la quatrième république : régime, date, fonctionnement

La IVe République (1946-1958), un régime instable

La IVe République (1946-1958) :

La Quatrième République est le régime politique adopté par la France entre octobre 1946 et décembre 1958. Lors de la IV ème République, des mesures sont prises pour reconstruire la France détruite par la Guerre et l’Occupation allemande. La IV ème République fait face à la problématique de la décolonisation et doit accorder l’indépendance aux colonies telles que l’Indochine, le Maroc ou la Tunisie. Mais elle échoue devant la difficulté du « problème algérien ». D’autre part, dés 1951, la France commence l’édification de l’Union européenne avec 6 pays voisins. La Quatrième République était minée par les attaques des gaullistes et du Parti communiste français et par l’éparpillement des partis politiques ce qui aboutit à une très forte instabilité gouvernementale.

La Quatrième République est un régime d’assemblée, cela signifie que l’Assemblée nationale investit et renverse les gouvernements. La stabilité des gouvernements dépend donc du soutien des députés.
En l’absence de majorité stable et face à la multiplicité des partis, les gouvernements se succèdent à un rythme effréné : plus de vingt en douze ans. Mendès-France lui-même, dont l’action énergique a pourtant suscité beaucoup d’espoir chez les Français, est renversé en 1955 au bout de sept mois de gouvernance. Après cette crise, il est très difficile pour ses successeurs de former un gouvernement.

Section 1 : l’établissement laborieux du régime :

Une fois la légalité républicaine rétablie par le gouvernement, une question fondamentale va se poser, à savoir, quel devra être le futur système institutionnel et politique de la France. Deux options sont possibles ici : soit l’on estimait que le régime de Vichy n’était qu’un gouvernement de pur fait, et ainsi une parenthèse dans le régime de la IIIe République, et on restaurait donc cette dernière ; soit l’on considérait que la rupture intervenue dans la continuité républicaine était telle qu’il apparaissait nécessaire d’instaurer de nouvelles institutions, et de passer à la IVe République. Un référendum sera alors organisé, comportant deux questions distinctes : voulez-vous que l’assemblée élue à ce jour soit une assemblée constituante ? S’il y a une majorité de « oui » à la première question, approuvez-vous l’organisation provisoire des pouvoirs publics dans le projet qui vous est soumis ? Le « oui » l’emportera massivement, et les élections suivantes verront la victoire de trois grands partis (PCF, SFIO, et parti républicain populaire). Le 21 novembre 1945, une loi constitutionnelle est adoptée, prévoyant la désignation du chef du gouvernement, et la composition de ce dernier, à l’autorisation de l’assemblée, assemblée qui dispose d’un délai de sept mois pour établir la nouvelle Constitution. L’assemblée constituante oublie quelque peu la mission première pour laquelle elle a été élue, entendant purement et simplement gouverner. Par conséquent, cette attitude provoque le départ du Général de Gaulle, qui quitte la présidence du gouvernement, le 26 janvier 1946. Le premier projet de Constitution va voir le jour le 19 avril 1946, il institue un véritable régime d’assemblée, dans lequel l’assemblée concentre la plupart des pouvoirs. Elle désigne son propre président, le Président de la République, ainsi que le président du conseil des ministres. Par ailleurs, cette assemblée dispose de l’intégralité du pouvoir législatif, et elle investit le gouvernement, qui est politiquement responsable devant elle. En contrepartie, le gouvernement peut dissoudre l’assemblée, mais dans une telle hypothèse, il doit lui aussi se retirer, et céder sa place à un gouvernement composé du président de l’assemblée, et des présidents des commissions. Il y a une absence d’intérêt d’un tel mécanisme pour le gouvernement. Le 5 mai 1946, les français rejettent ce texte par référendum (53% environ). De nouvelles élections doivent alors se tenir, et le 2 juin 1946, une nouvelle assemblée constituante est élue. Le MRP devient le premier parti de France, devant la SFIO et le PCF. Son leader, Georges Bidault, se retrouve à la tête du gouvernement, et dans un discours tenu à Bayeux, le 16 juin 1946, De Gaulle va indiquer les grandes orientations que devraient s’efforcer de suivre le nouveau régime politique français. Cependant, le MRP ne suivra pas ces recommandations, et le 13 octobre 1946, le nouveau projet de Constitution est approuvé par référendum (53% environ), puis la Constitution de la IVe République est promulguée le 27 octobre 1946.

Section 2 : les institutions politiques de la IVe République :

  • &1 : le pouvoir législatif :

Il est organisé autour d’un parlement bicaméral, avec l’assemblée nationale, et le conseil de la République. L’assemblée nationale est élue au suffrage universel direct, elle tient une session ordinaire par an, d’une durée minimale de sept mois, et elle peut être convoquée en session extraordinaire par son président, ou bien à la demande de la majorité de ses membres. Le conseil de la République, qui se substitue à l’ancien Sénat, est élu au suffrage universel indirect, par les collectivités territoriales (communes et départements seulement). Le nombre de ses membres est établit par la Constitution entre deux cent cinquante et trois cent vingt, alors que l’assemblée nationale fixe librement le nombre de ses députés. Ici, les pouvoirs du parlement sont très étendus puisqu’il dispose de l’initiative de la loi, qu’il partage avec le conseil des ministres, et dispose aussi de la maîtrise de la procédure législative (= vote et discussion des lois). Le droit d’amendement n’est pas limité par la Constitution, et le domaine de la loi est indéfini et donc infini. Le pouvoir règlementaire est entièrement subordonné à la loi, dans la mesure où il ne peut intervenir en l’absence de loi. Cependant, les deux chambres parlementaires ne sont pas sur un pied d’égalité, l’assemblée nationale étant largement dominante. Conformément à l’article 13 de la Constitution, l’assemblée nationale vote seule les lois, et elle ne peut déléguer ce droit. En cas de désaccord entre les deux chambres sur un projet de loi, l’article 20 donne le dernier mot à l’assemblée nationale, qui peut donc statuer définitivement sur le texte, dans un délai de cent jours, après transmission de ce texte au conseil de la République pour deuxième lecture. L’assemblée nationale dispose également d’une priorité pour l’examen des textes financiers, et son pouvoir d’initiative est plus large que celui du conseil de la République. De même, dans le domaine de la politique extérieure, le président de la République peut obtenir l’autorisation du parlement, pour pouvoir déclarer la guerre à une puissance étrangère. Sur cette question, seule l’assemblée nationale émet un vote, le conseil de la République ne donnant qu’un simple avis en la matière. Enfin, seule l’assemblée nationale vote ou refuse la confiance à tout nouveau gouvernement et peut censurer tout gouvernement en fonction.

  • &2 : le pouvoir exécutif :

Il est représenté par le Président de la République et par le premier ministre. Le Président de la République est élu pour sept ans par les membres des deux chambres parlementaires réunies en Congrès. Il n’est rééligible qu’une seule fois, et est irresponsable sur le plan politique. En ce qui concerne ses prérogatives, le chef de l’ État apparaît nettement défavorisé par rapport au régime de 1875. Il ne prend pratiquement plus part à l’œuvre législative, puisque l’initiative de la loi appartient désormais à l’assemblée nationale et au conseil des ministres. De même, il a pratiquement perdu tout pouvoir de nomination du président du conseil, puisqu’il doit désigner celui-ci après avoir consulté les chambres parlementaires. Enfin, le Président de la République ne peut exercer le droit de grâce qu’en siégeant au conseil supérieur de la magistrature. Pour le reste, le Président de la République conserve certaines prérogatives traditionnelles telles que la nomination de nombreux agents publics, l’accréditation des agents diplomatiques, la signature et la ratification des traités, et la présidence de certaines institutions (conseil des ministres, conseil supérieur de la défense nationale, et conseil supérieur de la magistrature). Le conseil des ministres constitue un véritable gouvernement dominé par le président du conseil. C’est à ce dernier qu’il appartient de constituer son gouvernement, et d’aller le présenter à l’assemblée nationale, devant laquelle il est politiquement responsable. Il expose alors son programme politique qui devra être accepté par les députés, à la majorité simple et au scrutin public ; ce n’est qu’ensuite que le Président de la République signera le décret portant nomination des membres du gouvernement. Les ministres sont doublement dépendants, de l’assemblée nationale et du conseil. La Constitution réserve d’ailleurs au président du conseil, la plupart des fonctions et des attributions gouvernementales au président du conseil. Celui-ci dispose de l’initiative des lois, dont il assure également l’exécution. Il nomme également à tous les emplois civils et militaires, autres que ceux pourvus par le chef de l’ État. Et enfin, il dirige les forces armées, en assurant la coordination de leur action. Après délibération en conseil des ministres, le chef du gouvernement peut également poser la question de confiance à l’assemblée nationale. Sur ce point, les ministres sont collectivement responsables devant l’assemblée nationale, de la politique générale menée par le gouvernement, et ils assument également de manière individuelle, leurs actes personnels. La mise en jeu de la responsabilité gouvernementale peut résulter soit d’une question de confiance posée par le chef du gouvernement, soit d’une motion de censure votée sur l’initiative de l’assemblée nationale. En contrepartie, le conseil des ministres dispose du droit de dissolution de l’assemblée nationale, qu’il décide collectivement. Cependant, cette dissolution ne peut être prononcée que si deux conditions sont réunies : d’une part, elle ne peut intervenir qu’après l’expiration des dix-huit premiers mois d’une législature. D’autre part, cette dissolution ne peut être décidée que si au cours d’une même période de dix-huit mois, deux crises ministérielles surviennent par suite du refus de la question de confiance au gouvernement, ou par suite du vote d’une motion de censure par l’assemblée nationale.

  • &3 : l’union française :

Les articles 60 à 82 de la Constitution organisent l’union française, dont font partie la France, les départements et les territoires d’Outremer, ainsi que les États et territoires associés. Cette union comprend un président qui n’est autre que le Président de la République, et elle est également dirigée par un haut conseil et une assemblée. Le haut conseil est composé de représentants des différentes entités territoriales de l’union, et il a essentiellement des fonctions exécutives qui consistent à assister le gouvernement dans sa tâche. L’assemblée de l’union quant à elle, est composée paritairement de représentants de l’ État et de représentants des territoires d’Outremer, et elle constitue une instance de consultation et d’avis pour les autres organes de l’ État.

Section 3 : les difficultés de fonctionnement de la IVe République :

Le fonctionnement de la IVe République va être rapidement sujet à deux phénomènes nuisibles et insurmontables : l’instabilité gouvernementale, et le dérèglement rapide des institutions politiques.

  • &1 : L’instabilité gouvernementale :

Le gouvernement est une institution fragile sous la IVe République, qui est susceptible de tomber à tout moment. Et la IVe République s’illustrera notamment par la production de nombreuses crises gouvernementales trouvant leur cause profonde dans le rôle joué par les partis politiques, et dans l’influence exercée par les modes de scrutins alors applicables.

A] La production de crises gouvernementales à répétition :

Ici, sous la IVe République, qui ne durera que douze ans, ce ne sont pas moins de vingt-quatre gouvernements qui vont se succéder. La Constitution du 27 octobre 1946 prévoyait qu’une crise ne pouvait se produire que dans deux hypothèses : le refus d’une question de confiance, ou le vote d’une motion de censure par l’assemblée nationale. Or, durant la IVe République, aucune motion de censure ne sera votée dans les conditions requises par la Constitution, c’est-à-dire à la majorité absolue. De même, certains gouvernements seront contraints de démissionner, au motif qu’ils se verront refuser la question de confiance par l’assemblée nationale, à la majorité simple de ses membres. Surtout, la plupart des gouvernements vont démissionner dans trois hypothèses non prévues par la Constitution. Tout d’abord, lorsque le gouvernement ayant posé la question de confiance sur un projet de loi, le texte est rejeté par l’assemblée nationale à la majorité relative. Ensuite, lorsque le gouvernement n’a pas posé dans les formes requises la question de confiance sur un texte de loi, mais qu’il a néanmoins clairement fait entendre à l’assemblée qu’il démissionnerait si le texte proposé venait à être repoussé par le parlement. Enfin, troisième hypothèse, lorsqu’une dislocation ou une rupture importante survient au sein des groupes politiques composant la majorité parlementaire, le gouvernement préfère démissionner avant même d’attendre un vote de censure de l’assemblée nationale.

B] Le rôle des partis politiques :

L’influence des partis politiques sur le phénomène d’instabilité gouvernementale, se mesure essentiellement à deux niveaux. Tout d’abord, la IVe République connaît à ses débuts le tripartisme avec le PCF, la SFIO, et le MRP. Cependant, ce tripartisme va disparaître lorsque le président du conseil de l’époque, Ramadier, le 5 mai 1947, révoque les ministres communistes, coupables selon lui d’avoir manqué à la solidarité gouvernementale. De cette rupture, naîtra la troisième force, regroupant la SFIO, le MRP, les radicaux, et les modérés, face à laquelle se trouvent désormais deux grands partis d’opposition, le PCF, et le RPF, fondé par De Gaulle. Jusqu’en 1958, les gouvernements successifs vont devoir faire face à une double opposition qui se révèlera le plus souvent insurmontable, en les privant de l’appui de la majorité parlementaire. En effet, par le jeu de la coalition, les partis d’opposition vont souvent être en mesure de faire obstacle à l’investiture des gouvernements de la troisième force, ou de mettre en cause leur responsabilité politique. En d’autres termes, les gouvernements en place sont toujours à la merci d’une alliance politique entre les partis d’opposition désireux de les renverser. Ensuite, sous la IVe République, le gouvernement en constitue pas à proprement parler un organe collégial et solidaire ; l’explication réside dans l’attitude des ministres qui se considèrent trop souvent comme des représentants de leurs partis politiques, plutôt que comme des membres d’une équipe gouvernementale. De ce fait, les intérêts divergents au sein des différentes familles politiques l’emportent sur la politique décidée par le gouvernement.

C] L’influence des modes de scrutin :

Les modes de scrutin applicables sous la IVe République ont contribués à accentuer le phénomène d’instabilité gouvernementale. En effet, pour l’élection des députés de l’assemblée nationale, l’application du système de la représentation proportionnelle, ne permet pas de dégager une majorité absolue au profit d’un parti politique. Il s’ensuit alors que le parti vainqueur des élections ne dispose que d’une majorité relative, ce qui a pour conséquence que le gouvernement est sans cesse à la merci d’un vote de censure de la part de l’assemblée nationale. Ainsi, le gouvernement, quelque part dépendant des partis politiques d’opposition, est alors contraint de se lancer dans des alliances ou des coalitions politiques pour le moins incertaines.

  • &2 : le dérèglement institutionnel :

Sa cause profonde réside dans l’attitude du parlement, qui tend à intervenir dans le champ d’action du gouvernement, tout en renonçant parallèlement à assumer son rôle législatif. Bien qu’elle ne gouverne pas à sa place, l’assemblée nationale empêche le gouvernement d’agir, et de mettre en œuvre sa politique, en engageant régulièrement sa responsabilité. En outre, comme sous la IIIe République, le parlement se décharge sur le gouvernement du soin de prendre les mesures législatives impopulaires, par le jeu de la procédure des lois d’habilitation, prévue par l’article 13 de la Constitution. Egalement, le mode de scrutin à la proportionnelle ne permet pas au peuple d’imposer sa volonté, puisque d’une certaine façon, les majorités qui se forment à l’assemblée nationale, résultent le plus souvent d’alliances ou de coalitions politiques. Il en résulte ici une coupure ou une rupture, entre la classe politique et la nation. Ces dysfonctionnements du système institutionnel et politique français, se prolongeront jusqu’en mai 1958, dans un contexte d’autant plus difficile que la situation en Algérie se détériore peu à peu. Le 13 mai 1958, un mouvement insurrectionnel éclate, et le jour suivant, un nouveau gouvernement est formé. Cependant, le 29 mai 1958, le Président de la République René Coty, adresse un message au parlement, dans lequel il lui demande d’investir le Général de Gaulle dans les fonctions de président du conseil, sous peine de démissionner. Le dimanche 1er juin, De Gaulle est investi, et le lendemain, un vote du parlement lui confère les pleins pouvoirs pour une durée de six mois. Le 3 juin 1958, la IVe République est virtuellement morte, avec le vote d’une loi constitutionnelle confiant au gouvernement le pouvoir de réviser la Constitution. C’est sur la base de cette loi constitutionnelle que sera élaborée le projet de Constitution de la Ve République.