Les voies de recours contre le Conseil d’État belge

QUELLE SONT LES VOIES DE RECOURS CONTRE LE CONSEIL D’ETAT EN BELGIQUE ?

I. Présentation générale

Il existe 9 voies de recours contre les décisions du Conseil d’Etat :

– 5 sont prévues par les LCCE : pourvoi en cassation, règlement de juges, révision, opposition et tierce opposition

– 1 est prévue par la loi sur la Cour d’arbitrage : rétractation

– 3 sont prévues par la jurisprudence : interprétation, rectification et retrait

L’exercice de ces voies de recours est cependant très rare et n’aboutit pas nécessairement. On peut donc dire que les arrêts du Conseil d’Etat sont presque toujours définitifs

II. Le pourvoi en cassation

  1. Origine et conception

En France, sous Napoléon, l’administration avait le pouvoir d’« élever » un conflit où elle était partie pour le soustraire aux juridictions judiciaires. Ça lui permettait de se soustraire à tout contrôle.

En 1830, le constituant a voulu éviter ça. L’article 158 de la Constitution dispose donc que la Cour de Cassation se prononce sur les conflits d’attribution. Ça signifie que désormais, elle seule peut trancher les conflits de compétence entre l’ordre judiciaire et d’autres institutions.

Cette disposition n’est en pratique appliquée que depuis la création du Conseil d’Etat et permet en fait à la Cour de Cassation de tracer la frontière de compétence entre juridictions judiciaires et CE.

  1. Conditions d’ouverture

Pour se pourvoir en cassation contre un arrêt du Conseil d’Etat, il faut remplir 2 conditions :

– il faut avoir un intérêt. Si on est requérant, le Conseil d’Etat doit avoir décliné sa compétence et, si on est partie adverse, le Conseil d’Etat doit s’être déclaré compétent.

Ici, le procureur général ne peut pas se pourvoir dans l’intérêt de la loi.

– il faut que la compétence du Conseil d’Etat ait été contestée au profit des juridictions judiciaires. L’irrégularité invoquée doit donc être un problème de compétence, ou du moins un problème proche comme le rejet d’un déclinatoire de compétence :

  • soit pour des motifs ambigus qui ne permettent pas de voir si le Conseil d’Etat a correctement statué sur sa compétence
  • soit sans respecter les droits de la défense

La procédure est proche du pourvoi en cassation en matière civile :

– la Cour de Cassation siège chambres réunies (17 membres au moins) et en nombre impair

– si elle casse, elle doit :

  • renvoyer si le Conseil d’Etat était compétent : il devra alors restatuer et sera lié par le point de droit tranché par la Cour
  • pas renvoyer si le Conseil d’Etat était incompétent

III. Le règlement de juges

Le règlement de juges est une voie de recours qu’on peut actionner quand le Conseil d’Etat et une juridiction judiciaire ont rendu des décisions contradictoires à propos d’une même demande. Ces décisions doivent nécessairement concerner leur compétence pour qu’il y ait lieu à un règlement de juges :

– soit les juges doivent se déclarer tous 2 compétents : conflit positif

– soit les juges doivent se déclarer tous 2 incompétents : conflit négatif

La procédure est la même que pour le règlement de juges en matière civile : la seule différence est que la Cour de Cassation doit siéger chambres réunies.

IV. La révision

  1. Objet

La révision est une voie de recours qu’on peut actionner dans 2 cas :

– quand des pièces décisives retenues par l’autre partie (le plus souvent la partie adverse mais pas nécessairement) ont été retrouvées après l’arrêt

– quand l’arrêt s’est basé sur des pièces reconnues (par aveu) ou déclarées (par décision de justice) fausses

  1. Procédure

Une révision doit être demandée par l’une des parties, contre un arrêt contradictoire, et dans les 60 jours suivant le fait qui ouvre le recours.

Ca se fait par une requête en principe non suspensive (mais le président de la chambre saisie peut suspendre) qui va être traitée de façon similaire à une requête en annulation.
La plus grosse différence est que, si la chambre saisie estime la requête en révision fondée, elle devra la déférer à l’AG. On estime donc que les circonstances donnant lieu à révision sont aussi graves qu’un détournement de pouvoirs.

V. L’opposition

  1. Notion

L’opposition est une voie de recours ouverte à la partie adverse :

– qui ne s’est pas défendue (procédure par défaut)

et qui était dans l’impossibilité de se défendre

C’est donc très rare puisque, dans la quasi-totalité des cas, la partie adverse est un pouvoir public qui sait nécessairement se défendre. En fait, ça ne peut s’appliquer qu’au contentieux de la cassation administrative où la partie adverse peut être un particulier.

  1. Procédure(à titre indicatif)

L’opposition doit se faire par requête, dans les 30 jours de la notification de l’arrêt rendu par défaut. Elle doit mentionner les raisons pour lesquelles l’opposant n’a pas pu se défendre et n’est en principe pas suspensive.

Elle est notifiée à l’autre partie qui a 15 jours pour déposer un mémoire en réponse. Apde là, on suit la procédure normale.

VI. La tierce opposition

  1. Tiers opposants potentiels

Quand un acte administratif est attaqué devant le Conseil d’Etat, l’auditeur doit notifier la requête aux intervenants potentiels. Mais il peut ne pas tous les connaître et il risque donc toujours d’y avoir des oubliés. Ceux-ci peuvent se rattraper en faisant tierce opposition.

Ce recours exige donc :

– de ne pas avoir été partie à la procédure.

– de ne pas avoir été au courant de cette procédure.

– d’avoir ses droits préjudiciés par l’arrêt rendu au terme de cette procédure. Le terme « droits » est controversé. Ne veut-on pas plutôt viser l’intérêt ? Ca semble plus logique puisque la tierce opposition est un palliatif à l’intervention : elle ne doit donc pas être soumise à des conditions plus lourdes.

  1. Procédure(à titre indicatif)

La tierce opposition doit se faire par requête, dans les 30 jours de la publication ou de l’exécution de l’arrêt. Elle n’est en principe pas suspensive.

Elle est traitée selon la procédure normale.

VII. La rétractation

  1. Raisons d’être

Quand la Cour d’arbitrage annule une norme législative, son arrêt a, en principe, un effet rétroactif et erga omnes. Mais si la norme annulée a pu sortir ses effets pendant un certain temps, il se peut qu’une annulation aussi radicale pose problème. Le législateur a donc prévu 2 tempéraments :

– la Cour d’arbitrage peut limiter la portée de ses arrêts en prévoyant que certains effets de la norme annulée resteront définitifs.

– le Conseil d’Etat peut :

  • annuler certains actes administratifs pour lesquels un nouveau délai de recours en annulation d’ouvre
  • rétracter certains de ses arrêts

  1. Conditions d’ouverture

Pour faire l’objet d’une rétractation, un arrêt du Conseil d’Etat doit :

– soit appliquer une norme législative annulée par la Cour d’arbitrage

– soit appliquer un acte administratif pris en exécution d’une norme législative annulée par la Cour d’arbitrage

  1. Procédure

Le recours en rétractation doit se faire dans les 6 mois de la publication de l’arrêt d’annulation de la Cour d’arbitrage.

Pour le reste, on suit la procédure normale.

  1. Portée de l’arrêt

Le Conseil d’Etat réexamine l’affaire en tenant compte du nouvel état du droit tel que défini par l’arrêt de la Cour d’arbitrage. Il peut alors rétracter son ancien arrêt et le remplacer par un autre.

VIII. L’interprétation

Quand un arrêt est obscur ou ambigu, la jurisprudence admet, par analogie avec l’article 793 C.J., que le Conseil d’Etat l’interprète.

L’interprétation ne fait que préciser l’arrêt sans pouvoir en modifier la portée. Ce n’est donc pas une véritable voie de recours.

IX. La rectification

Quand un arrêt comprend des erreurs matérielles, le Conseil d’Etat peut les rectifier, soit sur requête, soit même d’office.

X. Le retrait

Quand un arrêt comprend des erreurs matérielles de procédure et méconnaît les droits des parties, le Conseil d’Etat peut retirer son arrêt.

Ex. : rejet d’une demande de suspension pour cause de défaut alors que le requérant n’avait pas été régulièrement convoqué.