd tour, on observe que le PCF s’effondre du fait que les socialistes refusent toute alliance. Il n’y a donc plus que 10 députés communistes contre 150 dans l’ancienne législature. Les modérés et l’UNR qui passent des accords de désistement au 2nd tour remportent un franc succès : 198 députés pour l’UNR et 133 pour les modérés. Comme ils n’ont pas passé d’accord, la SFIO et le MRP et les radicaux s’effondrent. 44 députés SFIO, pratiquement moitié moins que dans l’ancienne législature, 23 pour les radicaux. Le nouveau scrutin a donc favorisé l’UNR et les modérés alors qu’au total, ils n’avaient que près de 37% des suffrages au premier tour, ils obtiennent près de 66% des députés au 2nd tour. L’UNR devient premier parti politique de France, J Chaban Delmas élu président de l’assemblée nationale.

 

 

  1. L’élection présidentielle et la formation du nouveau gouvernement

 

L’élection du PR a lieu un mois après les élections législatives, soit le 21 décembre. Le PR est élu par un collège de 80 000 grands électeurs. Face à la candidature de De Gaulle, il y a un candidat communiste et un candidat de l’UFD. De Gaulle élu à 78,5% des suffrages, un véritable plébiscite. Le 8 janvier 59, la passation des pouvoirs a lieu entre Coty et de Gaulle. Le 9 janvier, Michel Debré, à l’origine de la nouvelle constitution est nommé PM. Les socialistes quittent le gouvernement. Le nombre des partisans de De Gaulle et le nombre de hauts fonctionnaires au sein du gouvernement augmente. On trouve ainsi des hauts fonctionnaires aux affaires étrangères, au ministère des armées, de la santé, de la construction et de l’industrie. Le général de gaulle a donc désormais toutes les cartes en main : un gouvernement dominé par l’UNR qui lui est favorable, un gouvernement composé de fidèles ou de hauts fonctionnaires. Il peut donc maintenant s’atteler à la résolution du conflit algérien, ce pour quoi il a été reconvoqué au pouvoir.

 

 

  • Politique gouvernementale et pratique du pouvoir sur la période 58-62

 

Dès 58, des décisions importantes sont prises tant en matière de politique extérieure qu’en maintien économique et social. Durant toute cette période De Gaulle impose une nouvelle manière d’exercer le pouvoir qui consacre en France la prééminence de l’institution présidentielle sur l’institution parlementaire mais aussi la prééminence du PR sur le gouvernement.

 

58-62 se caractérise par une stabilité ministérielle inédite. Le gouvernement Debré reste en place de janvier 59 à avril 62 alors même que l’UNR n’a pas la majorité absolue dans l’assemblée. Il faut dire que le contexte de la guerre d’Algerie conduit les parlementaire à éviter de mettre le gouvernement en difficulté. Du coup, De Gaulle dispose d’une très large latitude pour jeter les bases d’une politique extérieure conforme à ses ambitions mais aussi pour instaurer « la grandeur de la France » qui passe par l’adoption et la mise en place d’une politique économique et sociale.

 

A- La politique extérieure

 

Dès son arrivée au pouvoir, la politique extérieure est l’une des priorités de De Gaulle. Il attend de la France qu’elle retrouve une place conforme à son rang. Outre le règlement du conflit algérien, la décolonisation apparaît rapidement pour De Gaulle comme un préalable nécessaire à la reconstitution d’un crédit politique international pour la France. Le titre 12 de la Constitution de 1958 avait prévu la création d’une Communauté, cad les Etats membres de la Communauté se voyaient reconnaître ainsi une autonomie relative sauf dans les domaines relevant de la politique communautaire, à savoir la politique étrangère, la défense, la politique économique et financière. Les colonies qui choisissaient de faire partie de la Communauté n’étaient donc pas des Etats indépendants. Le 28 septembre 1958, le même jour où la métropole vote sur le référendum pour la constitution, un référendum est organisé dans les colonies d’Afrique noire et Madagascar pour savoir s’ils veulent se rallier à la Communauté. Sur les 13 pays où a été organisé le référendum, 12 se rallient à la Communauté. Seule la Guinée à voté non et accède donc à l’indépendance. Dès le mois de septembre 59, les chefs de gvt du Sénégal et du Soudan annoncent leur intention de soutenir la constitution de la république du Mali indépendante. De même, Madagascar qui finalement décidera de se retirer de la Communauté. Du coup, De Gaulle pour éviter que la Communauté n’éclate, décide en juillet 60 de réviser les statuts de la Communauté. Désormais, les Etats africains pourront devenir indépendants tout en restant membres de la Communauté. En 60, l’ensemble des colonies d’Afrique noire francophones accèdent à l’indépendance. Les institutions de la Communauté sont remplacées rapidement par des accords dits d’association bilatéraux signés entre la France et les nouveaux Etats.

 

La politique de défense menée par le général De Gaulle

En septembre 1958, De Gaulle propose une réforme des structures de l’OTAN et de remplacer la tutelle américaine par un directoire à 3 (EU, France, GB). Les américains refusent toute réforme de l’OTAN. De gaulle va donc s’efforcer de soustraire les forces françaises au commandement militaire de l’OTAN et franchit une première étape en 1959 avec la sorite de la flotte française de méditerranée du commandement intégré de l’OTAN. Par ailleurs, De Gaulle entend favoriser le développement d’une force de frappe autonome. En février 1960, la France fait exploser sa première bombe atomique au Sahara. Un programme atomique qui avait été lancé sous la 4ème République dès 1950.  A la fin de l’année 60, il fait voter une loi programmant le développement d’une force de frappe nucléaire. Sur ce point, le général De Gaulle se situe dans la continuité de la 4ème République, une continuité politique qu’il met au service de sa propre conception de la politique extérieure. Une politique qui avait pour but d’affirmer l’indépendance nationale et qui va provoquer des tensions au niveau européen.

 

LA 4ème République avait déjà beaucoup oeuvré pour rapporhcer la France de l’Allemagne. De Gaulle là aussi s’inscrit dans la dynamique de la 4ème République en se rapprochant davantage de l’Allemagne uisque De Gaulle et le chancellier ADENAUER ont se rencontrer plus de 40 fois entre 58 et 62. Un « traité d’amitié » est signé entre les 2 pays en 1962. Cpdt, pour De Gaulle il s’agit toujours de construire l’indépendance nationale et pour lui la construction européenne ne doit donc pas se faire au détriment des intérêts français. C’est ainsi qu’en 62, il menace de quitter la CEE pour obtenir la mise en place de la PAC, une politique agricole commune largement favorable à la France. De même, De Gualle va s’opposer aux tenants d’une Europe fortement intégrée sur le plan politique et qui veut détendre les pv de la commission du marché commun et qui demande aussi qu’au sein du conseil de la CEE formée par les gouvernements des Etats membres, les votes se fassent à la majorité comme c’était prévu initialement par le traité de Rome. C’est dans ce contexte qu’est mis en place une commission d’étude en octobre 61 chargée d’élaborer un plan de réforme des institutions européennes pour préserver les prérogatives des gouvernements et qualifier l’Europe « d’union d’Etats ». Face à l’opposition des Belges et des Neerlandais quiétaient partisans d’une Europe supranationale, le plan Fouchet (élaboré par la commission d’étude) est rejeté en avril 62 mais De Gaulle reviendra à la charge quelques années plus tard → le projet sera adopté. De 58 à 62, De Gaulle jette donc les bases d’une politique extérieure qui vise à affirmer la greandeur del a France dans le monde. La restauration du rang de la France passe aussi par une polotique éocnomique qu’il va aussi sse charger de mettre en oeuvre. LA 4ème République laisse derrière elle un lourd héritage financier. Le pays est très fortement endetté et le franc a subi de très nombreuses dévaluation. LA restauration de l’équilibre financier et économique est donc la priorité du général De Gaulle. Afin de rassurer les milieux économiques, Antoine Piney est nommé ministre des finances. Dès sa nomination, il lance un emprunt pour remplir les caisses de l’Etat mais dans le même temps, Jacques RUEFF est nommé inspecteur général des finances,  en octobre 58 à la tête d’une commission d’experts qui va définir la politique financiere de la France et mettre en place un plan d’attaque qui comprend 3 dispositifs :

  • vise à lutter contre l’inflation. Certaines dépenses de l’Etat sont supprimées et des impots nouveaux sont créés. Il est prévu de limiter la hausse des salaires de fonctionnaires.
  • Vise à stabiliser la valeur du franc et à rendre les produits français plus compétitfs à l’étranger. Le franc est dévalué de plus de 17%. C’est l’instauration du nouveau franc qui vient syumboliser le retour à la stabilité financière de la france.
  • Vise à développer les échanges internationaux. 90% des échanges avec les pays européens sont libérés.

Jusqu’en 62, cette politique économique et financière est un succès. L’équilibre budgétaire est atteint. On constate une hausse des salaires et des prix. Le pays traverse une forte croissance et le nouveau franc est stabilisé. Une situation économique qui va contribuer à renforcer l’adhésion des secteurs économiques au nouveau régime. Cpdt, certains rencontrent déjà des difficultés : le secteur minier qui va traverser une période de grève entre 61 et 62, une grève qui pose le problème de la reconversion de la main-d’oeuvre minière. Mais le secteur de l’agriculture traverse lui aussi des difficultés du fait de la mise en place du marché commun. Un milieu agraire qui va connaître lui aussi de nombreuses manifestations entre 60 et 61. Ces différentes politiques économiques / extérieures sont conçues au niveau du gouvernement et au niveau de la présidence de la République.  Les années du conflit algérien (entre 58 et 62) sont marquées par une très forte personnalisation du pouvoir au profit du PR. Qui dit forte personnalisation du pouvoir dit affaiblissement du parlement. Le parlement était le centre du pouvoir sous la 4ème République. C’est le contexte de la guerre d’Algérie qui permet au PR de gagner en autonomie par rapport à l’assemblée nationale. En février 1960, parès la semaine des barricades, le gouvernement s’est vu accorder des pouvoirs spéciaux qui lui ont permis de gouverner par ordonnances prises sous la signature du PR. En avril 61, suite au poutch des généraux à Alger, le général De Gaulle met en application l’art. 16 C qui lui octroie des pouvoirs exceptionnels jusqu’à la fin du mois de septembre ce qui lui permet de s’affranchir davantage du parlement. Mais l’affirmation de la prééminence présidentielle ne se manifeste pas seulement à propos du conflit algérien. Il faut aussi prendre en compte le fait que les députés se sentent tellement dépendants de De Gaulle pour obtenir une résolution acceptable de la guerre d’Algérie que le PR peut se permettre d’ignorer leurs demandes dans d’autres domaines. Par exemple, sur la politique agricole. En mars 60, suite à une forte pression menée par les organisations agricoles, une majorité des députés demande la convocation du parlement en session extraordinaire pour discuter des problèmes agricoles, ce qu’ils sont autorisés à faire en vertu de l’art 29 C. Or, De Gaulle s’y oppose en invoquant l’art. 30 C qui stipule que les sessions extraordinaires sont ouvertes et clauses par décret du PR. Aucun député ne s’attendait à un refus de la part de De Gaulle d’autant que la demande avait été exprimée par une majorité des députés. Mais le contexte de la guerre d’Algérie et le fait que tout le monde comptait sur lui pour régler ce conflit a autorisé en qq sorte le général à s’opposer à la demande des parlementaires. Nouvelle pratique qui se donne ici à voir dans le fonctionnement et la composition du gouvernement. La Constitution à l’Elysée d’un super cabinet composé d’une 50taine de conseillers consacre le nouveau pouvoir du PR. Nombre de politiques gouvernementales seront ainsi élaborées par les conseillers du président qui sont pour une très grande majorité d’entre eux des hauts fonctionnaires issus de l’ENA. Quand ce ne sont pas ces conseillers qui élaborent les politiques, ce sont des experts nommés par les conseillers comme c’est le cas de la commission de Jacques RUEFF qui les élaborent. En somme, le gouvernement ne produit pas la politique, il ne fait qu’appliquer ce qui a été décidé au niveau de la présidence.

 

Sous la 4ème République, le pouvoir du parlement était bien marqué par le fait que tout changement de politique était d’abord annoncé au parlement. Là aussi, nouvelle pratique politique instaurée par De Gaulle qui prétend quant à lui s’adresser d’abord directement à la population. Il recourt donc massivement à la radio et à la TV dont les Français à en être dotés sont de plus en plus nombreux. Il emploie non seulement dans des occasions dramatiques – barricades, poutch – mais aussi à chaque fois qu’il part en voyage – qu’il se déplace en province ou à l’étranger, en Algérie. Entre 58 et 62, il intervient 32 fois à la TV. Il y avait à l’époque une seule chaîne qui était considérée comme un instrument de propagande. Dans les nouvelles pratiques utilisées par De Gaulle, il y a aussi l’usage du référendum – sept 58, janvier 1961 sur l’autodétermination, avril 62 sur les accords d’Evian. Les référendums sont présentés à chaque fois comme autant de plébiscite de la politique de DeGaulle. Processus de personnalisation du pouvoir puisque jamais un représentant du pouvoir d’Etat n’avait à ce point incarner le pouvoir politique que ce soit sous la 3ème ou la 4ème République. De même aucun homme politique n’avait bénéficier d’autant de médiatisation. Autant de facteurs qui participent à la consécration de la prééminence de l’institution présidentielle en France.

 

1962 marque la fin de la guerre d’Algérie. Il parvient à mettre fin à la guerre d’Algérie, ce qui constitue pour lui une véritable victoire politique. En même temps, il a de plus en plus autonomisé le pouvoir présidentiel ce qui suscite une très forte hostilité chez les députés même chez les députés de l’UNR qui devant cette personnalisation du pouvoir mais aussi la place plus grande occupée par les conseillers du président voient leurs ambitions politiques de plus en plus déçues. Du coup, une fois la question algérienne réglée, le parlement va s’efforcer de s’affranchir de la tutelle présidentielle. Ainsi, après les accords d’Evian conclus en mars 62, une épreuve de force entre le PR et le parlement s’engage.

 

 

Entre 1962 et 1969…

Les désaccords entre le PR et les parlementaires vont s’affirmer plus nettement sur cette période. En avril 62, De Gaulle nomme Georges Pompidou à la place de Michel Debré comme premier ministre. Or, Pompidou est un total inconnu pour les parlementaires. C’est un haut fonctionnaire qui n’a jamais été élu. Du coup, au moment du vote de confiance, les députés ne lui accordent qu’un vote à une faible majorité : 229 voix pour. Mais les désaccords entre les parlementaires et le PR ne portent pas uniquement sur la manière de gouverner du général De Gaulle. Il y a aussi des désaccords sur ses choix politiques et sur ses prises de position politique. Déjà, un certain nombre des parlementaires sont en désaccord sur la manière dont il a réglé le conflit algérien, notamment sur la question de la fuite de 7000000 pieds noirs et la condamnation des généraux. De plus, en mai 1962, le général De Gaulle va trouver une opposition frontale de la part des députés MRP sur la question de la construction européenne. Pour lui, la seule Europe possible est celle des Etats. Du coup, le 25 mai 62, les 5 ministres MRP parmi lesquels Pierre Pflimlin et Robert Schumann vont démissionner du gouvernement. Le départ des 5 ministres MRP affaiblissent la majorité parlementaire du général De Gaulle qui est pratiquement persuadé de ne pas être réélu en 1965. Du coup, De Gaulle choisit de porter la lutte contre les parlementaires sur le terrain constitutionnel en demandant l’élection du PR au SU. 1962 constitue la 2nde fondation de la 5ème République. Un affrontement qui est précipité par l’attentat dont est victime De Gaulle le 22 août 1962 au Petit Clamard. Le général De gaulle va tirer profit de l’émotion suscitée par l’attentat pour proposer sa réforme constitutionnelle. Le 12 septembre 62, un communiqué du Conseil des ministres annonce l’organisation d’un référendum visant à établir l’élection du PR au suffrage universel. Levée de bouclier des juristes mais aussi des conseillers d’Etat et des membres du Conseil constitutionnel. Tous invoquent l’art. 89 C qui précise que le projet de révision constitutionnelle ne peut être soumis au référendum qu’après avoir été adoptés dans les mêmes termes par l’assemblée nationale et le Sénat. De Gaulle leur oppose l’art. 11 C qui permet au PR de soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics.

 

PARTIE IV. LA VIE POLITIQUE FRANCAISE AU PRISME DE LA REPRESENTATION

 

 

Période contemporaine de 1981 à nos jours. ~ Introduction à la sociologie politique.

2 raisons à cette approche :

  • sur la période de 1981 à nos jours, on dispose d’un faible recul historique ;
  • période dont on est témoin.

 

Cadres d’analyse :

  • sociologie critique
  • sociologie pragmatique

 

On va s’intéresser à deux institutions :

  • la présidence de la République
  • l’assemblée nationale

Ces deux institutions vont être considérées à partir de 2 objets :

  • le portrait présidentiel
  • le débat sur la parité.

 

La sociologie repose en général sur une base constructive. Elle pense que le monde est tel qu’on l’appréhende. Il n’existe pas de façon objective en dehors de notre perception.

 

 

Chapitre 1. Le portrait présidentiel sous la Vè République : pratique institutionnelle et mise en scène du pouvoir devant le peuple

 

I/ L’institution présidentielle au prisme du portrait

1er président de la 4ème : Vincent Auriol

Dernier de la 4ème : René Coty

 

Pratique du portrait présidentielle : tradition depuis 1848, depuis la 2ème République. Ce n’est pas une obligation légale, plus une coutume instaurée depuis la 4ème République. Adolphe Tiers premier portrait photographique en 1871. Distribués gratuitement dans toutes les communes de France. Se croisent généralement dans les mairies.

Portraits considérés comme une routine traditionnelle.

Adolphe Tiers, 3ème République, modernité, premier portrait photo. En dehors de cette évolution technique, il n’y a pas de réelle évolution parce que l’idée est de le représenter en tant que président de la République. Autrefois portrait en peinture. Ne modifie pas les codes.

Grand cordon et plaque de la Légion d’Honneur. Habit de cérémonie, posture classique : debout, de léger ¾., main appuyée sur le meuble, sourire léger. Ces codes sont autant de contraintes qui pèsent sur le président et le photographe. Chaque portrait n’est pas pour autant une reproduction exacte du précédent. René Coty s’est fait photographié sur un fond qui n’est pas neutre. Légère variation témoigne des marges de manoeuvre dont chaque président dispose. Chaque portrait constitue une interprétation singulière de l’institution. Le portrait sert à étudier l’institution et à rendre compte de certains aspects.

 

Portrait : considérer les institutions à partir des pratiques et des usages concrets qui en sont fait. Ce qui intéresse les sociologues c’est la façon dont les personnages vont utiliser des prescriptions juridiques générales. Plusieurs modes d’interprétation de l’institution présidentielle. Cf. Jacques Lanoix.

 

Perspective qui s’intéresse aux usages singuliers qui sont fait des possibilités constitutionnelles. La définition du portrait présidentiel : c’est un usage → manière des personnes de l’utiliser. La sociologie est une approche théorique qui conduit à considérer une mise en scène du pouvoir. Dimension plus symbolique. Dès qu’il est élu, il se met en scène par le biais du portrait présidentiel.

 

Que nous permettez-vous de dire ? A travers votre évolution stylistique, que nous révélez-vous de l’évolution de la fonction présidentielle ?

 

  1. Le portrait présidentiel : pertinence d’un objet pour la sociologie critique des institutions politiques

 

Qu’est-ce que l’équation : portrait présidentiel = pratique institution signifie ?

Une institution = pour la sociologie critique, ensemble de pratiques et des représentations de ces pratiques. On peut encore dire que c’est un ensemble de rôles et des attentes liées à ce rôle. Quand qqn devient président, on attend de lui une certaine manière d’agir.

 

Cf. Bastien FRANCOIS (p. 305, le Régime politique de la 5ème République) propose une définition de l’institution comme un ensemble de positions qui autorisent ceux qui s’en réclament à se livrer légitimement à des pratiques sans encourir le risque d’être accusé d’imposture ou d’arbitraire.

 

La notion de rôle est empruntée à BERGER et LUCKMANN (La construction sociale de la réalité). Idée selon laquelle il n’y a pas de monde objectif en dehors de notre perception. Notion constructiviste, cad un ensemble de comportements liés à une position occupée. Cette position n’existe aux yeux des autres que pour autant que le rôle est joué. Position objective certes mais pour nous le rôle de président ne peut exister concrètement que si qqn lui donne vie en interprétant le rôle qui lui est attaché (ex : représenter la France à l’étranger ; pouvoir de dissolution de l’assemblée). C’est à partir de sa capacité à se servir adéquatement de ce rôle que l’on va estimer si c’est un bon ou mauvais président. Distinguer la position définie par le cadre juridique et le rôle, façon dont une personne encadre la fonction et les prérogatives qui lui sont attachées. Ces deux notions n’existent pas l’une sans l’autre.

> Pour les sociologues, les fonctions n’existent qu’à travers les rôles.

> Les normes juridiques attachées aux fonctions constituent des contraintes auxquelles se soumettent les présidents mais constituent aussi des ressources (droit de dissolution à utiliser à bon escient).

 

Ce que les sociologues ont appelé un processus de légitimation est la façon dont les rôles sont codifiés. Au fur et à mesure, ces codes se sont imposés dans la pratique, notamment parce qu’il n’y a pas d’obligations légales. Ne pas respecter ces codes à un moment donné peut passer comme une faute de goût.

 

Les sociologues identifient 2 facteurs d’évolution :

  • le code juridique ;
  • les pratiques.

 

Processus continu dans le cadre duquel ces deux facteurs s’interpénètrent et se conjuguent.

Bastien François : la prééminence de la fonction présidentielle sous la 5ème République ne tient pas  seulement à l’élection du PR au SU mais essentiellement liée à la pratique de De Gaulle.

 

André Gunther : façon dont il lit l’évolution des portraits présidentiels. → « Celui qui va rompre avec cette série… Pour la première fois, un personnage vivant s’inscrit dans un cadre réel et esquisse un sourire. La photographie du général De Gaulle proche de celui de Robert Lebrun… La vraie rupture  arrive avec VGE. Le portrait chamboule audacieusement le genre avec André Lagarty. Pour la première fois, l’opération photographique a fait l’objet d’un… minutieux. Giscard… imposant à ses successeurs de ne pas négliger l’exercice. Premier président socialiste de la 5ème République, Mitterrand veut rassurer. A fait un choix emblématique, celui de Gisèle Breund (?). Le portrait respecte les règles non écrites qui gouvernent désormais le genre. Le déplacement dans les jardins de l’Elysée est une manière de marquer sa différence et de montrer une certaine décontraction. En choisissant le photographe de la Star Ac’, celui qui avait fait de la rupture… Connotation américaine du portrait de Nicolas Sarkozy. Tout indique que cet acte de pose a été négligé. »

 

> Rupture de Giscard d’Estaing : on fait appel à un artiste, on construit son image, on pense aux détails.

> Nicolas Sarkozy a fait une faute de goût. Il a mal interprété son rôle de président dans son portrait. Références mal venues.

 

 

  1. Les portraits de Mitterrand, Chirac et Sarkozy : vers la désacralisation du corps présidentiel

 

Quel sens donner à l’évolution du style des portraits ?

La représentation politique comme mise en scène : enjeux théoriques d’une métaphore.

 

Première évolution politique majeure : la crise de la représentation politique. Eloignement des préoccupations quotidiennes des citoyens. Remise en cause du monopole de la vie politique par des professionnels de la vie politique. D’une certaine façon on peut lire le portrait présidentiel comme une réponse à cette critique qui prend place dès Giscard d’Estaing et qui a fait sensiblement évoluer le rôle. Ils cherchent davantage à se présenter comme des personnages ordinaires et à se rapprocher des citoyens.

 

Évolution plus récente : on est dans un contexte où on voit arriver des candidats porteurs de caractéristiques nouvelles qui révèlent des caractères essentiels du rôle. Arrivée des femmes dans les élections présidentielles.

 

Il faudrait nuancer la rupture giscardienne. N’est-ce pas plutôt Sarkozy qui a introduit une vraie rupture à travers ses fautes de goût du portrait présidentiel ?

 

Héritage gaullien : situation d’exception de prise du pouvoir. Rapport direct avec les citoyens. Impose une lecture présidentialiste de la constitution. Impose un déséquilibre au profit du président. Comment la pratique de De Gaulle se retrouve dans le portrait. On a affaire à un président gouvernant, cad un PR très actif dans les politiques publiques du gvt et dans l’action publique en générale. Cela va se traduire notamment par le fait que De Gaulle se fait photographier dans la bibliothèque, synonyme de savoir. Autre caractéristique du style gaullien : fait que pour lui, le PR est une fonction en surplomb, se situe à bonne distance des parties. Consiste à incarner et à rassembler la nation. Projet unificateur et assembleur. Habit d’apparat, port de la Légion d’Honneur, bibliothèque et enluminure. Héritage des présidences passées. On change mais sans remise en cause des valeurs de la République française.

 

3 caractéristiques du portrait de De Gaulle :

  • dépasser les aspérités partisanes ;
  • la force tranquille: on change sans remettre en cause les valeurs fondamentales ;
  • la fonction présidentielle est une haute fonction. Hauteur, distance liée à la fonction présidentielle.

 

Que vont faire les successeurs de ce profil gaullien ?

Giscard ne remet pas fondamentalement en cause ce profil. Gisacard assoupli le protocole, banalise la figure présidentielle en cherchant à la rapprocher des citoyens (sourire, plan rapproché, abandon de l’habit d’apparat). Chirac choisit lui de sortir de l’Elysée et d’être photographié dans les jardins du palais. Certains critiquent Chirac de s’être représenté en châtelain devant son château.

 

Ce qui est resté : cette distance, cette hauteur de la fonction liée à des symboles de distinction culturelle ou sociale ; symbolisation de la nation à travers les drapeaux ; président gouvernant à travers la bibliothèque, modernité artistique → compétence technique nécessaire à la fonction présidentielle. S’engage activement dans la politique gouvernementale. Giscard ne remet pas en cause la fonction mais se rapproche des citoyens.

 

L’évolution qu’on constate à travers l’évolution stylistique des portraits correspond à d’autres enquêtes menées sur l’évolution de la fonction présidentielle. Cf. enquête de Nicolas Mariaux sur les voyages présidentiels → on peut distinguer 3 grands modèles :

  • les présidents avant De Gaulle : revue ordonnée des terroirs. Peu de contact avec la foule lorsqu’ils visitent un département ou une ville. Se déplace selon un itinéraire à plusieurs étapes au cours desquels le PR vient dire le sens de son action. Parcours touristique où on fait la revue des troupes. Marqué par la distance entre chefs d’Etat et personnes qu’ils rencontrent. On assiste à des défilés comme celui qu’on connaît pour le 14 juillet.
  • un modèle gaullien : modèle totalisant. De Gaulle va essayer de visiter toutes régions de France. Cherche à être exhaustif dans tous ses déplacements. C’est avec lui qu’on lance les bains de foule.
  • un modèle qui caractérise les présidents qui lui succèdent : visites plus techniques, plus thématique. Visites ponctuelles, on ne se déplace plus en train mais en avion, hélicoptère. Les PR cultivent la proximité avec les citoyens qu’ils rencontrent sur place. Visites liées à une thématique d’action publique. On retrouve dans l’évolution de ces voyages, la même évolution que dans les portraits présidentiels. Proximité mais distance due aux fonctions toujours présente. Façon d’ancrer son action dans le quotidien.

Comment peut-on expliquer cette continuité de l’héritage gaullien dans la mesure où après l’époque gaullienne, la majorité des partis ne sont pas gagnés au style présidentiel de De Gaulle ? Cela tient-il à la contrainte du modèle constitutionnel ou à autre chose ? La pérennité du modèle tient à autre chose. Évolution du contexte général dans lequel se passe l’activité politique.

 

3 éléments permettent d’expliquer cette continuité :

  • activité des technocrates qui marque l’ère gaullienne mais qui vont se perpétrer et investir les projets des successeurs de De Gaulle. Volonté de maintenir l’image du président gouvernant.
  • Courant moderniste réuni derrière la candidature radicale de Deferre : favorables à la prééminence présidentielle.
  • Processus qui renvoie à la transformation de structure partisane politique. → Compétition politique entre partis de Gauche et partis de Droite. C’est lié à la structuration des forces de Gauche au début des années 1970. Cela se passe d’abord au niveau local. → Bipolarisation des forces qui suppose aussi au sein du parlement une meilleure discipline partisane. C’est cette discipline et cette structuration des forces de Gauche a permis la victoire de Mitterrand. En faisant cela, il réalise une des conditions qui rend la lecture présidentielle de la constituion possible. Il impose une compétition démocratique fondé sur un programme façonné sur des majorités sur lesquelles repose l’activité présidentielle et parlementaire. L’entreprise de Mitterrand a rendu possible le maintien de la force présidentielle tout en ne reprenant pas la politique référendaire de De Gaulle.

 

 

Nicolas SARKOZY et sa faute de goût

La nouveauté est l’évolution du genre dans le jeu politique. Article de Catherine ACHIN et Elsa DORIEN sur le style présidentiel de Nicolas SARKOZY.

Nous n’avons toujours pas eu de femme à la présidence de la République. Cet attribu peut modifier la figure de l’homme d’Etat. Actuellement, Sarko a dû affronter une femme lors du second tour des élections présidentielles. Les femmes qui autrefois représentaient des partis minoritaires, pour la première fois au moment de la campagne présidentielle, une femme a objectivement des chances de gagner. Cette compétition entre homme et femme pour l’élection révèle une structure de capital. Les sociologues critiques utilisent ce terme pour renvoyer à l’ensemble des ressources sur lesquelles les candidats peuvent s’appuyer : politiques, sociales, culturelles, économiques. Dans le jeu politique, les candidats à différentes fonctions électives peuvent s’appuyer sur différents capitaux. Autre type de capital entre Sarko et Royal : corporel identitaire. Renvoi à un ensemble d’attributs. C’est en vertu de ces ressources que les minorités n’ont pas encore eu accès aux fonctions présidentielles.

 

On peut commencer à réfléchir au type de virilité incarnée par ces présidents de la République ? Dimension qu’on avait pas vu jusqu’à présent de ce profil d’homme d’Etat. Jusqu’à Sarko, les PR incarnent plutôt une virilité privilège, cad policée, lisse, cad que le physique n’est ni trop investi ni trop peu. On reste dans une retenue mais investit quand même. On ne constate pas de gêne ou de retenue dans l’image. On s’affirme dans l’image.

 

La faute de goût de NS est qu’il endosse le moule mais le peu d’importance qu’il prête à l’image présidentielle semble démontrer un décentrement de l’image traditionnelle du président. NS a fait sa campagne sur un autre type de virilité : « la virilité ressource ». Virilité affirmée qui n’a plus rien à voir avec la virilité policée. NS montre de façon ostensible qu’il est un homme. Sarko n’investit pas trop la scène du portrait présidentiel car investit plus les autres scènes telles la presse people, etc. On peut en conclure que NS va plus loin que VGE dans la rupture. Faute de goût oui mais cela s’explique aussi parce que le portrait ne correspond plus à l’usage que NS veut en faire. Portrait vise à montrer plus le président que l’homme, NS fait l’inverse.

 

Désacralisation : NS dans la façon dont il interprète sa fonction tente de dire qu’il est un homme comme les autres. Fait de la figure présidentielle une figure ordinaire.

Évolutions :

  • arrivée de femmes présidentiables dans le genre politique ;
  • avant NS, d’autres hommes politiques avaient aussi mobiliser ce type de virilité manifeste, ostensible, pas bourgeoise. Face à Le Pen, les autres hommes politiques qui l’affrontaient devaient s’opposer sur le genre.

 

Conclusion :

Au départ équation simple : le portrait présidentiel est une pratique institutionnelle.

La césure de VGE renvoie à l’émergence d’un espace politique bipolaire qui émerge dans les années 70 et se stabilise avec l’élection de Mitterrand en 1981. VGE rompt avec la pratique plébiscitaire de De Gaulle.

Évolution actuelle du rôle du président ? Le genre va-t-il devenir une ressource prééminente dans le débat politique. Cette ressource est devenue explicite et cela a modifié sur le regard que l’on porte sur les portraits présidentiels. Effet des voix sur la parité : transforment les institutions politiques ?

 

Autre point de vue : les portraits présidentiels sont aussi des représentations du pouvoir. 

 

 

II/ La représentation politique comme mise en scène : enjeux théoriques d’une métaphore

 

Qu’est-ce que cette métaphore implique sur notre système ? Est-il souhaitable que les choses se passent ainsi ? Que le PR se présente de façon absolutiste ?

 

Si la réponse à la question est non, dans quoi vit-on ? Cela signifie-t-il que la démocratie est impossible ?

 

Textes fondateurs de Pierre Bourdieu. Sociologue français mais pas spécialiste de la politique. « Représentation politique ». → il poursuit la métaphore théâtrale. Théâtre politique : « un théâtre de fétiche dont la fonction principale est de légitimer un pouvoir illégitime ». La politique sert à nous faire accepter un pouvoir en fait illégitime. 

 

  1. La représentation politique comme théâtre politique : le modèle de la symbolisation inversée (P. Bourdieu)

 

P.B. considère le champ politique comme « l’un des lieux privilégiés de l’exercice du pouvoir de représentation ou de manifestation qui contribue à la faire exister pleinement, cad à l’état objectivé, directement visible de tous, public, publié, officiel, donc autorisé, ce qui existait à l’état pratique, tacite ou implicite… » (P. Bourdieu, « la représentation politique », p. 224).

→ Pour P.B., le champ politique est l’espace de compétition politique en général. Espace de l’activité propre aux professionnels de la politique. P. B. parle ici d’un pouvoir de manifestation ou de représentation. ~ utilise la métaphore théâtrale car les élus donne une représentation du monde social devant un public :nous. P. B. va encore plus loin en suggérant que les groupes, objets ou personnes du monde social n’existe pour nous qu’à la condition d’être présent sur la scène politique. Pour lui, il y a donc un lien entre les images mentales que nous nous faisons d’un groupe ou d’une personne et de ce que nous montrent les élus sur la scène politique. Représentations sociales : manière dont une personne se représente un groupe / un objet. Il y a un lien entre ce que s’imagine le monde social et la façon dont ce monde social est figuré / manifesté sur la scène politique.

Ce lien = « effet d’oracle » par lequel la représentation politique est intériorisée, cad transformée en représentation sociale. Introduction d’un mécanisme d’intériorisation. En politique, il va en rendre compte à travers l’effet d’oracle.

 

  • Effet d’oracle : « si je suis le collectif fait homme, le groupe fait homme, et si ce groupe est le groupe dont vous faites partie, qui vous définit, qui vous donne une identité, qui fait que vous êtes vraiment un professeur, vraimen un protestant, vraiment un catholique, etc., il n’y a vraiment plus qu’à obéir. L4effet d’oracle, c’est l’exploitation de la transcendance du groupe par rapport à l’individu singulier opérée par un individu qui effectivement est d’une certaine façon le groupe, ne serai-ce que parce que personnne ne peut se lever pour dire, « tu n’es pas le groupe »… Pour P.B., l’acte de délégation : acte de symbolisation inversée ! L’acte est forcément arbitraire.

→ le choix du représentant est arbitraire

→ symbolisation normale : convention/règle générale préexiste au choix du symbole. Ex : on sait déjà qu’il y a un code culturel (préexistant) qui associe la colombe à la paix.

→ symbolisation inversée : la convention/règle générale découle du choix du symbole

> chez Bourdieu, politique = légitimation de distinctions arbitraires

            → système fonctionne en vertu de l’homologie structurale.

Pb selon P. B. en matière politique, le code ne préexiste pas. On choisit un représentant et à partir de ce choix arbitraire vont découler des conventions générales. ~ Vous m’avez choisi, je suis un homme → à partir de maintenant il faudra choisir un homme. // Je suis une colombe, vous m’avez choisi → il faudra désormais choisir une colombe pour représenter la paix.

Pb: il faut rajouter un élément pour que l’effet d’oracle fonctionne. Cela fonctionne parce que personne ne conteste la chose. 

Homologie structurale : pour décrire l’ensemble de la société, P.B. Utilise la notion de champ (différents espaces structurés autour d’une activité), plus généralement l’espace social (toutes les places sociales que nous occupons) → il y a un lien entre tous ces champs regroupés grâce à l’homologie structurale. Correspondance entre les positions structurales sociales occupées par chacun d’entre nous et les positions structurales politiques.

Pourquoi sommes nous passifs face à nos représentants bien que leurs choix soient arbitraires ? Nous croyons à leur représentation parce que par surcroit les intérêts qu’ils vont défendre vont correspondre à ceux des personnes qu’ils prétendent représenter et qui occupent une position similaire à la leur au sein de la société. C’est en vertu de l’homologie structurale qu’on croit en la représentation et que nous la prenons comme une représentation effective du monde social. Représentations servent à nous faire croire à des représentations qui sont au départ arbitraires.

 

 

  1. La représentation politique comme théâtre politique : le modèle interactionniste (E. Goffman)

 

→ Discuter le modèle de P. Bourdieu en abordant la dimension symbolique d’un système politique. Les interactionnistes peuvent être d’une certaine utilité. E.G. N’est pas un spécialiste de la politique. S’est intéressé à rendre compte des « institutions totales » qui prennent en charge l’ensemble de la vie des individus (internats, etc.).

 

Interactions quotidiennes entre les individus.

 

Critique du modèle de P. B : dans le contexte actuel avec un détournement des citoyens de la scène politique. Ce qui fait défaut dans son modèle, c’est l’idée qu’un théâtre suppose un public. Qu’est-ce qui va faire que ce public regarde effectivement ? On peut y répondre au regard des travaux de E. Goffman.

 

Ce n’est pas seulement l’activité politique qui ressemble à un théâtre mais conçoit l’activité sociale générale sur l’interprétation théâtrale. C’est notamment cette idée qu’il commence à introduire à partir d’une citation de Robert Park : « nous venons au monde comme individus, nous assumons un personnage et nous devenons des personnes ».Personnes employé ici au sens éthymologique : personae. = processus de socialisation. Le personnage est le rôle et le masque est lorsque le rôle est tellement proche de nous que c’est en fait nous. Le masque se confond petit à petit avec notre personne. Pour les interactionnistes, la réalité sociale n’est rien d’autre que ces rôles que nous endossons d’abord comme qqch d’extérieur puis qui vient s’assimiler à nos personnes.

 

  1. Goffman s’intéresse davantage à la dimension collective des maques. Il parle des façades : ce sont pour lui des rôles collectifs. La façade est un masque collectif tandis que le masque est individuel. La façade est l’ensemble des symboles par lequel un acteur endosse un rôle marqué par des symboles qui permettent aux personnes avec qui nous interagissons qu’ils peuvent comprendre le rôle que nous sommes en train d’interpréter.

 

Goffman : toute activité sociale est une représentation au sens théâtral du terme.

  • Parcours de socialisation : parcours au cours duquel nous endossons un masque (Persona)
  • « Façade » = masques collectifs = assemblages de signes offerts à l’interprétation d’autrui.
  • Rapport moderne au monde = interprétation de signes = nous n’avons plus affaire à des « essences » (les choses telles qu’elles sont) mais à leurs substituts.
  • Rapport de face-à-face dans lequel l’homme est le seul à regarder.

 

Un des problèmes qui peut se poser dans la réalité sociale : qqn qui ne nous regarde pas. Ex des malades qui ne comprennent pas pourquoi les infirmières parlent avec eux : ils ne comprennent pas que les infirmières discutent avec eux, elles comprennent leurs symptômes. La plupart des rôles sociaux ont besoin d’un « arbre de la présentation » : ce qui permet de mettre en relief certains signes qui passent d’habitude inaperçus.

 

Goffman associe cet art de la mise en scène à celui de l’agent de publicité ou du professionnel de la communication. Leur rôle est de faire comprendre au public ce qu’on fait dans cette institution. La façade n’est pas toujours bien interprétée de l’extérieur. Ce travail peut aussi être celui de l’artiste.

 

Dans les portraits, à partir de Giscard, les présidents font appel à des artistes reconnus sur le marché de l’art. L’art du photographe : mettre en avant des signes qui d’ordinaire passent inaperçus. Quel est cet art de la présentation qui serait maitrisé par ces artistes ? Les historiens de l’art (Walter Benyamin) le décrivent comme l’art du chatoiement. Que se passe-t-il en coulisse ? Coulisse pas accessible au public : espaces de travail quasi permanent pour les acteurs. Ce sont dans ces coulisses que les acteurs vont répéter leurs rôles, fabriquer leurs costumes, etc. Art de la présentation : chercher qqch en coulisse pour les montrer en scène ensuite.

 

Application à l’analyse de la vie politique : on a tous affaire à la représentation des choses et non pas aux choses telles qu’elles sont. La scène politique peut être le portrait présidentiel, toutes les apparitions publiques. Quelles sont les coulisses ? Qui sont les metteurs en scène ?

Pb de la représentation : attirer le regard d’autrui.

  • L’interprétation d’un rôle suppose un art de la « présentation »

= « art » produit par les allers-retours entre la scène et son fond

  • Dans le domaine politique : ce fond = notre culture politique.

L’ensemble de nos institutions représentatives constituent une sorte de coulisse où sont remises intacts des lois, des décrets, modes d’action oubliés, etc. Au sein de ces institutions, on retrouve notre culture politique. Sur le fond de cette culture politique, vont avoir lieu les présentations politiques de nos élus.

Ex : le tirage au sort était beaucoup utilisé dans le domaine politique dans l’antiquité et S. Royal l’a utilisé dans sa région Poitou-Charentes.

 

Contrairement à chez P. Bourdieu, il y a bien un fond aux représentations. Chez Bourdieu, on avait une scène politique sans fond. A partir de Goffman, champ politique relativement autonome par rapport à la société.

 

Portraits présidentiels (1958 à 2007)

Ressemblances :

  • homme au dessus des partis
  • projet de changement mais sans remise en cause des valeurs fondamentales de la république
  • façon d’incarner la fonction qui témoignait d’une certaine hauteur /distance : virilité privilège.

Ces éléments de ressemblances renvoient au fait que ces représentations sont encrées dans un système institutionnel. Renvoient également à des codes culturels, façon dont on se représente la fonction présidentielle en France. Faute de goût de Sarkozy d’avoir importer une américanisation du portrait présidentiel. Entreprise de Sarkozy vise à désacraliser la fonction présidentielle. Se soucie peu de respecter les codes culturels liés à cette activité ou à l’usage de ce portrait. Évolution pratique de la politique : si Sarkozy n’investit plus cette scène mais plutôt celle de la presse people, l’espace public investi par la fct présidentielle va être ancrée ailleurs. Change le rôle du citoyen qui devient plus un consommateur et le débat politique plus marketing.

 

 

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