Compensation conventionnelle et judiciaire (article 1348 code civil)

La compensation conventionnelle et la compensation judiciaire:

La compensation en droit des obligations est un mécanisme qui permet à deux personnes (ou plus) de régler mutuellement leurs dettes en s’échangeant des créances de même nature et de même montant. En d’autres termes, la compensation consiste à utiliser une dette pour annuler une autre dette.

Il existe plusieurs types de compensation: la compensation légale, la compensation conventionnelle et la compensation judiciaire :

La compensation légale est étudié ici :

  • La compensation judiciaire est un type de compensation qui est ordonnée par un tribunal lorsqu’une des parties invoque la compensation comme défense à une action en justice. La compensation judiciaire se produit donc dans le cadre d’un litige et est décidée par un juge.
  • La compensation conventionnelle, quant à elle, est un type de compensation qui résulte d’un accord entre les parties concernées. Les parties peuvent convenir de compenser leurs dettes de manière volontaire, sans avoir à recourir à un tribunal. La compensation conventionnelle peut être convenue avant, pendant ou après un litige.

En résumé, la principale différence entre la compensation judiciaire et la compensation conventionnelle est que la première est décidée par un tribunal alors que la seconde résulte d’un accord entre les parties.

 

A. Compensation conventionnelle :

 

La compensation est conventionnelle lorsqu’elle résulte de la volonté des parties et qu’elle s’opère même si les conditions de la compensation légale ne sont pas réunies. Cette forme de compensation a toujours été autorisée et elle est soumise au droit commun des contrats. Jusqu’à présent, la compensation conventionnelle était totalement ignorée du Code civil, désormais on la retrouve à l’article 1348-3 du code civil.

Domaine de la compensation conventionnelle :

les parties peuvent s’entendre pour compenser entre elles toute dette réciproque présente et même future (Art 1348-2).

Par exemple, la compensation conventionnelle peut opérer entre une dette à terme et une dette exigible, la compensation peut aussi opérer entre une dette liquide et une dette indéterminée. On peut aussi envisagée cette compensation entre deux dettes n’ayant pas la même nature (somme d’argent et corps certains / 2 corps certains). Il faut alors considérer que les obligations réciproques pourront se compenser alors qu’elles ne présentent pas un caractère fongible ; dans ce cas la compensation s’apparente à une dation en paiement

Ex : débiteur A qui décide d’emprunter un bien à usage à B. Le bien est un violon. A est créancier d’une somme d’argent envers B qui est propriétaire du violon. B n’est pas en mesure de rembourser. Un accord intervient entre les deux pour réaliser une compensation entre la dette de somme d’argent et le violon en question. A va se voir transférer la propriété du violon. Son obligation de restitution est venue se compenser avec l’obligation de paiement de la dette du propriétaire du violon. Normalement la compensation ne peut opérer qu’entre deux dettes qui sont interchangeables alors que là nous sommes en présence d’obligations réciproques qui portent sur un corps certain d’une part et une somme d’argent d’autre part.

Exemple avec deux corps certains : des personnes s’échangent volontairement leurs cadeaux (champagne et foie gras). Finalement, les deux personnes se ravisent et décident de garder le lot qu’elles ont ramené → les lots sont de même valeur et la compensation porte sur des corps certains donc possible. Dans cette hypothèse, on peut considérer qu’on est en présence d’un échange.

 

Conditions de la compensation conventionnelle :

La compensation conventionnelle repose sur la liberté contractuelle qui explique qu’il n’y ait absolument aucune condition de prévue dans la loi. Le seul point où il y a interrogation concerne la condition de réciprocité, on se pose la question de savoir si les parties peuvent déroger à la condition de réciprocité. Normalement, la compensation suppose que le créancier soit débiteur de son débiteur et que le débiteur soit créancier de son créancier : la compensation ne peut jouer qu’entre deux personnes directement et réciproquement créancière et débitrice l’une de l’autre.

Un débiteur ne peut donc pas opposer à son créancier la compensation de sa dette avec la créance qu’il détient sur un tiers sauf si ce tiers en question et le créancier forment une même personne, notamment morale, ou si les deux patrimoines sont confondus.

Il y a identité de deux personnes morales apparemment distinctes quand il y a création d’une personne morale fictive ou en cas de confusion de patrimoine. Autrefois le critère étai l’imbrication du patrimoine. Mais aujourd’hui, la Cour de cassation fait référence à l’existence de relations anormales.

Sur la réciprocité, le code civil semble exclure toute dérogation à la condition de réciprocité, c’est seulement à propos de la compensation légale que l’art 1347 indique que la compensation suppose qu’il y ait des obligations réciproques entre deux personnes. Si on se réfère à la doctrine, certains auteurs estiment que la réciprocité serait l’essence de la compensation puisque sans réciprocité il n’y a pas compensation. Au contraire, d’autres auteurs plus récents (A. BENABENT) estiment que l’on peut admettre que la compensation soit multilatérale (multipartite) ex : un père renonce à sa créance envers son débiteur. En contrepartie son débiteur qui est titulaire d’une créance envers le fils du créancier décide lui aussi d’abandonner sa créance.

Pour l’instant, une seule décision de la Cour de cassation a admis une telle possibilité dans un arrêt Com. 23 septembre 2014 : les dettes n’étaient pas réciproques dans cette affaire. 3 sociétés commercialesétaient impliquées. La Cour de cassation a estimé que les relations commerciales entre ces entreprises s’inscrivaient dans un ensemble contractuel indivisible et que la volonté des 3 sociétés était de voir leurs créances et dettes réciproques respectives pouvoir faire l’objet d’une compensation conventionnelle globale.

Concernant la validité, c’est une opération soumise au droit commun des contrats donc par principe, la compensation conventionnelle est valable sauf si elle est contraire à une règle d’ordre public. En principe, elle requiert la capacité et le pouvoir de disposer des droits en cause, ce qui n’est pas le cas si la créance est insaisissable. La compensation conventionnelle sera déclarée nulle si elle intervient après la date de cessation des paiements du débiteur qui fait l’objet d’une procédure collective. Postérieurement à la cessation des paiement, période suspecte (article L632-1 §1 4° C. com.). La Cour de cassation a statué dans ce sens par un arrêt 1ère civ. 13 février 2007 ou l’on est présence d’un paiement anormal prohibé pendant la période suspecte.

La compensation conventionnelle prend effet à la date de l’accord des parties lorsqu’elle porte sur des dettes présentes. Elle prendra effet à la date de la coexistence des dettes futures quand elle concerne des dettes futures (article 1348-2 alinéa 2).

 

B. Compensation judiciaire :

 

C’est la compensation prononcée par le juge à la demande de l’une des parties lorsque les obligations réciproques remplissent certaines conditions, ce qui laisse entendre que les créances réciproques ne remplissent pas toutes les conditions légales requises par la loi. Elle est accordée par le juge sur la demande reconventionnelle d’un débiteur qui est assigné en paiement et qui ne peut pas opposer la compensation légale.

L’article 1348 marque l’introduction de la compensation judiciaire dans le Code civil. Cette forme de compensation est ancienne. Dans le Code de procédure civile, on trouve des références à cette possibilité (article 510 564 du Code de procédure civile).

Pour que la compensation puisse être prononcée par le juge, il faut que les obligations soient réciproques, certaines et fongibles. Il faut que l’une des créances ne soit pas encore liquide ou exigible. Quand on parle de créances certaines, la certitude n’est pas absolue. Même si la créance est simplement fondée dans son principe, il est possible pour le débiteur assigné en paiement de demander reconventionnellement au juge de la rendre certaine. Ex : en condamnant le créancier qui l’a assigné en justice à verser des Dommages et Intérêts pour une raison quelconque. Pour qu’il ait certitude, il faut que le juge ait prononcé une condamnation.

Si la dette n’est pas encore liquide, elle n’est pas encore chiffrée, le rôle du juge sera de procéder lui-même à la liquidation de la créance. Mais il peut arriver que le juge ne soit par une mesure de le faire donc il va ordonner une expertise et à la suite de cette expertise, on pourra connaitre le montant exact de la créance.

Si la dette n’est pas encore exigible, le juge n’a pas le pouvoir de rendre exigible une créance qui ne l’est pas. Il ne peut le faire que quand il y a déchéance du terme. C’est pour cette raison que le juge prononcera la compensation car l’une des dettes n’est pas liquide.

Le juge bénéficie toujours d’un pouvoir d’appréciation, il n’est pas obligé de prononcer la compensation qu’on lui demande. La demande peut être rejetée même si les conditions sont réunies.

A la différence de la compensation légale, la compensation judiciaire produit un effet extinctif à la date de la décision du juge, sauf si le juge requiert une date différente (article 1348). La décision ne fait que créer le chainon manquant au jeu de la compensation donc la décision du juge a un effet constitutif (et pas déclaratif) donc la rétroactivité n’est pas possible.