IIIeme république : régime politique de la troisième république

Les difficiles débuts de la IIIe République (1875-1940)

La mise en place difficile de la IIIe République

Après la chute du second Empire, la France ne connaîtra plus de régime monarchiste ou dictatorial (hormis le gouvernement de Vichy). La France a mis deux siècles à adopter définitivement la République comme régime politique. En 1870, la IIIeme République est proclamée. Cette dernière diffuse ses valeurs et ses symboles, notamment grâce à l’école favorisant ainsi l’adhésion de nombreux Français à un régime démocratique. Malgré de nombreuses crises comme l’affaire Boulanger ou l’affaire Dreyfus, la IIIeme République est le premier régime français à s’imposer dans la durée depuis 1789.

L’instauration de la IIIe République connaîtra trois périodes distinctes, plus ou moins troublées. Après l’organisation provisoire des pouvoirs publics, suite à la chute du second Empire, plusieurs lois constitutionnelles définissant les fondements du nouveau régime, seront votées, avant que la France ne connaisse une crise politique majeure, le 16 mai 1877.

Après la défaite de Sedan, un gouvernement révolutionnaire provisoire (= le gouvernement de la défense nationale) s’installe, sous la présidence du Général Trochu, et qui proclame la République. La convention d’armistice est signée le 28 janvier 1871, signée par une assemblée spécialement élue pour assurer le rétablissement de la paix. Cette assemblée proclame la déchéance de Napoléon III avec le pacte de Bordeaux, du 10 mars 1871, puis elle va placer à la tête de l’ État, tout à tour, deux personnalités.

A] Le gouvernement Thiers (17 février 1871 – 24 mai 1873) :

Thiers va être investi dans les fonctions de chef du pouvoir exécutif, par l’assemblée de Bordeaux du 17 février 1871. Le régime établi est un régime d’assemblée, c’est-à-dire que le chef du pouvoir exécutif est entièrement soumis à l’assemblée parlementaire. Dès ses débuts, Thiers doit faire face à la commune de Paris, qui est en fait un mouvement insurrectionnel, visant à établir un pouvoir ouvrier. Des milliers d’exécutions auront alors lieu, au cours de la « semaine sanglante » (du 22 au 28 mai 1871). Le 31 août 1871, est votée la Constitution Rivet, qui proclame Thiers Président de la République à titre provisoire. Celui-ci demeure responsable devant l’assemblée, et il partage cette responsabilité avec les ministres. Ici, l’influence et l’ascendant de Thiers devenant de plus en plus importants, de violentes oppositions vont être déclenchées par les royalistes, qui craignent une pérennisation des institutions républicaines. Conséquence directe, une loi du 13 mars 1873 interdit au Président de la République de participer aux débats de l’assemblée, et elle lui retire aussi la possibilité de s’occuper de la politique intérieure. Aux élections partielles d’avril, un candidat de gauche est élu, contre le candidat de Thiers, et les 19 et 23 mai, s’ouvre un débat d’interpellation, à propos d’un projet de Constitution républicaine soutenu par Thiers. Le projet étant rejeté, Thiers présente sa démission.

B] Les débuts de la présidence du Maréchal Mac Mahon (24 mai 1873 – 16 juillet 1875) :

Le jour de la chute de Thiers, le Maréchal Mac Mahon est élu Président de la République par l’assemblée. Dans un premier temps, la fonction présidentielle est consolidée par deux textes successifs. D’une part, la loi du 20 novembre 1873, qui prévoit que le pouvoir exécutif est confié pour sept ans au Maréchal Mac Mahon. Cette loi qui porte le mandat présidentiel à sept ans, aura pour effet de rendre le chef de l’ État politiquement irresponsable devant l’assemblée. La durée de ce mandat satisfait aussi bien les républicains qui voient ici un délai suffisant pour consolider le régime républicain, que les monarchistes, qui ne désespèrent pas de voir revenir la monarchie. D’autre part, l’amendement Wallon, du 30 janvier 1875, qui prévoit que le Président de la République est élu par le Sénat et la chambre des députés, qui sont donc les deux chambres parlementaires, réunies en assemblée nationale. Cet amendement adopte une définition impersonnelle de la fonction présidentielle, en dissociant la présidence de la personne qui y est élue. Cet amendement entend assurer la pérennité de la fonction présidentielle et du régime républicain. Ce texte trouvera d’ailleurs des prolongements concrets avec les lois constitutionnelles de 1875.

  • &2 : les lois constitutionnelles de 1875 :

1875 est une année importante pour la IIIe République, puisque trois lois constitutionnelles seront successivement adoptées. L’une du 24 février sur le Sénat, l’une du 25 février sur l’organisation des pouvoirs publics, et enfin une du 16 juillet sur les rapports entre les pouvoirs publics. Le pouvoir exécutif est confié à un Président de la République et à des ministres. Le chef de l’ État est élu pour sept ans, par les deux chambres parlementaires réunies en assemblée nationale. De plus, le Président de la République est indéfiniment rééligible, et politiquement irresponsable devant les deux chambres parlementaires. Le chef de l’ État dispose du pouvoir règlementaire d’exécution des lois, de la nomination et la révocation des ministres et des hauts fonctionnaires de l’ État, du commandement de l’armée, et de la signature des traités. Par ailleurs, il participe à la fonction législative en partageant l’initiative des lois avec les parlementaires, et en ayant aussi la possibilité de demander une nouvelle délibération de la loi. Surtout, le Président de la République peut dissoudre la chambre des députés sur avis conforme du Sénat. Enfin, le chef de l’ État promulgue les lois, il peut convoquer les chambres parlementaires en session extraordinaire, ainsi que les ajourner pour une durée maximale d’un mois. Les ministres quant à eux, sont nommés et révoqués directement par le Président de la République, et ils ont la possibilité de prendre part aux séances des deux chambres parlementaires, et d’intervenir à cette occasion. Les ministres forment un véritable gouvernement, avec le conseil des ministres qui est responsable politiquement de manière solidaire et collective, devant l’assemblée nationale. Les ministres sont chargés de contresigner les actes du Président de la République, et de cette manière, ils exercent indirectement un contrôle sur l’action politique du chef de l’ État. Le pouvoir législatif est toujours représenté par deux chambres : le Sénat, qui compte trois cent membres âgés d’au moins quarante ans, dont deux cent soixante-quinze sont élus pour neuf ans à la majorité absolu selon le suffrage universel masculin indirect. Les vingt-cinq autres étaient élus selon un scrutin libre, par les membres de l’assemblée nationale. La chambre des députés est élue au suffrage universel direct, mais les lois constitutionnelles de 1875 sont demeurées muettes sur le nombre de députés et sur la durée de leur mandat. Une loi du 30 novembre 1875 fixera la durée de ce mandat à quatre ans, le mandat étant renouvelable. Les deux chambres possèdent en commun le pouvoir législatif, dont notamment l’initiative des lois, mais la chambre des députés dispose d’une priorité dans l’examen et le vote des lois de finance. Les deux chambres sont sur un pied d’égalité pour ce qui est du pouvoir constituant. Aussi, elles donnent autorisation au chef de l’ État pour ratifier certaines catégories de traités, ou pour déclarer la guerre à une nation étrangère. Le parlement participe aussi à l’exercice du pouvoir judiciaire, notamment en matière de responsabilité pénale du chef de l’ État, des ministres, et des hauts fonctionnaires de l’ État.

  • &3 : la crise du 16 mai 1877 :

Les lois constitutionnelles de 1875 établissent un régime parlementaire, dans l’ensemble bien équilibré, que ce soit entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif, ou au sein des pouvoirs. Ce régime est néanmoins de type orléaniste, compte tenu de la prédominance du Président de la République dans le système institutionnel et politique. Par ailleurs, le gros problème du régime, réside dans la composition respective des deux chambres parlementaires, le Sénat étant dominé par les conservateurs, et la chambre des députés par les républicains. Dans de telles conditions, les crises et les conflits sont relativement fréquents. Suite aux élections parlementaires, Mac Mahon désigne comme président du conseil des ministres, un homme de centre-gauche en la personne de Jules Dufaure, puis, en décembre 1876, un républicain modéré avec Jules Simon.

Le 16 mai 1877, le Président de la République adresse une lettre par laquelle il manifeste publiquement sa désapprobation envers la politique menée par le président du conseil des ministres. Ce dernier démissionne, et est remplacé par le Duc Albert de Broglie, au moment même où les deux chambres parlementaires sont ajournées jusqu’au 16 juin suivant. Les parlementaires vont contester cette décision qu’ils jugent comme un coup de force de la part du chef de l’ État. Lorsqu’ils sont de nouveau réunis en chambre, les parlementaires votent un ordre du jour, à la chambre des députés, par lequel il est déclaré que « le ministère n’a pas la confiance des représentants de la nation ». Le 25 juin, sur avis conforme du Sénat, le Président de la République décide de dissoudre la chambre des députés. Les élections suivantes, des 14 et 28 octobre 1877, voient triompher nettement les républicains, qui obtiennent trois cent vingt-six sièges. Le ministère de Broglie démissionne donc le 23 novembre, et est remplacé par le gouvernement du général Gaétan de Rocheboüet, dont les principaux membres sont des conservateurs. La chambre des députés vote alors un nouvel ordre du jour le 24 novembre, par lequel elle déclare qu’elle ne peut entrer en rapport avec ce ministère. Mac Mahon se voit contraint de demander à Dufaure de constituer un gouvernement, mais aussi d’adresser un message au parlement dans lequel il signifie désapprouver le comportement de ce dernier, tout en affirmant le désir de revenir à la pratique sincère des lois constitutionnelles. Pendant toute l’année 1878, le président va se soumettre et s’accommoder d’une majorité et d’une politique ne correspondant pas à ses convictions. Au début de l’année 1879, Mac Mahon perd son dernier appui, puisque les républicains obtiennent la majorité au Sénat. Par conséquent, le 30 juin 1879, il démissionne, et les deux chambres parlementaires réunies en assemblée nationale élisent un nouveau président, en la personne de Jules Grévy. Avec l’arrivée de Grévy à la présidence, le régime va rapidement s’orienter vers la voie de la suprématie parlementaire. Le 7 février 1879, Grévy adresse un message aux parlementaires, par lequel il leur promet de ne jamais entrer en lutte avec la volonté nationale, exprimée par ses organes constitutionnels, c’est-à-dire de ne jamais dissoudre la chambre des députés. C’est ce que l’on a appelé la Constitution Grévy, qui désigne de façon coutumière, la manière dont ont fonctionnés les pouvoirs publics institués en 1875. La Constitution Grévy conduira à l’abandon de la forme orléaniste dualiste du pouvoir exécutif et du régime parlementaire, qui implique une double responsabilité politique du gouvernement devant le Président de la République et devant le parlement. Sa disparition ne sera finalement pas un mal, car un tel régime supposait que le chef de l’ État et le parlement soient en accord pour que le conseil des ministres puisse gouverner en toute sérénité.

Cette suppression de la responsabilité politique du gouvernement devant le Président de la République, conduira inévitablement à la mise en retrait du chef de l’ État sur la scène politique. Par ailleurs, la Constitution Grévy conduira à jeter un discrédit sur la procédure de dissolution, souvent considérée comme préjudiciable à la bonne stabilité des institutions politiques. Sous la présidence de Jules Grévy, deux révisions constitutionnelles seront adoptées. Tout d’abord, une révision du 21 juin 1879, « déconstitutionnalisera » la loi du 25 février 1875, qui fixait à Versailles le siège des pouvoirs publics. Ensuite, la révision constitutionnelle du 14 août 1884, déconstitutionnalisera certains articles de la loi du 24 février 1875 (articles 1 à 7 notamment). Une loi ordinaire du 9 décembre 1884, apportera des modifications substantielles concernant la composition du Sénat et de son collège électoral. Désormais, les sénateurs sont au nombre de trois cent, qui sont tous élus au suffrage universel indirect. A ce titre, les conseils municipaux éliront, au sein du collège sénatorial, un nombre de délégués variable, selon le nombre de conseillers municipaux, et d’habitants dans chaque commune.